Temps de jeu : 20 heures de jeu
Mon cinquième League of Legends
Mon troisième A League of Legends Story
Test rédigé pour Nintendo-Difference [#89]

Apparition surprise lors d’une mise en avant des jeux Riot Forge amenés à paraître en 2023, The Mageseeker : A League of Legends Story est arrivé sur moult plateformes avant même que l’on ait pu crier « DEMACIA ! ». C’est en effet depuis le 18 avril dernier sur Nintendo Switch, mais aussi PC, consoles PlayStation 4 et 5, Xbox One et Xbox Series, que cet opus consacré à Sylas et sa quête de vengeance est désormais disponible pour la coquette somme de 29,99 € (ou 39,99 € si vous craquez pour la version Deluxe). Développé par Digital Sun, déjà à l’œuvre sur Moonlighter, le titre se présente comme un jeu d’action teinté de mécaniques RPG allégées, dans lequel le joueur sera invité à prendre part à des combats nerveux et nécessitant une part de réflexion, le tout dans un univers évoluant au sein du lore de League of Legends (qu’on ne présente plus). Si le soft vous tente, mais que le prix est un frein, alors restez caché dans ce buisson et laissez-nous découvrir ses potentiels dangers à votre place. Comme ça, vous aurez une idée de qui vous attend durant près de huit heures, sans même prendre le risque d’être déçu. Magique, non ?

Ceux qui attendent d'être libérés ne méritent pas la liberté

L’action prend place dans le royaume de Demacia, une nation prônant la paix et luttant contre l’expansion impérialiste de Noxus. Dépeints grossièrement, ces derniers sont catégorisés comme les grands méchants de Valoran (le continent principal de Runeterra, l’univers de League of Legends), tandis que les Demaciens s’apparentent davantage aux gentils. Les fans de la série Arcane comprendront cependant bien vite que rien n’est tout blanc ou tout noir, mais que tout tire bien plus vers le gris. C’est une spécificité du MOBA au succès planétaire, ainsi que de ses produits dérivés ; chaque personnage, chaque nation, toutes possèdent leur part de lumière, mais aussi de noirceur. The Mageseeker ne fait pas exception à la règle, et dès sa scène d’introduction tout en pixel art, le jeu indique clairement au joueur que Demacia est loin, très loin, d’être moralement immaculée. À dire vrai, c’est même tout l’inverse : avec un régime politique discutable, une traque des mages s’apparentant aux rafles des périodes les plus sombre de notre Histoire, mais aussi à l’ostracisation des différences qui caractérisent chaque Homme, le royaume de Jarvan III semble avoir bâti ses fondations davantage sur le sang que sur l’honneur qu’il prône tant.

Non, The Mageseeker n’est pas un jeu aux thématiques légères. Pour autant, Sylas – le héros que les joueurs et joueuses contrôleront tout au long de l’aventure – est tout aussi imparfait, voire coupable que Demacia. S’il est l’étincelle qui mettra le feu aux poudres, véritable implosion au cœur du blanc royaume, sa soif de vengeance et de violence desservira également la cause des mages qu’il représente malgré lui. Comment faire confiance et vivre en harmonie à une bande de renégats dotés de pouvoirs surnaturels et cherchant à verser le sang pour que justice leur soit rendue ? C’est là toute la « beauté » de l’arc narratif sur Demacia et sa peur d’une magie libre d’utilisation, laquelle a, par le passé, mener à une guerre de grande ampleur entre les différentes nations et dont les conséquences ont presque été fatales pour Runeterra. Un conflit inspiré par la guerre froide et l’utilisation d’armes nucléaires, avec toutes les répercussions psychologiques que cela entraîne aujourd’hui encore, et qui caractérisent les cicatrices encore perceptibles en Valoran.

