Jadis, c'était fun de jouer en Azeroth...
Il y a parfois des jeux qui ont la prétention et la suffisance, d'un côté de surprendre à leur sortie et de l'autre de ne pas perdre un poil de fun avec le temps. Warcraft II : Tides of Darkness est un archétype de ce phénomène. En effet, il fut un temps où nos chers requins de Blizzard n'avaient pas le syndrome de Caca-Midas, soit de changer en bouse tout ce qu'ils touchent. En 1996 quand le jeu est sorti, il a fait succession à un premier épisode sympathique, mais relativement limité et loin d'être aussi abouti que son successeur.
Ce deuxième opus reprend les lignes de base de son prédécesseur : un jeu de gestion d'escarmouches en temps réel avec pour ambiance de base un mélange basique d'éléments volés pêle-mêle à Tolkien et à Warhammer, d'où viennent la plupart des programmeurs du jeu. On aura beau dire, le gros du scénario tient sur une serviette hygiénique : les méchants Orcs possédés par un démon arrivent d'un autre monde sur Azeroth et s'allient à d'autres races pas très sympathiques pour foutre leur trempe aux humains et autres alliés elfes et nains. Et même si la storyline s'épanche un peu plus dans les détails dans le joli fascicule du jeu, on est loin de se retrouver devant un roc, un pic, un cap, une péninsule d'originalité. Heureusement ces éructations de scénario sont avant tout une excuse pour un jeu qui n'a absolument aucune réelle prétention, contrairement à ce what-the-fuck insipide et violoné que l'on retrouve dès Warcraft III.
Le gameplay est à la fois simple et efficace. Il y a, comme on aurait pu s'y attendre, deux camps à contrôler : l'Alliance des Hommes-Elfes-Nains-etc et la Horde des Orcs-Trolls-Gobelins-etc... On commence avec un centre de commandement et quelques ouvriers qui auront pour tâche de ramasser du bois, de l'or et plus tard du pétrole, de fabriquer des fermes pour davantage de population et divers bâtiments militaires, qui eux auront pour but d'entraîner des soldats. Le but premier d'une partie, c'est de foutre sa pâtée au camp d'en face dans un fracas d'os brisés et dans un cliquetis d'armes entrechoquées.
Simple, mais pas simpliste. En effet il ne suffit pas simplement d'entraîner une armée de 60 fantassins ou grunts pour venir à bout de l'adversaire. Il faudra établir ce qui devient un semblant de stratégie en créant une armée équilibrée, avec fantassins, attaquants à distance, armes de sièges, gros bourrins sur pattes, unités volantes pour l'attaque et l'exploration, mages, démolisseurs, une flotte convenable, et caetera. Qui plus est, améliorer leurs capacités se révèlera nécessaire si vous ne voulez pas envoyer Néandertal jouer à flinguemi-flinguemoi avec une armée digne de ce nom.
Simple, mais pas facile. En effet une partie typique se déroule sur une carte extrêmement petite et avec des ressources relativement limitées et soigneusement dispersées. Je pense surtout à l'or. De fait, tandis que vous pensez tout confiant que l'affrontement aura lieu quand vous serez prêt, vous vous voyez obligés d'envoyer vos maigres troupes trop tôt vers l'abattoir pour protéger quelques péons sur une mine d'or située à 30 mètres du camp de base. On a donc affaire à des parties très courtes et très intenses, à la difficulté néanmoins adaptée et bien dosée. Point de vue gameplay, le principal hic se situe au niveau du système de carrés de déplacements et de constructions, qui sont gros comme mon poing. C'est un miracle de pouvoir construire un gros bâtiment dans de petits espaces, et vos troupes, en plus de ne pas savoir se déplacer en réelle diagonale, se marchent souvent sur les pieds quand ils vont en groupe. Le handicap n'est pas sévère, mais présent. Et l'I.A. le gérera toujours mieux que vous.
Au niveau des graphismes, Blizzard a définitivement joué la carte qui a fait son succès. Alors que son concurrent de l'époque, Age of Empires, s'est lancé avec un moteur graphique mettant en avant un certain réalisme, Warcraft II a donné à son jeu une ambiance très cartoon et coloré, mais attention, pas édulcoré pour un sou. L'ambiance nonobstant assez sombre et oppressive du jeu rappelle que merde, on est sur un champ de bataille, quoi. Et Banco, le jeu n'a pas vieilli d'un pouce.
Les musique, quant à elles, n'ont rien à voir avec les tonalités 'midi' et hésitantes du premier opus. Très travaillées, elles s'accordent à merveille à l'ambiance du jeu et sont de véritable petits chefs-d'œuvre. Même si les musiques de l'Alliance font un peu effacées avec leurs airs de marches militaires, celles de la Horde sont incroyablement bien foutues et vous rappellent que, merde, c'est nous les méchants, nom de Dieu ! On pourra se permettre malgré tout le petit regret qu'il n'y ait que 4 musiques par camps.
Du point de vue des modes de jeu, le contenu est assez pauvre. Le mode campagne propose une poignée de cartes par camp, mais pas de quoi casser trois pattes à un Murloc. Une fois cela fini (et ça se fait en deux après-midi), le jeu ne propose hélas pas de système de cartes aléatoires et personnalisables, comme il y en a dans tous les jeux de gestion en temps réel. A la place, il dispose d'une banque de données de cartes pré-éditées. Le fast-food de la guerre d'Azeroth, de l'escarmouche sur le pouce. Si certaines peuvent être intéressantes et constituer en de véritable challenges, d'autres ne sont là que pour le fun. Exemple : vous lancez la carte, et vous retrouvez avec un pauvre péon solitaire au milieu d'une tournante de Trolls lanceurs de hache et bouffeurs de péons. Game Over. Temps de jeu : 1 seconde.
Au bout de quelques parties, on se met également à regretter le fait qu'il n'y ait que deux camps à jouer, mais quand on regarde la chose rétrospectivement après Warcraft III et WOW, on finit par se dire que c'est très bien sans zombies, elfes de la nuit et autres elfes de sang.
Car pour finir, fun, le jeu l'est sans aucun doute. Rectifions : il est fun ET bourrin. Jouez dix minutes avec la Horde et vous finirez par prononcer "ZOG-ZOG !" entre chaque phrase. Les moutons explosent quand on les spamme à coups de clics (hommage à Bad Taste ?) et chaque unité vous insultera ou vous dira une blague si vous en faites de même sur elle.
Warcraft II est au final une espèce d'apogée de la série fétiche de Blizzard avant qu'elle ne tombe dans la médiocrité hyper-commerciale comme on la retrouve dans l'insipidité et l'édulcoration désastreuses de Warcraft III et pis encore dans World of Warcraft. Dans leur course au fric et au public émo de 12 ans, peut-être ont-ils oublié que des jeux sans réelle prétention et avec une ambiance bourrine et très fun, on pouvait clairement faire de la meilleure tambouille. Ce jeu n'est pas une chef-d'œuvre, il a des défauts relativement palpables, mais c'est le seul opus de la série auquel je peux encore jouer et m'amuser. J'espère qu'un jour, il redeviendra possible de passer du vrai bon temps en terre d'Azeroth.
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