Carnet de lectures : 2019

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Second livre du cycle de Yirminadingrad initié par Léo Henry et Jacques Mucchielli, il donne en 7 nouvelles un effet mythologique particulier, celui d'être le livre des périphéries.

De loin on regarde la ville perdue de brouillard, on regarde les bombardiers répandre la terreur, les prisons abandonnées être hantée par leur locataires devenus fous et la vie amoureuse se veiner des dessins de villes inconnues.

Dehors de la mythologie et dehors de la ville de Yirminadingrad, le livre réussit à réaliser ce que promettait "Yama Loka Terminus", c'est-à-dire de faire exister un univers effondré aux confins des Balkans, avec sa réalité sanglante et rouillée, son irréalité rongée par les tics et ses beautés malgré tout au milieu de toute cette dévastation.
Ces nouvelles donnent consistance à l'imaginaire central en inventant ces archipels d'histoires, de langues, toutes ces traversées où la ville n'est qu'un Lointain, et où s'invente ainsi une Matière, celle de Yirminadingrad.

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Peut-on rêver meilleure entrée dans les mouvements de l'écriture de Foucault, dans les recouvrements de ses idées, de ses transformations que ce livre à l'écriture souple et vive à la fois ?

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Lu et amicalement critiqué.

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De "Basho (lieu)" à "Wakon Yôsai (âme japonaise et savoir japonais)" ces 144 pages éclairent remarquablement bien de manière rassemblée un petit nombre de concepts qui ne s'épuisent pas dans leur traduction (comme le "Fûdo" si utilisé par Augustin Berque). Une belle découverte.

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Je ne comprends toujours pas. Je lis et relis le stupconcept. Mais la fumée ne monte pas jusqu'à mon cerveau.

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Avec un plan suggéré par l'éditeur, on arrive cependant à un résultat intéressant.
L'amour : fuis.
La liberté : fuis.
Les autres : fuis.
Le bonheur : fuis.
Le travail : fuis.
etc.
Jusqu'à "la foi".

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Maurice Fourré, "caméléon mystique", fut promu par Breton dans le surréalisme tardif (1950) avec cet unique roman sorti de l'écritoire d'un notable angevin de 74 ans, le texte m'a fait pensé à ce que Breton énonçait dans son premier manifeste, opposant la poésie inhérente à la démarche surréaliste (coupure, collage, image) face au romanesque bourgeois, psychologisant et descriptif.
Or il y a là un roman terrible, un roman-poème, si l'on veut, tentant l'impossible jonction où la narration est un vertige, un défilé d'images avec pour dramatis personae des personnages très post-spirites.

On pourrait croire qu'après les expérimentations de "Nadja" de Breton, de "La liberté ou l'amour" de Desnos, d'"Aurora" de Leiris, et même les livres de Crevel, de Gracq, de Stanislas Rodanski, qu'un récit poétique surréaliste soit possible, mais "La Nuit du Rose-Hôtel" a cet aspect dadaïste teinté d'anachronisme qui le rend souvent illisible.

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Les hôtel de passe couleur cafard, avec tout ça qu'on imagine recouvert d'un papier miteux. Jaune moisi. Une atmosphère qui pourrait n'être que sordide, avec des figures creusées par la drogue, avec des types paumés cherchant dans les dents en or des putes quelques reflets de paradis. Mais là dedans Vollman amène une lumière plus trouble où avec un malheur maladroit l'homme cherche son amour perdu dans l'oreille, les visages et les anecdotes de toutes les prostituées.

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Courtes histoires illustrées. Très 19e. Insurrectionnistes, ouvriéristes, éducationniste-réalisateur comme idéaux-types.
Peu de perspectives contemporaines.
Très historique.

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Retour sur "Cases d'un échiquier" et quelques autres pour l'approche des "sciences diagonales".

