Comme beaucoup de monde, Wolfenstein: The New Order m'avait agréablement surpris. Machines Games était un studio tout frais, certes fondé par d'anciennes grosses têtes de chez Starbreeze Studios (spoiler : vu le niveau actuel du studio, les meilleurs éléments semblent bien avoir quitté le navire), mais qui n'avait néanmoins rien produit de concret jusqu'alors. L'annonce de The New Order, en 2013, malgré le retour de la franchise, ne m'emballa donc pas plus que ça, et je ne pus qu'être heureux d'être dans l'erreur lorsque je découvris cette excellente reprise (ainsi que son moins maîtrisé mais néanmoins très bon stand alone) quelques années plus tard.
Concernant les développeurs, pas de grands-changements à noter pour cet opus donc. Seule différence notable, bien que l'on retrouve toujours Jens Matthies à la tête du projet, Jerk Gustafsson parait s'être mis un peu en retrait avec cette suite. Idem au niveau du contenu, les développeurs ont, encore une fois, préférés se concentrer sur un unique mode campagne plutôt que de développer un mode multijoueur inutile à côté.
L'histoire de Wolfenstein II: The New Colossus reprend, sans grande surprise, tout juste après l'abrupte fin de The New Order (spoiler : rassurez-vous, The New Colossus aura lui aussi droit à une fin abrupte), fin dans laquelle notre chère BJ Blazkowicz semblait quelque peu mal en point.
J'en profite d'ailleurs pour préciser, qu'en plus d'avoir droit à un résumé de son prédécesseur, The New Colossus nous redemande de choisir entre la vie de Wyatt et Ferguson (choix que l'on devait déjà effectuer à la fin du premier niveau du précédent jeu). Ce qui est vraiment intéressant ici, c'est que les développeurs n'ont pas fait l'erreur de nous faire une "Telltale" en faisant disparaître le personnage d'une manière ou d'une autre après quelques minutes de jeu. Non ! Que l'on sauve l'un ou l'autre personnage, celui-ci nous accompagnera durant les deux aventures et chacun aura droit à sa propre histoire.
Bref, BJ étant blessé et dans le coma, les premières phases de jeu de The New Colossus se situe plusieurs mois après la mort du boucher, l'antagoniste du titre précédent, juste au moment où des nazis tentent d'attaquer le sous-marin que nous avions volé à la fin du titre précédent. Première séquence, premier point sympathique : les combats en fauteuil roulant. Pour le coup, même si j'étais déjà au courant de cette séquence avant de commencer le jeu, je n'ai pas pu m'empêcher d'être à fond dans le délire, de me marrer toutes les cinq secondes, lors de ce premier niveau. C'est extrêmement révélateur sur la pugnacité de BJ ainsi que sur la vision qu'ont les développeurs du personnage : je suis certain que même en devant se contenter de jouer un personnage manchot qui se déplace à cloche-pied, BJ continuerait à tuer des nazis.
Le titre est davantage "sans limites" que son prédécesseur. Malheureusement, cela rend les passages plus sérieux encore moins impactant qu'auparavant. C'était un point déjà discutable dans The New Order : c'était très fun, et puis d'un coup le jeu se voulait très sérieux, on ne savait pas vraiment sur quel pied ("Encore ? Mais qu'est-ce que c'est que ces histoires de pied") les développeurs voulaient danser. Cette suite permet donc d'en apprendre un peu plus sur les parents de BJ, sur son père d'origine polonaise ainsi que sur sa mère juive ; malheureusement, bien que pas totalement inintéressant, je trouve ça un peu raté car, en plus du problème du "double ton" déjà évoqué, leur traitement est extrêmement manichéen. Pour résumer le plus simplement possible : le père est un méchant nazi collaborateur, la mère une gentille victime juive. J'aurais préféré que le message soit plus dilué, que le jeu ne se prenne pas autant au sérieux, du moins en apparence, mais que l'on puisse obtenir ce genre d'informations en cherchant un petit peu. Là, c'est un peu trop grossier à mon goût.
