Je me souviens de cette soirée de février 2019. Je venais de me faire opérer des dents de sagesse. La douleur envahissait ma bouche, et pour je ne sais quelle raison, j'avais décidé qu'il fallait également que je souffre mentalement en essayant de terminer le grand Zelda II: The Adventure of Link. Après avoir sauvagement agressé mon bouton B durant une dizaine de minutes, Dark Link saute au dessus de moi et se place à ma gauche. Il attaque, je pare son coup, il saute à nouveau de l'autre côté. J'anticipe, je pivote. Et alors qu'il retombe, une ultime occasion se présente. J'assène un violent coup d'épée entre les jambes de mon double obscur. Il s'écroule, la salle s'illumine... La Triforce, le réveil de Zelda, ça y est ! Je suis venu à bout de l'un des jeux vidéos les plus difficiles qui soient, je suis venu à bout de Zelda II: The Adventure of Link.
Maintenant que ce jeu est derrière moi, place à la critique. J'avoue avoir vraiment du mal à me faire un avis sur ce jeu. Je me souviens avoir poussé un « ouf » de soulagement après l'avoir terminé, et m'avoir convaincu que Zelda II était le pire jeu de la licence. Mais deux ans plus tard, avec le recul, je me rends compte que j'ai envie de le refaire, et les souvenirs que j'en garde sont bizarrement très bons. Mais je n'oublie pas ses défauts pour autant. En fait, Zelda II, c'est le Breath of the Wild de 1987 : un très bon jeu, mais un très mauvais Zelda (je vais revenir sur ce point, permettez-moi de développer avant de me jeter des cailloux).
Alors je ne vais pas trop m'attarder sur la difficulté du jeu, tout le monde connaît la légende. Ce ne serait pas très original, sans intérêt, et cela prendrait un temps fou. Je me contenterai simplement de confirmer que cette légende n'en est pas une et que terminer ce jeu sans avoir désespérément cherché une soluce sur Internet, ne serait-ce qu'une seule fois, relève de l'exploit. Car oui, lorsqu'on doit par exemple marcher sur une case précise de la carte, à un endroit inconcevable, pour récupérer un objet nous permettant d'accéder à un village caché à l'autre bout, lui-même impossible à trouver, pour obtenir un sort obligatoire pour pouvoir avancer dans le jeu... Sans soluce, ce n'est pas évident.
Outre sa difficulté, ce qui rend Zelda II si spécial et qui le démarque de ses collègues, c'est son système de jeu. Le jeu est régi par une alternance entre exploration de carte en vue de dessus éloignée et phases d'action en vue de côté. Même si l'utilisation de ce terme est sujette à débat, j'aime qualifier Zelda II de Metroidvania. Voici ce que nous dit l'inépuisable Wikipédia à propos des Metroidvania :
Le Metroidvania est l'addition de plusieurs sous-genres de jeu vidéo d'action-aventure et de plate-forme qui empruntent fortement au système de jeu des séries Metroid et Castlevania. [...] Un jeu Metroidvania est le plus souvent un jeu de plates-formes doté d'une seule et grande carte interconnectée avec des pièces ou des sections simples. Toutes les zones de cette carte ne sont pas accessibles dès le début du jeu, le joueur doit obtenir des items, des armes, des clefs ou une amélioration du personnage pour franchir l'obstacle ou la difficulté qui bloque son avancement. Souvent, les items sont protégés par des boss, permettant de scénariser le défi contre eux tout au long du jeu. Les cartes sont non linéaires, et obligent souvent le joueur à parcourir plusieurs fois la carte pour terminer le jeu. [...] Metroidvania est un terme généralement associé à des jeux avec des niveaux ou des cartes avec défilement latéral en deux dimensions, dans lesquels le personnage peut se déplacer dans n'importe quelle direction à travers le niveau.
Maintenant, si on énumère les éléments de gameplay présents dans Zelda II, voici ce que cela donne :
- Un jeu d'action-aventure
- Une carte non-linéaire avec des zones non-accessibles tant que le joueur n'a pas obtenu un objet ou un sort précis
- Des phases d'action à défilement latéral, en 2D
- Des donjons offrant des phases d'action et de plateformes également à défilement latéral, et dans lesquelles le joueur peut se déplacer dans n'importe quelle direction
- La nécessité d'améliorer son personnage avec un système de points d'expérience, permettant d'augmenter des compétences : attaque, vitalité, magie
Vous remarquez donc bien les similitudes entre le système de jeu de Zelda II et l'archétype Metroidvania. Ce système, très populaire à l'époque et encore présent maintenant, ne convient évidemment pas à la licence telle qu'on la connaît aujourd'hui, et ce n'est pas un hasard si Zelda II fût le premier mais aussi le dernier opus de la série à l'utiliser. Ce n'est pas un hasard non plus si quatre ans après, The Legend of Zelda revient aux bases par l'intermédiaire de A Link to the Past, avec un système de jeu plus simple, dans lequel on ne gagne qu'en vitalité sans changer réellement notre puissance d'attaque, et sans utiliser de sorts. Finies les phases à scrolling horizontal, finis les points d'expérience, et finies la carte en vue de dessus. Cette fois, c'est le jeu entier qui est en vue dessus, mais avec une vue plongeante, plus proche, et offrant beaucoup plus de perspective. La même vue qu'utilisait le tout premier jeu Zelda en 1986, cette fameuse vue top-down qu'on a tendance à surnommer, justement, « vue à la Zelda », et qu'on va retrouver dans tous les Zelda suivants (à l'exception des Zelda 3D), de Link's Awakening sur Game Boy jusqu'à son remake sur Switch, en passant par Four Swords Adventures sur GameCube et les opus Game Boy Advance, DS et 3DS, sans oublier les Oracles. A Link to The Past est le véritable élément déclencheur du succès planétaire de The Legend of Zelda, celui qui a (ré)instauré ce gameplay unique qui régit chaque nouvel opus depuis maintenant presque 20 ans, et qui donne tout son charme à la série. Alors forcément, lorsqu'on fait la comparaison avec Zelda II qui n'a absolument rien laissé à ses descendants, si ce n'est le fameux Dark Link, difficile de considérer ce jeu comme un bon Zelda.
Mais j'en garde pourtant un très bon souvenir. Le défaut général que je pointe du doigt (le côté Metroidvania) n'en serait probablement pas un si Zelda II portait un autre nom. Outre sa difficulté évidemment conséquente, on pourrait noter sa jolie bande-son, sa très bonne jouabilité, l'intensité de ses phases d'action, ou encore sa jolie direction artistique marquée par des graphismes très bons pour l'époque... Comme je l'ai dit en début de critique, et cela n'engage que moi bien sûr, Zelda II est assez comparable à Breath of the Wild. Il s'agit d'un très bon jeu et d'un très mauvais Zelda : un jeu novateur, mais loin de ses codes. Cela dit, n'ayant quasiment rien apporté à la licence, il souffre davantage de ce titre par rapport à son homologue sur Switch, qui peut potentiellement devenir le A Link to the Past des temps modernes... Ce que je ne souhaite pas, j'aime la licence telle qu'elle était avant Breath of the Wild. Mais là n'est pas le sujet.
Zelda II: The Adventure of Link est donc l'un des rares échecs de la licence et ne sera sans doute jamais considéré comme un bon Zelda par la majorité des fans. Mais parce que j'en garde un bon souvenir et qu'il reste très bon en tant que jeu vidéo, il m'est impossible de ne pas lui donner la moyenne.