Raymarathon : 3/22
Quand on se renseigne sur l’histoire du développement de Rayman 2, on finit toujours par tomber à un moment sur le nom de Tonic Trouble. Il s’agit du premier jeu d’Ubisoft en 3D, dirigé par Michel Ancel (ce qui explique la forte ressemblance entre Rayman et Ed, le héros du jeu) et développé par Ubi Montréal, et dont le moteur sera réutilisé lorsqu’il sera décidé que Rayman 2 devra être un jeu en 3D. Après un développement qui s’est éternisé, les deux jeux finiront par sortir avec quelques mois d’écart en 1999 (Tonic Trouble avait comme première fenêtre de sortie l’année 1997).
Ainsi, TT a souvent la réputation d’être une version béta de Rayman 2, quand bien même les deux jeux n’ont pendant longtemps rien eu en commun.
A titre personnel, c’est sûrement le jeu de ce Raymarathon que j’étais le plus curieux de découvrir. J’adore Rayman 2 et cela fait des années que son cousin canadien est sur mon radar, depuis que je l’ai découvert dans le DVD de la série animée Rayman en fait. Malheureusement, Ubisoft n’a jamais pris la peine de le rééditer sur des plateformes modernes, que ce soit l’eShop de la Wii, GOG ou même leur propre magasin, Ubisoft Connect.
Tant pis, j’ai retroussé mes manches et j’ai réussi, après moultes péripéties, à faire fonctionner le jeu sur mon PC moderne. Je n’en suis pas peu fier, vu qu’il a la réputation d’être très chiant à émuler (même à l’époque, il semble qu’il tournait mal sous Windows XP).
Dans le jeu, on suit l’histoire d’Ed, un extraterrestre chétif qui a par erreur balancé une canette de LSD sur Terre. Un viking s’en empare, gagne instantanément 90% de masse musculaire (les nutritionnistes le détestent !) et devient l’Empereur de la Terre, tandis que la faune et la flore de la planète mutent de manière incontrôlable. Ed est contraint de récupérer la canette au péril de sa vie.
S’il y a une chose que j’aime beaucoup dans ce jeu, c’est son intro. Elle est réalisée en CGI (contrairement à celle de la version N64, qui est donc plus courte et moins folle) et nous présente très bien Ed et son entourage, mais surtout elle est bourrée d’humour. Que ce soit Ed qui se fait poursuivre par son rival en amour (qui fait 3 fois sa taille et finit encastré dans un mur), le viking qui est un putain de looser alcoolique avant de récupérer la canette ou le plan du Général pour récupérer la canette qui échoue lamentablement, en à peine 5 minutes on comprend très bien les bases du scénario et l’ambiance à laquelle on va être confronté.
Le scénario sera beaucoup plus discret dans la suite de l’aventure, mais certains dialogues valent tout de même leur pesant de cacahuètes. Je pense en particulier à la fille du professeur qui est chaude comme la braise et parle explicitement des jeux sexuels qu’elle fera avec Ed une fois la crise résolue.
En fait, le jeu ressemble énormément à Rayman 2 au niveau des graphismes, mais son ambiance est du pur Rayman 3. Certains diraient que c’est le meilleur des deux mondes.
Dommage que cette cinématique d’intro soit la seule en CGI de tout le jeu, j’aurais bien voulu voir une conclusion avec la même qualité.
Tant qu’on parle de l’ambiance, je tiens à dire que le jeu est vraiment beau, encore aujourd’hui. C’est probablement dû à certains outils que j’ai utilisés qui ont forcé une résolution en HD, mais ça a permis de sublimer l’environnement parcouru par Ed : les couleurs sont vives, les textures sont assez détaillées (bien qu’un peu moins riches que Rayman 2) et les ennemis sont hilarants. On affronte aussi bien des canards avec un piège à loup en guise de bec que des mafieux en tutu rose, sans parler des tomates tueuses qui étaient bien mises en avant dans la campagne du jeu (d’ailleurs leur raison pour être dans le camp des méchants est qu’elles en avaient marre d’être bouffées par les humains, c’est littéralement la blague qu’on sort aux vegans à chaque repas de famille, donc c’est rigolo). Les PNJ amicaux ne sont pas mal non plus, entre l’homme-journal ou le professeur avec un oeil sur le sommet du crâne.
L’OST est plaisante et s’accorde bien aux différents lieux visités, même si je regrette que le boss final n’ait aucune musique lors de son affrontement. Drôle de choix.
Passons au gameplay. Tonic Trouble est un jeu de plateforme en 3D, genre qui se fait rare de nos jours. Ed commence le jeu avec très peu d’actions possibles (il ne peut même pas taper ses ennemis !) mais en débloque au fur et à mesure. Par exemple, il récupère son arme principale (un bâton/sarbacane) sur le cadavre du premier boss, puis il obtient des fléchettes, la possibilité de planer, de se transformer en ennemi… Le jeu a une certaine passion pour les énigmes, en particulier dans le niveau de la Pyramide, donc tous ces pouvoirs sont bien exploités au fil de l’aventure. Et puis c’est agréable qu’ils soient introduits au compte-goutte, ça nous laisse le temps de nous familiariser avec chacun.
