4 heures de jeu à mon actif.
On est lancé sur le "point and click", pourquoi s'arrêter en si bon chemin ?
Tormentum : Dark Sorrow est un jeu que l'on pourrait classer dans la catégorie Dark Fantasy. Cependant, cela serait assez réducteur et franchement, n'engloberait qu'une infime partie de l'expérience proposée. De ce fait, nous avons plus à faire à une œuvre, comme je les définis, Onirique : on peut y voir une œuvre de Fantasy où l'atmosphère, l'ambiance fait très fortement penser aux fragments et aspects des rêves avec une certaine touche Steampunk. En effet, ce jeu met l'accent sur des personnages, des paysages atypiques, torturés, métaphoriques... on sort réellement d'une vision "réelle" d'un univers imaginaire banal pour plonger corps et âme dans un monde où chaque caillou, chaque branche peut faire naître une sorte d'envoûtement.
Nous incarnons un inconnu qui se réveille dans les geôles d'un château, destiné à être torturé pour un crime dont il ne se souvient pas. La seule chose dont on se rappelle, c'est la forme d'une statue étrange qui semble pouvoir répondre à nos questions. Il nous faut donc quitter ce sinistre endroit et tenter de retrouver cette mystérieuse statue et notre mémoire.
Pas plus de spoil !
Concernant l'histoire.
En réalité, elle est très simpliste : avancer à travers les niveaux afin de retrouver la mémoire. Voilà. Guère original mais force est de constater que l'ambiance mise en place nous aide à nous plonger dans cette intrigue, nous offrant un certain choc - si tant est que l'on se soit investie un tant soit peu dans le jeu - au chapitre final. Le véritable problème est donc que l'histoire n'a que deux pages : les premières minutes et les dernières. Entre les deux, on va tenter de fuir notre prison et aider différents personnages, obtenant pour les avoir secouru non des fragments de notre passé mais des objets pour terminer les différents tableaux. Avec du recul, il est vrai que cela est un peu déstabilisant, cette histoire en deux temps minimes en début et fin de jeu mais force est de constater (et ce n'est qu'une interprétation personnelle) qu'il y a du génie là dedans : comme si, au vu des thèmes introduits, le jeu entier se révélait être un simulateur d'existence où l'on devait tenter de ne pas corrompre son âme jusqu'au point de non retour. Le fait de commencer enchaîné et, pour se libérer d'entraves trop lourdes à porter, tenter de s'en débarrasser en apaisant les souffrances des autres. C'est ce qui fait, en quelque sorte, la superbe de ce jeu : le fait de proposer un divertissement aux échos et enjeux on ne peut plus réel ; une sorte de miroir plus simple et manichéen de l'existence, jusqu'à personnifier le jugement dernier et ça marche ! Quelque soit nos choix, on ne pourra pas rester indifférent et l'on s'interrogera sur nos actions, étaient-elles bonnes, mauvaises, pourquoi l'avoir fait ? Et l'on s'étonne par moment de se justifier soit même, persuadé qu'il n'y avait pas d'autres choix. Car, notons-le,le jeu possède un système manichéen, où l'on va devoir choisir entre être bon ou être mauvais. Si sur le papier, cette vision est sympathique, force est de constater qu'en jeu, c'est presque trop manichéen justement : il n'y a pas de "juste" milieu, soit on est vraiment bon, soit on est vraiment mauvais (si l'on décide de s'en tenir à la pureté avec laquelle on a commencé), ce qui rend la conclusion un peu grossière sans pour autant lui amputer son aura intimidant.
En bref, si l'histoire est quelque peu courte, simpliste et fragmentée, force est de constater qu'elle est prenante, couplé à cet univers aussi torturé que notre personnage à la sortie de sa prison.
Pour le côté technique, puisqu'il s'agit d'un "point and click", je dois avouer avoir été surpris. Ayant terminé - dans un laps de temps plus ou moins long - Les Chaînes de Satinav et Memoria, je m'attendais vraiment à un jeu plutôt corsé avec des énigmes casse-tête alors que non, c'est tout l'inverse ! Enfin, concernant les énigmes en tous cas. "Point and click" oblige, il va falloir mitrailler les différents tableaux, sauf que l'on a une aide omniprésente : les objets (du moins, la majorité) avec lesquels il faut interagir sont toujours en surbrillance. D'un côté, c'est bien utile mais de l'autre, cela retire indéniablement de la difficulté, rendant en fin de compte le jeu bien trop simple. Une des véritables forces de ce jeu réside dans les énigmes proposées, là aussi guère très compliquées mais qui ont le mérite d'être bien pensées, s'incorporant parfaitement dans cet univers.
Pour les personnages à présent, si ils n'ont pas énormément de lignes de texte hormis pour un ou deux protagonistes, le peu de parole nous permet de leur imaginer aisément un caractère et une philosophie. Mais ce qui va réellement faire les personnages de ce jeu, c'est bien la manière dont ils sont vêtus : l'apparence est d'une grande éloquence dans ce jeu, nous amenant facilement à nous tromper sur les desseins de ces derniers. Ainsi, nous avons de nombreux personnages secondaires parfaitement peints, hauts en couleur et attachants pour certains ; ce qui amplifie l'inquiétude que l'on peut avoir à leur encontre lorsque l'on se rend compte du manichéisme tranchant du jeu - qui parfois, amène de la frustration gratuite dans le sens où la demi-mesure n'existe pas mais là aussi, on peut y avoir un reflet de la confiance qui peut se briser au moindre écart (là encore, il s'agit d'une interprétation complètement personnelle).
Nous avons véritablement des visages atypiques, aussi bien avec des personnages vivants que morts. Un excellent point donc avec des personnages appartenant corps et âme aux paysages qu'ils peuplent.
Pour la direction artistique, c'est tout bonnement exceptionnel !
On parcourt plusieurs tableaux riches en détails et, d'après ce que j'ai pu en lire, peints à la main, ce qui accentue ce sentiment torturé qui nous habite dès que l'on lance le jeu. Des décors à couper le souffle, des paysages oniriques... c'est un énorme travail visuel qui ne fait qu'embellir par une certaine forme de laideur l'ambiance décidée et dévoilée.
Une mention spéciale pour les artworks que l'on voit durant le générique de fin. Il s'agit d'images que l'on n'a pas eu le loisir de voir durant notre session de jeu mais qui donne encore plus de matière sur cet univers inhabituel. Une seconde mention spéciale pour les nombreux tableaux du peintre qui transpose sur la toile des rêves cauchemardesques qui, parfois, font pâles figure à côté de ce monde déjà bien cauchemardesque ; j'ai fortement apprécié.
Concernant les musiques, nous avons le droit à de nombreuses mélodies appréciables, contribuant sans mal à nous faire adhérer à cet univers déjà bien décrit. Mention spéciale à celle qui se débloque lors de la "bonne fin" : tout bonnement délicieuse.
Tormentum : Dark Sorrow est un jeu à double tranchant : soit on apprécie la patte spéciale déployée, soit on reste sur le banc de touche car l'atmosphère proposée n'est clairement pas notre tasse de thé. Il en est que ce "point and click" est exceptionnel et parvient à transpirer par tous ces pores de sensations mélancoliques, voire dépravées. Une expérience de jeu qui mérite d'être vécue et qui propose, en double lecture (du moins, une fois n'est pas coutume, il s'agit encore d'une interprétation totalement personnelle), une réflexion vraiment intéressante sur nos habitudes dans cette vie, jusqu'à ce que le jugement dernier nous fasse comparaître.
Et n'oubliez pas : la Fantasy nous appartient !