Heureusement, comme je le disais plus haut, cette suite a moins de limite que TNO, le jeu part par moment dans des excès dans lesquels on regarde l'écran en disant : "Attends, il se passe vraiment ce que je vois là ?".
Le plus bel exemple se trouve une fois arrivé à la moitié de l'aventure. Ayant été capturé par les nazis, BJ va bientôt se faire exécuter par eux. Jusque-là, rien d'anormal puisqu'on se dit qu'om va réussir à être sauvé au tout dernier par un deus ex machina complètement farfelu… alors, oui… et non… mais oui quand même. En fait, lors du passage au tribunal, BJ se fait bien condamner à mort, il arrive bien à se libérer comme par magie, mais une fois la scène terminée, on se rend compte que tout ceci n'était qu'un rêve et on assiste enfin à notre exécution… jusqu'au bout ; BJ se faisant décapiter devant une foule en délire… sauf qu'un robot arrive à récupérer notre tête et on finit par nous la greffer sur un autre corps plus jeune !... voilà ! Que dire de plus si ce n'est que les développeurs n'ont vraiment aucune limite ?
Autre exemple, le passage dans lequel on rencontre Hitler et dans lequel on se rend aussi compte qu'il est devenu encore plus taré que celui auquel on a eu droit IRL. Malade, devenu complètement psychotique et paranoïaque, il se met à tuer gratuitement des comédiens venus auditionner pour le rôle de BJ Blazkowicz, notamment un certain Ronald Reagan (sah quel plaisir). Seul regret lors de cette scène, bien qu'on puisse le tuer (Hitler seulement, pas Reagan), sa mort n'est pas assez jubilatoire (il a malheureusement encore la tête sur les épaules à la fin de la séquence).
Outre ses scènes marquantes, le casting de ce nouveau Wolfenstein se révèle sympathique. On retrouve Irene Engel, l'une des antagonistes de TNO, devenue cette fois-ci la N°2 du régime nazi, ainsi que sa fille, aux antipodes de sa mère, et qui va se faire quelque peu moquer durant toute l'aventure (les grossophobes n'apprécieront pas). Les nouveaux alliés ont chacun leur propre identité et mis à part le second groupe de résistant que l'on rencontre, qui fait un peu plus de figurations que le premier, rien à reprocher concernant les protagonistes. Ça manque tout de même d'un autre antagoniste marquant, Irene Engel étant la seule à réellement tenir ce rôle tout du long.
Par contre, il me semble important de préciser que la synchro labiale n'est pas des plus réussies. On se retrouve très souvent face à des personnages qui parlent alors qu'ils ont la bouche fermée et inversement. C'est d'autant plus dommage après s'être rendu compte que les doubleurs, eux, font un excellent travail.
D'ailleurs, maintenant que l'on a commencé à parler doublage, Patrick Béthune ayant décédé peu après le premier, c'est Patrick Poivey qui le remplace pour l'interprétation de BJ dans cette suite. Lui aussi ayant décédé peu de temps après le doublage, j'ai désormais hâte de voir qui doublera BJ dans Wolfenstein III avant de décéder. Plus sérieusement, j'avais un peu peur d'entre la voix de Bruce Willis à la place de celle de Jack Bauer, mais finalement, cette nouvelle voix correspond bien à l'esprit de ce nouvel épisode.
À noter que, concernant la BO, on retrouve la musique industrielle de Mick Gordon, accompagné cette fois-ci de Martin Stig Andersen (Inside, Control). Bien qu'elle soit toujours bonne, je la placerais plusieurs crans en dessous par rapport à ses autres compositions, globalement moins inspiré que celle d'un The New Order (on n'a d'ailleurs droit qu'à une seule nouvelle composition réinterprétée en allemand), et pas aussi marquantes que celles d'un Doom.
