Vous voyez les jeux où quand on appuie sur un bouton, un bouton habilement placé (au hasard une croix qui vous fait sauter) et que votre avatar obéit immédiatement? C'est le genre de jeu où l'ergonomie des touches est parfaitement pensé et les interactions limpides. Parfois, dans le meilleur des cas, un game design habilement dissimulé vous permet de ne jamais être perdu et de comprendre rapidement où vous rendre pour résoudre telle énigme ou pour poursuivre tel parcours. Les caméras y sont fluides, la physique parfaite. (Et si le jeu coche toutes les cases, il y a des chances qu'il soit développé chez Nintendo).


The Last Guardian n'est pas ce type de jeu. C'est plutôt le genre à vous rendre la progression inexplicablement douloureuse, la faute à un gameplay absolument absurde. Commençons par le commencement : Trico est absolument infâme à manier. Alors il n'y a rien à dire : ses animations sont plus vraies que nature et l'équipe à dû faire travailler une horde de développeurs rien que pour le rendu des lumières et du vent sur chacune de ses plumes. Le problème, c'est qu'il ne bouge pas - ou qu'il va précisément à l'opposé d'où vous lui demandez d'aller.


La caméra, ensuite. Aussi loin que je puisse remonter dans mes souvenirs, je n'arrive pas à me rappeler de caméras aussi attirée par les angles morts qu'au bon vieux temps de la Nintendo 64. La faute (souvent, mais pas tout le temps) à un Trico qui crève l'écran. Littéralement, j'entends : contrôler une bestiole énorme dans des couloirs étroits rend souvent la navigation éreintante. Ajoutez à ça le fait qu'il aille souvent où il veut (et le plus souvent nulle part) et vous commencerez à passer un mauvais moment.


Les contrôle de l'avatar, enfin : il est rare de voir un jeu refuser avec autant d'obstination les règles les plus élémentaires du gameplay sans aucune raison. Vous qui pensiez qu'il fallait sauter avec Croix, malheureux : c'est évidement triangle, c'est connu. Se baisser : mais rien de plus simple enfin, c'est Croix, bien sûr que non ce n'est pas Rond! Alors à quoi sert rond me direz vous? C'est la touche d'interaction, ça va de soi! Quant à carré, non là, vous aviez bon depuis le début, c'est bien la touche d'attaque. Quitte à briser les codes, autant le faire qu'à moitié.


Je donne sûrement l'impression de pinailler, mais ce gameplay contre-intuitif, cumulé à la caméra chaotique et à aux mouvements aléatoires de Trico, ajoutera à la saveur de votre ennui quand vous recommencerez plusieurs fois les actions les plus simples parce que vous pressez systématiquement le mauvais bouton. Enfin, dernier défaut majeur (et on passera sur la framerate ou sur une foule d'autres détails), votre avatar a été beaucoup - mais alors beaucoup - trop animé. À chaque action résulte une série de mouvements (parfois absurdement longs) pensés dans un seul but esthétique mais qui font sérieusement pâtir la fluidité du gameplay. Et comme vous vous trompez de touches une fois sur deux, vous vous retrouvez rapidement à regarder votre personnage faire n'importe quoi (lorsque vous ne le jetez pas dans le vide).


Le jeu devient donc long et éreintant, mais pour de mauvaises raisons. Vous aurez probablement trouvé la solution de l'énigme depuis plusieurs minutes déjà que vous serez toujours en train d'essayer de contrôler votre personnage pour effectuer des actions simples (jeter des caisses devrait être une évidence, le jeu le transforme en calvaire).


Si je parle autant du gameplay et si peu de la narration ou de l'esthétique c'est qu'au fond, tout ce qu'il y avait à dire à déjà été dit : c'est incroyablement beau, on a l'impression de naviguer dans un Miyazaki, l'animation de Trico est parfaite, les décors extérieurs oniriques (dommage d'ailleurs que l'aventure se déroule autant en intérieur, les décors des temples, un peu ternes, en viennent rapidement à se ressembler) et la relation entre les deux protagonistes aussi touchante que promise. Mais si la narration est impeccable, le gameplay rend le tout confus et frustrant, et empêche souvent l'immersion. C'est d'autant plus dommage que le jeu lance de vraies pistes de réflexion sur la façon qu'ont les jeux vidéo de raconter des histoires, et propose des éléments de gameplay innovants (le contrôle en temps réel de deux personnages complémentaires).


Mais si le défi technique incroyable (et, au regard du résultat, bien trop ambitieux) qu'a constitué le jeu est à l'origine de certains des défauts les plus criants, d'autres, au premier rang duquel les fondamentaux du gameplay, restent absolument inexplicables.

Zbeubizbeub
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le 12 août 2018

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Zbeubizbeub

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