Années 2000 : les livres
Top des tops : les incontournables de la décennie. La littérature a droit aussi à son palmarès !
Début de siècle : http://www.senscritique.com/liste/Debut_de_siecle_les_livres/417937
Années 1910 : http://www.senscritique.com/liste/Annees_1910_les_livres/220206
Années 1920 ...
30 livres
créée il y a plus de 11 ans · modifiée il y a 6 mois2666 (2004)
Sortie : 2008 (France). Roman
livre de Roberto Bolaño
bilouaustria a mis 9/10.
Annotation :
Bolaño gagne au long cours. Pas d'éclat éblouissant, pas de révolution si ce n'est un pari fou, une foi incroyable en la littérature et une ambition qui impose le respect. Les 5 parties, publiées séparément n'auraient pas frappé le lecteur avec la même force et pour cause : les trois premières sont solides mais pas tout à fait renversantes. On repart sur les traces des détectives, en terrain connu, celle de l'enquête littéraire. La partie des crimes, celle de Ciudad Juarez (Santa Teresa ici), le coeur du livre, fait basculer le texte vers autre chose. La répétition clinique des viols, des assassinats sauvages, l'indifférence générale, les rapports de police, entre corruption et complicité donne le vertige. 500 pages de faits divers à la Jauffret, le geste littéraire est colossal. Puis vient le cinquième livre, le plus beau, celui où même le style semble s'élever, où écriture et mémoire forment un corps à corps renversant, où l'on boucle la boucle sans forcément donner toutes les clés (pourquoi 2666 ?). Il y a semble-t-il aussi l'idée de variation musicale entre les livres, qui ont chacun une forme propre en s'autorisant la reprise de thèmes communs. Un livre qui contient le monde sans jamais forcer, sans donner l'impression d'un morceau de bravoure. La facilité, l'oralité, l'évidence de l'écriture de Bolaño sont finalement son plus beau testament.
Blonde (2000)
Blonde : A Novel
Sortie : octobre 2000 (France). Biographie, Roman
livre de Joyce Carol Oates
bilouaustria a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Immense roman-monde aussi riche et complexe que le grand "Libra" de DeLillo. Joyce Carol Oates trouve le point exacte où se rencontrent fiction et non-fiction, un point de convergence littéraire, et elle ose tout, on sent un grand amour et une grande liberté servant d'ancrage à l'écriture de ce livre colossal. "Blonde" c'est Marylin mais aussi Norma et toutes les autres, toutes celles qui ont habité ce corps sulfureux et cet esprit insaisissable. Et Oates ne résout pas tout, le livre n'est bien sûr jamais clos : est-elle trop intelligente ou un tout petit peu sotte ? Elle est bien plus sensible que la moyenne, ça c'est sûr, d'une fragilité désarmante, et sa vie est un incroyable malentendu, un mystère, un mythe. MM a en fait totalement dépassé sa propre vie, elle est "bigger than life", "she outlived her life" est la formule ultime qui dit tout, enfermée qu'elle est dans un cercle vicieux en forme de miroir déformant. Sa vie est alors à la fois un rêve américain et hollywoodien et un pur cauchemar. Elle est un produit tout en ayant parfaitement conscience du jeu mis en place par la représentation de son image mais aussi esclave de cette image et prise dans les différentes strates de l'actrice qui prend les choses trop au sérieux (elle est Norma qui joue Marylin qui joue Rose etc). Tout est vertigineux dans ce livre, son enfance et adolescence sont largement au niveau de la suite, le destin se forge à coup d'orphelinat et de mariage forcé. Il y a une violence inouïe dans ce monde de glamour et de fric. "Blonde" est cru et beau et directe et complexe.
Renégat, roman du temps nerveux (2005)
Abtrünnig. Roman aus der nervösen Zeit.
