Fondé en 2012, le studio A24 s'est rapidement imposé comme un acteur incontournable du cinéma indépendant. Avec des œuvres audacieuses mêlant innovation et storytelling percutant, il a redéfini les codes du cinéma d'auteur moderne. Retour sur l'ascension fulgurante de ce studio devenu une référence.
L’Histoire d’A24
A24 Films voit le jour le 20 août 2012 à New York, fondé par Daniel Katz, David Fenkel et John Hodges, trois figures bien rodées de l’industrie cinématographique. Katz était alors à la tête du financement de films chez Guggenheim Partners, Fenkel cofondateur d’Oscilloscope, et Hodges évoluait chez Big Beach Films. Leur but ? Diversifier un marché dominé par une production hollywoodienne ultra-standardisée.
Le nom A24 s’inspire de l’autoroute italienne du même nom, sur laquelle Katz roulait lorsqu’il a eu l’idée de créer la société. À l’origine, A24 était uniquement une société de distribution. Malgré un démarrage houleux avec Dans la tête de Charles Swan III en 2013, un flop au box-office, A24 a trouvé sa première success story avec Spring Breakers d’Harmony Korine la même année. Ce film est devenu le modèle de leur stratégie : auteurs audacieux, genres bien définis, visuels marquants et sujets qui provoquent.
Au fil des ans, A24 s’est imposé comme le distributeur phare de films indépendants, avec des titres comme Ex Machina, Room, The Witch ou encore Midsommar. Dès 2017, avec la sortie de Moonlight, le studio a également commencé à produire ses propres œuvres, devenant un joueur central dans l’industrie.
En 13 ans, cette société est devenue un acteur principal grâce à sa vision artistique, sa stratégie marketing unique et son public mondialement fidèle. Des films comme Everything Everywhere All At Once, Uncut Gems, ou Beau is Afraid, Lady Bird, The Iron Claw, Lobster, ainsi que des séries telles qu’Euphoria et Beef, portent l’empreinte A24.
A24 fait également figure de pionnier en collaborant avec des services de streaming et des chaînes de télévision. La série Euphoria incarne cette démarche, mêlant portraits générationnels et stars emblématiques.
Aujourd’hui, A24 réussit l’exploit de produire 16 films avec un budget total équivalent à celui d’un seul blockbuster médiocre :
Les secrets de la réussite d’A24
L’authenticité, l’esthétique et la liberté créative
Les récits d’A24 mettent souvent en avant des personnages complexes et des thèmes existentiels. Les réalisateurs bénéficient d’une liberté créative totale, soutenus par un studio qui agit comme un curateur plutôt qu’un producteur intrusif. Ce rôle de curateur implique une collaboration avec les réalisateurs et réalisatrices, plutôt qu’une domination de la part du studio, une organisation horizontale, plutôt que verticale. Ce positionnement garantit une authenticité rare.
Le style visuel d’A24 se distingue par une esthétique mêlant tendances rétro et modernité. Leur logo s’adapte à chaque film : composé de moutons pour Lamb, de fleurs pour Midsommar... Chaque détail semble résonner avec l’âme du projet.
Les films d’A24 se démarquent par des approches narratives originales. Euphoria offre une perspective féminine unique, After Yang explore le post-humanisme, et Lamb brouille la frontière entre l’humain et l’animal. Ce sont des films très subjectifs qui insistent sur le fait de la multiplicité des perspectives et des points de vue (des regards) dans le cinéma, des prismes individuelles qui se croisent.
Les choix de films sont conditionnés non par la soif de gain financier mais par l’amour et l'authenticité du goût personnel. Ainsi, A24 est l’art d’être contemporain : éclectique, croisement du genre et l’art pur et l’historicité, la contextualité et l’humanisme des problèmes politiques et sociétaux d'aujourd'hui.
Fusion et réinvention des codes
Dans l’histoire du cinéma, on a souvent opposé le cinéma d’auteur et le cinéma de genre : intellectuel contre populaire, niche contre grand public, arty contre standardisé. Pourtant, la réalité a toujours été plus complexe que ce schéma binaire.
Les auteurs de la Nouvelle Vague idolâtraient le cinéma populaire américain, pourtant peu considéré comme intellectuel à l’époque. Le Nouvel Hollywood a généré des chiffres incroyables au box-office, et le cinéma de genre, qui a marqué l’histoire, s’est souvent distingué par une vision artistique unique. Les fondateurs d’A24 ont compris cette formule : le croisement entre le cinéma populaire de genre et les voix uniques des réalisateurs.
Depuis toujours, le cinéma d’auteur et le cinéma de genre ont été perçus comme opposés. A24 a décidé de brouiller ces frontières en misant sur des films qui conjuguent visions d’auteurs et attrait des genres. Le studio réussit à marier une expérience visuelle unique avec des thèmes universels, devenant ainsi l’un des pionniers de l’"elevated horror" : un sous-genre de l’horreur enrichi de couches contextuelles sociétales, psychologiques et ontologiques.
