The Legend of Zelda Wind Waker fait partie des plus gros titres de la Gamecube, semble se distinguer du reste de sa saga, adopte un style visuel propre à bien vieillir mais pourtant j’étais assez réticent à l’idée de m’y lancer de par son design cartoon qui pour moi n’allait pas vraiment avec le fait de vivre une grande aventure comme j’ai pu en vivre avec mon Zelda préféré qu’est Majora’s Mask, pour ne citer que lui. Mais la réputation du titre est telle que je ne peux rester sur un a priori et me voici donc à voguer sur les flots vent dans le dos et par-delà les eaux (un peu forcé comme rimes mais on fera avec). La critique étant longue, je vous propose d’écouter ce mix orchestral de thèmes pendant la lecture.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : 8 / 10
Le style graphique qui m’avait inquiété a finalement réussi à me charmer un minimum, sa dimension très épuré fait qu’il vieillit très bien, même s’il n’est pas miraculeux à cause de textures étirées ou d’effets d’escalier assez prononcés, notamment sur les ombres. L’eau est par contre assez simpliste visuellement, surtout en comparaison d’un Super Mario Sunshine sorti la même année, tant elle est présente mais à l’opposé j’ai été bluffé par le rendu des flammes bien plus travaillées avec ce mélange dynamique de couleurs plus ou moins vives. Ces couleurs vives et chatoyantes dans leur ensemble marquent une ambiance visuelle très différente d’Ocarina ou de Majora et c’est pour le mieux, même si les premières démos techniques annonçaient un style plus réaliste, je suis plutôt satisfait de ce choix finalement qui a ses forces et prend d’autant plus sens avec le temps.
En revanche, le chara-design a ses hauts et ses bas, on a par exemple ce que j’appellerai un premier design en 3D qui ressemble à quelque-chose pour une fée, ce qui est assez notable d’autant que j’adore leur thème, par contre l’amulette du héros bien pratique en jeu donne vraiment une sale tronche à notre pauvre Link jusque dans les cinématiques, assez mitigé donc. Si aujourd’hui l’ensemble n’a rien d’un exploit technique, proposer un monde ouvert en 2002 c’était un sacré challenge et il a été particulièrement bien relevé ici. Un détail qui le prouve bien c’est qu’il n’y a pas de temps de chargement entre la mer et une île, même la plus grande et la plus habitée du jeu.
On navigue, on perçoit une île au loin, on s’en approche au fur et à mesure, on accoste où l’on veut et on retourne au bateau quand on le veut sans être interrompu par un temps de chargement. Ça ne vaut pas pour les intérieurs des bâtiments, des cavernes, entre les salles de donjons... mais c’est tout à fait normal pour l’époque je ne le reproche en aucune façon. Par contre, il y autre chose que je pourrais reprocher pour le coup : le jeu n’arrive pas à une fluidité optimale. On pourrait croire qu’il est de bon ton de ramer quand on est sur l’eau mais le framerate qui chute d’un coup quand on pilonne depuis Lion Rouge c’est vraiment pas terrible, pas plus que quand on donne un coup circulaire sur plein d’ennemis qui nous encerclent.
La distance d’affichage est tout à fait correcte, on peut prendre le contrôle d’un goéland pour repérer les lieux par les airs et même en s’éloignant tout reste affiché à son niveau de détail sans que des textures apparaissent ou disparaissent à la volée. C’est tout de même perfectible, une île encerclée par de hautes flammes ne sera qu’une île normale visuellement jusqu’à s’en approcher suffisamment pour que d’un coup les flammes apparaissent alors qu’elle aurait dû paraître telle une torche dont les flammes gagnent progressivement en détails, c’est dommage mais c’était vraiment difficile d’aller au-delà à l’époque donc je l’excuse pour cette version, quant à la version HD...
