Des dieux, des hommes et des machines.
Depuis qu'il est sorti au Japon, ce nouveau-né de Tetsuya Takahashi n'a pas fait beaucoup parler de lui, mais c'est enfin qu'il est arrivé, discrètement mais efficacement. Entendant le préfixe " Xeno " et le nom de son créateur, on peut s'imaginer le pire et le meilleur. Surtout le meilleur.
Il serait assez décevant de le comparer à Xenogears et ses suites, Xenosaga, parce que le scénario de Xenoblade est certes complexe, mais un peu trop. On reste avec beaucoup de questions en tête, des le début, dont les réponses viendront, mais pas toutes. Au fur et à mesure de l'aventure (Si on veut rusher uniquement la quête principale, arriver à la fin sans se soucier des quêtes anenxes qui représentent bien 60% du jeu, on compte, à vue d'œil, entre 40 et 50h), on finit donc par oublier pourquoi tel personnage a fait ça, qui est un tel, quel est l'intérêt de cet élément, etc. Même si il est intéressant à suivre, pour le moins original, on a parfois l'impression qu'il tourne en rond en tentant difficilement d'égaler ses ancêtres (Rien à voir dans l'histoire cependant, on peut très bien jouer à Xenoblade sans avoir touché un quelconque Takahashi). On ne s'ennuie donc pas, mais cette déception est probablement servie par la niaiserie du personnage principal, Shulk, qui possède l'héroïsme d'un hamster et le charisme d'une mouche.
J'ai un peu l'impression de parler d'un film dans cette première partie. En même temps, quand on peut compter, à vue d'œil, 30 / 35% de cinématiques sur le jeu total, il faut être prêt à lâcher sa manette et fixer impassiblement l'écran, notamment vers la fin. Mais, si l'on en a marre, rien ne nous empêche de prendre du bon temps sur les quêtes annexes qui peu à peu en débloquent des plus en plus intéressantes, sur le sociogramme, les tête-à-tête à compléter ou encore le gemmage qui offre des potentialités stratégiques propres au joueur. Oui, Xenoblade Chronicles, c'est tout de même un RPG. On a sept personnages jouables, interchangeables dans l'équipe au gré des phases de jeu, des stratégies ou des sous-vêtements qui collent le mieux, ce qui laisse vraiment une liberté dans ses stratégies.
Liberté, c'est le mot à retenir ; les grands espaces de Kyoshin et Kishin (Merci les Bionis et Mékonis de la traduction française, qui à ce propos laisse entrevoir des fautes d'orthographe dans certaines descriptions de quêtes, oui oui, des fautes du style " vous avez pu sauvEZ la jeune femme qui se baignait ", non je ne le pardonnerai pas), où chaque zone bien divisée possède ses coins et recoins cachés, liberté de vouloir découvrir chaque pixel ou de rusher pour connaître l'histoire, liberté d'interpréter, de jouer avec ses paramètres - Wiimote : Nunchuck / Pad classique fourni dans le pack collector, qui possède deux prises à l'inverse de la vieille manette blanche classique.
Xenoblade, c'est quand même un jeu, donc un gameplay, relativement jouissif. Ayez peur, il est complexe, mais les mécanismes nous sont rapidement expliqués et on rentre d'une manière fluide. Pas à paniquer, le jeu n'est pas difficile - pas assez peut-être, on peut s'ennuyer si l'on prend quelques niveaux d'avances ou si l'on cherche des quêtes un peu plus épiques -, il s'agit uniquement de sa manière d'avancer. Les combats en temps réel ne cassent pas le rythme, mais ne pouvoir que se déplacer, devoir sélectionner l'engagement, l'arrêt du combat, ou l'aggro à distance ainsi que, surtout, la disposition des Arts à sélectionner aux flèches directionnelles n'est parfois vraiment pas pratique. Puis si l'on veut se détendre, rien n'empêche d'avancer un peu dans le scénario pour voir le jeu ponctué par une nouvelle cinématique où reposer sa manette et ses yeux. Mais c'est assez vite oublié par des combats rythmés et, avouons-le, épique.
Épique auquel contribue, évidemment, l'OST. Point capital, composée par Yoko Shimomura (Kingdom Hearts, Super Mario RPG), le groupe ACE+ et l'agréable collaboration d'un maître en la matière, Yasunori Mitsuda (Chrono Trigger, Chrono Cross, Xenogears :3) pour le générique final. En dire plus serait dénaturer. Écoutez-là ; elle est appréciable même décontextualisée. Tour à tour épique et mélancolique, la musique est purement jouissive lors des combats, et immersive lorsqu'on se prend à regarder les vastes paysages.
Parce que Xenoblade, c'est beau. C'est très beau même. Heureusement qu'on a des textures rappelant limite le lierre d'Ocarina of Time pour nous rappeler qu'on est sur Wii, mais autrement, avec assez de recul et une bonne vision, on s'extasie lorsqu'on entre dans la Jungle de Makna, le Massif de Valak, ou encore la Mer d'Eryth à la nuit tombée.
Au final on oublie vite les défauts, si on veut vraiment les chercher, de ce renouveau du RPG japonais, ainsi que de son créateur. Une œuvre qui renforce l'idée selon laquelle le jeu vidéo n'est pas que bip-bip-manette-nolife ; avec Xenoblade Chronicles, on touche à l'œuvre d'art.
" Ce monde vous appartient. Faites-en un monde qui s'épanouira sans dieux. "