Bon, il est bien gentil là, mais c'est quand qu'on parle de gameplay dans cette critique ? Il est con ou il a oublié qu'on parlait de FPS lui ?
C'est très simple, Machine Games a beau être passé sous l'id Tech 6 avec cet épisode (le deux précédents épisodes tournant sous la cinquième version), ils ont recréé exactement le même gameplay. On retrouve donc ce gunfeel très agréable, ces combats extrêmement violents et sanglants à souhait, cathartiques au possible, ainsi que la possibilité de porter deux armes (on peut d'ailleurs maintenant porter deux armes différentes) et de les améliorer (de manière plus poussée).
Bref, c'est la même chose en un peu mieux et c'est ce qui fait tout aussi bien la force que la faiblesse de ce Wolfenstein II: The New Colossus. Je vais être très clair de suite : je trouve le gameplay de cette suite tout aussi bon que celui de son prédécesseur… le problème c'est qu'il manque 2-3 petites choses et que certaines mécaniques auraient pu être améliorées. Déjà, les armes manquent un peu d'exotisme. On se retrouve avec le traditionnel pistolet, mitraillette, fusil d'assaut, fusil à pompe et lance-grenade. Cependant, comme dit plus haut, il est possible de les améliorer ; il me semble que c'était déjà le cas dans le précédent opus, mais de manière moins poussée. Chaque arme transportable peut donc à terme posséder deux modes de tirs (le fusil d'assaut pouvant par exemple être transformé en une sorte de fusil semi-automatique avec viseur point rouge intégré) et être améliorée au niveau des dégâts qu'elle occasionne ou de la taille de ses chargeurs. Aussi, en fonction du choix opéré au début de l'aventure (pour rappel, sauver Wyat ou Ferguson), une arme bonus différente nous sera donnée : l'un nous donnant un lance-grenade et l'autre une arme laser… et c'est tout concernant les armes transportables. Cela dit, si je précise bien "armes transportables" depuis tout à l'heure c'est car cette suite apporte un poil plus d'exotisme quant aux armes lourdes, à savoir celles portées par les super soldats. Ainsi, là où The New Order se contentait, il me semble, de simples sulfateuses (plus précisément des MG-60) comme armes lourdes, The New Colossus apporte avec lui une jolie arme laser, un beau lance-grenade incendiaire ainsi qu'une sorte de BFG reprit directement de Doom, mais malheureusement trop peu exploité dans cet épisode.
Autres points pas assez poussés à mon goût, "l'armure de Caroline", que l'on peut enfin porter, n'apporte pas assez de features. Ces mêmes améliorations seront de toute façon dépassée une fois arrivée à la moitié du jeu, une fois que l'on pourra débloquer trois améliorations concernant notre manière de jouer : à savoir un harnais nous permettant de nous faufiler dans les endroits exigus, un plastron nous permettant de défoncer certains murs et des échasses nous permettant d'accéder à certaines zones inaccessibles. Si sur le papier l'idée n'est pas mauvaise, en jeu, ce n'est pas assez bien exploité. Déjà parce qu'il y a assez peu d'éléments du décors avec lesquels on peut interagir (il y a peu de mur destructible et de conduit d'aération par lesquels on peut passer), mais aussi parce qu'il n'y a pas vraiment de zones secrètes exclusives à tel ou tel gadget. Les échasses s'en tirent globalement mieux, mais franchement, escalader se rapproche parfois plus d'une tannée qu'autre chose… non vraiment, il faut arrêter avec tout ce qui a un rapport avec la plate-forme dans les FPS. En fait, ces trois équipements se révèlent plus intéressants, non quand on prend en compte ce qu'ils apportent intrinsèquement, mais quand on se tourne vers les autres ajouts qu'ils apportent avec eux, comme un bonus d'armure pour le plastron ou un bonus de vie pour les échasses.
