Pourquoi tourner autour du pot ? Unreal II: eXpanded MultiPlayer – alias XMP pour les intimes – reste à ce jour le meilleur titre multijoueur auquel j'ai pu jouer, toutes plateformes et styles de jeu confondus.

Et pourtant, ce pari-là faillit bien ne pas être gagné, pour la simple et bonne raison qu'XMP passa bien près de ne jamais exister. Pour des raisons que j'ai eu l'occasion de détailler dans ma chronique d'Unreal II: The Awakening, cette extension à ce titre précis n'existe dans l'état qu'on lui connaît que grâce à un concours de circonstances bien particulier ; le résultat final n'a rien à voir – ou si peu – avec ce qu'il devait proposer comme mécaniques de jeu, et surtout comme univers, dans son concept de départ : le lecteur curieux quant aux détails de ce projet initial se penchera avec bonheur sur les Liandri Archives chez BeyondUnreal.

En fait, XMP évoque bien plus un mod offert par Legend Entertainment – les développeurs d'Unreal II – qu'un jeu commercial à proprement parler. D'abord parce qu'il est « gratuit » – du moins tant qu'on considère comme gratuit un titre qui ne requiert pour s'installer que le disque de jeu du titre dont il est une extension – et ne nécessite ni enregistrement ni abonnement pour le télécharger. Enfin parce que les gens de Legend Entertainment développèrent ce titre dans leur temps libre, comme si ce projet leur tenait tant à cœur qu'ils décidèrent de ne pas compter leurs heures afin de le compléter à partir des bribes du projet originel déjà évoqué plus haut.

Toute la différence avec un mod réside dans le fait qu'il s'agit d'une production de professionnels, avec tout ce que ça implique en terme de qualité de conception tant sur les level designs que sur les différents models et textures mais aussi sur les mécaniques de jeu ; et sur ce dernier point, XMP propose quelques particularités notables. Par exemple, il s'agit d'un jeu d'équipes basé sur des classes de personnages, chacune d'entre elle proposant son lot de spécificités tel que les types d'armure et d'armes comme les capacités de déplacements et d'interaction avec l'environnement ; et, comme il se doit dans un jeu basé sur des classes, chacune d'elle vaut les autres en un parfait équilibre d'équipements et de talents : en d'autres termes, elles se complètent.

Une autre particularité consiste à donner la possibilité d'utiliser des véhicules, ce qui à l'époque restait assez peu banal. Le premier d'entre eux, une sorte de jeep capable de courtes mais intenses périodes d'accélérations, comprend un pilote et un tireur. Le second, un transporteur de troupe plus résistant mais aussi plus lent, nécessite lui aussi un pilote mais peut accueillir deux artilleurs – chacun d'eux manipulant un type d'arme différent. Le troisième et dernier, un tank, se passe de commentaires. Par-dessus le marché, leurs capacités tout-terrain – proprement ahurissantes – en rendent le pilotage très simple. Mais ne croyez pas qu'un simple fantassin reste dénué de recours face à un de ces engins, car une bonne dose de sens tactique suffit souvent à renverser le déséquilibre des forces...

Une troisième particularité concerne ce qu'on appelle des « déployables » : des équipements autonomes servant d'appui, le plus souvent en défense mais un brin de jugeote suffit à en faire des éléments offensifs. Les tourelles de tir par exemple ; elles sont de deux sortes, qui se passent d'explications détaillées : mitrailleuses ou lance-roquettes, avec munitions illimitées. Leurs seules faiblesses : un temps de réaction un peu long et un bruit de mise en route qui alerte la cible si celle-ci se trouve peu éloignée. Le dernier type de déployable est une barrière laser que seuls peuvent traverser les membres de l'équipe qui les a disposées ; les autres doivent sauter par-dessus – ce qui les ralentit et les expose – ou bien les détruire – ce qui leur prend du temps et des munitions.

Mais comme il s'agit d'un jeu très orienté tactique de groupe, il faut aussi gérer diverses ressources. Parmi celles-ci, les générateurs d'énergie restent les plus importantes : sans elles, aucun de vos véhicules ou déployables ne peuvent fonctionner ; vous devez donc les mettre en route au début du match, et éviter par la suite que l'adversaire ne vous les prenne car une équipe sans plus d'énergie à disposition se trouve en très fâcheuse posture. De la même manière que vous vous accaparez des générateurs, vous pouvez aussi utiliser des tourelles de défense de gros calibre, et donc fixes, situées pour la plupart à proximité de chacune des deux bases présentes sur la carte.

L'une de celles-ci constitue le quartier général de votre équipe, et celle d'en face celui de l'adversaire : là se trouve vos « trésors » et de l'autre côté ceux de l'ennemi, sous la forme d'une paire d'artefacts extraterrestres et lumineux. La première équipe à ramener chez elle les deux artefacts de l'équipe opposée gagne la partie – mais à condition qu'aucun de ses propres artefacts ne se trouve aux mains de l'ennemi. Pour vous infiltrer chez celui-ci, au passage, il vous faudra peut-être hacker des serrures afin d'ouvrir des accès, à la fois pour vous et pour vos coéquipiers, ce qui ne représente jamais qu'un autre élément tactique supplémentaire.

Quant au dernier de ces éléments tactiques, il prend une forme assez inattendue. Car dans XMP les scaphandres blindés et mécanisés permettent certes de transporter un équipement lourd et encombrant mais il limite aussi les mouvements en raison de son propre poids – ce qui s'avère assez logique... Il résulte de ce qui semble au premier abord un simple détail qu'en dépit de la possibilité d'utiliser un jetpack pour réaliser des bonds prodigieux, le rythme d'XMP est assez lent : en d'autres termes, les talents d'un joueur en particulier ne suffisent pas à renverser le cours d'une partie à lui tout seul – il reste quoi qu'il en soit obligé de travailler de concert avec son équipe.

XMP est donc un jeu exceptionnellement complet, et aussi – en tous cas par rapport à l'univers auquel il se rattache – d'un réalisme assez étonnant. Hélas, l'éditeur Atari ferma le studio Legend Entertainment peu de temps après la publication d'XMP et stoppa dans le même temps tout support technique comme artistique pour ce titre, ce qui fut le début de sa lente agonie (1). Si des solutions alternatives permirent de lancer et de rejoindre des parties hébergées par des tiers, les maps créées par des amateurs qui peuplèrent bientôt ses serveurs ad nauseam se caractérisaient par des lacunes tant techniques qu'artistiques qui rendirent vite le jeu assez repoussant...

Ainsi mourut donc XMP. Il laisse néanmoins derrière lui le souvenir d'un titre admirable sous bien des aspects et au final d'un jeu bien plus abouti et agréable à jouer que le sont la plupart des productions actuelles dont les parties se résument le plus souvent à un joyeux bordel plutôt qu'à un affrontement réellement tactique où le jeu d'équipe reste le plus sûr moyen d'arracher la victoire à l'adversaire.

(1) j'indique dans ma critique d'Unreal II déjà évoquée plus haut ce qui me semble les raisons derrière cette décision pour le moins surprenante compte tenu du succès d'XMP...

Note :

L'équipe de Free Monkey Interactive reprit le flambeau de Legend Entertainment, avec l'accord des développeurs du studio défunt, et entreprit de porter XMP sur Unreal Tournament 2004 sous la forme d'un mod appelé UTXMP ; le résultat s'avéra hélas assez peu convaincant pour les joueurs de la première heure en général.
LeDinoBleu
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le 8 mai 2011

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