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Les grands auteurs sont de grands pourvoyeurs de titres. Avec un pareil on imagine Mallarmé, ou pourquoi pas Blanchot, grand seigneur ? Eh bien non, ni l'un, ni l'autre. Il s'agit de celui dont Guibert avait extrait "Vous m'avez fait formé des fantômes", j'ai nommé Kafk.... non, pas lui non plus. C'est le Divin Marquis que ressuscite Macé pour le donner à redécouvrir à nouveaux frais comme le dit l'expression.
Et Sade, c'est trop frais.
Non, c'est pas ça, au contraire, Macé nous donne à entendre Sade en son siècle, loin de toute sa réception ultérieure. Il nous le présente comme athée radical, aristocrate mais loin des horreurs qu'il décrit dans ses livres. Et surtout c'est la bibliothèque d'un lettré du XVIIIe que l'on découvre, voyant les liens de Sade aux découvertes de son époque, aux réflexions sur les voyages et les coutumes lointaines à la manière de Bougainville, réfléchissant sur les variabilités de la morale.

Court essai toujours écrit dans une langue exquise, ce nouveau Macé (qui a aussi ces jours-ci l'honneur d'un numéro de "Critique") est un beau retour à Sade dans son époque. On regrettera juste la convocation en préface de Sade comme antidote à la "moraline" ambiante suite aux mouvements #metoo, tant l'usage même qu'il fait de Sade semble aller à l'opposé de ces utilisations forcées et de ces simplifications.

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500 pages pour balayer tout sauf Badiou brillant au firmament lacanien de Medhi Belhaj Kacem.
Reste que l'itinéraire de ce pop-philosophe (antiphilosophe ?) est passionnant et pose de manière effective la façon de pratiquer et penser la philosophie en dehors du cénacle philosophique et que c'est très réjouissant : du gothique post-situ au réalisme spéculatif en passant par l'esthétique du chaos, du nietzschéisme en diable.

Mené sous forme d'entretiens, on progresse sans difficulté dans l'intellectualité poussée du parcours intellectuel de MBK malgré quelques décrochages de ma part sur Badiou.

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Une introduction accessible à l’œuvre de Debord qui reste trop souvent auréolée d'une aura de penseur maudit ou d'un halo de mauvais alcool du ressentiment n'y voyant que des pensées cryptiques, alors qu'elle articule des voies théoriques, créatrices, politiques assez inédites.
Contemporain fondamental, alors ? Même si rebelle à notre société spectaculaire et marchande, l’œuvre et la vie de Debord montrent l'exigence de sa pensée et insiste dans notre réel.

Je voudrais dire que ce livre est une synthèse agréable à tout cela, mais il faut franchir la première partie sur la notion de spectacle demandant une attention soutenue pour décoder les assertions ramassées de Debord. Cependant les deux parties qui suivent, sur le développement de l'Internationale Lettriste à l'Internationale Situationniste, puis sur les contours théoriques du situationnisme par rapports à Lukács et d'autres se lisent avec un vrai plaisir. On a alors l'idée du développement, des heurts et des malheurs de Debord et de l'I.S. jusqu'à sa dissolution, et aussi l'envie d'emprunter le Quarto des "Oeuvres" de Debord et d'approcher tout ça de plus près.

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Une Vierge carnavalesque : https://lucienraphmaj.wordpress.com/2019/11/27/vierge-amelie-lucas-gary/

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Voilà un Morand plus tardif, et qui donne à rêver pourtant les rêves manuelins de cosmos d'un jeune aristocrate errant dans le palais familial de Cintra. Mais pas que, car "Le Prisonnier de Cintra" est
un recueil de nouvelles où l'on goûte l'art de créer des atmosphères à chaque bouquet de pages. Des pages cependant un peu jaunies, craquelées, des mondes insituables, des histoires plaisantes mais sans surprises, des odeurs qui finissent par s'évaporer et laissent cette impression légèrement rance d'un art dépassé.

