Critique publiée sur ArtZone Chronicles.
La découverte d'un jeu ou, de manière générale, d'un produit culturel, peut se faire par de nombreuses voies. Suivre l'actualité, garder l’œil sur un auteur, se faire attraper la rétine par un visuel, les conseils d'un ami, écumer les listes de sites comme Sens Critique... Pour celui-ci, c'est le nom et la durée qui attirent. Tombé dessus par hasard, c'est ce jeu qui me fait découvrir l'auteur Daniel Benmergui et me donne envie de prolonger dans sa ludographie, ce qui permet d'apprendre que Today I Die était rien moins que finaliste pour le Nuovo Award à l'Independent Games Festival de 2010, reconnaissance parfaitement méritée ! Moins de dix minutes pour un titre évocateur, allez c'est parti.
Ces trois petits mots, ce neuf petites lettres auraient pu, auraient du mettre la puce à l'oreille, on est face à du pur jeu indé fait main, sur simple navigateur web (http://www.ludomancy.com/games/today.php), gratuit et avec une veine vaguement auteuriste. Le minimalisme est de mise, l'écran qui nous accueille ne proposant rien de plus que quelques mots au pouvoir imaginatif et symbolique fort, dont certains sont en couleur, et une jeune femme tirée vers ce qui semble être le fond de l'océan, entourée de méduses allant à l'opposé de sa chute et de deux monstres marins moins accueillants. Et, ce qui nous attend, c'est aussi une musique mélancolique, composée par Hernan Rozenwasser, qui ne dénaturerait pas dans des jeux à plus gros budget dans leurs moments les plus dramatiques. Mais là rien de larmoyant, le son accompagne parfaitement cette triste noyade.
Mais voilà, aucune indication de gameplay, on reste un peu en attente et passif devant cette image, sans vraiment s'ennuyer. On ne dira rien de plus, au joueur de découvrir comment faire évoluer ce contexte initial et dérouler la narration, à travers des mécanismes simples, efficaces, qui servent cette histoire simple, supposément poétique (avec un poème évolutif qui a toujours un sens). Quand on a compris le truc, c'est effectivement moins de dix minutes qui seront nécessaires à l'aboutissement de Today I Die. Dans la lignée des jeux précédents de Daniel Benmergui, plusieurs fins sont possibles, même si le but n'est pas de toutes les explorer comme cela pouvait être le cas pour I Wish I Were the Moon ou The Trials. Et c'est là que Today I Die marque un pas dans la carrière de game designer de l'auteur, le processus devient plus fort que le résultat et le joueur devient plus actif. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de gameplay dans ses précédents jeux, mais celui-ci est plus riche, plus rythmé, notamment par l'évolution musicale et colorimétrique qui accompagnent la narration et offre de nouveaux horizons.
Today I Die est donc un jeu qu'on caractérisera comme poétique et onirique de manière assez convenue, au scénario (?) très simple mais qui fonctionne et qui parvient à toucher le joueur. Preuve s'il en était besoin qu'il n'est nul besoin de budgets hors normes pour produire un objet ludique à la fois touchant et intéressant. Vous avez dix minutes à perdre ? Allez-y, et vous verrez que finalement, elles ne seront absolument pas perdues.
(*) : https://www.youtube.com/watch?v=3Hje-h07x5M