Sur le plus beau trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul !

Comme tout joueur qui se respecte, j'ai passé un temps fou sur le gwent (ou plutôt le gwynt) de The Witcher 3, à tel point que toutes ces conneries autour de Ciri et de la chasse sauvage ont très vite été reléguées au second plan dans ma partie. Et comme de nombreux autres joueurs, j'ai souhaité poursuivre l'expérience via le free-to-play sobrement intitulé Gwent et publié seulement quelques jours avant le jeu dont il est question aujourd'hui : Thronebreaker.

Là où pour le premier, le gwent n'était qu'une sorte de mini-jeu secondaire, Thronebreaker: The Witcher Tales se rapproche indubitablement du second, partageant avec lui le design de ses cartes et de ses plateaux, ainsi que la plupart de ses règles (notamment le fait de n'avoir que deux lignes de combat). La différence entre Gwent le jeu et Thronebreaker étant que le premier est exclusivement jouable en multijoueur là où le second est une expérience uniquement solo : pour le dire autrement, Gwent est le mode multijoueur gratuit, Thronebreaker le solo payant. Ça tombe bien, l'expérience solo nous permet même de gagner quelques cartes pour le jeu multijoueur.


La première chose que l'on remarque en lançant Thronebreaker pour la première fois, et qui nous permet de constater, encore une fois, que pas un seul jeu développé par CD Projekt Red ne manque d'ambition : ils ne se sont pas contenté de nous balancer des duels de cartes à la chaîne. En effet, le titre a pour lui un véritable scénario, qui nous fait incarner un nouveau personnage, jamais vu jusque-là dans les jeux vidéo : la Reine Meve, souveraine de Lyrie et Rivie. Plus précisément, nous l'incarnons en l'an 1267, lors de la deuxième guerre Nilfgaard-Nordique, pile au moment où l'empire attaque sournoisement les territoires du nord… et spécifiquement ceux de Meve bien évidement. Chronologiquement, l'intrigue se place donc quelques années avant le premier épisode de la trilogie vidéoludique.

Outre le nouveau protagoniste principal et la nouvelle période, l'intrigue nous conduira à traverser de nouveaux territoires, eux aussi inédits dans la série, et nous fera rencontrer de nouveaux personnages, qui, pour l'écrasante majorité, n'apparaissent pas dans les autres jeux. Ce dernier point peut être expliqué très simplement : nos alliés peuvent très bien disparaître d'un moment à un autre, mourir à cause de l'une de nos actions, ou nous quitter car les choix que nous avons effectués rentrent en contradiction avec leurs principes. Le titre se rapproche par bien des aspects d'un Banner Saga : une progression très linéaire (avec plus de libertés néanmoins dans Thronebreaker, et avec une perspective isométrique), des combats qui surviennent régulièrement, et de nombreux dialogues, qui nous contraignent à devoir faire des choix, qui font leurs apparitions encore plus régulièrement.

Quoique, Thronebreaker a tendance à moins segmenter ces différents événements. En fait, contrairement à un Banner Saga qui avait tendance à trop délimiter combats et narration (bon après, je dis ça, mais ça fait huit ans que je l'ai fait, peut-être que ma mémoire me joue des tours), il y a une volonté de scénariser les combats dans Thronebreaker, d'y apporter de la mise en scène. On se retrouve donc très souvent face à des changements de règles, des cartes peuvent être amenées à apparaître ou disparaitre du champ de bataille en plein milieu de la partie, tout ça pour servir la narration… et ça marche ! Ç'a beau être un jeu de cartes, on est facilement immergé dans le combat, à se représenter ce qui est en train de se passer pour de vrai sur le champ de bataille. À la limite, quitte à pinailler, je dirai qu'il y a tout de même un contraste, une dichotomie, entre les pertes énumérées par le narrateur entre les phases de jeu, et les partes subies réellement lors des batailles : on peut très bien exploser l'adversaire, ne subir aucune perte de carte, pour entendre juste après un truc du genre « Malgré de nombreuses pertes, Meve réussi à vaincre les troupes du Nilfgaard », et inversement.

