Errances littéraires (2018)

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« Le soir tombe, je retourne au logis. Je pénètre dans mon cabinet et, dès le seuil, je me dépouille de la défroque de tous les jours , couverte de fange et de boue, pour revenir des habits de Cour royale et pontificale ; ainsi honorablement accoutré, j’entre dans les Cours antiques des hommes de l’Antiquité. Là, accueilli avec affabilité par eux, je me repais de l’aliment qui par excellence est le mien et pour lequel je suis né. Là, nulle honte à parler avec eux, à les interroger sur les mobiles de leurs actions, et eux, en vertu de leur humanité, ils me répondent. Et, durant quatre heures de temps je ne sens pas le moindre ennui, j’oublie tous mes tourments, je cesse de redouter la pauvreté, la mort, même, n’effraie pas. Et, comme Dante dit qu’il n’est pas de science si l’on ne retient pas ce que l’on a compris, j’ai noté de ces entretiens avec eux ce que j’ai cru l’essentiel et composé un opuscule, De Principatibus... »

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"Le seul moment où l'on peut exercer un contrôle sur le film est le montage. or, dans la salle de montage, je travaille très lentement, ce qui a toujours pour effet de déchainer la colère des producteurs qui m'arrachent le film des mains. Je ne sais pas pourquoi cela me prend tellement de temps : je pourrais travailler éternellement au montage d'un film. En ce qui me concerne, le ruban de celluloid s'exécute comme une partition musicale, et cette exécution est déterminée par le montage, de même qu'un chef d'orchestre interprétera un morceau de musique tout en rubato, un autre le jouera d'une façon très sèche et académique, un troisième sera très romantique, etc. Les images elles-mêmes ne sont pas suffisantes : elles sont très importantes, mais ne sont que des images. L'essentiel est la durée de chaque image, ce qui suit chaque image : c'est tout l'éloquence du cinéma que l'on fabrique dans la salle de montage".

Question subsidiaire, peut être on être le réalisateur d'un film que l'on a pas monté ?

"L'essentiel pour tout artiste responsable est de défricher ce qui est en friche. Si tout le monde travaillait avec de grands angulaires, je tournerais tous mes films en 75mm, car je crois très sérieusement aux possibilités du 75 ; s'il y avait d'autres artistes d'un baroque extrême, je serais le plus classique que vous ayez jamais vu. Je n'agis pas ainsi par esprit de contradiction, je ne veux pas aller à l'encontre de ce qui a été fait, mais occuper un terrain inoccupé et y travailler"

"J'aimais mieux le cinéma avant d'en faire. Maintenant, je ne peux plus m'empêcher d'entendre la claquette au début de chaque plan : toute magie est détruite"

"Mais je vais vous faire une confidence bien plus terrible : je n'aime pas le cinéma, sauf quand je tourne"

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"Cette volonté de se hisser au niveau de l'Occident, qui a toujours été une obsession des Japonais depuis 1868, avait donc saisi le cinéma; mode d'expression jugé universel. Cependant, en raison d'une faible coordination entre les majors (Daiei, Shochiku, Toei, Toho, Shintoho et la Nikkatsu qui reprit ses activités en 1953) et de l'absence d'un organisme central réellement destiné à l'exportation, aucune véritable politique exportatrice n'avait été mise en place. Ce fut seulement en 1957 que vit le jour cet organisme, sous une forme très réduite. Mais c'était les compagnies qui décidaient toujours quel type de film il fallait envoyer dans les festivals. Or, le "film à costumes" prévalant par son exotisme culturel (en résumé : samourais, geishas et kimonos), peu de films contemporaines eurent accès aux grands festivals étrangers (Cannes, Venise, Berlin), et les principales victimes en furent alors Ozu (à la Shochiku) et Naruse (à la Toho), les dirigeants de ces compagnies ayant décidé que ce genre de films contemporains ne pouvait pas plaire au public occidental, ni d'ailleurs d'être compris. A l'inverse, le cinéaste de prestige qui bénéficia de cette politique fut Mizoguchi qui, à partir de la vie d'oharu allait livrer ses plus beaux films "à costumes".