Nous nous reposerons quand nous serons morts

Là où Hextech Mayhem mettait de côté la narration, Ruined King lui, n’apportait finalement pas grand-chose de neuf et peinait même à garder une certaine régularité dans la qualité de son récit. Les amoureux de League of Legends trouveront toutefois leur bonheur avec ce Mageseeker, plus intimiste et concis, mais également plus référentiel. À l’aide de carnets disséminés ici et là, dans le hub principal ou les différents niveaux du titre, les joueurs pourront en apprendre plus sur la vie au sein du royaume, qu’on soit un mage traqué, un habitant lambda, ou un membre de la garde royale. Digital Sun en a aussi profité pour faire de la préfiguration en teasant l’arrivée future de personnages majeurs, à l’image de Morgana la Déchue vénérée ou conspuée ici et là, mais aussi de Naafiri, un nouveau champion à venir dans League of Legends. Toutefois, The Mageseeker n’oublie pas de proposer une galerie de nouveaux personnages complètement inédits, lesquels accompagneront Sylas tout au long de son aventure.

Tous possèdent un but en plus de mener la rébellion, à l’image de Leilani (la vraie cheffe des mages rebelles), laquelle recherche sa mentor emprisonnée. De notre côté, on adore les échanges entre elle Sylas, mais aussi ceux avec des personnages plus secondaires comme Yops, une petite Yordle apportant avec elle un brin de légèreté. C’est à leurs côtés que l’anti-héros du titre évoluera tout au long de son combat. Égoïste et animé par le simple désir de faire couler le sang, le joueur assistera à une transformation crédible, notamment ponctuée par des évènements malheureux. On pense notamment à l’amitié partagée et brisée avec Lux, une mage de lumière issue de la famille royale, mais aussi à la perte de compagnons dans ses rangs. Car, dans sa lutte pour libérer les siens du joug de Demacia, Sylas apporte autant d’espoir qu’il ne brise de vies innocentes, tout cela dans l’unique but de faire payer la famille royale. En effet, même au sein des traqueurs de mages, tous ne sont pas mauvais et le forcené de Liebourg s’en rendra bien assez vite compte. The Mageseeker, en plus d’incorporer des évènements canons (l’assassinat de Jarvan III par Katarina de Noxus), va également au-delà de ce que l’on savait déjà en narrant l’enfance de Sylas, désormais explicitée.

Ceux qui attendent d’être libérés ne méritent pas la liberté

Cet ajout bienvenu permet de comprendre la colère de Sylas, à défaut de valider ses agissements. Un sentiment étrange et rare dans un jeu peut s’emparer de l’acheteur : difficile de se sentir satisfait de fracasser du milicien par paquets de dix, prêt à renverser la paix apparente d’un royaume tout entier. Comme explicité auparavant, Sylas est un anti-héros et Digital Sun l’a bien compris. À dire vrai, il est même assez mis en retrait, en comparaison de « l’ennemi » ou des autres membres de son groupe. Sylas est seul, égoïste, et pense pouvoir tout gérer et réaliser dans son coin, sans aide aucune. C’est là que la transformation du personnage, étape par étape, prend tout son sens et le rapproche petit à petit du joueur. Emprisonné une dizaine d’années durant son enfance, le mage de Liebourg est encore loin d’être un adulte responsable et c’est à nos côtés qu’il grandira et découvrira que le monde est loin d’être aussi binaire qu’il ne le pensait. Au niveau du lore, The Mageseeker est le titre Riot Forge le plus réussi et respectueux du matériau d’origine.

Tout cela est appuyé par une direction artistique magnifique, laquelle s’en va piocher dans du pixel art de haute volée. Les environnements sont riches en détails et animations, même si les personnages peuvent paraître simplistes. Les couleurs y sont variées et éclatantes, les architectures demaciennes fines et les rues bondées d’éléments destructibles. On peut juste regretter un manque évident d’environnements, puisqu’en dehors des villes, des cachots et des forêts, le jeu n’a rien d’autre à offrir. Le pixel art se retrouve également à travers les différentes cinématiques, lesquelles apportent un véritable plus à la présentation de l’histoire. Au niveau de la bande-son, on retrouve Gareth Coker, désormais un habitué de la franchise (Ruined King). Son travail, exceptionnel, colle à merveille avec l’aspect royal et sombre du titre ; on y tape dans de l’orchestral épique et grandiloquant, parfois épique, mais souvent sinistre ou stressant. Certains morceaux sont des réinterprétations, comme le thème iconique de Sylas, de Morgana ou une reprise de Lightbringer de Pentakill (un groupe de metal virtuel créé par Riot Games). D’autres, inédits, n’ont pas à rougir de la comparaison, à l’image de l’incroyable thème de Leilani. De manière générale, la bande originale marquera le joueur bien plus que celle de Ruined King.

