SensCritique

Festival Cinéroman 2024 : Là où l’imaginaire s’écrit en images

6 octobre 2024 (Modifié le 6 octobre 2024)

8 minutes

Salut c'est Michaël, je vous emmène avec moi au festival Cinéroman à Nice. Créé en 2019, le festival Cinéroman est revenu pour sa sixième édition du 30 septembre au 5 octobre. Cette édition, présidée par Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, met en avant 36 longs-métrages. Le festival célèbre le lien entre littérature et cinéma, avec un programme riche en débats et rencontres.

Premier jour

À la suite d'un détour par le cinéma adjacent pour rattraper le dernier film en compétition que je n’avais pas vu, Emmanuelle d’Audrey Diwan – film sensoriel sublime et délicat, il est temps de se rendre tout droit vers le Pathé Gare du Sud à Nice pour y visionner le premier film en avant-première : Leurs enfants après eux de Zoran et Ludovic Boukherma, adapté du Prix Goncourt 2018 de Nicolas Mathieu. Avant la projection, les réalisateurs, venus présenter leur film, se confient sur la genèse du long-métrage. Engagé sur l’écriture de son projet XXL, L’Amour ouf, Gilles Lellouche, bouleversé par le roman, est venu chercher les frères jumeaux pour leur proposer d’écrire une série adaptée du roman. Les Boukherma ayant eu un coup de foudre pour le roman, acceptent.

Après deux films basés sur des scénarios originaux, leur troisième long-métrage, basé sur un roman un peu plus étoffé, touche droit au cœur. La justesse de l’interprétation, qui a valu le Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir à Paul Kircher à la dernière Mostra de Venise, porte ce long-métrage plein d’énergie d’enfants livrés à eux-mêmes et qui n’ont souvent que la violence comme réponse à ce monde. Pourtant, surgit au milieu de cette violence l’amour, le vrai, qui secoue. On revit ses premiers émois adolescents, et la caméra des Boukherma adopte toujours le bon angle de vue pour magnifier cette jeunesse. Photo rétro et ensoleillée, musique des années 90, émotions palpables : cet uppercut sera à vivre sur grand écran dès le 4 décembre prochain.

Dans la salle adjacente, premier film présenté en compétition : Emilia Pérez de Jacques Audiard, auréolé du Prix du Jury et du Prix d’interprétation féminin collectif au dernier festival de Cannes. Retrouvez ma critique ici : La Lucecita

Deuxième jour

Majorité de films en compétition sont présentés, mais aussi une avant-première de Limonov, la ballade. Passé par le dernier festival de Cannes où son réalisateur est encore reparti bredouille, j’avais eu la chance de le découvrir lors de sa première. Loin d’être un adepte de son cinéma, il faut avouer que celui-ci est de loin son plus accessible – du moins de ses derniers – et avec cette histoire riche de ce dandy new-yorkais, Serebrennikov déploie tous ses talents de metteur en scène pour nous conter une épopée sur plus de quarante ans de Limonov, brillamment interprété par Ben Whishaw, totalement snobbé dans les récompenses cannoises.

Autre film en compétition, le film de Jonathan Glazer affichait encore complet lors de son unique séance en mi-journée, preuve que, plusieurs mois après sa sortie, il continue de faire grand bruit, et ce à juste titre – mon avis juste ici : «Heil Hitler, etc.»

Troisième jour

Un choix cornélien à faire entre une projection d’avant-première ou faire partie des tous premiers à découvrir le nouveau Joker - Folie à deux. Ni une ni deux je saute à la première séance en IMAX, avant de filer rejoindre la salle de Prodigieuses, nouveau film du duo de réalisateur Frédéric et Valentin Potier, adaptant l’histoire vraie des sœurs jumelles Pleynet. Ayant un talent fou pour le piano, elles ont été touchées par la maladie des os de verre (ça vous dit quelque chose ? Notre incassable ami Shyamalan n’y est pas pour rien) et ont joué durant leur longue carrière à quatre mains. Un biopic touchant, pas inoubliable pour autant, mais qui vaut surtout le coup d’œil pour ses deux interprètes dont la ressemblance est tout à fait frappante : Camille Razat (Camille dans Emily in Paris) et Mélanie Robert. En salles le 20 novembre prochain.

Quatrième jour

Habitant Nice depuis plusieurs années, Samuel Le Bihan a multiplié les projets dans notre belle ville de Nice, notamment dans une série attendue sur nos écrans de télévision dans les prochains mois, intitulée Carpe diem. Lors de la première projection de la journée, il présente son nouveau film, Seul, d’après l’incroyable histoire de Yves Parlier, participant au Vendée Globe en 2000. Histoire incroyable mais, limité par sa catégorisation de téléfilm, peine à offrir de grandes émotions de cinéma. Pas mauvais en soit mais on ne peut pas dire que c’est bon tant on a déjà vu mieux ailleurs dans des films du même genre – En solitaire avec Cluzet, All is lost, pour ne citer qu’eux.

J’enchaîne avec la très attendue projection du troisième long-métrage de Franck Dubosc, Un ours dans le Jura. Après un inattendu passage derrière la caméra avec le très réussi Tout le monde debout, le célèbre Patrick Chirac de la saga Camping, a déçu avec son second long, Rumba la vie.