Enfin, les développeurs ne se sont pas contentés de nous balancer les mêmes combats à la chaîne. Tout a été fait pour apporter le plus de variétés possibles : on affronte des adversaires avec des decks différents, avec des capacités de chefs différentes. Même si les principaux adversaires que nous rencontrerons seront des Nilfgaardiens, des unités des Royaumes du Nord, ou, sans surprise, des monstres (quoique le Nilfgaard n'est-il pas un monstre ?), on se retrouvera à affronter la Scoia'tael et, encore plus rarement, des troupes de Skellige. Aussi, outre le camp militaire qui nous permettra de débloquer et d'améliorer certaines unités bien précises, d'autres, plus spécifiques, se joindront à nous lors de quelques rares occasions, et notre deck se verra encore enrichir de nouvelles cartes à chaque nouvel acte. Quitte à pousser encore plus dans la variété, nous aurons droit à des règles spéciales lors de certains affrontements ou encore à des duels écourtés (c'est-à-dire qui ne durent qu'une seule manche) pour d'autres. Et quitte à pousser encore plus loin dans la variété, les développeurs ont même inclus des casse-têtes : des affrontements avec des règles particulières et pour lesquels nous avons un ensemble de carte prédéfini. Bref, tout a été fait pour faire de ce Thronebreaker un jeu de cartes loin d'être banal.


Commercialisé au prix de 25,89 € à sa sortie (quitte à être précis), on se doute bien qu'on ne va pas se retrouver devant les mêmes graphismes que ceux d'un The Witcher 3. Mais ça, on s'en moque, Thronebreaker ce n'est pas The Witcher 3, ce n'est pas non plus les mêmes ambitions, et ce n'est pas non plus le même moteur graphique : CD Projekt ayant troqué son moteur graphique maison, le REDengine pour le célèbre (plus si célèbre que ça depuis septembre 2023) moteur Unity. Deux questions me semblent donc pertinentes : Est-ce que Thronebreaker est agréable à l'œil ? Sa direction artistique est-elle réussie ? Et la réponse pour ces deux questions est un grand OUI. Les phases de jeu hors combat ne sont pas tout le temps des plus détaillés, mais ça reste loin d'être laid. Les phases de combat sont, quant à elle, irréprochables : il y a de nombreuses animations durant les combats, en fonction des effets qui apparaissent sur le terrain ; les cartes sont détaillées, bien dessinées ; les cartes or jouissent d'une animation supplémentaire. Dans l'ensemble, je n'ai donc aucun reproche à faire aux graphismes ou à la direction artistique du titre. Et il en est de même pour les musiques, toujours composées par Marcin Przybyłowicz et Mikolai Stroinski, et rejoints par Piotr Adamczyk, qui sera de nouveau de la partie quelques années plus tard avec un certain Cyberpunk 2077. Les musiques sont dans le ton d'un The Witcher 3… peut-être trop même : c'est à se demander si certains thèmes de Thronebreaker n'ont pas été repris directement de ce dernier. Enfin, maintenant qu'on est sur le son : comme toujours dans la série, le doublage français est nickel ! Autant, je suis de plus en plus prompt à critiquer les doublages VF, très souvent monotones, comme si le comédien de doublage se contentait de réciter ses répliques, autant ceux de la série ont toujours été de bonnes, voir très bonnes qualités.


Inutile de dire, rien qu'avec tout ça, qu'on prend plaisir à (re)découvrir l'univers du titre, à en apprendre plus sur le conflit Nilfgaard-Nord. Les développeurs ne sont d'ailleurs pas tombés dans le piège du « jeu pour les fans ». Déjà parce qu'il n'est pas du tout nécessaire d'avoir joué aux autres épisodes de la série afin de comprendre ce qui se trame dans Thronebreaker, on précisera que le titre possède un didacticiel clair, qui ne laissera pas les nouveaux venus sur le bord de la route. Aussi, car on reste dans le même ton qu'un The Witcher 3, rien n'est tout noir, rien n'est tout blanc, et certains des choix auxquels nous seront confrontés auront de quoi nous faire douter… même plusieurs heures après les avoir effectués. En tous cas, même si j'ai réussi à mettre Ciri sur le trône, je dois bien avouer que Thronebreaker m'a très vite fait relativiser le fait d'avoir apporté mon soutien au Nilfgaard dans The Witcher 3. Enfin, les développeurs sont arrivés à bien distiller l'information, ne sont pas tombés dans le piège du lore en nous foutant des montagnes de textes chiants et inintéressants à lire comme le font d'autres jeux du genre. Quoique, quitte à reprocher quelque chose, autant en apprendre un peu plus sur Geralt reste pertinent (effectivement, pourquoi Geralt “de Riv” ?)… autant le voir tout juste derrière Meve sur la fiche du jeu alors qu'il n'est présent que cinq minutes à tout casser dans l'aventure (désolé de vous décevoir, mais il rejoint votre équipe durant un combat seulement)… on sent que les gars du marketing étaient derrières les artistes à ce moment-là.