Sortie : 2010 (France). Roman
livre de Reinhard Jirgl
bilouaustria a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Le roman Ko-lo-ssal de Reinhard Jirgl est plus épais, plus ambitieux, plus riche, plus dingue, et comme son sous-titre l'indique justement, plus « nerveux ». Voilà donc un livre traversé d'éclairs, un livre électrique, oui, tendu comme une flèche, terriblement noir, où ses personnages se télescopent comme des planètes qui auraient traversé des milliers d'années pour la grande collision de l'inutile. Chez Lelouch, ça fait chabada quand les fils tissés se rejoignent enfin : musique, happy end. Chez l'allemand Jirgl, la lumière ne filtre plus, deux berlinois noyés de chagrins vivent dans des dimensions parallèles. L'un est chauffeur de taxi, l'autre écrivain raté. Leur rencontre tardive n'y changera rien.
Il n'y a plus grand-chose à espérer de ce monde « aussi rigide et gris qu'une langue de fonctionnaire ». Aussi Jirgl s'en prend au langage qu'il tire, déforme, réinvente comme d'autres avant lui. « Je veux écrire ma langue dans une langue étrangère » dit-il et on pense aux envolées de Selby. Reinhard Jirgl tutoie parfois les mêmes cimes, même si l'on pourra reprocher à ce roman protéiforme de fonctionner peut-être par moments de bravoure. Le livre a ainsi parfois des allures d'essai (virulent) sur notre société capitaliste, d'article de journal ou de soliloque incontrôlable, l'érudition étant souvent renversante. On sent qu'il y a derrière cette épaisse matière littéraire l'ambition de toucher quelque chose du doigt, peut-être la littérature totale. Le verbe et ses excès – les moins téméraires seront priés de s'abstenir.
London Orbital (2002)
Sortie : novembre 2010 (France). Roman
livre de Iain Sinclair
bilouaustria a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Un monstre de livre sans étiquette : doit-on parler de roman urbaniste ? De psychogéographie ? D'histoire alternative de Londres ? Iain Sinclair marche en périphérie de la capitale et observe : parcs abandonnés, parkings immenses, golfs, aéroport, sites en construction mais aussi tout ce que la ville a rejeté : sans-abris, cadavres, déviances sexuelles, hôpitaux psychiatriques etc. Pas étonnant que l'on y croise Ballard. L'écriture de Sinclair est incroyablement vivante et dynamique (et la traduction excellente) et fait de "London Orbital" une histoire à la marge, un travail à la Sebald sur les oubliés.
Les Soldats de Salamine (2001)
Soldados de Salamina
Sortie : février 2004 (France). Roman
livre de Javier Cercas
bilouaustria a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Beaucoup de choses remarquables dans ce texte modeste et fulgurant. La construction, à la fois historique, et roman en cours d'écriture, la biographie qui rencontre l'enquête presque policière (avec Bolaño himself dans le rôle du co-détective [sauvage] !). "Soldados de Salamina" se veut "un livre réel", motif qui revient souvent dans le roman (mais est-ce un roman ?) : il est en réalité plus que ça : Cercas y joue habilement à cloche-pied sur un fil où la fiction n'est jamais loin, le mensonge interdit mais central, et la question de l'écriture capitale. Sans en avoir l'air, Javier Cercas nous mène vers un crescendo magnifique où la guerre d'Espagne est prétexte à un réflexion sur ce que nous faisons de nos grands hommes et de notre mémoire.