Les erreurs nous façonnent

Techniquement en revanche, on a pu noter quelques soucis de framerate, qu’il s’agisse du mode portable ou sur téléviseur. En effet, la fluidité du titre tend à prendre un coup dès lors que l’écran affiche trop d’ennemis ou qu’on se balade dans des zones trop grandes. Rien d’injouable, mais dans un jeu d’action aussi nerveux et dont la difficulté peut être importante, ces chutes de FPS peuvent occasionner quelques désagréments. C’est regrettable, d’autant plus qu’au vu du scope de The Mageseeker, la Nintendo Switch est normalement capable de faire tourner le soft sans aucun accroc. Enfin, avant d’aborder le gameplay, un mot sur les options de ladite difficulté, particulièrement riches : en plus de la sainte trinité « facile, moyen, difficile », Digital Sun permet aux joueurs de réduire les dégâts reçus, d’augmenter ceux infligés ou encore d’accroître la barre de vie du mage de Liebourg. De quoi permettre à tout le monde de passer un bon moment, ou tout simplement de ne pas être indéfiniment bloqué face à un boss un peu trop retors.

Comme dans League of Legends, Sylas est un mage capable de ressentir la magie chez ses hôtes, de déceler sa nature et même de lui emprunter son pouvoir pour l’utiliser à son tour. C’est avant tout pour ce précieux talent que petit, le renégat fut embauché chez les traqueurs de mages. Désormais, il se sert de son don pour se battre et renverser le pouvoir monarchique ne place. La prison lui a aussi donné deux armes contendantes majeures : ses chaines de bagnard, faites de pétricite, un matériau capable d’absorber d’immenses quantités de magie. Avec, Sylas peut frapper lourdement ses ennemis ; coups faibles et coups forts, les premiers étant plus rapides, les seconds plus larges et capables de détruire les armures des opposants les plus résistants. En enchainant quelques combos, il sera également possible de recharger la ou les portions de la barre de mana du héros, lesquelles permettent de lancer des sorts (les coups forts rechargent la jauge plus vite).

Que faites-vous quand un dragon éternue ? Vous brûlez !

En jeu, avec sa vue de dessus et son mélange de duels au corps-à-corps et à distance, le Sylas de Liebourg de Digital Sun et celui de Riot Games se révèlent particulièrement similaires, délais de récupération en moins. Manette en mains, c’est un véritable plaisir que de parcourir à grande vitesse les différents niveaux du jeu, mais aussi d’affronter les vagues d’ennemis et autres boss grandioses. En plus d’asséner des coups de fouet à la chaine (hé, hé), il sera également possible de se servir de ses armes contendantes comme de grappins. En effet, en visant une cible à distance, on peut l’immobiliser et s’attirer jusqu’à lui pour ensuite lui mettre quelques crochets dans son faciès. Cette technique permet aussi, comme annoncé plus haut, de voler le pouvoir de ceux étants doués de magie. Plutôt nombreux et possédant des effets et patterns variés, tous appartiennent à l’un des six éléments existants : feu et glace, air et terre, mystique et foudre. Chaque duo élémentaire est à la fois faible et efficace à son opposé, tout en étant résistant et inoffensif à sa propre catégorie.

Comprenez par là qu’un sort de glace infligera de lourds dégâts à un mage ou un monstre de feu, mais qu’il n’occasionnera que très peu de ravages sur des ennemis liés au givre. Il est donc facile d’imaginer certains casse-têtes dès lors que plus d’un ennemi apparait sur la carte ; voler un pouvoir de terre à untel, pour le balancer sur un ennemi lié à l’air et vite en venir à bout. Tout le jeu ou presque repose sur cet aspect réflexion, des petits adversaires peu inquiétants aux boss les plus complexes. Attention toutefois, une fois un sort piqué à une cible, il faudra attendre un certain délai avant de pouvoir lui chiper à nouveau sa magie ; plus le sort dérobé est puissant, plus il faudra patienter. Le système de combat, très nerveux et plaisant avec sa patate et ses dash par dizaines, se révèle toutefois difficile à pleinement maîtriser. En effet, en plus des sorts à voler et à rediriger, Sylas peut équiper jusqu’à quatre incantations pour constituer son set de base. Et si les sorts volés ne consomment rien, mais sont à usage unique, les incantations elles, peuvent être utilisées autant qu’on le souhaite à condition de posséder le mana nécessaire (une à quatre barres pour chaque sortilège équipé).