"Kurosawa sortit du tournage (7 samourais) au bord de la dépression nerveuse et, bien que le film ait obtenu un Lion d'argent à Venise (54), la Toho décida que la durée initiale (3h20) était trop longue et amputa le film d'une heure peu après sa sortie. La version distribuée en France fut réduite à une sorte de western de 1h45 où ne subsistaient que les scènes d'action, et ce ne fut qu'en 1980 qu'un distributeur osa sortir l aversion intégrale"

"A la fin des années 1950, le système des majors flanqué des productions indépendantes de gauche semble solide et inébranlable, triomphant au box-office tandis que les films de prestige conquièrent les festivals et le public occidental cultivé. Pourtant, tapis dans l'ombre, de jeunes metteurs en scène en colère contestent cet establishment et préparent une révolution esthétique, économique et politique, que l'on désignera globalement sous le nom de "nouvelle vague" par référence au phénomène du cinéma français. Ce sera aussi la dernière vague avant le déclin du système, qui ne retrouvera jamais sa puissance passée."

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Concernant le rejet du référendum sur le traité de l'UE de 2005 comme révélateur de la séparation entre classes dominantes/dominées :

« Les électeurs du « oui » et du « non » ne déterminèrent par leur vote sur la base des mêmes variables.
Les raisons du « oui » furent pour l’essentiel liées à l’impact du résultat référendaire sur les institution européennes. Seulement 8% des votants en faveur de la ratification indiquèrent comme motivation que celle-ci renforçait la situation économique et sociale de la France. Les motivations les plus répandues furent que le Traité constitutionnel était « indispensable pour poursuivre la construction européenne (39%) ; « j’ai toujours été pour la construction européenne » (16%) ; le Traité « renforce le rôle de la France au sein de l’Union et dans le monde » (12%). En revanche, les motivations du « non » furent majoritairement liées à l’impact du Traité sur la politique intérieure de la France et sa situation économique et sociale. Ainsi, 31% des votants ayant voté « non » indiquèrent comme motivation que le Traité « aura des effets négatifs sur la situation de l’emploi en France » (26%). Seule une minorité des votants ayant choisi le « non » donnèrent motivation de leur vote : « Je suis contre l’Europe/la construction européenne » (4%)… alors qu’ils furent bien plus nombreux à rejeter le projet car « trop libéral sur le plan économique » (19%) ou parce qu’il ne proposait « pas assez d’Europe sociale » (16%).
Au vu de ces données, on peut affirmer que les opinions des votants ayant choisi le « oui » ne s’opposaient pas véritablement à celles des partisans du « non ».
Plus qu’une opposition frontale, il s’agit d’une différence entre les objectifs à privilégier : la contribution du Traité à la construction européenne pour les votants qui en soutenaient la ratification, ses conséquences sur la situation économique française pour ceux qui s’y sont opposés.
Ainsi, 52% de ceux qui ont voté « oui » ont déclaré avoir privilégié la dimension européenne dans leur choix (contre 17% des électeurs du « non ») alors que 47% des électeurs du « non » déclaraient avoir fixé leur choix en considérant prioritairement la situation économique et sociale française (contre 11% des électeurs du « oui »).
Il n’est guère étonnant que le « non » se soit imposé parmi les classes sociales les plus fragiles. Le vote le plus significatif est sans doute celui des ouvriers (76% pour le « non »).

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Il serait donc totalement erroné d’affirmer que le résultat du référendum de 2005 a été déterminé par la tentation d’un repli nationaliste dont les classes populaires auraient été les protagonistes. C’est le caractère libéral du Traité et la crainte de ses conséquences négatives sur la croissance et l’emploi qui ont motivé son rejet. Il est vrai en revanche que ce rejet est pour l’essentiel le fait des classes populaires.

On constate ainsi qu’un clivage politique nouveau se superpose au traditionnel affrontement gauche/droite. Ce nouveau clivage, qui oppose les classes populaires aux classes moyennes et supérieures, ne correspondait pas, du moins il y a 10 ans, à une opposition entre « europhiles » et « nationalistes » :il se fondait essentiellement sur la différente perception de l’impact d’une construction européenne à caractère néolibéral sur les conditions économiques et sociales en France."