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Moi-même je me dissous dans les verres d'eau que je bois.
Il y aurait une histoire de la dissolution poétique, avec son envolée depuis le poète-caméléon aux blanchotismes de dernière génération et autres générations de poètes invisible générés à l'heure de la littérature électronique. La Lettre de Lord Chandos sera un des moments forts de cette histoire.

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Oubliez l'umami, la 5e saveur, goûtez au fond de l'expérience du fade sur lequel s'enlève la pensée, les formes, le geste.
Loin de Verlaine, et pourtant.

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Je l'avais pris pour rire. Parce qu'il parlait des molécules de la forêt qui nous transforme, comme si la forêt nous assimilait et que je me disais que comme d'autres savoirs limites (occulte, parascience et autres), il y a des idées à faire dériver, à délirer lentement en les plongeant dans d'autres univers pour en tirer des fictions.
Mais là on assiste à la sylvothérapie japonaise très douce, dans un livre très illustré et très inintéressant et dont la bibliographie manque de consistance.

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Brillante, trop brillante dissertation dans une collection (d'Adèle Van Reth des Chemins de la philosophie) dédiée à quelque chose semblable à ce que fait autrement : variation sur des concepts.
On n'y résiste pas : tout est élégant et les grandes étapes, et les noms essentiels sont cités. Mais le ronron du "la fatigue c'est mal, la fatigue c'est bien, et en troisième partie nous verrons que la fatigue a sa vertu dans le juste milieu et sa juste appréciation" rappelle trop le cours de philosophie plus que le vent de la pensée qui nous arrache du sol.

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"Ne pas en dire du mal, ne pas en dire du mal, ne pas en dire du mal". Je me répète ça et j'essaierai donc de proposer des "Furtifs" alternatifs à partir de tous ces moments où l'on se dit "si c'est ça, en fait, c'est génial", avant de s'apercevoir que l'on avait complètement déliré.

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Un conte pour adulte où la phylogénétique rejoint l'art de la narration. Une belle parabole amorale. J'en ai parlé sur Diacritik : https://diacritik.com/2019/09/18/demain-les-humains-leo-henry-tresses-souvenirs-du-narratocene/

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Biographie en miroir où chaque chapitre de l'enquête de McKenna est complété et repris à la suite par un chapitre de Lynch lui-même, replongeant dans ses souvenirs, précisant un épisode.

Je pensais vraiment que l'ensemble serait pénible et trop hagiographique, mais l'humanité du personnage m'a complètement pris.

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Une étoile d'histoires, des rayons de fuite, des rayons de mort, de rayons de liberté, des rayons de radio où se révolutionne la vie à bas bruit.

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En parler, donner la parole au court-circuit de l'arc sado-masochisme pour décrire les formes spécifiques à chacun. Lire en soulignant les formes de narration et de description chez Sade et Masoch, les règles, les types et sensibilités.
Dans une période où tous de Beauvoir à Blanchot, de Pauvert à Bataille, de Klossowski à Barthes s'intéressent à Sade, Deleuze déploie avec bonheur les textes de Masoch, sa réalité loin de l'image d'Epinal et autres fantasmes de mort et de douleur que l'on associe avec le "syndrome" sado-masochiste.
Cela donne évidemment de redécouvrir les écrits de Sacher Masoch et de réécouter encore la voix de Deleuze qui en parle :
http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=70

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J'ai de plus en plus de mal avec les textes de Rosset, ce rappel à l'évidence, au réel et la conjuration de la folie.

Ah le bon sens de Parménide. L'être est, le non-être n'est pas. Enfin une vérité. Mais qu'est-ce que l'être ? Allez, on est reparti pour 2000 ans de philosophie.

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Long, pénible, si ce n'est la fin misérable qui cruellement sauve un peu la mise, c'est 600 pages que j'ai lues comme dans cette critique : https://www.senscritique.com/livre/La_Dame_du_lac/critique/199549251