Le survival-horror moderne, sans peur et avec beaucoup de reproches...
Beaucoup attendaient, moi le premier, avec ce The Evil Within, le retour d’un genre aujourd’hui plus ou moins moribond : le survival-horror. Certes, des titres comme Outlast ou Amnesia y ont récemment apporté quelques alternatives crédibles, mais le survival-horror « vieille-école » initié par les Alone in the Dark et autres Resident Evil, ne semble plus vivre à présent que dans les mémoires de fans nostalgiques. Et une partie de l’espoir de ces derniers reposait sur maître Shinji Mikami qui fut l’un des pionniers du genre, mais aussi paradoxalement, l’un de ses destructeurs en en redéfinissant les codes via un certain Resident Evil 4, pourtant si culte chez une majorité de joueurs. Par les temps qui courent, où les jeux d’actions font plus que jamais recette auprès du plus grand nombre, pouvait-on vraiment espérer le retour de ce type de jeu d’horreur qui me manque depuis si longtemps ?
Après avoir lu çà et là toutes sortes d’avis enthousiastes, vantant le retour du vrai survival-horror, j’avoue que je suis parti plutôt confiant, sentiment renforcé par l’efficacité du début du périple. On y incarne le chétif (j’y reviendrai) Sebastian Castellanos, inspecteur de police, envoyé avec deux de ses collègues enquêter sur un massacre dans un hôpital psychiatrique, perpétré par une sorte d’Altaïr version horreur. Commence alors un long voyage où l’on sera régulièrement téléporté d’un endroit à un autre sans trop comprendre pourquoi, le scénario ne dévoilant vraiment ses mystères qu’assez tard. Et si son concept est plutôt intéressant, il peine à tenir en haleine tout du long, oubliant de s’intéresser à ses personnages, et victime d’une narration un peu trop diluée.
On découvre pourtant avec enthousiasme trois premiers chapitres très axés infiltration, le personnage n’ayant au début qu’assez peu de ressources, qui fonctionnent parfaitement avec une ambiance horrifique forte, intrigante et peu ragoûtante, véritable point fort du titre. Contrairement à un Resident Evil 4 dont ce Evil Within semble clairement être la suite spirituelle, la possibilité de s’infiltrer permet vraiment de ressentir une certaine pression, de favoriser l’exploration, et la révision à la baisse du nombre d’ennemis permet de rendre nos rencontres avec ceux-ci plus évènementielles, et par conséquent plus stressantes… Mais les premiers temps seulement. Car ces sensations sont rapidement éclipsées par les mêmes travers qui polluent malheureusement bien trop souvent les survival-horrors modernes.
Alors, oui. Le jeu gagne en rythme. On commence à acquérir de nouvelles armes plus destructrices, on enchaine les scènes chocs et les affrontements contre de gigantesques boss aux designs tous plus réussis les uns que les autres et multipliant les clins d’œil au cinéma d’horreur comme le faisait en son temps Resident Evil 4, comme l’ont tenté ses suites (avec plus ou moins de brio, c’est selon), ou nombres de ses clones. Et c’est bien là que se situe, à mon sens le problème.
Peut-être suis-je un peu réducteur ou représentatif d’une minorité de joueurs, mais l’une des premières choses que j’attende d’un « survival-horror », est tout simplement qu’il me fasse peur. J’attends du genre qu’il parvienne à me faire avancer la peur au ventre, me mette mal à l’aise, qu’il me fasse retrouver la sensation d’être tout simplement terrifié à l’idée de traverser une zone sans savoir ce qui va me tomber dessus, au point que je vais passer cinq minutes à me préparer psychologiquement avant de trouver la force de poursuivre. Je sais que la notion de peur est purement subjective et que nous ne sommes pas tous sensibles aux mêmes choses. Mais je reste persuadé qu’une des meilleures façons de vraiment effrayer le joueur est de le surprendre. Et je ne parle pas ici de faire abus des sempiternels jump-scares qui peuvent faire illusion un temps, mais ne pas prétendre à mieux que de ponctuels moments d’éclats. Il faut aussi savoir le déstabiliser, le distraire pour mieux le prendre à contre-pied comme le faisaient les vieux Resident Evil, ou l’emprisonner dans un univers où règne un malaise psychologique dont le joueur ne peut en aucun cas sortir comme dans un Silent Hill. Et j’avoue avoir un petit peu de mal à concevoir comment installer ce genre de sensations dans un jeu d’action pur.