Le cycle jour / nuit en continu et la météo dynamique avec brouillard, pluie, tonnerre... renforcent efficacement l’immersion en plus d’offrir de très jolis plans. Une nuit silencieuse tombée depuis un moment commence à user mais là une petite musique aussi agréable qu’emblématique commence, le soleil se lève à l’horizon, des goélands se mettent à nous survoler... il y a pas à dire le sentiment de vivre une aventure est bien là jusque dans les petits moments anodins d’apparence comme celui-ci et sur ce point-là le monde ouvert maritime de Wind Waker est très réussi, c’est peut-être un peu moins vrai sur le plan du gameplay.
GAMEPLAY / CONTENU : 7 / 10
Le maniement est largement repris des opus N64 pour être amélioré et enrichi, il y a notamment un système d’esquive inédit mais pas évident à prendre en main, c’est la même touche pour faire l’esquive ou un bond selon si l’on est en mouvement et c’est un coup à prendre pour ne pas faire le second au lieu du premier. C’est plutôt pas mal, ça dynamise les combats et ce n’est qu’au bout d’un moment que les ennemis forcent à l’utiliser pour une difficulté progressive. J’ai retrouvé ce sentiment d’une formule reprise et améliorée avec certaines idées de donjons qui sont reprises des épisodes 3D de la N64 mais qui sont cette fois-ci intelligemment revisités comme la lumière à réfléchir en combinaison d’un autre personnage avec qui on fait équipe.
Malheureusement, des problèmes propres à cette formule demeurent. La contextualisation des commandes est assez perfectible, par exemple la touche A sert à la fois à faire une roulade et se plaquer contre un mur selon la situation et si on arrive à un endroit où l’on peut se plaquer mais qu’on appuie alors que la contextualisation n’est pas encore apparu alors on fait une roulade et on tombe comme une pierre. Quand on sort d’une échelle, si on a bougé la caméra entre temps pour observer l’horizon Link va prendre une direction inattendue et va pouvoir là encore tomber comme une pierre... C’est le genre de petites rigidités et imprécisions qu’il aurait été bon de gommer vu qu’on en est au troisième épisode de la saga en 3D et qu’on a changé de génération entre temps.
Le monde ouvert est à parcourir en toute liberté très rapidement dans l’aventure et il y a eu pas mal d’efforts pour que les allers-retours ne soient pas trop redondants avec des mini-jeux pour collecter des rubis, des ennemis croisés à vaincre et pas toujours de la même manière, des trésors plus ou moins importants à collecter en se repérant au son une fois proche d’eux... mais les affrontements sur le navire, Lion Rouge, sont trop peu dynamiques. On se contente de s’arrêter et de pilonner et comme se faire toucher dans la version Gamecube signifie se retrouver expulser du navire les ennemis tirent à côté très souvent pour des combats à la fois mous et frustrants.
À côté de ça, je suis assez vite arrivé à 5.000 rubis en poche sans avoir spécialement chercher à en farmer ni en avoir quelque chose d’utile à faire, le jeu propose beaucoup de contenu mais ne motive plus suffisamment à le jouer une fois arrivé aux deux tiers du jeu pour moi. C’est assez frustrant car le jeu va par exemple demander d’accomplir un certain nombre de quêtes annexes dont on ne peut savoir si elles offrent rubis ou amélioration. Par conséquent, j’en ai fait pas mal pour « rien » auxquelles il faut ajouter celles que j’ai fait deux fois par erreur car l’ergonomie de la carte ne montre pas ce qui a déjà été fait et ne montre pas tout ce qui est à faire qu’au bout d’un moment, quand on en a déjà fait certaines... Il est difficile de s’organiser efficacement et je n’ai pas eu la motivation de tout faire in fine en raison de tous ces petits problèmes.
La durée de vie du titre est grande si on doit tout débloquer mais une certaine partie est superficielle avec quelques quêtes annexes complètement ratées, comme devoir frapper 900 fois Orco pour obtenir un quart de cœur, mais quel intérêt ? Ça aurait été justifié de travailler l’esquive par exemple mais frapper 900 fois une cible en parant de temps en temps c’est juste nul. La quête des photos avec seulement 3 photos dans l’album c’est juste risible tellement ça prend du temps pour de simples figurines, mais en même temps mieux vaut ça que la rendre obligatoire pour débloquer un item utile me direz-vous. En somme, le gameplay est de qualité et le contenu est généreux mais il y avait encore mieux à faire en allant plus loin dans la refonte du système de jeu et en harmonisant mieux la durée de vie du titre, surtout vers la fin.