Le joueur évolue dans un hub qui conduit aux différents niveaux, comme dans Mario 64. Il est assez vaste et on peut s’y perdre au début, heureusement des panneaux nous indiquent la direction des différents niveaux et on finit par le connaître par coeur. Pour le reste, Ed obéit au doigt et à l’oeil, et si la caméra peut parfois se montrer réfractaire, en général on arrive à la positionner où on veut (il y a un bouton pour la placer juste derrière Ed, c’est extrêmement pratique) et la majorité des défis de plateforme du jeu passent tout seul.
Tiens, et le niveau d’intro est une longue glissade, ça ne vous rappelle pas une certaine grande évasion ?
Attention, je ne dis pas que tout est parfait. Si le jeu est dans l’ensemble simple, il y a certains pics de difficulté qui arrivent sans prévenir et peuvent vous bloquer un bon moment. Certaines énigmes de la Pyramide par exemple sont vraiment confuses.
Mais le pire, ce sont les phases où on doit faire planer Ed. Le jeu tente d’avoir une physique réaliste, mais ça rend Ed très dur à contrôler et il a l’inertie d’un camion dès qu’il faut prendre un virage, c’est très perturbant. Je pense avoir passé un bon quart de mon temps de jeu sur le tutoriel du planeur et sur le niveau qui suit (qui exploite à fond cette mécanique), ce qui m’a d’ailleurs valu mon seul Game Over du jeu. Reconnaissons au moins que le jeu de mot était bien trouvé, puisque le planeur est représenté par…un noeud-papillon !
Vers la fin du jeu, on nous force également à faire du backtracking pour récolter des "bonus" (dans la version N64 on les appelle des "antidotes", ce qui a au moins le mérite d’être plus clair). Il en faut 160 sur les 200 du jeu pour progresser.
Je ne suis pas opposé à l’idée, c’est même assez amusant de retourner dans les premiers niveaux pour récolter des bonus qu’on ne pouvait pas atteindre avant (comme dans Rayman 1, certains nécessitent des upgrades que l’on n’a pas lors de la première visite). En revanche, le gros point noir c’est qu’il n’y a à ma connaissance aucun moyen de voir le taux de progression global. C’est-à-dire qu’il n’y a nulle part dans l’overworld ou dans le menu un endroit où t’indique "Tu as ramassé X bonus dans le premier niveau, Y dans le deuxième…". Il faut voyager soi-même dans tous les niveaux pour voir le nombre de bonus ramassés dans chacun, c’est super lourd. Personnellement j’étais persuadé d’en avoir 160 après la revisite de quelques niveaux et la porte vers le prochain niveau ne s’ouvrait toujours pas, donc j’ai été dans chaque niveau pour noter et calculer moi-même combien j’en avais… Et j’en avais 158. Un simple écran aurait pu m’économiser 10 minutes d’aller-retours et de temps de chargement (ils ne sont pas trop longs, mais ils sont assez nombreux vu que l’overworld est divisé en plusieurs petites zones).
Côté technique, le jeu n’est à priori pas compatible avec les manettes modernes (j’ai essayé ma manette de 360 et de PS1 mini, aucune ne marchait même avec Joy2Key, étrangement). J’ai beau avoir fait Sonic Heroes et Sonic Adventure DX au clavier il y a 12 ans, j’ai passé l’âge de ces conneries, c’est vraiment pas intuitif de jouer à un jeu de plateforme 3D au clavier.
Sinon, j’ai eu 3 crashs pendant mes 6-7h de jeu. Je ne sais pas si c’est dû au jeu ou à mon bricolage pour le faire fonctionner. Heureusement il y a une sauvegarde automatique à chaque checkpoint, donc même si c’est relou de devoir relancer le jeu ça n’est jamais trop handicapant.
Au fait, vous vous demandez peut-être d’où vient le titre de la critique ? C’est très simple : il y a un power-up dans le jeu qui transforme Ed en gros costaud capable de tordre des barreaux métalliques et de mettre une grosse mandale aux méchants. Et ce power-up est représenté par…un distributeur de chocolats Crunch ! Ubisoft a visiblement cherché à alléger les coûts du développement qui s’éternisait en cherchant des sponsors (aux Etats-Unis d’Amérique, ces distributeurs sont remplacés par des machines à pop-corn d’une marque locale, de là à dire que ce sont des pop-corns interdits en France…).
C’est très hors de propos évidemment, ça casse le côté féérique du jeu, même si à contrario ça renforce son côté loufoque. En tout cas, on sera tous d’accord pour dire que logiquement, avec ce régime alimentaire Ed devrait plutôt se transformer en gros tas de graisse qu’en bodybuilder.
Tonic Trouble est une expérience sympathique. S’il n’a pas la maestria de Rayman 2, il a sa propre identité et on repère facilement les éléments qui ont été réutilisés dans sa "suite" pour y être davantage améliorés. Prenez les tornades qui servent à prendre de l’altitude dans certains niveaux de Rayman 2, elles sont importées telles quelles de Tonic Trouble !
Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est un classique de son époque, mais c’est tout de même un jeu très agréable pour vous occuper quelques après-midis. Et si vous êtes désespérément en manque d'Ed depuis 23 ans, vous pouvez toujours vous tourner vers la version Game Boy Color.