On a beau, dans ce Evil Within, évoluer dans une ambiance glauque et intrigante et enchainer les affrontements contre des immondices, c’est un sentiment de constante sécurité qui nous anime, vu que l’on sait qu’à chaque nouveau lieu, on fera forcément une mauvaise rencontre. Et inévitablement, à force d’en faire, on s’habitue, et ça ne nous fait plus rien. Ces incessantes rencontres n’ont pas le côté événementiel qui faisait tout leur sel dans d’autres jeux du genre ce qui nuit à leur impact
Mais je n’oublie pas non plus qu’au-delà de son statut de « survival-horror », The Evil Within est aussi un jeu d’action et qu’il mérite aussi d’être jugé en tant que tel. Malheureusement, même là j’ai du mal. Mais j’admets avoir toujours peiné à accroché à ce type de TPS qui se veulent très rythmés, mais proposant un gameplay, à mon sens totalement inadapté aux situations proposées. Très proche des derniers Resident Evil pourtant aujourd’hui souvent décriés sur ce point, Sebastian Castellanos est ultra rigide et victime de tout un tas d’incohérences de gameplay qui m’ont complètement fait sortir du jeu. Si on peut facilement se faire à la caméra trop rapprochée ou aux bandes noires type cinémascope plus inutiles que vraiment gênantes, je ne pourrai jamais comprendre comment un soi-disant policier peut viser aussi mal même sous la pression, ou encore pourquoi il préfère se battre à mains nues au corps à corps alors qu’il dispose d’un couteau pour anéantir les mêmes adversaires d’un seul coup en mode furtif. Mais le plus incroyable reste le fait que Sebastian ne soit pas capable de sprinter plus de 3 et quelques secondes et préfère mettre presque autant de temps à reprendre son souffle et ainsi risquer une décapitation prématurée plutôt que de se risquer à quelques efforts de plus. C’est purement et simplement ridicule, et ce n’est pas le système d’évolution, quoique sympathique, qui viendra changer cette constatation. Certains voient là des qualités qui ajoutent du challenge et un côté flippant. Et si je peux éventuellement comprendre le premier argument, je ne fais pas partie des gens qui estiment que la peur ne se définit qu’à travers un personnage nécessairement faible, et par conséquent à la jouabilité capricieuse, ou dépourvu de ressources. Ça peut jouer si c’est bien fait, mais le concept doit être pensé pour, et ne pas intégralement reposer là-dessus. On pourra également pester contre les pièges dans lesquels les monstres ne tombent qu’aléatoirement ou qu’on déclenche très souvent accidentellement, en cherchant sans succès l’action contextuelle qui nous aurait permis de les désamorcer.
Je terminerai sur la réalisation, pour ma part assez correcte sur PS4, même s’il ne s’agit évidemment pas d’une claque next gen. Malgré des textures pas très propres et un frame-rate inconstant, j’avoue avoir dans l’ensemble apprécié les décors plutôt détaillés et inspirés, le design général du bestiaire et le filtre façon Silent Hill masque efficacement certaines carences techniques et donne un cachet visuel supplémentaire à l’ambiance. Je regretterai en revanche le chara design des personnages principaux, certes bien modélisés, mais assez quelconques.
Vous l’aurez compris, The Evil Within constitue une vraie déception en ce qui me concerne, passés les premiers chapitres du jeu. Au-delà de de son gameplay TPS bancal, pas nécessairement beaucoup plus évolué que celui des derniers Resident Evil, on est surtout très loin d’être devant le retour du « vrai » survival-horror, comme j’ai pu le lire un peu partout. Je n’ai aucun doute que le titre plaira aux fans de jeux d’action horrifique, mais il n’y a ici rien de comparable en terme d’expérience flippante aux grands survival-horrors de l’époque PSone/PS2, ou de la récente démo de Silent Hill P.T.