SCENARIO / NARRATION : 7 / 10
Au début de l’aventure on incarne à nouveau un gamin de 12 ans et ça se sent dans le scénario un peu pour enfant tout de même avec un petit passage dans une école, une petite partie de cache-cache... Ce n’est pas mal fait une seconde, j’ai bien aimé le passage avec la mémé par exemple, elle qui donne son bouclier avec regret à Link par peur de le savoir en danger, qui déprime de ne pas nous revoir, que l’on réconforte et qui en échange nous donne sa soupe et nous décroche un large sourire... Ça marche plutôt bien comme ambiance feel-good mais j’avoue que c’est principalement à partir de la tour des dieux que j’ai apprécié la tournure du scénario qui devient un peu plus mature et captivant en ce qui me concerne.
Les révélations faites sur le monde de Wind Waker arrivent avec beaucoup d’impact et de promesses. Si les personnages semblaient se distinguer des archétypes de la saga, il n’en est rien et c’est assez subtilement amené à mon sens avec un bon équilibre entre respecter et bouleverser les codes pour être original sans être hors-sujet. Un grand moment que cette découverte sous les eaux dont je me souviendrai sans doute très longtemps et qui aurait même pu à mon sens faire de ce Zelda un de mes épisodes préférés ne serait-ce que pour son scénario.
Sauf qu’il n’en est rien car la seconde moitié du jeu n’est absolument pas mauvaise mais elle est sans quasiment aucune prise de risque, rebondissement, événement épique ou mélancolique, ça devient une quête de la Triforce d’un classicisme total. Et je préfère le dire sans la balise spoiler et même gras pour éviter la déception puisque je viens de nourrir pas mal d’espoirs qui finalement ne se retrouvent que partiellement dans la fin du jeu qui relève un peu le niveau avec quelques twists et moments de bravoure bien sentis.
Personnellement, après avoir vu Hyrule sous les eaux je me suis dit qu’on allait vivre deux aventures en parallèle, sur les flots et dans les abysses de la même manière que le monde normal et l’overlord de A Link to the Past, qu’on allait avoir des révélations importantes sur ce qu’il s’est passé pour qu’on en arrive là voire le vivre dans un retour dans le passé, des liens entre des lieux vus à la surface et leur origine sous la mer qui offrent une nouvelle grille de lecture pour certains environnements, que Zelda allait avoir un autre rôle de par le caractère plus aventureux de Tetra... et quasiment rien de tout ça ne s’est produit ou alors très peu.
Le scénario est tout à fait sympathique à suivre, le côté mignon du design permet de bien amener certains twists qui montrent une histoire plus mature que je pouvais le croire a priori, mais parmi tout ce qu’il était possible de faire avec le concept du jeu les scénaristes ont opté pour une histoire finalement très classique et sans une intensité particulièrement incroyable par rapport au reste de la saga. C’est pas vraiment une déception parce que j’en attendais pas autant du scénario avant d’y jouer donc je ne le sanctionne pas plus que ça dans la sous-note car encore une fois le scénario est bien fait, il manque juste d’ambition et d’audace.
CONCLUSION : 7 / 10
The Legend of Zelda Wind Waker est un Zelda original dans sa direction artistique, généreux dans son contenu, de qualité dans son exécution... et c’est pour toutes ces raisons qu’il est et restera à jamais un Zelda très plaisant à parcourir malgré un manque d’ambitions scénaristiques et un monde ouvert encore mal maîtrisé. C’est un grand classique qui ne perd rien de sa superbe avec le temps mais dont les écueils sont bien là et si je comprends facilement qu’on puisse les pardonner pour X ou Y raison, personnellement c’est ce qui en limite le potentiel à mes yeux et en fait un des Zelda 3D qui m’emballe le moins au sein de la saga.