La Vitesse des choses (1998)
La velocidad de las cosas
Sortie : septembre 2008 (France). Roman
livre de Rodrigo Fresán
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Il y ces auteurs qui peinent à créer, tirent au maximum sur une pauvre histoire pour en faire un roman, attendent cinq ans pour trouver la prochaine inspiration. Et puis il y a Rodrigo Fresán qui rassemble dans un livre l'équivalent de huit romans. Il y a tellement de créativité, de mondes parallèles, de petites digressions qui deviennent de fascinantes histoires, que "La vitesse des choses" écoeure la concurrence et paraît trop riche, trop généreux pour être réel. Le plus fort, c'est que Fresán dans son élan emporte tout mais garde l'intime, il part même de là, l'intime et la littérature sont toujours ses boussoles. Une règle primordiale : ne jamais emprunter de voies traditionnelles pour raconter mais travailler, réinventer, trouver des chemins de traverse pour ne pas ronronner. Si toutes les histoires ont déjà été racontées, c'est bien que la forme est plus essentielle que jamais. Alors Fresán écrit une gigantesque autobiographie littéraire qui ressemble à des nouvelles emboitées les unes dans les autres comme des poupées russes, l'universel emboîte le personnel, l'art le trivial, tout est un, comme dans Mantra, un magma de mots. D'une partie du "roman" à l'autre, on assiste à des jeux de ricochets, des rappels, des contrepoints. On mentirait en disant que tout ça est extrêmement complexe parce que Fresán n'est jamais excluant, on dirait que le livre s'écrit devant nous, le plus simplement du monde. On réalise à peine le travail derrière l'évidence de son écriture. C'est très fort et on prend un grand plaisir parfois à se perdre dans son labyrinthe ludique. Grâce à lui, l'Argentine sort enfin de l'ombre de Borges après lequel semble-t-il on ne pouvait plus écrire "librement".
(années 2000 parce que Fresán a toujours repris son texte, le retravaillant jusqu'en 2006, y évoquant le 11 septembre ou un film de 2006... donc 1998 fait bizarre)
Rêves de train
Train Dreams
Sortie : janvier 2007 (France). Roman
livre de Denis Johnson
bilouaustria a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
On a parlé pour ce texte de "roman épique en miniature" et l'expression convient à merveille. L'écriture de Denis Johnson, dans ce grand ouest début de siècle, dans ses forêts, ses canyons, entre les loups et les coyotes, est d'une extrême sensualité. Les scènes, dès les premiers chapitres, s'impriment dans l'imaginaire du lecteur pour ne plus disparaître : le cours d'une rivière, un incendie, des hommes travaillant à la construction d'un pont, quelque chose de miraculeux dans la poésie simple des mots, dans l'intensité, le concentré de vie qu'ils contiennent. Contrairement à Jim Harrison, Johnson ne joue pas sur la sécheresse, la nature contre l'homme, mais plutôt une symbiose qui témoigne d'un temps disparu. En toile de fond, le passage parfois cruel à la modernité, comme dans la mort absurde et violente d'un indien écrasé par un train : une nouvelle Amérique est née dans la douleur.
Autoportrait
Sortie : 10 mars 2005 (France). Roman
livre de Édouard Levé
bilouaustria a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Toute écriture est un autoportrait. Levé écrit, alors il écrit sur lui. Le procédé prend des des airs d'écriture automatique. "Je formule peu de jugements tranchés sur la vie politique, l'économie, et la vie des affaires internationale. Je n'aime pas les bananes." On est dans la pure juxtaposition. De phrases. Des carambolages. Des idées qui se cognent. Mais si chaque phrase est ciselée et ajustée au possible, "Autoportrait" est un TOUT, un portrait à la Perec, construit dans l'idée d'épuisement. Épuiser un sujet par les mots. "Adolescent, je croyais que "La vie mode d'emploi" m'aiderait à vivre et "Suicide mode d'emploi" à mourir". Lu, relu, rerelu. Imité. Inspiré.
