VA-11 Hall-A: Cyberpunk Bartender Action est un Visual Novel, genre avec lequel je n'ai eu aucun contact en dehors du très connu Saya no Uta qui m'a laissé un bon souvenir, mais ce n'est pas de lui dont il sera question aujourd'hui. En tant que total néophyte du genre, autant vous dire que ce jeu m'a laissé une empreinte très forte pour diverses raisons.
Détail qui passera sans doute inaperçu mais VA11 utilise avec une grande intelligence son propre support, et si d'autres l'ont sans doute fait avant lui l'initiative est tout à son honneur. En effet si les visual novel "classiques" nous proposent à divers moments clefs de l'intrigue de choisir quelle direction l'histoire doit prendre, chez VA11 cette mécanique de "choix" se fond totalement dans le gameplay du jeu et en devient le moteur même "Time to mix drinks and change lives". L'action ne s'interrompt jamais, et vous (Jill) choisissez délibérément d'orienter le récit en répondant aux commandes de ses clients. Ce que je veux dire par là c'est qu'aussi limité que puisse paraitre le gameplay d'un visual novel, VA11 arrive à se distinguer en multipliant les interactions sans jamais véritablement vous indiquer ce que vous faites. Bien plus intéressant qu'un QCM, ici vous ne serez jamais vraiment dégouté d'avoir orienté l'histoire dans une certaine direction, en fait vous ne le saurez jamais à moins de chercher une soluce, et en fait ce n'est pas important, car en choisissant de masquer cette mécanique, les "choix" que le joueur fait deviennent alors personnels dans le sens où l'impossibilité d'avoir ne serait-ce qu'une vague idée des conséquences de vos actes vous fais jouer inconsciemment d'une certaine façon : la vôtre, et non pas un personnage que vous vous serez construit en fonction de vos choix. Et cette subtilité a son importance dans le processus d'identification à Jill et l'implication avec laquelle vous répondez aux demandes formulées : un joueur attentif et rigoureux saura quelle sera la "bonne décision" car il aura fait l'effort de se concentrer sur le jeu. Cependant, bien que nous parlons de choix depuis tout à l'heure, dans le cas de VA11 ceux-ci n'existent pas vraiment : En effet il s'agira plutôt de savoir répondre avec plus ou moins de finesse aux attentes de la personne en face de vous et ce parfois malgré elle. Mais cela n'a pas vraiment d'importance, il faut plutôt prendre ce dynamisme de gameplay comme une façon de nous immerger dans l'univers et non pas comme un acte décisionnel de joueur : le but est de nous impliquer en tant que personne, et non pas nous placer en spectateur (lecteur) de l'action.
Croyez-le ou non mais l'univers de ce jeu est véritablement complexe dans le bon sens du terme : cohérent de bout en bout et ultra immersif sans jamais prendre toute la place. Si vous prenez le temps de tout lire entre deux services alors vous serez surpris de sa richesse, autrement il sera simplement une ambiance et une touche exotique aux nombreux dialogues qui vous parleront sans complexe de transhumanisme, du rapport à la technologie, à l'humain et plein d'autres sujets sensibles dans un contexte des plus charmants. Bourré d'inspirations et empruntant aux références du genre cyberpunk, le jeu trouve son identité en choisissant de se focaliser non pas sur un personnage en particulier, mais sur ceux vivant quotidiennement dans cet univers chaotique. En effet bien que vous soyez le protagoniste, vous n'êtes finalement pas le véritable héros de cette histoire et le jeu vous le fera comprendre à plusieurs reprises avec brutalité : vous subissez les affres de la vie comme tout le monde. Jill est une bonne oreille et n'est en rien toute puissante, mais possède cependant un travail d'écriture tout aussi réussi que le reste des personnages que vous aurez la chance de rencontrer au cours de l'histoire. Véritablement attachant le coeur du jeu se situera bien évidemment dans l'implication avec laquelle vous suivrez leurs discussions. Ne vous y fiez pas, si beaucoup vous sembleront clichés de prime abord, c'est pour mieux appâter l'otaku qui se trouve en vous. Si le jeu est un véritable hommage aux anime et au cyberpunk, il ne s'en contente pas. Il ne tient qu'à vous de vous intéresser à la vie des clients qui ne manqueront sans doute pas de vous émouvoir autant dans le positif que le négatif. Vous aurez tout loisir de les découvrir, de rire et peut être même de les aider à votre façon, et plus vous en apprendrez sur eux plus vous en apprendrez sur vous même au sens propre comme figuré. En effet Jill n'est pas que votre reflet et possède une vie que vous découvrirez en temps voulu, renforçant ainsi votre proximité avec elle, mais aussi avec les autres personnages et c'est sans doute là l'une des autres grandes forces de ce jeu : Celui-ci détruit la toute puissance du joueur en l'empêchant d'agir de façon concrète dans l'univers dans lequel il évolue, mais lui laisse cependant suffisamment de liberté d'action pour avoir la sensation d'en faire partie. Car c'est ça VA-11 HALL-A, vivre malgré notre impuissance, être aussi sensible que les autres, apprendre à les connaitre et à nous connaitre ; nous rapprocher d'eux et oublier l'espace d'un instant que tout ceci n'est que fiction, bien qu'il soit évident que dans le cas présent la réalité n'est pas loin. La plus forte impression ressortie de cette expérience était la profonde humanité qui s'en dégageait. Vous l'avez compris, il s'agit là d'une oeuvre d'auteur :
"you could say VA-11 HALL-A reflects a lot about the state of our
country. About people trying to be happy in the middle of a dire
situation. Optimism plays a huge part of the story, and while it may
seem a bit ridiculous due to the waifu schtick and talking dogs, it’s
actually part of what we want to transmit. That you can laugh, cry,
and even find love among the chaos." - http://nichegamer.com/2016/09/15/va-11-hall-a-interview-the-art-of-cyberpunk-bartending/