Un double arc-en-ciel… Oh ! Qu’est-ce que c’est ?

Ajoutez-y un Ultime – un sort surpuissant qu’on récupère sur un boss défait et qui demande un certain temps pour être activé – et il peut être facile de s’emmêler les pinceaux et utiliser ses actions n’importe comment. Ne serait-ce que voler le sort d’un ennemi précis au milieu d’une marée d’adversaires, tout en devant esquiver des projectiles, peut s’avérer ardu. Pour en revenir aux sorts Ultimes, ces derniers permettent d’infliger de lourds dégâts dans de larges zones, de se soigner une partie de sa vie, mais aussi de réaliser des combos plus rapidement et avec plus de puissance. Ceux-ci ne s’obtiennent donc qu’après avoir battu des boss, lesquels figurent aisément parmi les meilleurs de 2023 ; même Garen, un simple épéiste sans réelle magie, parvient à inspirer une certaine grandeur, pourtant propre aux ennemis massifs. En plus d’y retrouver le frère de Lux, les connaisseurs croiseront la route de visages connus, comme Morgana ou Jarvan IV, mais aussi « l’Éternel cauchemar » au travers d’une série de quêtes annexes. Tous possèdent de nombreux pattern et une identité forte, en plus d’être amusants et épiques à affronter.

Finalement, c’est davantage dans les à-côtés du jeu qu’on peine à s’y retrouver. Le level design est taillé pour aller vite et enchainer les arènes bourrées de monstres, mais l’aspect exploration reste sommaire et l’ensemble manque quand même cruellement de variété. Il y a bien quelques arbres à abattre ici et là pour en faire des ponts, des points d’accroche auxquels se lier avec nos chaines pour prendre de la hauteur ou traverser des précipices, mais la construction des niveaux est faite de telle manière qu’une linéarité mortellement répétitive se fait ressentir dès le troisième niveau. Tout se ressemble peu ou prou, du début jusqu’à la fin de l’aventure. De même, la gestion du camp des rebelles se limite à trois échoppes, dans lesquelles on peut s’offrir des améliorations diverses (points de vie, défense, attaque, magie, mana, charges de potions, nouveaux sorts et emplacements supplémentaires dans le set de base, etc). Ces améliorations se font en recrutant des mages souhaitant nous rejoindre ; plus il y a de mages, plus on débloque de paliers de progression. On peut aussi rejouer certaines missions pour y récupérer tous les collectibles manqués (coffres, notes et griffons d’argent à sauver), mais tout ou presque se fait malheureusement de manière très mécanique. Fort heureusement, le titre est suffisamment court pour éviter l’indigestion.

Conclusion

Riche et respectueux d'un lore particulièrement marqué, The Mageseeker : A League of Legends Story brille également grâce à sa direction artistique léchée, ainsi qu'à ses foires d'empoigne nerveuses et jouissives une fois pleinement maîtrisées. Le titre de Digital Sun pêche toutefois de légers soucis techniques et d'une répétitivité abrutissante, en attestent son level design linéaire et redondant d'un niveau à l'autre, son exploration sommaire et sa gestion de camp superficielle. Demandant huit heures en ligne droite et à peine plus de treize pour le 100 %, le tarif demandé nous apparaît comme trop élevé, surtout pour un néophyte de l'univers de Runeterra (le lore étant un des deux principaux arguments de vente du jeu). Pour autant, au sein de la gamme Riot Forge, l'histoire de Sylas est incontestablement la plus plaisante à jouer, notamment grâce à son système de combat riche et ses boss marquants. On aurait juste aimé un peu plus d'ambition et de finition pour un montant avoisinant les trente euros (ou quarante pour une version Deluxe, inutile tant elle n'offre que des cosmétiques très secondaires). Ici, on vous recommande le titre pour toutes ses qualités et ce malgré ses quelques défauts, à condition de profiter d'une remise à moitié prix ; la juste estimation, selon nous.

Créée

le 30 mai 2023

Critique lue 26 fois

Kalimari

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