Aussi, pas de grands changements à signaler concernant l'infiltration : ce gameplay, pour le coup, aurait pu être amélioré en introduisant des armes et gadgets supplémentaires ou en améliorant le level design dans ce sens. D'ailleurs, concernant le level design, je le trouve globalement moins bon, moins maîtrisé que celui de The New Order, que ce soit pour l'action ou l'infiltration : à aucun moment j'ai été véritablement surpris par l'architecture ou l'originalité d'un niveau. À noter tout de même la présence de quêtes d'assassinats nous permettant de retraverser les niveaux de la campagne principale, très souvent dans le sens inverse. C'est clairement moins intéressant que les quêtes centrales, mais ça fera quand même plaisir aux plus "complétionnistes" d'entre nous, à savoir ceux qui veulent pouvoir ramasser l'intégralité des collectibles présents dans le jeu.
Le point contre lequel je peste le plus en fait, c'est le retour des atouts. À savoir ce système permettant d'améliorer nos dégâts, notre vitesse de déplacement, notre résistance, etc., en fonction de notre manière de jouer. Pour le coup, si je n'étais déjà pas fan de ce système dans le précédent jeu, j'en suis encore moins fan dans The New Colossus. Déjà, cela a trop tendance à influer sur notre manière de jouer. En effet, s'il est déjà difficile de ne pas être tenté à tirer sur des explosifs placés dans le décor quand l'occasion de tuer un ennemi se présente (afin de pouvoir améliorer l'atout concerné), il est parfois encore plus difficile de jouer en mode action ou infiltration alors que l'on a déjà monté les atouts concernant l'un de ces deux styles de jeu à fond. Surtout qu'on peut facilement tricher avec la sauvegarde rapide… en fait, c'est même recommandé pour monter certains desdits atouts à fond, tel que celui concernant les grenades à renvoyer. Du coup, le seul intérêt à cela est à chercher auprès du joueur occasionnel, lui permettant alors de "forcer" le passage d'une zone en améliorant ses atouts.
Cela dit, le jeu n'est de toute façon pas bien difficile, même dans le mode de difficulté maximal (du moins le mode de difficulté maximal par défaut), à savoir en "Je suis la mort incarnée", et je ne parle même de la sauvegarde rapide que je considère comme une aberration (quoique bien que je ne l'eusse pas utilisé lors des missions principales, elle m'a bien été utile lorsque je suis parti à la recherche de mes succès manquants). De toute façon, au cas où vous auriez vraiment du mal, j'ai un petit guide qui devrait vous aider :
- prenez le fusil d'assaut ;
- améliorez le à fond ;
Voilà, vous avez gagné à Wolfenstein II: The New Colossus.
Enfin, reste à parler graphisme et optimisation. Si le titre est, id Tech 6 oblige, bien plus beau que les précédents opus de la série, il est tout de même optimisé bizarrement. Certains passages tournent en 1080p/60ips constant en Ultra+ (avec une vieille GTX 970), alors que d'autres chutent à 30 en Moyen. Ce n'est pas impossible que cela vienne de mon PC, mais je dois bien avouer que cela fut assez surprenant lorsque j'atteignis les niveaux de Manhattan puis du tribunal pour la première fois.
En somme, Wolfenstein II: The New Colossus est à placer un cran en dessous de The New Order. Sans être mauvais (bien au contraire même), le titre manque globalement d'inspiration par moment et certains de ses composants auraient pu être optimisés, perfectionnés, avec cette suite.
Wolfenstein II ayant été écrit avant que le nazisme commence à redevenir à la mode, j'aurais bien envie de voir ce à quoi ressemblerait un Wolfenstein III, ne serait-ce que pour l'écriture, afin de remettre certaines personnes à leur place comme il se doit… enfin, sauf si Machine Games perd ses couilles et nous fait une Ubisoft entre temps.
Croisons les doigts !