Le titre possède néanmoins plusieurs défauts, loin d'être rédhibitoires certes, mais qui me semblent importants de noter tout de même.

Le plus gentillet d'entre eux concerne l'optimisation. J'ai subi, en effet, trois plantages durant mes 36 heures de jeu. Rien de bien grave quoi. Plus gênant, l'impossibilité de sauvegarder un deck. Ainsi, si nous souhaitons construire un deck orienté attaque, et un autre orienté défense, il faudra tout refaire à chaque fois. Une perte de temps pour le joueur qui aurait pu être facilement corrigée par les développeurs.

Reste à noter son plus gros défaut selon moi : sa difficulté. Même en mode de difficulté briseur d'os (le plus haut mode de difficulté du jeu), on roule sur 90 % des combats. Les 10 % restants nous demandant soit de retirer ou d'ajouter une ou deux cartes dans notre deck (et à quelques plus rares occasions le refaire intégralement). Les casse-têtes peuvent à de rares occasions poser un problème, mais contrairement à ce que leur titre suggère, ils ne nous casseront pas la tête plus que ça : au pire, on aura du mal durant quelques minutes, le temps de bien comprendre toutes les règles du défi en question. On sent que tout a été fait pour que même les joueurs les moins expérimentés puissent aller le plus loin possible, qu'ils ne fassent pas de « mauvais choix », en oubliant certaines ressources sur la carte par exemple, ou en faisant justement des mauvais choix lors de certains dialogues. Paradoxalement, le jeu a beau se révéler (très) facile, l'un des derniers combats du jeu est un véritable challenge : face à un adversaire qui possède un deck composé d'une centaine de cartes, qui pioche régulièrement de nouvelles cartes dans ce même deck, avec une capacité de chef qui octroie régulièrement à l'une de ses cartes 10 points de force supplémentaire, et avec, en prime, une carte qui possède plus de 100 de forces et qui est généralement joué vers la fin de la partie (généralement à partir du moment où contrairement à notre adversaire, nous n'avons plus de cartes dans notre main et où on le regarde bêtement jouer). Pourquoi avoir attendu la fin pour faire ça ? Pourquoi ne pas avoir instauré une véritable courbe de difficulté au sein du titre ? Pour le coup, c'est complètement con, ça donne l'impression que les développeurs se sont rendus au dernier moment que leur titre était complètement flingué niveau difficulté, et ont par conséquent brodé à la va-vite un combat artificiellement difficile pour compenser. Toujours dommage de finir un jeu sur une note plus négative.


Reste à se poser une dernière question : Thronebreaker est-il la meilleure expérience du gwent de la série ? Et la réponse me paraît, une fois de plus, évidente : OUI ! Contrairement à un The Witcher 3, avec des règles bien plus limitées rendant le jeu encore plus facile, et contrairement à un Gwent: The Witcher Card Game et sa méta tellement forcée qui fait que la moitié des joueurs changent tous de decks tous les trois mois (pour tous avoir le même, et ainsi de suite), Thronebreaker jouit, pour ainsi dire, du meilleur des deux mondes. Un ensemble de cartes prédéfini, mais la possibilité de l'améliorer néanmoins, pas de pay-to-win ou quelconque autre moyen pour avancer plus rapidement, ainsi qu'une certaine variété dans la composition de notre jeu.

Bref, salade, tomates, oignons, sauce samouraï : Thronebreaker a tout pour plaire. Force est de constater que l'on est là face à un excellent titre qui n'a pas à rougir face aux « gros » jeux de la série.

Comptez 36 heures selon l'horloge GoG, 32 selon l'horloge du jeu, afin de terminer l'ensemble à « quasiment » 100 % (et dire qu'il me restait un seul coffre en or à ouvrir !) : en tous cas, on ne voit pas le temps passer.

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le 30 déc. 2023

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MacCAM

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