Quatre ans se sont déjà écoulés depuis la sortie de Shadows of New York et je ne m'attendais pas à qu'un nouvel épisode vienne garnir cette désormais trilogie New-Yorkaise vampirique (comme quoi, les actualités Steam, ça aide); une sortie qui arrive à point nommé alors que Bloodlines 2 s'est enlisé dans un Developpement Hell et a étouffé les espoirs de beaucoup avec une première vidéo de gameplay catastrophique. Pas de changement majeur à l'horizon pour ce retour inattendu, nous sommes toujours en présence d'un Visual Novel assez minimaliste dans son déroulement où il va être à nouveau question d'une enquête (comme c'est étonnant :p) à résoudre dans un délai imparti pour éviter que certaines têtes ne tombent, la notre en l’occurrence alors que la Mascarade bat de l'aile et que l'autorité de la Camarilla s'étiole peu à peu dans la ville qui ne dort jamais (vraiment jamais pour le coup). Alors que Shadows of New York s'assumait (avec brio) comme un jeu narratif sans entrave imposée par des systèmes de jeu dans le rythme du récit, Reckoning renoue avec la formule de Coteries of New York en réintégrant la mécanique de la soif à satisfaire pour utiliser nos pouvoirs vampiriques, ces pouvoirs bénéficiant d'un système d'amélioration très rudimentaire mais devant être utilisés avec parcimonie pour ne pas éveiller la bête qui sommeille en nous...Et attirer ainsi l'attention des chasseurs qui pullulent désormais dans les rues; Reckoning ajoute en effet cette nouvelle mécanique à la recette préétablie, l'ingérence des humains dans les affaires vampiriques étant par ailleurs l'un des points centraux du scénario; comme Swansong avant lui, Reckoning se plait d'ailleurs à illustrer davantage les vampires comme victimes des humains extrémistes, même si j'ignore si cette approche est dictée par les dernières éditions du jeu de rôle en une époque surconnectée où l'existence des vampires serait vraisemblablement bien plus compliquée à maintenir secrète. Notez néanmoins que ces mécaniques peuvent être désactivées d'entrée de jeu si vous préférez renouer avec une expérience plus narrative, la tension étant néanmoins omniprésente dans l'univers très paranoïaque de la Mascarade, il serait néanmoins dommage de s'en priver pour bien peser le pour et le contre dans vos décisions à venir.
Des décisions dont il convient néanmoins d'admettre qu'elles n'ont pas une importance significative dans le déroulement de l'intrigue et pourtant...Je me suis sacrément pris au jeu à nouveau, avec un stress tangible dans plusieurs situations épineux, désireux de découvrir le fin mot de cette machination et surtout si l'infortunée héroïne allait bien s'extirper de ce guêpier dans lequel on l'avait fourré. L'écriture n'est pas toujours des plus subtiles, l'enquête s'achemine rapidement comme un énième prétexte pour côtoyer les différents clans de la Mascarade (certains à ce titre pesteront peut être que les Malkavian commencent à être surreprésentés au sein de la franchise) et pourtant je me suis bien attaché à ce beau monde d'autant que Reckoning propose cette fois ci un duo efficace d'enquêteurs improvisés pour rompre avec la solitude pesante des jeux précédents et cette alliance imposée s'avère bien vite attachante tandis que le jeu trouve une belle pirouette en la matière : celle d'offrir la possibilité au joueur de redécouvrir toute l'intrigue par le point de vue de notre équipier, une fois l'aventure terminée, de quoi garantir une durée de vie assez significative en plus des chapitres que vous ne pourrez pas tous découvrir en une seule progression.
Et puis, il y a toujours ce plaisir délectable et propre à cette trilogie : celle de voir la toile de fond New-Yorkaise évoluer au fil des épisodes alors que les enquêtes s'avèrent pourtant déconnectées entre elles, vous pouvez commencer par n'importe quel opus selon votre préférence de clan associé mais on est quand même impatient de croiser à nouveau la route des personnages entrevus lors des jeux précédents, d'anticiper les conséquences des évènements passés et de voir le pouvoir changer de main au fur et à mesure des années; encore une fois, le jeu reste très passif par rapport aux évènements mais dans cette mascarade crépusculaire, il faut aussi une dose de lucidité pour accepter son insignifiance au sein de ses sociétés séculaires qui s'effritent sous nos yeux. Seule ombre au tableau dans le cadre de ce Reckoning et malheureusement pas des moindres : l'enrobage visuel et sonore s'avère assez décevant par rapport aux atours de ces prédécesseurs; les portraits sont assez impersonnels et grossiers avec ce curieux mouvement de balancier qui donne une impression d'Uncanney Valley (je soupçonne très fortement l'utilisation de l'IA en cause de ce résultat décevant) de telle sorte que certains personnages issus des jeux précédents en deviennent presque méconnaissables tandis que les compositions musicales sont très loin d'égaler les belles mélodies de Shadow of New York.
Une fabrication perfectible qui justifie peut être la moyenne assez timorée de cette suite tardive sur Steam à l'heure où j'écris ses lignes et pourtant, il faut croire qu'une fois n'est pas coutume c'est moi qui suis passé outre ses défauts évidents pour apprécier la saveur de ce récit haletant alors que je suis d'ordinaire plutôt prompt à chercher la petite bête qui gêne l'immersion. Mais bon, moi j'aime la Mascarade même quand c'est nul (je compte toujours acheter Bloodlines 2, c'est dire :p) et en l’occurrence, derrière ses apparences épurées sans prétention, cette trilogie a vraiment fini par dégager une saveur singulière au sein de ce vaste univers vampirique, comme un feuilleton sympathique qui reprend soudainement après des années d'interruption. A tel point que j'espère sincèrement qu'il sera question d'une tétralogie à l'avenir car nul doute que d'autres histoires méritent d'être contées dans cette Amérique qui prend décidément l'eau. :)