La Maison des feuilles (2000)
House of Leaves
Sortie : 29 août 2002 (France). Roman, Fantastique
livre de Mark Z. Danielewski
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Même si le premier réflexe peut être de vouloir se méfier de la hype ou de la forme si particulière du roman, il faut reconnaître le talent de Danielewski pour nous capturer dans ses histoires. Ça commence fort avec un paumé qui aime élucubrer pour impressionner son pote tatoueur (et surtout les filles) et on est quasiment d’entrée chez David Foster Wallace. Ensuite il met la main sur un manuscrit et le récit dans le récit est encore plus prenant. La fameuse maison des feuilles, en Virginie, avec son intérieur infiniment plus grand que son extérieur, un monde en soi de froid et d’obscurité, un mystère impénétrable pour la science. Danielewski joue très bien avec les codes du fantastique, de l’horreur, mais garde semble-t-il toujours Moby Dick comme référence : celui du héros qui se bat contre un monstre et se perd dans le ventre de la baleine, mais aussi ce plaisir infini de la digression et de l’érudition (on apprend par exemple tout sur les labyrinthes et ses différentes formes). Il n’oublie pas non plus de développer de vrais personnages. Si les documents annexes peuvent fatiguer à la longue, on sent l’amour du texte et l’envie constante d’inventer, de creuser, de proposer de nouvelles idées. Je ne suis que quelques jours après la lecture mais je sens qu’il y a quelque chose d’entêtant avec ce livre, pas évident de passer à autre chose…
Mantra (2001)
Sortie : 2006 (France). Roman
livre de Rodrigo Fresán
bilouaustria a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Il y a dans les pages de ce livre, le même brouillard épais que dans les hauteurs de Mexico, la ville-tumeur. Sans doute parce que le moteur tourne à plein régime : Fresán propose 4000 idées par page, sans jamais baisser de rythme, étouffant son lecteur dans une fumée euphorisante de drôlerie et de culture. Kerouac, Buñuel, Eisenstein, Trotski, Artaud, Lowry ou Diego Rivera sont ses complices dans cet ABCdère loufoque où il trouve enfin une forme idéale à ses sauts de puces. Son esprit est trop vif pour s'enfermer dans une linéarité conventionnelle. Son projet trop ambitieux pour tenir dans un livre. Pourtant. Fresán écrit Mexico et le fait tenir dans 500 pages folles où un catcheur réalise un film existentialiste. Où les morts font des rêves en noir et blanc. Où les gamins jouent à la roulette russe. Suivez le guide, suivez Martín Mantra. (et comme toujours, une culture horizontale, un tout, une masse en mouvement).
Une saison de machettes (2003)
Sortie : septembre 2003. Récit
livre de Jean Hatzfeld
bilouaustria a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Les bourreaux racontent le génocide rwandais depuis leurs cellules de prison. Pour les remords il faudra repasser. Le massacre décrit comme une partie de campagne. Sidérant. Un document unique qui évoque "The Act of Killing" (en bien !).
Défaits (2001)
my loose thread
Sortie : 2 octobre 2003 (France). Roman
livre de Dennis Cooper
bilouaustria a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
En littérature, la simplicité a mauvaise réputation, parce qu'elle ressemble souvent à une pose, en particulier ces phrases courtes que depuis Baricco (depuis Duras, depuis toujours j'imagine) on ne peut plus lire sans arrière-pensée. Chez Cooper les phrases les plus simplement dépouillées, sans apparat, sont chargées d'une grande intensité, comme si tous les scepticismes étaient évacués par un égout sous le quatrième de couverture. Et les mots sont forts, et ils font mal. Ici simplicité devient synonyme de brutalité. La brutalité la plus directe, évidente, pure pourrait-on presque dire, comme on parle de pure beauté. Cette violence est produite par des personnages d'une extrême sensibilité et le contraste est étouffant. Qu'on puisse rire au milieu de ces horreurs n'est pas un mince exploit, le creepy-funny est presque une signature chez Cooper. On se dit aussi que "my loose thread" est un "Less Than Zero" réussi, dépassant tout ce que BEE a entrepris dans son genre nihiliste et même plus. Une génération perdue dont les angoisses transparaissent à chaque phrase, où Larry préfère tuer ses potes plutôt que d'avouer qu'il est gay, où l'on ne communique que par interjections, en se tapant dessus ou en couchant les uns avec les autres. Tout le roman, tout Cooper, est plongé dans un monde de l'après, post-traumatique, on ne peut plus faire machine arrière, il faudra vivre avec ses plaies, le choc, et trouver les mots (comme chez Beckett, trouver les mots de l'innommable).
