Botaniculabracadabrantesque
Ils l'ont fait. Les petits génies d'Amanita Design l'ont enfin fait. Après un Machinarium qui posait les bases d'un style très personnel mais qui ne s'affranchissait pas d'un certain classicisme du point & click et du jeu d'énigmes, Botanicula ose le pas en avant supplémentaire. Botanicula n'est pas un point & click, pas plus qu'un jeu d'énigme : c'est un jeu Amanita Design.
Évidemment, on ne réinventera pas la roue non plus. Nos cinq petits compagnons-insectes se doivent de passer d'écran en écran et de se débrouiller pour continuer leur progression grâce à vos actions à la souris. Ces cinq petits plus ou moins arthropodes se doivent d'utiliser leurs neurones (enfin, vos neurones) et de provoquer la chance pour continuer leur fabuleux périple à leur échelle. Mais tous ces gameplay habituels se noient dans un habillage complet et unique qui retire toute impression de répondre à de classiques quêtes et puzzles. Enfin, retire presque toute impression, la sensation de ne pas se trouver dans un jeu disparaissant - en douceur certes, mais tout de même - au fur et à mesure de la progression.
Il n'empêche : le monde de Botanicula est étrange, mais on s'y sent comme chez soi. L'univers, riche, vivant, fourmillant de détails visuels et sonore, est totalement, délicatement et délicieusement timbré. La grande histoire de Botanicula se mêle aux petites tranches de vie des occupants de l'arbre qui sert de monde au jeu. A chaque écran fixe son lot de découvertes, bien souvent inutiles donc savoureuses, et d'animations tout bonnement fantastiques. On se plait à essayer de cliquer partout où c'est possible, une fois, deux fois, trois fois, plus si affinité, pour tester toutes les possibilités offertes par les développeurs. Car si Botanicula est court, il est aussi d'une générosité extrême. Les interactions se mêlent et s'entremêlent, les situations cocasses succèdent aux moments psychédéliques (non, vraiment, les tchèques ont l'air de s'y connaître), le tout est emprunt d'une légèreté, d'un laisser-aller, d'une joie de vivre communicatifs. Les plaisirs ici sont simples et en sont d'autant meilleurs. Botanicula réveille l'enfant en vous, s'il sommeillait seulement, il réveille votre curiosité, votre envie d'expérimenter, votre bonne humeur innocente. Si ce n'est pour une animation, c'est pour un bruitage à la bouche que le rire se déclenche. Si ce n'est pour un visuel, c'est pour une petite musique que votre cœur flanche.
Autant le dire clairement : Botanicula est à la limite du jeu typiquement coup de cœur, pour lequel aucune once d'objectivité n'est possible. Mais il est aussi, de manière plus pragmatique, un titre extrêmement fignolé, bien fini, un vrai travail de fourmi. La progression, d'abord naturelle, devient en douceur plus complexe, mais sans jamais réellement perdre le joueur. Enfin si, en le perdant, mais sans jamais le noyer, le principe-même du titre d'Amanita étant l'exploration totale. D'explications il n'est jamais question, rares sont les indices et mesurée est la narration. Mais c'est le level design, tout en deux dimensions, ainsi que l'incitation permanente à l'essai et à l'exploration qui guident vos pas. Ce sont les personnages croisés qui créent l'histoire de Botanicula. C'est vous, simplement, qui passez un très, très agréable moment.