Joseph L. Mankiewicz... et moi

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Sous bien des aspects, « All About Eve » est l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma. Drame reprenant les thèmes chers à son auteur, l’arrivisme, l’ascension sociale, il met en scène deux générations d’actrices dans la jungle de Broadway. La jeune ambitieuse face à la star bien établie. Le visage du renouveau contre l’ancienne gloire. Mankiewicz y filme trois actrices nominées aux Oscars, une jeune Marilyn Monroe et le suave George Sanders en seconds rôles de luxe. Bette Davis est Margo Channing, Ann Baxter est Eve Harrington, un face à face de légende à l’avantage de la grande Bette. La perfection de dialogues cinglants, d’une mise en scène virtuose et d’un scénario passionnant n’a jamais été égalée.

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Quarante ans avant, et heureusement sans Patrick Swayze, Joseph L. Mankiewicz dirige l’une des plus simples et belles histoires d’amitié amoureuse du cinéma. N’étant pas forcément très client de ce genre de film, il fallait bien l’habileté du maître pour venir à bout de mes réticences et me convaincre tout à fait. La superbe veuve Lucy Muir s’installe dans un charmant cottage, hanté par un rude marin qui en fait fuir les nouveaux occupants. Rapidement, une relation de confiance et d’amitié, assez improbable d’abord, s’établit entre les deux. Le charme infini de Gene Tierney dans son plus beau rôle contraste parfaitement avec la bougonnerie de Rex Harrison pour une histoire légère, touchante, et, comme d’habitude, merveilleusement mise en image.

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Jeanne Crain est une actrice pour laquelle j’ai une affection sans limite. Elle ne jouit pas de la même renommée que nombre de ses illustres consœurs, mais il s’agit pourtant d’une des actrices les plus mignonnes de l’époque. Ses personnages sont souvent très doux et touchants (même si elle est capable du contraire !), et celui qu’elle incarne dans « On murmure dans la ville » ne fait pas exception. Le film s’attache aux pas du bon docteur Noah Praetorius, un praticien aux méthodes peu orthodoxes qui s’attire la jalousie de ses collègues. Il s’agit d’un film intelligent, sensible, qui met à l’honneur la solidarité, la compréhension et une attitude positive face aux aléas de la vie, que l’on ne peut jamais contrôler.

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« Le Limier » est l’ultime film de Joseph L. Mankiewicz, sorte de testament au 7e art après une carrière longue et brillante. Réunissant entre autres deux des comédiens britanniques les plus charismatiques, Sir Laurence Olivier et (désormais aussi Sir) Michael Caine, il s’agit d’une intrigue complexe et fascinante, mêlant une passion dévorante pour le jeu et un sous-texte de lutte des classes. Dans des décors façon maison de poupée où le spectateur veut tout voir et comprendre, les personnages échangent des dialogues cinglants et cherchent à maîtriser leur espace pour prendre l’avantage. Le talent de Mankiewicz pour l’histoire et les dialogues brille comme jamais, et un seul terme me semble pouvoir le décrire à sa juste valeur : maestria.

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L’un des thèmes favoris de Joseph L. Mankiewicz, selon ses propres termes, consiste à explorer la manière dont les personnages réagissent aux imprévus de la vie qui font que celle-ci s’écarte du chemin de "rêve" qu’ils envisageaient : c’est un fait, chacun rêve de vivre sa vie d’une certaine façon, mais est bien obligé de se confronter à la réalité. « Chaines conjugales » est un film de mariage, un film sur la vie ordinaire de trois couples, perturbée par la lettre incendiaire d’Addie Ross annonçant sa fuite avec l’un des trois maris. Comme toujours chez Mankiewicz, le film se distingue par son intelligence, sa manière qu’il a de rendre un sujet banal passionnant. Et les acteurs sont superbes…

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J’aime beaucoup les histoires d’espionnage. Tom Clancy est l’un de mes romanciers préférés et j’ai découvert avec grand plaisir les podcasts de « Monsieur X » sur France Inter qui relatent de nombreuses affaires plus ou moins lugubres – mais toujours passionnantes – avec beaucoup de talent. Quand le grand Mankiewicz s’y risque, en adaptant un roman tiré de faits réels, ça ne peut être que grandiose. Avec un casting de toute première classe, laissant le génial James Mason en roue libre, le film se déroule, alternant entre une retranscription fidèle et intelligente des arcanes complexes du renseignement, et une comédie sociale où l’on rêve au-delà de sa condition. Comme toujours, les dialogues sont exquis et le film est très solide.