Je ne résiste pas à recopier cet extrait :
"His bedroom's painted black, and has some chairs for his Nazi group meetings. I went to one, but couldn't make up my mind. There's a poster of Harris and Kliebald, the two Columbine guys. Gilman made it in Photoshop, and put the words 'Coming Soon' across the top so his parents would think they're a rock band. They're his heroes, and that's part of my problem. Of all the guys who shot other guys at their high school back then, they're so boring."
La ville est un trou
Sortie : mai 2007 (France). Poésie
livre de Charles Pennequin
bilouaustria a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Pennequin parle et écrit et ne reprend pas son souffle parce qu'il est un débit et parce que la ville est un trou, et quand il lit il a cette voix agaçante et il lit dans le métro, et il parle à haute-voix, dans son débit de fou, de bavard, et on pense à Louis-René des Forêts et on se demande toujours comment la phrase va évoluer, si tout ça a une fin, un terme, jusqu'où il la mènera et tout ça devient hypnotisant, oui, un peu fascinant cette ville, ce trou. Et on y tombe et on respire mais c'est trop tard.
Éloge des voyages insensés
Sortie : 10 janvier 2008 (France). Récit
livre de Vassili Golovanov
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Golovanov, journaliste moscovite, la trentaine, plaque tout pour partir dans le Grand Nord (et ne prend même pas un manteau d'hiver). Son récit entre mer de Barents et toundra est un monstre conçu comme le "Moby Dick" de Melville : un livre qui déborde de partout, riche et érudit à en crever, un roman-récit, qui contient le voyage et aussi tous les autres voyages imaginaires, toutes les autres versions de ce voyage-ci. Golovanov va au bout de ses digressions : les légendes du Grand Nord, l'histoire de l'île de Kolgouev -l'île aux oiseaux du bout du monde, la chasse au rêne, un hommage aux grands explorateurs, aux pionniers, un guide de survie en milieu hostile mais aussi un work in progress fascinant, bref une encyclopédie ludique et moderne comme pourrait l'écrire William T. Vollmann à son meilleur (le Vollmann de "The Ice Shirt" où le journalisme rencontre la tradition orale).
American Death Trip (2001)
The Cold Six Thousand
Sortie : 2001 (France). Roman
livre de James Ellroy
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Ellroy est ici plus que jamais proche de sa propre caricature, style percutant et sec, dialogues remplis de testostérone et plus de 800 pages pour raconter cinq années très mouvementées de l‘histoire des États-Unis, le livre s‘ouvrant à Dallas sur l’assassinat de JFK et se clôturant sur celui de son frère à Los Angeles. Entre les deux, une saga nerveuse et violente : Hoover, les casinos, la mafia, le Vietnam et les trafics de drogue, MLK, le blanchiment d‘argent, Howard Hugues le vampire, le Ku Klux Klan et tous les petits secrets d’état d‘un pays devenu cynique et désabusé. Un tourbillon de personnages aux intérêts contraires, des magouilles compliquées, du billard à trois bandes, mais toujours la phrase courte, efficace, aiguisée. Ellroy a trouvé depuis longtemps son identité littéraire. Il sait exactement ce qu‘il fait et s‘attaque en mode magnum opus aux années 1960 sans complexe. Étincelles garanties.
Vice caché (2009)
Inherent Vice
Sortie : 2 octobre 2010 (France). Roman
livre de Thomas Pynchon
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Le plus tordant, jubilatoire et accessible des romans de Pynchon-ce-génie. Et vas-y que je te dynamite les codes du polar, boum, l'enquêteur est un looser sous marijuana façon Hunter Thompson. Chemises hawaïennes. Réparties d'enfer. On n'a jamais fini de relire Inherent Vice. Truffé de références à des films, séries, chansons pops etc. J'en ai encore mal au ventre rien que d'y penser (ces dialogues hilarants !). Et bien sûr on se contrefout de l'enquête.
