[Critique après l'épisode 4] (update plus bas)
Fuck You The Wallking Dead.
Ok. L'expression est peut-être mal choisie. Après tout, vous faites ce que vous voulez avec vos morts-vivants.
Le problème est le suivant : les deux premières saisons de The Walking Dead sont des chef d’œuvres. Telltale a plus ou moins inventé le concept du jeu vidéo interactif, et en s'essayant à reprendre différentes licences (The Wolf Among Us, Jurassic Park, Batman, Game of Thrones, les Gardiens de la galaxie...), a réussi quelques coups de maitres comme l'hilarant Tales from the Borderlands, ou l'adaptation des comics/séries The Walkind Dead.
En l'espace de deux saisons de 5 épisodes, Telltales avait réussi à atteindre un parfait équilibre de peur, de sensibilité, de tension et d'intelligence dans l'écriture. Dans des épisodes aussi beaux que violents, on se retrouvait à éprouver des sentiments forts, à la fois pour ses personnages principaux et secondaires, ce qui fait que les inévitables sacrifices devenaient autant de crève cœurs que de moments sensibles. Le point d'orgue des The Walking Dead était la réussite de ne pas nous donner de mauvais choix : à la croisée des chemins, le jeu offrait quelques décisions à prendre, en fonction de la façon dont nous avions décidé de jouer le jeu. Les choix étaient cruels, mais l’aboutissement inévitable d'un chemin que nous avions contribué à tracer. D'une éthique que nous avions choisi de donner à notre protagoniste au milieu d'un monde post-apocalyptique où les valeurs habituelles ne tiennent plus. Aussi douloureuses étaient les décisions, elles étaient belles et satisfaisantes, car nous avions trouvé notre voie dans un monde impitoyable peuplé de zombie relous, d'humains encore plus retords... et de protagonistes aussi chers que certains bons amis.
Et le problème est arrivé avec la saison 3 : la série TV The Walking Dead continue à faire des émules, et Telltale s'est dit qu'il fallait proposer du nouveau. Pour amener de nouveaux fans et éviter la répétition, ils font repasser le personnage adoré de tous, Clem, la jeune fille qui a grandi dans l’apocalypse avec nous à ses cotés, au second plan. A la place, on nous offre Javier, un gars qui n'est ma foi pas mauvais bougre, et une atmosphère de western post-apocalyptique plutôt bien trouvée dans ses deux premiers épisodes.
Mais le pari a échoué après les deux épisodes inauguraux. En cause, le phénomène Game Of Thrones. Qu'est-ce que c'est me direz vous ? C'est la déviation malheureuse que Telltale a fait de la série régicide : elle a sacrifié la possibilité, pour le joueur, de créer son univers, en ne lui laissant plus que le choix que de décider qui meurt en cours de route. Aussi ouvert soit-on, Telltale nous renie les moments d'errances qui permettaient de plonger dans le jeu (à la place, quelques malheureux point et clic dans des décharges). Au lieu de construire la sensibilité de notre personnage à travers des choix anodins, on passe notre temps à essayer de réconcilier des esprits échauffés aux prises avec le scénario qui nous mettront de toute façon dans la panade, et laisseront seulement le choix de savoir qui nous allons laisser crever.
Un choix ne vient pas de savoir sur qui nous pressons une gâchette, mais qu'est-ce qui nous a amené à le faire. Or, autant certains jeux de Telltale le permettent, autant ici, le jeu te tient et te guide par les épaules, te donne le choix de t'exprimer par quelques dialogues qui ne feront pas passer la pilule. Les quelques QTE qu'on nous offre en prime nous semblent bien maigres, tout autant que les flashbacks que l'on nous consent, où nous pouvons jouer Clem' : manque de chance encore, ces passages ne reviennent au final qu'à commenter une actualité qui nous dépasse.
Bref, je me suis donc retrouvé, dans l'épisode 4 de The Walking Dead: New Frontier, à devoir décider de sacrifier X ou Y. Le choix vient de la fantaisie d'un méchant que j'ai rencontré il y a à peine un épisode, et qui n'est pas franchement haïssable (ramenez moi Michael Madsen de la saison 2 ! Rien que de penser à son personnage, j'ai des frissons). Les malheureuses personnes mises à genoux par le scénarium s'exclament elles-mêmes que la situation est stupide, et on me demande de décider.
Je n'ai pas eu l'occasion de créer des liens avec ces deux personnages. Les deux me sont sympathiques. Aucun d'eux ne représentent grand chose pour moi, puisque même s'ils ont aidé mon personnage, Javier ne les connait que depuis deux jours. J'ai refusé de faire un choix, et me suis fait exécuté pour la peine. J'ai réessayé avec d'autres options de dialogue, ai encore refusé de jouer le jeu de "si tu devais choisir une personne", et me suis repris une balle dans la tête.
À ce point là, j'étais sur le point d'accepter le Game Over et passer à autre chose. Peut-être est-ce mon côté Docteur Who, mais des fois, un bon discours vaut mieux qu'un choix à la con.
Bref, les jeux Telltale ne nous permettent jamais de nous aventurer vraiment en dehors de la route principale, mais certains nous permettent d'aimer l'itinéraire que l'on a choisit. En refusant de nous laisser choisir quelle voie emprunter, et en nous demandant d'esquinter d'autres voitures qui ne nous ont rien fait, The Walking Dead New Frontier passe à coté de son potentiel de réflexion sociétale et ludique pour nous enfermer dans du "Would you rather..." et du "tu préfères ton frère ou ta belle-soeur" qui manquent autant de profondeur que d'intérêt.
En fait, le seul intérêt de cette nouvelle saison (en dehors de l'espoir de voir une série bien aimée redresser le cap), c'est d'essayer à chaque épisode de sauver C., un personnage secondaire pas très important qui passe son temps à mourir si on ne fait pas attention aux choix secondaires que l'on fait. C'est une petite satisfaction, bien minime par rapport à la seule émotion provoquée par cette saison : la déception.
C'est triste, parce que certains beaux dialogues éclosent ici et là, et les deux premiers épisodes valaient le coup. C'est d'autant plus dommage quand l'on repense à l'avalanche d'émotions qu'avait provoqué les précédents opus, telle une horde zombie dévorant mon petit cœur sensible.
[UPDATE après l'épisode 5]
Le final de New Frontier redresse un peu la barre. On se rend compte en effet que les choix faits par Clémentine dans les deux premières saisons influent sur son comportement dans l'épisode final. On nous donne aussi le choix entre certaines actions sympas, et en tournant le dos à certaines autres.
La déception qui persiste vient peut-être que ce final se résume à une affaire de famille pas passionnante, avec des personnages pour lesquels je n'arrive pas vraiment à éprouver de compassion. Est-ce de la lassitude après trois saisons à faire des sacrifices zombiesques ? Ou est-ce que Telltale a perdu son talent à raconter des personnages attachants avec des enjeux ?
Au final, on voit que Telltale voulait nous proposer, en jouant Javier, leader de son groupe et de sa famille, d'offrir un nouveau modèle à Clémentine. Mais les échanges entre les deux sont en fin de compte assez superficiels. Aussi sympathique soit Javier, il n'a pas vraiment de pouvoir d'influence sur les membres de son groupe qui sont toujours aussi bornés, là ou Lee et Clémentine arrivaient vraiment à imposer leur vision au groupe.