Friedrich Wilhelm Murnau - Commentaires
Il est probablement, avec Eisenstein et Chaplin, le plus grand cinéaste muet, celui qui a porté cet art des origines à un degré d’épanouissement plastique et poétique totalement inédit. Ses œuvres forment de toute évidence une source d’inspiration majeure pour des générations d’artistes qui lui ont ...
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créée il y a plus de 12 ans · modifiée il y a plus de 8 ansNosferatu le vampire (1922)
Nosferatu, eine Symphonie des Grauens
1 h 34 min. Sortie : 4 mars 1922 (France). Épouvante-Horreur
Film de Friedrich Wilhelm Murnau
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Une forêt déserte, la voile d’un navire cinglant vers le large, des chevaux frémissant nerveusement dans des prairies montagneuses au son d’une hyène hurlante… C’est par ces visions suggestives, en puisant dans le tuf même du monde extérieur, que Murnau engendre l’effroi. Loin de la peur de pacotille, cette symphonie de la terreur, comme elle est fameusement appelée, investit l’image du pouvoir d’épouvanter non grâce aux artifices scéniques mais par le réalisme de l’indicible, et plonge ses racines dans les nappes les plus profondes de l’inconscient germanique. Les éléments naturels se font messagers funèbres, les décors s’agitent de présences invisibles, et la figure du vampire formalise l’éternelle confrontation romantique du désir et de la pulsion de mort, tapie au cœur de l’homme civilisé.
Le Fantôme (1922)
Phantom
2 h 05 min. Sortie : 13 novembre 1922 (Allemagne). Drame, Muet
Film de Friedrich Wilhelm Murnau
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
Parce que ce film a été réalisé dans le sillage de "Nosferatu", il n’est surprenant d’y retrouver les motifs de la nuit fantasmagorique, de l’être spectral, de la façade fatidique (le palais de l’enchanteresse), de la lumière vacillante dans les ténèbres. Quant au héros, modeste gratte-papier qui tente d’oublier la médiocrité de son existence en se piquant de poésie, il est happé par les tourbillons de son inconscient et manifeste la sujétion de l’homme à ses démons intimes, son inaptitude à concilier libido et moralité, règles sociales et pulsions sauvages. Mais cette histoire d’une folie passionnelle vouée à la terreur aussi sûrement que le crime appelle le châtiment souffre d’un déroulé si conventionnel et accuse tant de longueurs qu’elle souffre de la comparaison avec les autres opus de l’artiste.
Le Dernier des hommes (1924)
Der Letzte Mann
1 h 27 min. Sortie : 11 septembre 1925 (France). Drame, Muet
Film de Friedrich Wilhelm Murnau
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Le personnage est saoul, la caméra titube. Il est accablé par la détresse, elle déforme les immeubles devant lui. Montage rapide, décor mobile, systématisation du travelling comme fondement esthétique, plongées et contre-plongées apportent à l’image une expressivité telle que Murnau se passe d’intertitres, orchestrant un remarquable jeu de voltes, de reflets et de transparences qui amplifient la vérité intérieure du héros, photographient ses pensées, font partager ses visions, entre rêve ou ivresse. La trajectoire de ce portier dépouillé de son uniforme, de son statut et de sa dignité, devenu monstre miséreux que hait tant le capitalisme qui pourtant l’engendre, dessine la parabole évidente d’une Allemagne humiliée, cherchant à retrouver sa dignité au sortir d’une guerre qui l’a laissé exsangue.
Faust (1926)
Faust: Eine deutsche Volkssage
1 h 56 min. Sortie : 14 octobre 1926 (Allemagne). Muet, Drame, Fantasy
Film de Friedrich Wilhelm Murnau
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Un autre grand jalon de l’expressionnisme allemand. À la manière de Fritz Lang, qui subordonnait tout son langage formel au développement de ses préoccupations thématiques et ne laissait presque aucune place au hasard, Murnau cherche à fondre ses influences picturales dans un microcosme où le savant dosage d’éléments concrets et abstraits et leur articulation plastique, comme par strates superposées, font métaphoriquement venir toute la complexité de l’univers. Les jeux d’ombre et de lumière, la poésie naïve des effets spéciaux, la rapidité du montage et l’instabilité de la caméra témoignent d’une maîtrise technique toujours dévouée à la puissance symbolique du récit. Le cinéaste associe ainsi les êtres, les lieux, les objets en une unité presque mystique, très en phase avec l’idéal romantique.
L'Aurore (1927)
Sunrise: A Song of Two Humans
1 h 34 min. Sortie : 11 octobre 1928 (France). Drame, Romance, Muet
Film de Friedrich Wilhelm Murnau
Thaddeus a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Aucun récit, si poétisé soit-il, ne saurait rendre compte de l’envoûtement que dégage ce film proprement magique. Un homme et une femme tourmentés par l’intrusion de la séduction, le désir de meurtre lié à la passion, la confrontation de la ville et de la campagne, séparés par un lac, menace constante de l’eau, symboliquement porteuse de la mort… Murnau touche à la simplicité la plus virginale et la plus biblique, dramatise et transfigure le quotidien pour l’élever au rang de tragédie immémoriale, avec ses personnages mus par des forces obscures, des pulsions élémentaires. Cet enchantement de lumières, d’ombres et de sortilèges brille d’une alchimie qui échappe à l’exégèse, s’accomode de scènes prosaïques, extraites d’un contexte familier, chaleureux, à échelle humaine, pour en exprimer le sublime.
L'Intruse (1930)
City Girl
1 h 17 min. Sortie : 12 janvier 1930 (États-Unis). Drame, Romance, Muet
Film de Friedrich Wilhelm Murnau
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Le film commence dans le bourdonnement du milieu urbain et s’achève dans la quiétude rurale des champs de blé, avec l’acceptation tardive, par le fermier bourru, de la serveuse de la ville que son fils a épousée. Évoluant encore vers le dépouillement et l’intimisme, Murnau filme les moissons, les étendues, les ciels et les nuits orageuses du Minnesota comme prises des feux de la passion, point nodal des rapports entre les personnages, sources de rivalités et de rancœurs tissant un contrepoint à l’exaltation de la nature. Plus qu’un trait d’union entre la candeur de "L’Aurore" et l’appel mystique traversant "Tabou", ce superbe mélo préfigure, dans sa miraculeuse congruence, l’infiniment petit de ses épis de blé et l’infiniment grand de son horizon, le classique d’un démiurge texan réalisé cinquante ans plus tard.
Tabou (1931)
Tabu: A Story of the South Seas
1 h 24 min. Sortie : 1 août 1931 (États-Unis). Drame, Romance, Muet
Film de Robert Flaherty et Friedrich Wilhelm Murnau
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
C’est la même pureté originelle que Murnau parvient à capter dans les images huileuses et scintillantes de cet envoûtant conte sauvage, dépouillé de tout ornement superflu et déplaçant les vertus documentaires promues par Flaherty sur un champ plus sacré. Il traduit les flux et reflux de l’ombre et de la lumière dans une perfection esthétique et symbolique du jeu des masses, des contrastes sur les corps et les objets, et célèbre les forces élémentaires de la nature en contre-point romantique aux espoirs que laisse percevoir la civilisation. L’extase au paradis, puis sa perte : telles sont les deux étapes d’une histoire qui peut se lire comme une émanation quasi mythologique de l’inconscient de l’Occident, et dont la poétisation panthéiste a sans doute, là encore, profondément influencé Malick.