The Rest is Noise (2007)
À l'écoute du XXe siècle, la modernité dans la musique
The Rest Is Noise: Listening to the Twentieth Century
Sortie : mai 2010 (France). Essai
livre de Alex Ross
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Une histoire chronologique de la musique (classique) au vingtième siècle, érudite mais jamais prétentieuse. Brillante vulgarisation d'un passionné. Un peu comme si le "Ravel" d'Echenoz faisait 700 pages. Le livre renvoie de plus constamment vers des liens internet pour écouter, confronter ses impressions de lecture aux musiques dont il est question. Les novices sont naturellement les bienvenus. Pa-ssio-nnant.
Vingt ans et un jour (2003)
Sortie : avril 2006 (France). Roman
livre de Jorge Semprún
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Roman incroyablement vivant, "Vingt ans et un jour" regorge de récits dans le récit (façon "Le manuscrit trouvé à Saragosse"), d'idées incongrues et de parenthèses où l'on prend le lecteur à parti. Il y a parfois du Laurence Sterne chez Semprún. On le savait érudit et brillant, mais comment s'attendre à une telle jeunesse à 80 ans ? Seul Pynchon dans son dernier livre m'avait donné une telle impression : celle de rajeunir à mesure qu'il continue d'écrire, et donc de jubiler. Pourtant les thèmes de ce roman étrange, qu'on ne s'y trompe pas, réveillent le fantôme du franquisme et n'ont pas de quoi nous donner le sourire. Il est question d'un meurtre que l'on rejoue, que l'on remet en scène, années après années. Enfin il est question de beaucoup plus aussi. Ça fourmille de partout, et on se dit assez vite, emporté dans la vague, mince, il aurait fallu prendre un crayon et dresser un tableau de cette famille et des personnages rapportés, pour ne pas s'y noyer. Le souffle est immense, souffle littéraire qui emportera ou perdra le lecteur en route. Le plaisir d'écriture est ici communicatif. L'écriture ou la vie.
L'été de la vie
Summertime
Sortie : 2009 (France). Roman, Biographie
livre de John Maxwell Coetzee
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Autoportrait tordu et très littéraire, sans concession, violent et amusant, à travers des entretiens imaginaires. Des gens nous parlent de Coetzee, quel grand homme il a été etc. C'est troublant, souvent un peu maso mais j'ai aimé l'exercice. Plutôt que d'attendre de mourir pour qu'on écrive sur lui des éloges et des saloperies, voilà qu'il devance l'appel ! Mysogine. Antipathique. Dur de faire la part des choses et après tout peu importe, on peut tout faire, Coetzee nous livre ce texte riche et nous laisse nous débrouiller.
Austerlitz (2001)
Sortie : 2001 (France). Roman
livre de W.G. Sebald
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
En terre sebaldienne, donc au milieu des clichés noir et blanc, des souvenirs, de fragments de mémoire qui cherche à recoller les morceaux de l´Histoire, la petite mais surtout celle avec un grand H. Oui mais voilà qu´après une centaine de pages un doute lentement vient s´installer en moi. Tout s´emboîte un peu trop parfaitement. Le déroulé même des événements semble servir de métaphore. Il y a cette gare que Sebald part visiter et qui part en fumée (qui brûle littéralement) le lendemain. Ou plus tard, Austerlitz qui en entendant le tchèque de Vera réalise qu´il comprend et parle tchèque. La puissance de la mémoire, son évanescence, les recoins obscurs de nos souvenirs qui déjà s´effacent etc. Et puis ces photos. Et forcément j´en suis venu à contester la perfection de cette construction (c´était déjà ce qui m´avait frappé et même parfois tenu à distances avec "Vertiges") et à me demander la part de fiction qui pouvait s´inscrire dans le projet de Sebald. Comment se fait-il qu´il ait conservé certains objets insignifiants ou tickets près de trente ans dans ses archives personnelles qui apparaissent ici sous forme d´images ? Ou alors a-t-il pu partir des images pour construire autour des photos un récit, pourquoi pas fortement inspiré de faits réels, comme un exercice littéraire sous la contrainte. La frontière est ténue entre documentations et documents fictifs, entre un présent évanescent, presque fantomatique et un passé toujours plus vif et clair. Quelque soit la vérité sur le travail de Sebald, il touche au but : raconter les hommes et leurs histoires, figures fragiles dans un espace-temps terrifiant qui les englouti à jamais : ce portrait retient Austerlitz vivant aussi longtemps qu´il y aura un lecteur, aussi longtemps qu´il existera dans notre souvenir.
