Telle une fable, la carrière d'Hironobu Sakaguchi a tout du mystère entretenu avec grâce et talent. Comme un haïku délivrant ses plus beaux vers, le poète japonais a, en 1987, tenté sa dernière chance avec son ultime fantaisie. Visionnaire, l'homme à la moustache a sorti Squaresoft de la crise et la saga est devenue l'un des porte-étendards du jeu de rôle au Japon, en compagnie de l'indéboulonnable Dragon Quest d'Enix. La suite n'a été que succès et le créateur nippon a donné une partie de sa vie à sa société fétiche et aux joueurs, avant de la quitter en 2001. Après un break de deux ans et l'épisode cinématographique "Final Fantasy et les Fantômes de l'Esprit", c'est par le biais de Mistwalker, sa nouvelle société, que Sakaguchi s'est relancé dans le secteur vidéoludique avec des jeux comme Blue Dragon, Lost Odyssey, Away ou encore Ash. À chacune de ses créations, les joueurs sont aussi impatients qu'à l'époque, et ce n'est pas The Last Story qui va nous faire dire le contraire.

Clin d'œil évident à Final Fantasy, ce jeu de rôle sur Wii a été chapeauté par de grands noms du jeu vidéo, à commencer par Kimihiko Fujisaka (character designer talentueux, à qui on doit les personnages de World Destruction ou encore des deux Drakengard) et Nobuo Uematsu qu'on ne présente plus. Avec un tel trio, The Last Story s'annonçait sous les meilleurs auspices et transportait, avec lui, l'espoir d'innombrables fans de RPGs japonais, terriblement déçus par les productions de ces dernières années. Alors, The Last Story symbolise-t-il le chant du cygne ou le début d'une longue idylle ? La réponse dans les lignes qui suivent...

Dès le lancement de la galette, l'œuvre de Mistwalker se veut épurée. Le joueur est accueilli par un écran-titre blanc bercé par un thème au violon d'une légèreté absolue. Le jeu ne s'encombre pas d'innombrables menus et va à l'essentiel. Première surprise, le personnage principal se prénomme Elza, et rappelle la consonance féminine du héros de Grandia : Justine. Il s'agit pourtant d'un jeune homme, membre d'un groupe de mercenaires qui souhaitent se préserver du joug d'un comte despotique. C'est ainsi que, de mission en mission, la petite troupe poursuit son bonhomme de chemin, chacun essayant de braver le destin. Très vite, Elza va s'amouracher de la princesse Kanan, une femme qui ne rêve que de liberté, elle qui a vécu enfermée et promise à un homme pour qui son cœur ne bat pas. The Last Story prend le temps de développer chaque protagoniste, insiste sur des moments simples et prône la délicatesse, à la fois dans le choix des lieux, des couleurs et des personnages, mais aussi dans la mise en scène, faite de magie et de secrets. Et ce, malgré l'aspect monstrueux du peuple Gurug, l'ennemi que l'on affronte tout au long de l'aventure. La dernière œuvre de Sakaguchi ne fait pas dans la fioriture mais reste magique et délicieuse à suivre. Si vous vous attendez à du spectaculaire à outrance, vous pouvez d'ores et déjà passer votre chemin. Mais il serait dommage de passer à côté de ces personnages hauts en couleurs, tous dotés de caractères bien définis. Kanan ne ferait pas de mal à une mouche et rappelle par certains côtés Fina dans Skies of Arcadia. Elza, quant à lui, est l'archétype du héros japonais qui sauve tout le monde, épaulé par le leader du groupe et son ami d'enfance, Quark. Niveau formes et volupté, The Last Story n'est pas en reste et propose de très jolies demoiselles, capables d'émoustiller bien des sens. C'est notamment le cas de Seiren, qui n'hésite pas à rentrer dans le lard de quiconque l'importune et ne dit pas non à une bonne rasade d'alcool. Tout le contraire de Manamia qui, elle, reste très mystérieuse. Toutes ces personnalités donnent lieu à des séquences agréables et parfois très drôles. Votre serviteur a notamment essayé de rentrer dans la salle de bain de Seiren pendant que cette dernière prenait sa douche... et le doublage qui a suivi valait son pesant de cacahuètes.

Qui dit jeu de rôle dit forcément phases de combat, et à ce petit jeu, la production de Mistwalker est un régal. Bien souvent, les RPGs japonais ont tendance à exagérer le syndrome du level-up (ou levelling) et il arrive fréquemment qu'on en soit lassé. Là, pour le coup, c'est juste impossible de se faire gagner par la monotonie. Rarement les combats d'un RPG ont été aussi jouissifs. Pour vous donner un ordre d'idées, c'est comme si les équipes nippones avaient mixé Final Fantasy XII et Gears of War ! Le mélange paraît improbable et pourtant... Votre protagoniste principal, Elza, est constamment vu de dos et il suffit de se déplacer en face d'un ennemi afin que le coup soit porté. Il s'agit de combats en semi temps réel, et vous pouvez donc à tout moment vous déplacer où bon vous semble, en esquivant les attaques ennemies. Les autres membres de l'équipe agissent seuls et attaquent ou lancent une attaque magique selon leur bon vouloir. Et c'est bien plus stratégique qu'on peut le penser...

