Cover Gus Van Sant - Commentaires

Gus Van Sant - Commentaires

Capable d'alterner pur cinéma d’auteur et souscriptions au format hollywoodien, c’est l’un des grands réalisateurs de notre époque, dont l’expression très moderne et la sensibilité figurent parmi les plus précieuses, les plus riches et les plus cohérentes de ces vingt dernières années. Un cinéaste ...

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12 films

créée il y a plus de 12 ans · modifiée il y a plus de 3 ans
Mala Noche
6.3

Mala Noche (1986)

1 h 18 min. Sortie : février 1986 (États-Unis). Drame

Film de Gus Van Sant

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Gus Van Sant ne pouvait que tomber amoureux du roman de Walt Curtis, récit de sa passion pour un jeune clandestin mexicain qui lui échappera toujours : déconvenue sentimentale et sexuelle consistant à renverser les rapports de domination régnant dans la société américaine entre natifs et immigrés. Tourné dans les quartiers défavorisés de Portland, son premier long-métrage rejoint toute une mythologie du noir et blanc, de l’errance, de la marginalité, de la rage de vivre au risque de la mort qui nourrissait alors l’expression de Jarmusch, Carax ou Wenders. Il louche aussi vers les lumières expressionnistes et les mauvaises nuits du film noir, invente un patchwork fragmentaire et bigarré s’inscrivant dans un courant de cinéma vérité fait à l’arraché. Film de jeunesse donc, inabouti mais prometteur.

Drugstore Cowboy
7

Drugstore Cowboy (1989)

1 h 41 min. Sortie : 11 avril 1990 (France). Comédie dramatique

Film de Gus Van Sant

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Quotidien tragi-comique d’une bande de junkies, entre casses de pharmacies, rêves d’évasion et horizon bouché : le penchant naturel du cinéaste pour les marginaux trouve idéalement à s’exprimer dans ce document honnête et brut, dur et fort, qui refuse le compromis. Contrairement aux apparences, Van Sant signe moins un film sur la drogue que sur la nostalgie d’une certaine marginalité délinquante des années 70. Fort d’une palette formelle déjà très sûre, il recouvre le réel d’un léger voile onirique et atténue la noirceur du sujet par une forme de poésie du sordide assez particulière. La présence de William Burroughs en prêtre toxico plus ou moins défroqué assénant quelques vérités iconoclastes apporte une touche de sincérité supplémentaire à ce film tristement drôle, ou drôlement triste.

My Own Private Idaho
6.9

My Own Private Idaho (1991)

1 h 44 min. Sortie : 15 janvier 1992 (France). Drame, Road movie

Film de Gus Van Sant

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Deux jeunes gigolos de Portland embarqués dans un road-movie mélancolique et chaleureux, en quête d’une enfance sacrifiée et d’une mère disparue. Le sujet laissait entendre une nouvelle mouture de "Macadam Cowboy", mais c’est à Welles et Shakespeare que Van Sant se réfère, avec des citations inattendues de "Falstaff". Il filme les paysages en esthète, retrouve un goût de l’errance digne de Kerouac, et troue l’hyperréalisme de son récit par d’envoûtantes images oniriques où la pesanteur s’abolit – maisons tombées du ciel, nuages au ralenti, fantasmes débridés entre imaginaire, songe et narcolepsie. La sensibilité écorchée de River Phoenix fait merveille dans ce film superbe, pudique, original, ponctué de quelques grands moments d’émotion suspendue (telle la déclaration d’amour au coin du feu).
Top 10 Année 1991 :
http://lc.cx/UPN

Prête à tout
6.6

Prête à tout (1995)

To Die For

1 h 46 min. Sortie : 6 décembre 1995 (France). Policier, Comédie, Drame

Film de Gus Van Sant

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Révélant l’incendiaire Nicole Kidman en bombe sans scrupule, dénuée de toute conscience morale et mise à nue dans sa folie propre, le persifleur Gus Van Sant enterre ses années indie, s’essaie au cinéma de studio et affirme son extraordinaire mobilité. Cette satire corrosive du milieu de la télévision développe une réflexion d’une salubre cruauté sur l’arrivisme, la toute-puissance de l’image et la course à la célébrité, dans sa dimension la plus pathologique. C’est comme si le Wilder acide du "Gouffre aux Chimères" avait placé une focale déformante sur l’objectif, et qu’il bifurquait du côté du grotesque outré pour donner un grand coup de pied dans la fourmilière. Le trait est dévastateur, chargé d’un humour sarcastique qui enfle jusqu’au grotesque noir, et le dénouement d’un humour macabre particulièrement décapant.