Our Story Begins (2008)
Sortie : 2008 (États-Unis). Recueil de nouvelles, Version originale
livre de Tobias Wolff
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Wolff est un spécialiste de la nouvelle et se consacre depuis 40 ans quasi exclusivement à la forme courte. Ce recueil est en quelque sorte son best of, avec les meilleures nouvelles de ses différents recueils et à la fin une dizaine de textes inédits. Wolff est effectivement brillant sur ce format, une quinzaine de pages, et dans pas mal de registres : on rencontre des militaires, une femme qui obtient un poste à l’université, deux autres qui discutent pendant une pause cigarette, une famille qui tombe en panne au milieu du désert, deux frères qui se comprennent pas... Wolff n’essaye pas systématiquement de tout résoudre mais il distille délicatement des éléments sur le passé de ses personnages et laisse imaginer beaucoup alors même que l’intrigue se développe au présent et en parallèle sous nos yeux. Ses portraits comme ses dialogues sont bien sentis et on ne peut résister à son storytelling. En plus, il se renouvelle constamment et ne cède pas à la facilité (on pourrait penser qu’après des centaines de nouvelles, il aurait recours à davantage de modèles tout prêts ou une certaine paresse formelle). Il n’y a rien à jeter dans ce livre pourtant épais qui m’a évoqué les meilleurs textes de Richard Ford, et où les histoires mémorables se succèdent les unes aux autres.
Dead Boys
Sortie : mai 2009 (France). Roman, Recueil de nouvelles
livre de Richard Lange
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Qui est Richard Lange ? Mystère et boule de gomme, probablement le fils de sa mère mais alors, comme on le dit d'une frappe de Messi en lucarne, il est imparable. Impossible de ne pas marcher. N'importe laquelle de ces histoires, toutes situées à Los Angeles, nous prend pour ne plus nous lâcher. Il y a du dépouillement façon Carver mais ce n'est pas le point. C'est surtout un recueil doux-amer qui ose des choses, qui prend par surprise, qui brille par mille petites phrases. Grosse découverte.
Suicide
Sortie : mars 2008 (France). Roman
livre de Édouard Levé
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Un court texte écrit à la deuxième personne. Tu pour dire je. Levé annonçait son suicide programmé dans ses livres précédents. Il a rendu son manuscrit trois jours avant de se pendre. Écriture blanche. Distanciation. Pudeur. Les dernières pages forment un poème en prose. Ses derniers mots.
Contre-jour (2006)
Against the Day
Sortie : 2008 (France). Roman
livre de Thomas Pynchon
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
1200 pages de papier bible "planétaires et foisonnantes" comme l'indique le quatrième de couverture. C'est le moins qu'on puisse dire. Il fallait Claro pour se lancer dans un défi pareil ! De l'expo universelle de Chicago de 1893 au Far West en passant par des savants fous et des pierres précieuses, on voyage (en ballon dirigeable) avec Wiki-Pynchon. Un joyeux bordel comme on les aime. Et puis bon, on s'amuse bien plus qu'avec Mason & Dixon ! Posez quand même trois semaines de congé pour espérer en voir le bout.