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"Le dépassement du clivage droite/gauche et l'établissement d'une alliance pro-européenne correspondraient ainsi au choix de l'unité sociologique autour des classes éduquées et aisées, sur la base d'un compromis néolibéral sur le plan économique.
L'inconvénient est que la nouvelle alliance réunirait moins d'un quart de l'électorat (9% pour la première classe sociale libérale, &3% pour la seconde bourgeoisie économique). Cependant deux nuances doivent être apportées pour relativiser la portée d'un tel inconvénient. La première concerne le fait que notre analyse porte sur tous les citoyens ayant droit au vote. L'abstention massive et croissante des classes populaires, notamment des ouvriers et des employés qu'on a constatée lors des dernières échéances, accroit mécaniquement le poids des classes bourgeoises sur le résultat du vote. Un quart des électeurs peut se traduire dans un pourcentage bien plus élevé des voix exprimées si environ 60% des classes populaires continuent de s'abstenir.
La seconde considération touche aux capacités d'expansion du bloc bourgeois au delà de son noyau dur. Le bloc bourgeois fait ainsi face à plusieurs possibilités d'élargissement : il peut, sans remettre en cause le compromis européiste et néolibéral qui le fonde, s'ouvrir soit vers la "gauche", en marquant l'accent sur sa dimension culturellement progressiste, soit vers la "droite", en durcissant les politiques sur l'immigration et la protection sociale.
Ces groupes, bien que sociologiquement minoritaires, constituent une base politique suffisamment solide pour que le

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bloc devienne dominant, surtout si les réformes néolibérales produisaient la croissance et la baisse du chômage tant attendues par une grande partie de la population. Ce qui empêche le bloc bourgeois d'émerger, c'est la structuration traditionnelle de l'offre politique autour du clivage droite/gauche."

"Le bloc bourgeois ne peut être tenu pour un projet "centriste" car sur nombre de questions de politique publique, il se caractérise par des positions qui ne sont guère "modérées""

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Sur l'importance des "non concernés" dans une lutte :
"Les résultats montrent que l'objectivité supposée du groupe pèse sur l'influence qu'il a sur les individus : les participants sont devenus plus favorables aux droits des homosexuels quand la source d'influence minoritaire était hétérosexuelle que quand elle était homosexuelle. La minorité homosexuelle a été considérée comme agissant dans son intérêt personnel et a été moins influente que la minorité moins impliquée.
(...)
Exporté à notre exemple ce raisonnement mène à penser que les individus pro IVG les plus convaincants sont des hommes et non des femmes qui constitueront une minorité évaluée comme plus objective"

"Les différences de conformisme selon les sexes n'ont pas été mise en évidence avec autant de validité qu'attendu"

"Entre les années 50 et les années 90 on relève une diminution progressive des taux de conformisme dans des études utilisant pourtant le même paradigme
(...)
L'interprétation théorique de ces variations du conformisme en fonction des époques tiendrait au contexte socio-politique dans lequel prennent place les études
(...)
Le caractère collectiviste versus individualiste d'une culture est en effet un facteur qui va favoriser, ou au contraire limiter, l'effet de l'influence majoritaire sur les individus"

"Lorsque la norme d'un groupe est remis en cause, il en faut moins pour qu'un individu membre de ce groupe soit considéré déviant et traité comme tel que pour un individu issu d'un autre groupe. Les individus sont dont plus sévères et évaluent plus négativement leurs pairs que des membres d'autres groupes qui adopteraient pour autant la même position ou le même comportement"

"La théorie de l'identité sociale postule que les individus auraient un fort besoin psychologique d'avoir et de maintenir, au travers de la comparaison à autrui, une évaluation positive d'eux-mêmes. (...) seraient motivés à maintenir une image positive de leur groupe d'appartenance"

"Le conflit qui découle des situations d'influence minoritaire n'est pas un conflit social mais socio-cognitif. (...) face à une minorité ils se centrent davantage sur le problème posé et focalisent leur attention sur l'analyse approfondie des différents points de vue en tant que solution possible à ce problème (...) Ce traitement de la position minoritaire va entrainer un processus de validation de la position et au final une acceptation progressive et latente de cette position, c'est-à-dire une conversion"

