Du plaisir de jeu pour seul cahier des charges
Qu'il est amusant de comparer le premier jeu de Free Radical à leur dernier (et funeste) titre. On constate très vite qu'ils sont opposés du tout au tout. Alors que TimeSplitters donna la vie à ce studio, Haze lui donna la mort. Mais comparer ces deux titres revient à examiner l'évolution d'un marché, d'une manière de penser le jeu vidéo et plus particulièrement le FPS, qui changea complètement en seulement 8 ans.
TimeSplitters est le premier jeu de ceux ayant fuit Rare après Goldeneye. Il obéit à une logique simple : celle du fun avant toute chose. Le plaisir immédiat, instantané. TS est un jeu épuré de tout ce qui empêche d'accéder à cette source de fun.
Le gameplay purement console est ultra nerveux. Les déplacements sont supers rapides, la visée instinctive et facilitée par une visée-auto propre aux titres de l'époque, des tas d'ennemis et d'armes se trouvent sur notre chemin. A nous de combiner les deux pour défourailler le plus vite possible.
TimeSplitters est loin d'être le seul jeu rapide de l'époque (on citera au hasard Quake et Unreal Tournament), mais au début des années 2000 après les succès de Half Life et autres Medal of Honor, il voguait déjà un peu à contre-courant.
Par volonté d'une accessibilité immédiate, et certainement pour ne pas se prendre la tête, ce premier titre est totalement dépourvu de scénario. Aucune présentation, aucune cinématique. Vous lancez le jeu et vous êtes déjà en train de tirer sur tout ce qui bouge. Le scénario est écrit au dos de la boite, l'intitulé de la mission de chaque stage dans le menu start. Ne te prends pas la tête, joueur, joue et amuse-toi bien.
Car c'est précisément ce qui nous est demandé, rien qu'en mettant largement en avant sa campagne en coopération. Invite tes potes, joueur, ton frère, ta soeur, ton grand oncle, mais amuse-toi, tu comprends ?!
Et pour mieux amuser ce petit joueur, les 9 niveaux correspondants à 9 époques différentes sont là pour ça. Si les décors en eux-même sont plutôt moches et manquent un peu de travail (ça fait brouillon un peu parfois), on se sent tout de même à chaque fois à un autre endroit, à un autre moment. Ce qui nous rend toujours curieux d'explorer ces nouvelles maps, avec une hâte de découvrir la suivante (et ce même si certaines sont décevantes).
L'univers est en lui-même délirant : TimeSplitters est le fruit d'une culture de films d'actions décomplexés des années 70/80, avec des personnages aux designs ultras caricaturaux dans la campagne, et aux plus délirants les uns que les autres en multijoueur si vous arrivez à les débloquer (comme un magnifique Robot à tête de bocal, appelé Robocal).
Mais ce qui fait la force du titre pour moi, c'est son inventaire d'armes. Plein, plein, plein d'armes différentes. En fonction des époques, l'attirail diffère, le feeling est différent, mais le plaisir de les découvrir et les utiliser toujours bien présent. Et bordel, qu'est-ce qu'on s'éclate avec ces armes. Quand je compare les armes futuristes de TimeSplitters et celles de Haze, je me dis qu'il y a un problème.
L'adage de Haze était exact : si ton fusil à pompe est ridicule, tu l'es aussi. Ce qui est le cas de Haze, mais pas de TimeSplitters. (Explication de la private-joke : dans Haze, un personnage en insulte un autre en lui disant qu'il est aussi ridicule que son fusil à pompe. Ca m'a un peu marqué).
Mais TimeSplitters est aussi un jeu beaucoup trop court, les 9 niveaux se torshent beaucoup trop rapidement, et sont surtout beaucoup trop répétitifs de par leur structure (récupérer un item et le ramener à la zone cible). Si on en attend beaucoup, le titre peut vraiment nous laisser sur notre faim, et ses imperfections du fait de son âge avancé peuvent prendre le dessus. A l'époque d'ailleurs, j'avais été grandement déçu du titre car je l'ai acheté après TimeSplitters 2.
Heureusement, les différents modes de difficultés ajoutent une rejouabilité, d'autant que le challenge est plutôt corsé par l'aspect très die & retry du titre par moment. Pour les plus courageux, des défis très difficiles (je trouve, en tout cas), vous attendent, et vous permettront de débloquer des personnages pour le multijoueur. Mais honnêtement, cela n'a pas grand intérêt, puisque même s'il reste plutôt fun il vaut mieux privilégier le multijoueur des deux opus suivants.
Ce premier opus de la saga est évidemment le moins bon. Tout ce qu'il fait, les suivants le font en mieux. Que ce soit la campagne, les ambiances, le multijoueur et les défis... Si sa sobriété lui fait du tort, c'est aussi ce qui fait son charme et contribue à lui donner un intérêt en coopération encore de nos jours. Un charme old school, revivifiant, qui te donne du plaisir et du challenge pendant quelques heures durant lesquelles tu vas t'éclater. C'est bête et méchant, mais c'est sacrément bon sans être brillant. Si j'étais plus honnête, ma note serait de 6 pour ce premier titre, mais force est d'avouer que j'aime y retourner de temps en temps. Pour son charme. Pour ses graphismes cubiques old-school. Pour son challenge. Et car un TimeSplitters, même le moins bon de la série, est toujours un jeu fun, bordel.
Et pourtant, ce jeu si imparfait est tellement meilleur que son plus petit frère. Avec les années, les studios tendent majoritairement à rendre les FPS plus sérieux, avec des histoires militaires toutes plus sérieuses les unes que les autres mais dont on se fout royalement. Avec des armes plus réalistes que l'on ne peut porter qu'en nombre limité pour un aspect plus immersif. Avec une putain de régénération automatique. Je n'ai pas envie de dire que le jeu vidéo c'était mieux avant, loin de là, mais à limiter le fun au profit du réalisme il y a grand risque de se casser les dents. Et c'est pour cela je pense que parmi la masse des FPS qui sortent de nos jours, peu nous mettent des étoiles plein les yeux, et quand c'est le cas c'est rarement à cause de leur gameplay réaliste.
Et Free Radical a suivit cette direction avec Haze, qui est un peu l'archétype du FPS sans génie absolument pas fonctionnel.
Le réalisme et l'immersion, c'est bien, mais encore faut-il savoir le maîtriser.
Au fond, parfois, même si c'est fait de manière vieillotte et brouillonne, c'est tellement mieux de juste s'enfoncer à toute allure dans une pyramide pour défoncer des momies au shootgun.