Les Bienveillantes (2006)
Sortie : 13 septembre 2006. Roman
livre de Jonathan Littell
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
On a déjà tout dit et tout écrit sur ce livre. Haters gonna hate (coucou tigrou). Alors oui, parfum de scandale ou du moins curiosité pour un texte sur la Shoah, prix Goncourt écrit par un américain (!), juif (!). Bref, je retiens surtout l'ambition. La puissance de l'ensemble. Les incroyables 60 premières pages. Peut-être que ça se complait un peu dans le glauque ou qu'il y va de deux-trois couches de trop (nazi, homo, inceste, what else ?). Ça reste peanuts devant un livre aussi gigantesque et hors catégories.
Shantaram (2003)
Sortie : 11 décembre 2006 (France). Roman, Autobiographie & mémoires
livre de Gregory David Roberts
bilouaustria a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Ça commence sur une évasion de prison, FOLIE !, du pur roman d'aventure, James Bond, Gandhi, le héros vous fera tout, et en plus tout ça est vrai bien entendu. On se frotte les yeux à longueur de temps mais nous voilà mordus de chez mordus, on voudrait vivre à Bombay avec eux, dresser un ours, faire la guerre au Pakistan, tomber amoureux. Le page-turner fatal qui m'a fait passer plus de nuits blanches que Dostoievski ahahah (rires enregistrés).
Un livre blanc
Sortie : août 2007 (France). Récit
livre de Philippe Vasset
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
j'ai un faible pour Vasset et ses essais psychogéographiques qui s'ancrent dans le concret, le réel, le béton, et pourtant sont extrêmement fertiles sur un plan fictionnel (le réel ici nourrit l'imaginaire). C'est aussi un texte très réflechi, qui fait un peu semblant de chercher ses mots, qui ressemble à un work in progress, mais qui parle bien sûr de littérature, de ses limites (ou celles de l'écrivain sans doute), comment décrire un lieu pour lui donner vie, le décrire au-delà de ce qu'une photo peut rendre etc. "Un livre blanc" navigue entre plusieurs terrains (vagues) et s'inscrit presque comme un projet d'art contemporain - Vasset reconnait qu'il a flirté avec ce milieu. Riche, intelligent, original.
Consider the Lobster (2005)
Sortie : 2005. Essai
livre de David Foster Wallace
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Encore une série géniale d'essais de Wallace. Ce type se passionne pour tout et n'importe quoi et transmet son virus avec un humour, un enthousiasme et une culture sidérante. Ça se dévore relativement facilement en anglais en plus. Foncez je vous dis ! Oui c'est un poil inégal mais le texte sur comment choisir un dictionnaire est INDISPENSABLE (saviez-vous qu'il existe des dicos démocrates et des dicos républicains ?).
Trois femmes puissantes (2009)
Sortie : 20 août 2009. Roman
livre de Marie Ndiaye
bilouaustria a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Un concerto joué à quatre mains avec Jean-Sébastien Bach : voilà ce qu'est l'époustouflant "Trois femme puissantes" de Marie Ndiaye. Les variations Goldberg de l'allemand nous avait enseigné l'art de s'approprier un thème pour l'épuiser par la création. Marie N'Diaye y reprend l'idée de variations, appliquées à la littérature, pour écrire trois fois – de trois manières différentes, l'histoire de femmes qui souffrent mais n'abdiquent pas. Thriller, fantastique, docu, trois textes qui collent au réel et finalement un roman qui les englobe. Plus proche de Bolano (2666) que de Queneau (Exercice de style), ces destins ordinaires sont portés par les ailes graciles de phrases aériennes. Elever la trivialité des vies quotidiennes par le style ou comment l'esthétique est au centre de tout l'objet littéraire de Marie Ndiaye. Indispensable.
Waltenberg
Sortie : mars 2007 (France). Roman
livre de Hédi Kaddour
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Un premier texte travaillé et chéri pendant des années. Une perle stylistique. Élégance sans sophistication inutile. Combien de personnages dans cette fresque de 800 pages ? Trop ? Jamais. La guerre en toile de fond et un Goncourt du premier roman bien mérité pour un de ces rares livres que l'on peut rouvrir au hasard et plonger en un instant, porté par la phrase longue et souple.