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La folie est un sujet intéressant au cinéma, toujours délicat à traiter mais qui a donné lieu à quelques chefs d’œuvre. « Soudain l’été dernier » met en scène une de ces confrontations d’acteurs mythiques (les confrontations et les acteurs) du cinéma. Montgomery Clift, la sublime Elizabeth Taylor, qui n’a été aussi belle qu’en couleurs dans Ivanhoé et l’illustre Katharine Hepburn sont réunis pour proposer un casting d’exception pour un film puissant, dérangeant : tout ce que l’on attend d’une œuvre traitant de ces maladies mentales. Le grand intérêt du film réside dans quelques scènes clé, des dialogues, pour la plupart. Très théâtral – adapté d’une pièce de Tennessee Williams – le film est un nouvel exemple de grandes performances d’acteurs chez Mankiewicz.

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L’incursion d’un cinéaste au style si particulier que Mankiewicz dans le royaume du western va forcément donner lieu à quelque chose d’assez singulier. « Le Reptile » est un western tardif, qui tient davantage du film de prison que de l’exploration de grands espaces. Kirk Douglas, héros de beaucoup de westerns classiques, y tient le rôle principal, celui d’un détenu dont la principale caractéristique est son esprit agile (c’est normal, il porte des lunettes). Orchestrant son évasion, il manipule son monde à loisir, faisant face à un redoutable maton, incarné par Henry Fonda. Si l’on excepte une fin facile et décevante, le film se déguste très bien, s’appropriant les codes du genre, tout en laissant place au style si distinctif de Mankiewicz.

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« Cléopâtre », c’est le récit épique de l’histoire hors du commun d’un des plus célèbres personnages de tous les temps… Qui de mieux que la déesse Elizabeth Taylor pour incarner cette reine d’Egypte intemporelle ? Ce film des années 60 reste dans l’histoire comme l’un des plus chers de tous les temps, aux décors proprement démesurés. En deux parties, d’abord consacré à César et Cléopâtre puis ensuite Cléopâtre et Marc Antoine, le film alterne les intrigues politiques et diplomatiques complexes avec de la romance tragique et passionnelle. Le trio d’acteurs principaux est de haute volée et la reconstitution est splendide, d’une ampleur que l’on ne reproduira sans doute jamais.

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Le théâtre et le cinéma ont toujours eu une relation assez compliquée… Le risque de ne proposer que du "théâtre filmé" à l’écran existe lorsque l’on adapte une pièce. Pourtant, le résultat peut aussi être somptueux et les risques en valent la chandelle. Ici, Mankiewicz adapte « Julius Caesar » de Shakespeare et conserve le texte original du dramaturge anglais… Ce qui est le principal défaut du film ! S’il lui offre quelques scènes magistrales et possèdent des qualités indéniables, le texte impose au métrage une lenteur infinie qui brise totalement le rythme du film, qui aurait pu tenir en trente minutes. C’est dommage, car tout le reste est parfait : photographie, acteurs (James Mason et Marlon Brando), montage…

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L’histoire "amère" de cette Cendrillon moderne est assez décevante sous de multiples aspects. Le manque de charisme d’Ava Gardner dans le rôle principal n’est égalé que par les rôles masculins, tous plus navrants les uns que les autres. Trop long, trop inégal, ce film ne parvient jamais véritablement à convaincre. L’histoire tragique de Maria Vargas est trop forcée et également gâchée par une narration mal maîtrisée : une voix-off omniprésente et pénible, qui, à trop vouloir raconter, empêche le spectateur de pleinement rentrer dans le film. Je gage qu’il faut un raté à toute grande filmographie : à mes yeux, il s’agit de celui de Mankiewicz, qui n’a pas grand-chose d’autre à se reprocher !