Chaque ennemi (ou boss) que vous rencontrez a des points faibles qu'il est indispensable de viser pour en venir à bout. Durant le combat, vous pouvez à tout moment faire un zoom sur la zone en question pour avoir de plus amples détails. Vous pouvez également écouter les conseils que vous donnent vos partenaires. Ce n'est qu'à partir de là que vous pouvez mettre en place votre plan d'attaque. Et en terme de possibilité, The Last Story est un modèle du genre. Tout d'abord, vos coéquipiers évoluent selon leur plein gré et lancent des attaques magiques (ou de soin) . En restant appuyé sur A, la focale se positionne en hauteur et vous avez alors un plan assez important de la zone de combat. Grâce à un "cercle d'interaction" prévu à cet effet, vous effectuez des combinaisons avec vos attaques et celles de vos partenaires. L'astuce consiste à faire en sorte que le cercle touche à la fois l'ennemi et l'attaque magique de vos coéquipiers. L'autre point vital du jeu, c'est la présence de différentes techniques visant à surprendre l'ennemi. Le bouton C matérialise la fonction "Gathering" et agit comme un véritable aimant vis-à-vis des ennemis qui sont alors attirés vers vous. C'est un peu la technique qu'on retrouve dans les MMO. Elle permet également d'immobiliser durant un court laps de temps les Gurugs ou de sauver un mercenaire mal en point. Là où The Last Story fait fort, c'est en allant lorgner du côté de titres comme Gears of War ou encore Uncharted 2 avec le principe de couverture. Vous pouvez à tout moment vous plaquer à un mur ou vous cacher derrière un élément du décor pour éviter les attaques ennemies. Là où ça devient intéressant, c'est que le coup est décuplé si vous parvenez à surprendre un adversaire qui se rapproche de votre planque. Les attaques par surprise sont radicales et bien utilisées, elles peuvent être d'une aide certaine. Pour terminer avec le chapitre des combats, sachez qu'il est possible à tout moment de passer en vue subjective pour tirer sur l'ennemi. Cette technique est également utilisé dans les phases d'exploration, lorsqu'il s'agit de chercher un élément précis de l'environnement. Ces techniques s'étoffent au fil de l'aventure, chacun de vos personnages gagnant de l'expérience. On retrouve le sempiternel inventaire avec les armes, armures et différentes protections. À vous d'upgrader le tout et d'équiper au mieux les personnages. Ce n'est pas un problème en soi, le menu (accessible via la touche - ) est très clair et l'interface est bien pensée.

Chose rare, The Last Story n'est absolument pas un jeu difficile. Certes, certains boss peuvent vous causer quelques soucis mais il suffit bien souvent d'analyser la situation pour en venir à bout. C'est le cas de l'araignée dans les premières heures qui n'hésite pas à saucissonner vos compagnons avant de les engloutir. Il faut absolument les délivrer sous peine de se retrouver seul face à ce terrible adversaire, et elle ne fera qu'une bouchée (c'est le cas de le dire) de vous. Dans l'épave, il faut jouer de malice pour venir à bout du boss très original, qui apparaît sous forme de reflet dans le miroir. Chaque boss à sa technique et c'est un véritable régal de se frotter à de tels individus (ou créatures), d'autant plus que le système de sauvegarde s'avère suffisamment souple pour éviter toute hystérie.

Maintenant, il faut avouer que la galette n'est pas exempte de défauts. Tout d'abord, sachez que la trame principale se boucle en une vingtaine d'heures et que la seule façon de faire du levelling est d'utiliser des cercles rouges servant de socles d'invocation. Si la ville de Ruli est assez grande et bourrée de charme, elle n'efface pas pour autant les nombreux couloirs que contient le jeu. On est très loin d'un Final Fantasy XIII mais le tout reste, somme toute, assez linéaire. RPG oblige, les quêtes répondent à l'appel, mais là encore, elles ne font absolument pas preuve d'originalité. Mais les personnages sont si attachants qu'on accepte aisément ce petit surplus de durée de vie. Les amateurs de joute online apprécieront le mode en ligne qui propose de se battre en équipe ou en solo (contre d'autres joueurs) ou de créer une équipe pour affronter les boss du jeu. Nous avons d'ailleurs appris que Sakaguchi s'y rend régulièrement en l'annonçant au préalable sur son twitter. Sympa !

En ce qui concerne la réalisation, les graphismes valent surtout pour la qualité de la modélisation des protagonistes. Les textures sont parfois assez moyennes mais l'univers est si immersif qu'on a bien du mal à lâcher la manette. Le charme artistique de The Last Story est indéniable et fait oublier une technique qui oscille entre le bon et le moins bon. Les thèmes musicaux, même s'ils sont agréables, sont moins inspirés que ceux de Lost Odyssey. Le thème principal est sublime mais les mélodies ne surprennent pas. Un peu dommage quand on connait tout le talent du génial compositeur. Les doublages, en revanche, sont sublimes. Pour son scénario simple mais efficace, son charme immédiat et son système de combat fabuleux, The Last Story est probablement l'un des meilleurs jeux de la Wii. Avec Xenoblade (différent dans la conception et l'ambiance), il s'agit d'un titre immanquable. Rien que pour son système de combat et ses personnages, ce jeu est une excellente surprise. On sent que Hironobu Sakaguchi s'est fait plaisir, et c'est justement ce qu'on retient de The Last Story. Si c'était court, le jeu est parvenu à apposer son empreinte et c'est déjà, en soit, une belle réussite.

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le 6 mai 2011

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