Avec un casting prestigieux, affichant les noms de Laure Calamy et Benoît Poelvoorde en haut de l’affiche, les espoirs étaient placés haut. Raté. Du moins à moitié. Film loufoque, invraisemblable, incongru, qu’il faut voir comme tel. Il est question de miel, barrette papillon et sac Chanel dans cette comédie à suspense qui fait rire mais ne convainc pas totalement. Couleurs blanchâtres, durée de deux heures (générique non inclus), quasi intégralement tourné en intérieur, on a du mal à passer outre pour pleinement apprécier. Ne vous inquiétez pas, la reine Calamy y est absolument géniale. Mais qui en doutait ?

Cinquième jour

Journée marquée par la projection en sa présence du dernier né de l’esprit de Michel Hazanavicius. La Plus Précieuse des marchandises, présenté en compétition au dernier festival de Cannes (oui, encore un), seul film d’animation dans cette catégorie, cette histoire d’une famille de bûcheron récupérant une précieuse marchandise tombée d’un train direction les camps de concentration, émeut droit au cœur. Porté par une musique d’un Alexandre Desplat inspiré, certaines images glacent le sang, tandis que ses personnages nous réchauffent le cœur. C’est beau et inspiré, une vraie réussite.

Sixième et dernier jour

Dernière projection : Monsieur Aznavour du tandem Grand Corps Malade et Mehdi Idir. Troisième film du duo de réalisateurs, derrière l’effroyable Patients et l’hilarant La Vie scolaire, à titre personnel, je n’attendais pas grand-chose de cet énième biopic d’une grande figure musicale. Mode lancée par Bohemian Rhapsody depuis 2018, on se tape chaque année des biopics à tire larigot dans le but unique de faire des sous. Rien que cette année, entre Bob Marley et Whitney Houston, on a déjà eu notre quota de biopics musicaux.

Mais, MAIS. Quand c’est fait avec talent, on ne peut que s’incliner. Car oui, derrière la caméra, il y a beaucoup de talent, mais devant la caméra, c’est carrément une explosion. Pour ceux qui ne connaîtraient pas Tahar Rahim, vous allez vous souvenir de son nom. L'acteur donne vie à son personnage en incarnant chaque mimique, chaque regard, chaque intonation avec la plus grande précision de l’artiste chanteur. S’éloignant de l’académisme des biopics musicaux où la tonne de maquillage noie leurs interprètes respectifs, ici, il sonne plus vrai que nature. C’est un film au grand cœur, instructif sur la vie de ce cher Charles Aznavourian, croisant le destin de grands noms d’artistes français (Piaf, Hallyday, Truffaut, Roche pour ne citer qu’eux), le tout dans un condensé de 2h13 qui passent à toute vitesse. Un long-métrage formidable qui sacrera à coup sûr la performance inoubliable de son acteur principal aux prochains César.

Alors que les lumières se rallument, l’équipe du film nous fait l’honneur de leur présence pour un débat. Mehdi Idir nous explique que ce projet de biopic était né avant la mort du chanteur en 2018, mais que, suite à son décès, le projet a été mis de côté. C’est après covid que le projet est revenu sur la table, notamment depuis que Pathé lance des projets aux budgets astronomiques. C’est Jean-Rachid Kallouche, producteur de Grand Corps Malade, qui propose le rôle à Tahar Rahim. Très surpris de la proposition, il refuse presque le rôle. Mais l’idée mûrissant dans son esprit, il passe les tests et finit par incarner le grand Charles Aznavour. S’en est suivi un travail de recherche minutieux sur l’époque tant pour les réalisateurs que pour le principal interprète. Tous ses gestes, sa voix voilée, sa vie : les concernés nous assurent de toute la véracité des diverses séquences présentées dans ce biopic. Fabuleux et hautement recommandable.

Palmarès

On termine en beauté ce festival avec la remise des prix. C’est finalement La Zone d’intérêt qui repart avec le grand prix du festival, le film de Jonathan Glazer qui continue de faire grand bruit de nombreux mois après sa présentation à Cannes en mai 2023 et sa sortie en salles en janvier 2024 et ses multiples nominations aux Oscars.

Côté acteurs, Benjamin Biolay pour Quelques jours pas plus, Anamaria Vartolomei pour Maria et Sophie Guillemin pour Juliette au printemps sont récompensés. Honnêtes performances, salutables, donc mérité. Enfin, on remarque l’absence de Emilia Pérez qui ne repart avec aucune récompense parmi la dizaine attribuée. On n’en attendait pas moins, compte tenu que les présidents du jury, les réalisateurs de Le Comte de Monte Cristo, se sont vus trustés la place pour représenter la France aux prochains Oscars dans la catégorie meilleur film international par le film de Jacques Audiard ? Hasard, quel hasard…

Voilà que s’achève cette sixième édition du festival Cinéroman. Encore de très belles rencontres cinématographiques et l’auteur de ces lignes a déjà hâte de la septième édition l’année prochain, en espérant en prendre encore plein les yeux dans les salles obscures.

Cinéphilement vôtre,

Mick1048

Écrit par