Dès le lancement de The Graveyard, on se retrouve derrière une vieille dame, à l’entrée d’un cimetière. Délicatement des lettres apparaissent, “Tale of tales présente” puis “The Graveyard”.
Comme dans l’introduction d’Half-Life, on se rend compte que l’on a déjà le contrôle du personnage.
Instant immersion.
Comme on joue une vieille dame, on avance lentement. Et les contrôles sont dépouillés. On avance on recule (comment veux-tu...) et on tourne sur soi. Mais pas trop vite. Même très lentement.
Je décide d’explorer et tourne dans la première allée à droite. Lentement.
La caméra recule. (Comment veux-tu...). Je pense à un plan large. Un truc à la Kubrick.
La camera retourne à sa position initiale, à l’entrée du cimetière (n’imaginez pas un travelling arrière de fou, j’avais fait 3 mètres avant de tourner).
Ainsi, je ne vois plus ma mamie qui se retrouve cachée par le mur.
Diantre.
Il faut donc que je revienne en arrière. Sans voir mon personnage. Hardcore.
Après une minute de bataille, je retrouve ma mamie.
J’hésite quelques instants à tenter l’allée de gauche, mais mon sixième sens me dit que c’est peine perdue.
Je me lance donc à l’aventure dans l’allée centrale. Toujours lentement. Très lentement.
Les secondes deviennent des minutes rythmées par la claudication de ma mamie.
Au loin, j’aperçois un bâtiment auquel un banc est adossé.
J’avance. Toujours lentement.
J’arrive devant le banc. Je me cogne contre. L’animation “saute” un peu alors que je m’acharne à avancer. Je cherche s’il y a une touche pour s’asseoir. Je ne trouve pas.
Je me décide à faire demi-tour. Je relâche le clavier et laisse la magie opérer.
Mamie s’assoit.
Une guitare légère et lancinante égrène des notes. Une chanson s’élève.
Le plan reste fixe. Le visage de Mamie apparait en filigrane au premier plan.
La musique continue.
Continue.
Continue.
La tête de mamie tombe en avant. Sa canne tombe au sol. Elle ne bouge plus.
La chanson se termine.
Mamie est morte.
Après deux minutes de plan fixe sur mamie morte sur son banc, je me décide à tripoter le clavier. Rien. Aucune touche ne réagit.
Après quelques instants, j’abandonne et me résous à couper le jeu d’un Alt+F4 tranchant.
Je découvrirais plus tard que j’ai eu de la chance de découvrir cette fin du premier coup.
La fin la plus commune étant que mamie ne meurt pas. On peut la faire se relever de son banc et lui faire prendre le chemin dans le sens inverse - tout aussi lentement - jusqu’à la sortie du cimetière et ainsi quitter le je.. truc.
Alors que dire ?
Tales of Tale a eu la bonne idée de préciser que ce n’était pas un jeu mais plutôt un instantané pictural, une promenade dans un tableau exprimant une fin de vie.
Ainsi, le débat (ridicule) “est-ce un jeu ?” n’a pas eu lieu.
Et beaucoup de gens ont parlé d’art.
Art parce que c’est inutile, art parce que cela véhicule des émotions...
Si je fouille un peu, je suis presque sûr de trouver un illmuminé expliquant que le Alt+F4 quand elle meurt est volontaire car il est tel le couperet de la Mort. Inéluctable, définitif.
Sauf que bon, si on relance le j… truc, on retrouve Mamie morte sur son banc et un bouton en bas de l’écran pour retourner au début.
Prouvant ainsi que le contrôle qualité chez Tales of Tale est aussi un art…
D’ailleurs en parlant d’art, si on réfléchit deux secondes, manger du caca de lapin est aussi un acte inutile provoquant des émotions, mais j’ai du mal à y voir de l’art. Et Graveyard n’en est pas plus.
La seule émotion que j’ai ressentie a été l’ennui. L’impossibilité de visiter le cimetière annihile l’immersion. La lenteur du personnage censé mettre dans un état léthargique provoque 10 fois moins d’émotions que la lenteur du personnage de Dead Space.
D’ailleurs, des dizaines de vrais jeux vidéo (avec un gameplay donc) provoquent des émotions plus riches et plus complexes que celles que peuvent provoquer Graveyard.
Quant à la réflexion sur la vie et la mort, c’est un pis-aller. La plupart des médias artistiques permettent des choses cent fois plus intéressantes.
Mieux - ou pire, se promener dans un vrai cimetière est plus parlant, provoque plus d’émotions et mène plus à la contemplation.
Le jeu vidéo est fait pour s’évader (et je parle ici du média, sans référence à l’aspect ludique). L’utiliser pour faire des trucs qui provoquent moins de sensations que quelque chose que tout le monde peut faire In Real Life est contre-productif, voire même un non-sens. C’est exactement ce que ne doit pas être un jeu vidéo.
En vérité, The Graveyard n’est pas un jeu, ni une oeuvre d’art. Consciemment ou inconsciemment, Tales of Tale (qui vend en plus son truc à 5 dollars) a simplement créé un gros troll vaguement interactif.