A24 a redéfini l’horreur grâce à des cinéastes tels qu’Ari Aster (Hérédité, Midsommar) et Robert Eggers (The Witch, The Lighthouse, The Northman, Nosferatu). Ces réalisateurs dépoussièrent le genre en y intégrant des thèmes psychologiques profonds, une esthétique soignée et une analyse culturelle des folklores et des mythes, particulièrement marquée dans l’œuvre d’Eggers.
L’elevated horror réinvente également le cinéma d’horreur classique en s’éloignant des jumpscares pour proposer une horreur existentielle, centrée sur la peur du néant et l’angoisse universelle face à l’inconnu. Ce type de cinéma ne se contente pas d’effrayer : il s’attache à créer une atmosphère viscérale, riche en tension et en émotions, qui pousse le spectateur à réfléchir autant qu’à ressentir.
De plus, le tempo narratif change profondément par rapport à l’horreur classique, s’appuyant sur une montée en tension lente et progressive plutôt que sur des décharges soudaines d’effroi. Cette lenteur méditative permet d’instaurer une immersion durable et une exploration plus profonde des thématiques et des personnages.
Des prises de risques et l’art d’être contemporain : un travail avec les acteurs
A24 mise sur les jeunes talents tels que Florence Pugh, Timothée Chalamet, Zendaya, Hunter Schafer et Saoirse Ronan. Le studio entretient également un lien fort avec la nouvelle génération grâce à des œuvres qui parlent à leurs préoccupations et sensibilités.
En parallèle, A24 transforme les carrières d’acteurs établis, en leur offrant des rôles audacieux qui les sortent de leur zone de confort. Ces choix permettent à des artistes comme Robert Pattinson (Good Time), Nicole Kidman, Antonio Banderas (dans Babygirl de Halina Reijn), ou encore Daniel Radcliffe (Swiss Army Man) et Zac Efron (Iron Claw) d’explorer de nouveaux registres. Pour tous ces acteurs, travailler avec A24 constitue à la fois un défi artistique et une opportunité de seréinventer, surprenant ainsi un public habitué à d’autres archétypes.
Grâce à cette double approche, mêlant jeunes talents et métamorphoses d’acteurs iconiques, A24 cultive une image de studio audacieux et contemporain, à la pointe de l’innovation cinématographique.
Une stratégie marketing avant-gardiste
A24 s’impose comme le studio cinéphile qui s’adresse au grand public en réinventant les genres tout en valorisant les sensibilités générationnelles.
En ce qui concerne la stratégie concrète promotionnelle, n’ayant pas de budget pour les pubs classiques, la compagnie a priorisé des mêmes et des formats viraux sur les réseaux sociaux et le bouche à oreille (culturel) – un pas révolutionnaire à l'époque. Le succès était époustouflant pour un film d’auteur indépendant. Avec des budgets modestes, A24 a révolutionné le marketing grâce aux réseaux sociaux et au viral. Parmi leurs coups géniaux : un compte Tinder pour l’androïde d’Ex Machina, un compte Twitter pour le bouc Black Phillip de The Witch, et un podcast A24. L’objectif ? Créer une connexion directe et sincère avec leur audience, tout en réduisant les coûts.
Le studio excelle aussi dans le merchandising, transformant sa marque en icône culturelle avec des vêtements, des objets dérivés et des collaborations. Bref, une stratégie parfaitement alignée avec les valeurs de la génération Z et des millennials. La marque crée un véritable culte autour de la sensibilité envers son audience.
A24 parvient aussi à minimiser l’impact de ses échecs : ses succès éclatants les éclipsent largement, et le studio sait habilement détourner l’attention des projets qui n’ont pas rencontré leur public.
Les chiffres parlent
Avec 50 nominations aux Oscars et une vingtaine de victoires, dont un record avec Everything Everywhere All At Once (7 Oscars en 2023), A24 est un habitué des récompenses. Le studio prévoit de continuer sur cette lancée en 2025 avec des projets ambitieux tout en maintenant une gestion budgétaire exemplaire.
Et l’avenir ?
A24 inspire des concurrents comme Neon, qui rafle les Palmes d'Or depuis cinq ans consécutifs. Mais le studio continue d'innover : collaborations avec des services de streaming, partenariats télévisés (Euphoria, Beef) et budgets en hausse pour conquérir encore plus d'audiences (Heretic, We Live in Time…).
En réinventant la manière de produire, promouvoir et consommer le cinéma, A24 est bien plus qu’un simple studio : il incarne un véritable mouvement culturel et artistique.
Les sorties les plus attendues du studio en 2025 :
The Brutalist de Brady Corbet (2,2k d’envies)
Bird d'Andrea Arnold (2k d’envies)
Babygirl d'Halina Reijn (1,1k d'envies)
Parthenope de Paolo Sorrentino (904 d’envie)
Eddington d'Ari Aster (779 d’envies)
Queer de Luca Guadagnino (700 d’envies)
A Different Man d’Aaron Schimberg (576 d’envies)
Warfare d’Alex Garland et Ray Mendoza (244 d’envies)
Death of a Unicorn d’Alex Scharfman (215 d’envies)
La Légende d'Ochi d’Isaiah Saxon (198 d’envies)