Will Hunting
7.5

Will Hunting (1997)

Good Will Hunting

2 h 06 min. Sortie : 4 mars 1998 (France). Drame

Film de Gus Van Sant

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Van Sant et les studios, deuxième chapitre. À l’opposé de l’ironie sans retour de son précédent film, le cinéaste pose un regard plein d’humanité, de tendresse et d’empathie sur ses héros issus du quartier populaire de Boston. Subtilement écrite, d’une belle densité romanesque, l’œuvre ausculte le désarroi enfoui d’un jeune adulte inadapté, noyant ses angoisses dans une insouciance factice, et pose une question (comment réussir quand on est surdoué ?) qui, à défaut d’être originale, est traitée avec une constante sensibilité. Autour d’elle, les points de vue très différents et parfois contradictoires (un prof intéressé, une élève amoureuse, un psy compatissant, un ami lucide) sont mis en lumière par un style dépourvu d’effets faciles, qui donne à réfléchir sans s’adresser uniquement à l’affectivité.

À la rencontre de Forrester
6.7

À la rencontre de Forrester (2000)

Finding Forrester

2 h 16 min. Sortie : 18 avril 2001 (France). Drame

Film de Gus Van Sant

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

L’éternelle histoire d’amitié et de transmission entre deux êtres que tout oppose. Soit un étudiant noir socialement déclassé, mais doté d’un QI hors-normes, surdoué en écriture et promis à une carrière de basketteur universitaire, et un vieil écrivain misanthrope, simili-Salinger reclus dans son grand appartement du Bronx. Oui le premier parviendra à gagner la confiance du second, oui le second aidera le premier à canaliser son talent, oui chacun ouvrira l’autre à d’autres univers… Comment Van Sant dépasse-t-il ce scénario archi-conventionnel, balisé de poncifs et de généralités d’usage sur l’émancipation et le droit à l’auto-détermination contre le système ? Par une sorte de légèreté innée de la méthode, une mise en scène fluide, à l’élégance mystérieuse, qui permet à l’intérêt de ne jamais se diluer.

Gerry
6.7

Gerry (2002)

1 h 43 min. Sortie : 3 mars 2004 (France). Aventure, Drame

Film de Gus Van Sant

Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

L’horizon, le soleil, le désert, et deux potes naufragés perdus entre ces trois pôles, lignes de force d’une œuvre scotchante qui envoie aux orties toutes les règles cinématographiques en vigueur. Si le réalisateur pousse l’expérience jusqu’à l’ascèse (ou plus exactement la pureté), c’est pour stimuler chez le spectateur les zones les plus viscéralement sensorielles et existentielles. Son film est un poème épique, à la fois terminal et inaugural, extrêmement physique et éminemment abstrait, qui invente toute une parabole sur la liberté ou, au contraire, la difficulté de sortir de la route, de gérer l’infini des possibles. Respirations coupées, aubes brumeuses, mort dans les nuages, courses belles et tristes au son des notes lancinantes d’Arvö Part : cette élégie hypnotique à l’amitié demeure le plus extraordinaire météore qui aie traversé la décennie passée.
Top 10 Année 2002 :
http://lc.cx/UPm

Elephant
7.3

Elephant (2003)

1 h 21 min. Sortie : 22 octobre 2003 (France). Policier, Drame, Thriller

Film de Gus Van Sant

Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Travellings obsessionnels suivant les personnages de dos, comme s'ils marchaient vers leur propre mort. Structure tournoyante, circulaire, dont les boucles à la fois temporelles dessinent un réseau inextricable. Avec cette chorale évanescente qui enveloppe par sa douceur et sa délicatesse, qui scrute les visages comme pour en percer les mystères et l'innocence, Van Sant invente une rêverie éthérée, porte un regard presque divin sur ses personnages, archanges d’une adolescence sublimée et victimes d’un désastre abyssal. Sa Palme d’Or s’impose non seulement comme un manifeste esthétique mais aussi comme l’expression radicale d’un cinéma qui refuse toute facilité moralisatrice, interroge bien plus qu’il n’explique, ne s’arrête à aucun constat facile et fait résonner le bruit et la fureur du monde pour inviter à la méditation.
Top 10 Année 2003 :
http://lc.cx/UPs

Last Days
6.1

Last Days (2005)

1 h 37 min. Sortie : 13 mai 2005 (France). Drame

Film de Gus Van Sant

Thaddeus a mis 5/10.

