J'avoue, j'ai commencé ce WipeOut HD à reculons, poussé par un ami joueur et surtout par mon ego qui refusait de rester nul là où lui savait éviter les murs. J'ai donc persévéré, et si je ne le regrette pas, je dois bien avouer que l'effort fut permanent. Car depuis les tous débuts, malgré des évolutions dans mes jugement, un seul mot n'a jamais quitté mon esprit : élitisme.
- Une comparaison (trop) facile -
Évacuons rapidement la comparaison avec la série des F-Zero : malgré des différences de gameplay plutôt significatives, les deux titres se rangent dans la catégorie des jeux de course futuristes et exigeants. Mais là où le titre de Nintendo sait offrir une marge de progression dont les marches ne paraitront jamais trop hautes, et surtout la première (dans la grande tradition de la maison Nintendo des jeux grands publics au sens positif du terme), l'icône Playstationnienne apparait, en partie malgré elle - mais en partie seulement - comme un Everest à gravir qui ne révèlera ses secrets qu'aux meilleurs, qu'à la crème de la crème. Tous deux sont difficiles, mais il est plus aisé de rentrer dans F-Zero que dans Wipeout. Pour cette raison, malgré les qualités plus qu'évidentes du titre du studio Liverpool, je ne peux le porter tout en haut de mon cœur. Mais atteindre le ventricule droit n'est déjà pas donné à tout jeu, après tout.
- Un habillage state of the art -
Expliquons l'élitisme : par ses graphismes d'abord, absolument incroyables, propres, extraordinairement lisibles mais tout autant aseptisés, froids et qui ne pourront clairement être appréciés que par les amateurs d'une certaine forme d'art ; par ses sonorités tout aussi efficaces ; enfin, élitisme par ses musiques du même acabit que les graphismes (la cohérence est donc une qualité que l'on ne peut nier). Les menus eux-même font preuve d'un caractère épuré à tout épreuve. WipeOut HD se veut la pureté et le montre bien, quitte à se donner un air supérieur.
- Pures sensations -
Mais passons au cœur du gameplay : s'il offre une marge de progression tout bonnement ahurissante, s'il sait étager sa difficulté en trois modes éponymes et en une large gamme de vitesse de défilement, il n'en reste pas moins un titre encore plus qu'un autre totalement dévoué à la trajectoire pure, à l'absence de fioriture, à l'élimination totale des perturbations extérieures. Il est d'ailleurs finalement paradoxal que les courses savent aussi bien mélanger ce gameplay avec la présence d'armes et des différentes velléités des adversaires. Mais quel que soit le mode, on se retrouve face à une vitesse de plus en plus hallucinante, face à des murets toujours extrêmement proches, réduisant les circuits presque à leur plus simple expression de trajectoire idéale. On se retrouve face à des vaisseaux qui rentrent rapidement en rebondissante résonance dès la moindre chicane mal engagée. Il est à noter d'ailleurs la possibilité d'une aide au pilotage qui évite les murs, aide dont la présence est pour moi preuve d'une exigence trop prononcée dans ses premières étapes (et par égo, encore une fois, je joue sans presque depuis le début). Symptôme évident de cet élitisme : le mode Zone, dans lequel on n'accélère pas, on ne freine pas (d'ailleurs le frein n'existe pas tout court dans WipeOut), on ne fait que tourner et éviter le plus longtemps les murs dans un crescendo de vitesse et de style graphique totalement caractéristique du "WipeOut way of life".
- Où c'est qu'on appuie ? -
Mais il est vrai qu'un tel gameplay épuré aux exigences si hautes produit par conséquent une auto-satisfaction elle aussi très haute lors du succès d'une course ou d'une manœuvre : l'élitisme a ses avantages que la facilité ne saurait posséder. Plus prosaïquement, on jubile lorsque l'on parvient à maitriser en même temps trajectoire idéale sans à-coup et aérofrein lui-même dosé. Car, faut-il le préciser, les commandes sont ici très simples : on accélère avec X, on relâche de temps en temps pour un frein moteur très efficace, on tourne au stick et on amplifie les virages avec L2 et R2, ce qui fait qu'en plus de penser à tourner, voire à amplifier le virage, il faut également penser à doser cette amplification. Un bon gros point positif tout autant qu'il fait partie de la difficulté ambiante. En course, on tente de passer sur les "pads" bleus, symboles d'accélération brève mais ô combien importante, dont on apprendra rigoureusement le placement sous peine de ne jamais progresser. Dans les épreuves avec adversaires, on pourra parfois choisir de se déporter plutôt sur un "pad" rouge, qui procurera une arme offensive ou défensive utilisable avec la touche Carré ou, idée judicieuse, qui servira à recharger sa jauge de bouclier, qui a tendance à rapidement diminuer au moindre choc. On le voit, gameplay exigeant mais maniabilité bien pensée.
- Un dernier avant la fermeture ? -
Le bilan ne peut être que bon, avec un tel bagage technique, une fluidité sans égale, une esthétique tranchante et une maniabilité si claire. Mais il faut toutefois le nuancer : si certains jugeront cette épuration du jeu de course comme un coup de génie, d'autres y verront une hyper-spécialisation qui confine à l'élit... OK, vous avez saisi le mot. Si on peut comprendre une difficulté "maximale" élevée, que l'on accepte même tant la marge de progression est bien étagée, il est plus difficile d'accepter que le ticket d'entrée pour apprécier ce pilotage si particulier soit lui aussi si élevé. Une fois devenu un demi-dieu (très relatif) des circuits hyper-futuristes, professionnel du dépassement de soi (le pire ennemi étant toujours soi-même dans WipeOut) il est facile d'oublier la plèbe en-dessous et difficile de considérer avec objectivité ses propres débuts douloureux. Toutefois, les deux existent, et c'est ce qui fait de WipeOut HD un titre si unique, si vulgairement hautain, si absolument génial de supériorité discrète affichée. En toute modestie.