Teush Raider

Vous ai je déjà parlé de ce pote à moi ?

Un vieux pote avec lequel j'ai fais les 400 coups. Un être que j'ai vu évoluer, passer les étapes petit à petit, devenir l'homme-larve qu'il est aujourd'hui.
Son vieux tee-shirt de Megadeth que j'ai vu se ternir au fil des années, se délaver doucement, se piquer de centaines de petits trous de boulettes, gagnant ainsi ce petit côté vintage que les Bobos des beaux quartiers paieraient une fortune pour s'octroyer.
C'est aussi un ventre. Ce ventre si plat durant notre douce jeunesse. Cette enfance insouciante passée à traîner les caniveaux une baballe aux pieds ou à se planquer sous les jupes à carreaux des fifilles guillerettes.
Disparu le joli bidon tout plat ! ...Hop ! Avec notre enfance ! Évaporé.
C'est une jolie bedaine que je voyais pousser sous cette relique vestimentaire estampillée Megadeth.
D'années en années, ce joli ventre aux abdos presque dessinés se transformait inexorablement en vilain sac à bière et à Curly.
Car oui ! C'est bien ce délicieux biscuit soufflé au goût chimique de cacahuète qui aura la peau de la sublime silhouette de mon ami, faisant de ce demi-Dieu Grec au sourire ravageur un vulgaire Amerloque à tee-shirt gras et au gros cul.

Si ce vilain Curly est partie prenante dans le déclin physique de mon ami, c'est un mal végétal bien plus sournois qu'un vulgaire gâteau apéritif qui viendra lui ronger un bout conséquent de sa cervelle.
C'est son accointance quasi charnelle avec la fleur de Ganja qui enleva mon ami au monde des vivants, pour le faire entrer dans le monde froid et "pixelisé" du Geek lobotomisé.

C'est un message téléphonique confus et troublant que je reçus en pleine nuit, alors que je révisais d'une main ma thèse sur Alexis Texas en me refaisant l'intégrale de son glorieux labeur, qui me mit en alerte et me décidât d'aller au plus vite à la demeure estudiantine de mon vieil ami.
Ce message était incompréhensible.
J'entendais des phrases sans queue ni tête, des mots perdus tombés d'une réflexion malade. J'entendais: "Parchemin", "Passage secret" "Putain de paire de nibards, mon frère !", "Pièges", "Archéologie", "Whââ la bonasse !!" et bien d'autres termes tout aussi abscons.

En arrivant à demeure, je pénétrais avec fracas dans cet appartement étudiant malodorant.
Là, à la faible lueur d'une bougie, je vis mon ami penché sur un vieux parchemin poussiéreux.
Je vis ses mains affairées. Ses doigts dans une danse folle courraient sur un bout de papier, tentant quelques pliages improbables.
Mon ami était pris dans une énigme des plus énigmatiques comme il me l'affirma.
Tel un Champollion à cheveux gras, je voyais mon pote tenter de déchiffrer ce papyrus millénaire. Mais en m'approchant un peu plus près, en exerçant mes magnifiques yeux à la faible luminosité du taudis universitaire, je me rendis compte que ce que je prenais pour un papyrus millénaire n'était qu'une feuille de classeur format A4 où était dessiné à main levée et sans le moindre talent pictural, le mode d'emploi pour le roulage d'un spliff monumental de douze feuilles.

Désemparé et blasé, je me laissai tomber lourdement sur son vieux canapé collant.
Je vis dans le coin de la chambre sa vieille télé allumée et à l’intérieur une jolie gonzesse aux seins carrés.
Lara Croft ! Une archéologue British qui promène sa grosse paires de nichons à gros pixels aux quatre coins du monde.
Une aventurière qui résout les énigmes de temples maudits et autres pyramides millénaires avec pour seules armes une capacité de réflexion et une paire de lolos hors du commun... Ça, et deux bon gros flingues quand même, dont elle se sert pour tirer sur tout ce qui bouge.

Je me mis en tête de faire la morale à mon poto en lui expliquant que les jeux vidéos ne lui amèneraient jamais rien de bon et qu'il devrait à l'image de la belle Lara, voyager, parcourir un monde qui s'offrait à lui, profiter des beautés de notre planète.
A ce moment là, je l'entendis hurler: "Hourrah ! Ça y est putain !!" et vis entre ses mains un superbe oinj de douze feuilles et pesant au bas mot cinq cent grammes.
C'est en allumant ce fumigène géant qu'il m'expliqua que lui aussi il les voyait ces temples maudits perdus au fin fond de la forêt Amazonienne, qu'il les escaladait ces pyramides Égyptiennes mystérieuses, qu'il plongeait, lui aussi, tête la première dans les eaux limpides d'un lagon oublié et qu'il pouvait faire tout ça sans bouger de son vieux canapé déchiré.
Juste en allumant cet imposant et majestueux douze feuilles.

Je m'assis près de lui, acceptant ma défaite.
J'attachais ma ceinture l'oeil las et le sourire vaincu. Prenant ce bédo entre mes mains avec le plus grand respect, je fumais la première taffe en rêvant, me préparant ainsi pour un long et périlleux voyage, assis devant sa télé.