The Lion's Song est un jeu d'aventure, vendu comme un point-and-click, mais que j'aurais davantage tendance à considérer comme un visual novel vu la faible difficulté du titre et son faible nombre d'interactions.
Les trois premiers épisodes ont une structure similaire. L'introduction nous présente un personnage inconnu, attendant son train dans une gare, et le reste de l'épisode nous en fait contrôler un autre, confronté à un problème lié à son activité professionnelle : Wilma, une compositrice en manque d'inspiration ; Franz, un peintre insatisfait ; et Emma, une mathématicienne rejetée par ses pairs masculins. Tous étant liés à la Vienne du début du XXᵉ siècle.
Première qualité du titre : la majorité des joueurs seront touchés par au moins l'une des trois histoires contées, et peut-être même arriveront-ils à s'identifier à un ou plusieurs des protagonistes du titre. Dans mon cas, mis à part pour le héros du second épisode, j'ai été saisi par les problèmes rencontrés par les autres personnages, notamment par Emma.
De surcroit, l'œuvre arrive à nous présenter les dons de ses trois protagonistes principaux, leurs superpouvoirs en quelque sorte, intelligemment. Les sons ordinaires résonnent comme des mélodies pour Wilma, Franz perçoit les différentes personnalités des personnages qu'il rencontre, et Emma fait corps avec son environnement afin de résoudre des problèmes mathématiques.
Forcément, outre la connexion spatio-temporelle, on comprend très vite que ces trois personnages sont plus ou moins liés, et il faut justement attendre le quatrième et dernier épisode pour que le jeu nous donne enfin une réponse, mais aussi nous indique aussi quels sont les liens entre les personnages présentés en début d'épisode.
Ce dernier épisode nous faisant incarner un nouveau protagoniste, moins signifiant que les autres et n'ayant aucun lien avec les autres personnages de l'aventure, rejoignant les trois hommes présentés en introduction d'épisodes. Les trois personnages en question ayant un lien, plus ou moins éloigné, avec le personnage principal de leur épisode respectif : le premier, Otto, étant le frère de Wilma ; le second, Weber, un faussaire copiant les tableaux de Franz ; et Theodor, un étudiant suivant les cours d'Emma. La raison de leur présence dans ce train étant le départ pour le front lors des premiers jours de la Première Guerre Mondiale.
Ce « twist », la mention de la guerre, sonnant comme un retour à la réalité, une manière de briser le quatrième mur, je trouve regrettable que les développeurs aient indiqués ce qu'il advenait des différents personnages du titre après la fin de guerre. Le titre aurait gagné à laisser une part de mystère au lieu de répondre à l'intégralité des « questions » (si tenté qu'on se les pose) laissées en suspens, de réanimer maladroitement son récit pour l'achever de nouveau quelques secondes plus tard.
The Lion's Song a beau être présenté comme un jeu d'aventure avec des choix à effectuer, force est de constater que leurs impacts sont minimes, si ce n'est inexistants. Je m'attendais, dans mon entreprise de débloquer le plus d'achievements possible, à découvrir au moins une nouvelle facette de l'œuvre, à l'appréhender sous d'autres angles… je dois bien avouer que j'en ressors déçu. L'écrasante majorité des choix modifient uniquement les dialogues et seule une poignée (et encore, une petite poignée) modifient ou apportent de nouvelles séquences. En l'occurrence, je pense surtout au choix du modèle dans l'épisode 2 ou à notre relation avec Leos dans l'épisode 1… le tout restant, quoi qu'il arrive, anecdotique si on prend l'histoire dans son ensemble.
Le truc, c'est qu'en fin d'épisode, le jeu nous présente le traditionnel récapitulatif de choix effectués par le joueur et la communauté, à la manière d'un jeu Telltale quoi (à noter la présence d'une fonction rewind, nous permettant de revenir à un passage particulier de l'épisode, que j'aimerais revoir dans d'autres jeux de ce genre). On pourrait donc naïvement croire que ce qu'on a fait jusque-là a du poids… en fait non.
Justement, la plupart des choix que nous faisons vont essentiellement se répercuter sur des détails, que ce soit la présence d'un personnage en arrière-plan, une petite modification dans le décor, ou des lignes de dialogues qui varient en fonction de nos décisions prisent dans l'épisode d'avant. Le titre brille donc sur ce point-là : les développeurs étant arrivés à incorporer le plus de détails possible à leur œuvre, à modifier de nombreuses lignes de dialogues en fonction des choix effectués dans les épisodes précédents (et même les suivants concernant certains choix bien précis), mais aussi à intégrer quelques runnings gags sur plusieurs épisodes. Les épisodes 2, 3 et 4 nous amenant à traverser certains lieux bien précis de Vienne (un café, un marché, une galerie d'art…), retraverser tel ou tel décor sera l'occasion de (re)rencontrer des personnages apparaissant dans d'autres épisodes et de découvrir quelques changements plus ou moins évidents.
Bref, un ensemble paradoxal à bien des égards. Contrairement aux jeux d'aventure traditionnels, qui arrivent à nous mettre en face de choix impactant, mais qui peuvent se révéler incohérents ou trop téléphonés, The Lion's Song fait tout l'inverse et propose une trame sur rail, tout en prenant en compte nos choix en arrière-plan.
À partir de là, force est de constater que The Lion's Song possède un certain charme, quelque chose de singulier. L'adoption du sépia, que l'on trouve ça joli ou non, est assez rare dans le milieu du jeu vidéo, et cette même adoption a l'avantage de plonger plus facilement le joueur dans cette ambiance d'époque, cette Vienne du début du XXᵉ siècle, sans pour autant passer par des graphismes dernier cri. À noter que les développeurs sont passés par le Molecule Engine pour développer leur jeu, un moteur inconnu au bataillon… et pour cause, il n'est pas exclusivement lié au monde du jeu vidéo.
En fait, même les crédits qui apparaissent à la fin des épisodes ont aussi quelque chose d'unique puisque tous intégrés directement dans un décor du jeu, que ce soit un restaurant, un wagon ou encore une salle de classe.
Forcément, l'une des spécificités que l'on retiendra le plus de ce The Lion's Song est sa musique, composée par Dynamedion (Anno 1404 et 1800)… pas pour rien que le jeu s'intitule The Lion's Song non ? L'ensemble des compositions a beau ne durer qu'à peine plus de 20 minutes (je précise que le jeu se termine en un peu plus de trois heures), certaines d'entre elles sont magnifiques en plus d'être judicieusement placée au sein du récit. Je regrette tout de même le fait que ce fameux Chant du Lion soit de plus en plus relégué au second plan au fil des épisodes.
En somme, sans pour autant révolutionner le genre, The Lion's Song se révèle être un titre magnifique à bien des égards, envoutant par moment, sans pour autant se montrer d'une complexité folle, même pour les joueurs les plus casuals. Si le titre déplaira aux « gamers faisant partie de l'école du gameplay », nul doute qu'il saura ravir les autres, prêts à accueillir une expérience bien plus légère, sur rails, mais toute aussi marquante.