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"le style de comportement qu'une minorité doit adopter pour être influente s'est vu doté d'un rôle capital. (...) preuve de consistance synchronique (les individus constituant la minorité sont d'accord entre eux) et de consistance diachronique (la position minoritaire perdure dans le temps)
La consistance ne doit pas apparaître comme de la rigidité. En effet, une minorité qui est perçue comme dogmatique ou autoritaire par la majorité ne sera pas influente"

"La théorie du crédit idiosyncrasique avance l'idée que pour influencer un groupe sans être rejeté en tant que déviant, un individu minoritaire doit avoir acquis au préalable une certaine quantité de crédit en se conformant au groupe, en suivant les normes de ce groupe"

"Plus la consistance dans le temps et la répétition ce serait le fait que la minorité ait l'air certaine, convaincue de ce qu'elle avance qui jouerait en sa faveur"

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Je veux pas être méchant mais on dirait un article Wikipédia enrichie.

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Assez intéressant pour son contenu informatif. Le journaliste s'est entretenu avec les responsables de certains jeux plus ou moins importants (en taille) et s'est attaché à retracer leur développement. Evidemment, l'auteur s'est concentré sur quelques jeux à la fabrication chaotique (parait-il qu'il s'agit plutôt d'une norme). Par exemple, avec Pillars of Eternity et le studio Obsidian, le journaliste a problématisé autour de la difficulté d’existence d'un (gros) studio indépendant où finalement tout dépend du bon vouloir de l'éditeur qui peut couper le financement de la production du jour au lendemain (ici Microsoft, ce qui conduit le géant du studio à licencier une conséquente partie de l'équipe ...). Avec d'autres jeux (Dragon Age, Uncharted 4, etc.) le journaliste illustre sa problématique principale de la production de jeux AAA aux équipes démesurées, aux nombreuses itérations et changements de fil rouge qui conduisent à des reports des dates de sorties et sorties (les contraintes temporelles, omniprésentes ! Notamment du au fait qu'il s'avère extrêmement compliqué de prévoir le temps que nécessitera chaque tâche et chaque étape, le médium vidéoludique étant d'une rare complexité, si je pense on compare au cinéma par exemple) qui entrainent des semaines acharnées de travail (avec souvent des heures supplémentaires non payées, évidemment). C'est au sein de ses chapitres où l'on apprend beaucoup sur le position de chaque profession (chef de projet, directeur créatif, producteur, etc) et notamment sur les procédés d'arbitrages différentes selon les studio, mais où chaque développement est l'objet d'intenses affrontements internes (d'où des départs-licenciements nombreux). En somme, produire un jeu vidéo, c'est usant, en nerfs et en temps de travail (mais en étant je pense le plus souvent dans les gros studios, bien rémunérés).
Néanmoins, les chapitres qui m'ont le plus intéressés (un chapitre par jeu) sont ceux consacrés aux jeux indépendants (Shovel Knight et Stardew Valley) de part l'investissement et les sacrifices personnels que peuvent mettre des passionnés dans la production d'un jeu (sans aucune garantie de succès !). Pour Shovel Knight par exemple, la poignée de membres de l'équipe a quitté son emploi pour s'investir à 100% (ils ne font littéralement que ça) dans la production d'une oeuvre commune (en vivant donc sur leurs économies et la patience de leurs proches) pendant X mois/années avec des semaines de boulot, comment dire, un peu chargées

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(pouvant aller jusqu'à 100h). De même pour Stardew Valley réalisé par un unique individu travaillant sans relâche devant son ordinateur jusqu'à l’écœurement. Ce qui marque finalement, c'est cette motivation et cet investissement ahurissant de ces individus prêts à tout sacrifier et tout tenter pour ce "rêve". Concrétisation qui d'ailleurs tiens souvent, outre la qualité des oeuvres, parfois plus à la chance et aux opportunités, de présenter une démo à tel ou tel salon, telle ou telle personne en espérant que le bouche à oreille prenne de l'ampleur afin de démarquer son projet de 1000 autres.
Finalement, l'auteur de Stardew Valley résume bien la chose : "Je ne suis qu'un type qui a eu de la chance et qui a créé le bon jeu au bon moment". Et, que deviennent tous les autres ?

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