Annotation :

Dernier volet de la "trilogie de la mort". Il ne faut pas y chercher ce romantisme des anges fatigués ou des rocks stars en tourment : l’auteur essaie d’approcher la suspension dans un temps intérieur et sans fenêtres, celui de la dépression. Sa méthode est plus aride que pour les deux films précédents, dont il applique la tonalité mélancolique aux derniers jours d’une jeune star grommelante et déglinguée, qui s’extrait progressivement du monde sensible. Le rapport au ciel, à l’eau, à la terre, saisis dans leur élémentaire beauté, la structure circulaire, le travail très élaboré sur le son, le rythme somnambulique du récit entrent en totale cohésion avec le délabrement solitaire d’un protagoniste en évaporation, mais je suis malheureusement resté extérieur à cette tragédie intime, qui ne m’a jamais touché.

Paranoid Park
6.7

Paranoid Park (2007)

1 h 25 min. Sortie : 24 octobre 2007 (France). Drame

Film de Gus Van Sant

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

"Last Days" était sans doute un point de non-retour. Plus légère, plus aérienne, moins écrasée par la somptuosité un peu hiératique de la forme, cette chronique de la jeunesse de Portland est une œuvre de transition idéale. L’auteur y approfondit les effets de résonance sensorielle des opus précédents, élabore tout un jeu de courbes, de diffractions, de fragmentations synchrone avec son jeune héros qui vit une pure épreuve de l’arbitraire et s’isole dans sa culpabilité. Son récit se déploie en bribes éparses et désordonnées, comme des pans d’étoffe que l’on superposerait dans les pages crayonnées d’un dossier, mais en restant constamment rattaché à la tangibilité quotidienne des choses (le lien familial, le rapport à la petite amie). La fin sereine et optimiste en accuse, à cet égard, la chaleur nouvelle.

Harvey Milk
7

Harvey Milk (2009)

Milk

2 h 08 min. Sortie : 4 mars 2009 (France). Biopic, Drame, Historique

Film de Gus Van Sant

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

En toute logique, voici le retour à une conception plus classiquement hollywoodienne de la narration, la (fausse) soumission à des codes normatifs que le cinéaste maîtrise avec une totale élégance. En consacrant son film aux huit dernières années d’une figure cruciale de la lutte pour la reconnaissance homosexuelle, Van Sant réinvestit cette confrontation avec l’événement, les dates, les faits, une accroche au réel que le nerf de son cinéma avait œuvré à dissoudre. C’est par la subtilité de son regard, le refus de toute ligne héroïque, fût-ce sous la lumière humble du pionnier, et la pleine confiance, proche du militantisme, en son sujet, qu’il désamorce tout risque pontifiant et fait partager, sans temps mort et avec une vibrante ferveur, le combat poignant d’un homme pour ses convictions.

Promised Land
6.5

Promised Land (2012)

1 h 46 min. Sortie : 17 avril 2013 (France). Drame

Film de Gus Van Sant

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Nul doute que le cinéaste a trouvé de l’intérêt à cette fable morale qui oppose les habitants d’une petite ville en voie de déclassement économique aux représentants d’une grande firme qui leur offre un pont d’or au risque de mettre en péril l’agriculture et tout l’équilibre écologique de la région. Sujet classique aux développements prévisibles, mais préservé de la facilité édifiante par la maîtrise spatiale de Van Sant, sa sensibilité relevée d’humour, son attention marquée à tous les personnages. Calme et sereine variation sur la force de la communauté, les échanges du jeu social, les vertus de la prise de conscience individuelle, le film rouvre le dossier jamais vraiment clos de la démocratie et du peuple yankees, excellemment porté par Matt Damon, le meilleur Américain moyen depuis James Stewart.

Thaddeus

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