L'île déserte : les Japonais
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15 livres
créée il y a plus de 14 ans · modifiée il y a 11 moisRashōmon et autres contes
Sortie : 1965 (France). Recueil de nouvelles
livre de Ryûnosuke Akutagawa
Chaiev a mis 10/10.
Annotation :
Chaque nouvelle d’Akutagawa est un véritable bonheur de lecture, mais en lire 15 de suite permet de contempler avec stupéfaction l’incroyable dextérité de sa plume, aussi à l’aise avec les récits historiques, mythologiques, comiques, ironiques, courts, longs : le gars sait absolument tout faire. Il se glisse dans chaque histoire avec le masque qu’il faut, à la distance parfaite. Sa plus grande réussite à mes yeux est le jeu permanent qu’il instaure avec son lecteur, à qui il montre ou ne montre pas les éléments essentiels à l’aboutissement de sa nouvelle. Parfois cachés, parfois éclairés d’une lumière rasante, retenus jusqu’à la fin ou exposés dès le début, les éléments narratifs sont autant de balles légères dans les mains d’Akutagawa, sorte de clown triste qui jongle pour oublier qu’il a un couteau planté en plein coeur.
La Proie et l'Ombre (1928)
Injû
Sortie : 1994 (France).
livre de Edogawa Ranpo
Chaiev a mis 10/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
CRITIQUE INSIDE ↓
Récits de la paume de la main (1971)
掌の小説 (Tenohira no shōsetsu)
Sortie : 1999 (France). Recueil de nouvelles
livre de Yasunari Kawabata
Chaiev a mis 9/10.
Annotation :
Kawabata est un poète de la surface, il n’aime rien tant que caresser les apparences pour faire remonter les sensations et les sentiments les plus profondéments - et secrètement - enfouis. En marge de ses romans, toujours concis et pourtant incroyablement touffus, il a toute sa vie multiplié les formes extrêmement courtes (175 mini-nouvelles d’une page ou deux) dont soixante sont ici regroupées dans l’ordre chronologique, entre 1916 et 1964. Styles et sujets se succèdent avec un bonheur rare dans ces moments arrachés à la vie, et qui tiennent tous dans la paume de la main, comme autant de lignes de vie, d’amour, de chance qu’on scrute pour tenter de deviner les traces du passé et de l’avenir comme une liseuse de bonne aventure. Mystère du génie, à qui il suffit de cadrer un visage, un geste, un paysage, pour que survienne à chaque fois une épiphanie aussi discrète qu’évidente, aussi inexplicable que bouleversante.
L'Oie sauvage (1911)
Gan
Sortie : 1911 (Japon). Roman
livre de Mori Ōgai
Chaiev a mis 9/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
CRITIQUE INSIDE ↓
Le Fusil de chasse (1949)
Ryoju
Sortie : 1963 (France). Recueil de nouvelles
livre de Yasushi Inoué
Chaiev a mis 9/10.
L'École de la chair (1964)
Nikutai no gakko
Sortie : mars 1993 (France). Roman
livre de Yukio Mishima
Chaiev a mis 9/10.
Annotation :
Plus on lit Mishima et plus on est dérouté par ses romans, tant ils diffèrent les uns des autres. Si l’obstinato qui court derrière est assez semblable dans sa tonalité (un contraste très bien maitrisé entre humour et tragique, légèreté et profondeur, tradition et modernité), les mélodies qu’il invente par dessus sont d’une diversité et d’un disparate absolus. Pour celui-ci, l’auteur adopte le point de vue de l’héroïne (Taéko, une riche divorcée anti-conformiste dont le quarantième anniversaire arrive à pas de géant) et par le même coup rétrécit volontairement son omniscience de romancier. Il ne s’agit plus de raconter toutes les ramifications de l’histoire telle qu'elle se déroule - la relation amoureuse complexe se nouant entre Senkichi, un étudiant au charme animal, et Taeko - mais à la place toutes les implications que cette dernière tente de reconstruire à chaque instant de l’étrange amour qui le lie au jeune homme de 20 ans son cadet. Sans pour autant tomber dans la facilité d’un récit à la première personne, et c'est là une inspiration tout à fait habile : en gardant la distance d’une forme objective alors que la focalisation est subjective, Mishima parvient à instaurer un entre-deux très déstabilisant, alors même que tout dans le point de départ semblait balisé : une vieille avec un tendron, une riche vs un pauvre, une déclassée qui se paie un étalon, et vogue la galère ! Sauf que les dés sont pipés... Et grâce à la finesse psychologique et littéraire de ce roué Yukio (et notemment une merveilleuse utilisation des vrais-faux poncifs afin d’égarer un peu plus son lecteur), le résultat est, si l’on me passe l’expression, étonnement étonnant.
Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants
Memushiri Kouchi
Sortie : 1958 (France). Roman
livre de Kenzabūro Ōé
Chaiev a mis 9/10.
Annotation :
Japon, pays du kawaii ! Lecteur, si tu entres ici, tu peux oublier Candy… Les enfants d’Oé sont passés de l’autre côté de l’horreur, et si le livre en arrive à ce point de désespoir, cette boule de rage impuissante, cinglante, c’est qu’on sait que rien ne pourra les ramener à la lumière, jamais. Récit d’un voyage en enfer, mais un récit particulier, pour un enfer particulier : la candeur de la neige, la violence de la solitude, la puanteur de la mort, la sérénité du silence. Et quelques restes de douceur - soleil et vent - histoire d’être sûr que la plaie fera bien mal, mangée de sel, purulente jour et nuit. Là haut, le ciel bleu, « bleu à en pleurer ». Oé gratte son texte comme un barbare son os, pour voir la chair et les tendons tomber. Mais ici pas plus de pitié que d’apitoiement. Se battre pour survivre empêche les mièvreries et les cris. Justes quelques larmes silencieuses, à la sueur discrètement mêlées, et partout, dehors et dans les âmes, le vide, comme une prière, pour oublier. Les pires apocalypses sont les apocalypses inachevées.
Le Citron (1931)
Remon
Sortie : 1931. Recueil de nouvelles
livre de Motojirō Kajii
Chaiev a mis 9/10.
Annotation :
Entre le déclenchement de sa maladie à 18 ans - une tuberculose dont était déjà morte sa grand-mère et qui allait également emporter trois de ses frères et soeurs - et sa disparition à 31 ans, Kajii aura réussi à écrire 19 nouvelles, toutes suspendues à ce fil ténu qui ne lui offrait aucun espoir de solidité. Nouvelles arrachés page après page au néant, dont malheureusement seules huit sont ici traduites. Récits très courts, ou haïkus très long, on ne sait plus tant chaque phrase est imprégnée de sensations aussi fortement ressenties que discrètement exprimées. On navigue sur un fétu de paille lancé au coeur d’un torrent bouillonnant, entre désespoir résigné et humour pince sans rire qui n’est pas sans faire penser quelques fois à Kafka.
Devant mes yeux le désert ... (1966)
Aa Koya
Sortie : 1 janvier 1973 (France). Roman
livre de Shûji Terayama
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Le désert, c’est celui de Shinjuku, quartier du divertissement et de la jeunesse, aux néons toujours clignotants, aux rues pleines de bruits et de monde : un désert paradoxal donc, qui renvoie à celui que chacun porte en soi, d’autant plus criant qu’il passe inaperçu. Terayama, avant de devenir réalisateur d’avant garde dans les années 70, était un écrivain et pas des moindres (il a publié plus de deux cents livres et pièces de théâtre, mais ne cherchez pas, seul celui-ci est traduit en français). Il réussit dans ce premier roman burlesque et grave à rendre l’effervescence des années 60 en empruntant, comme il l’indique dans sa préface, la technique du jazz : quelques instruments, une grille harmonique, et des improvisations. Les personnages de Terayama boxent, traînent, draguent, font l’amour, certains bégaient, d’autres cherchent à inventer une machine pour des suicides propres… tous sont complexés, malheureux ou paumés, mais le bouquin lui, mêlant politique et esthétique pop, est un collage joyeusement foutraque, tissé de chansons, de poèmes, de peurs et de petits bonheurs. Dans la même lignée que Nosaka, en plus poétique et plus profond, son texte dynamite de l’intérieur le rêve nippon et l’on peut voir Terayama un peu comme le frère d’a(r)me de Fassbinder, et l’oncle amer et joyeux de Ryu Murakami.
Une histoire singulière a l'est du fleuve (1937)
濹東綺譚 - Bokutô kidan
Sortie : 1937 (Japon). Récit
livre de Nagai Kafû
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Nagai joue ici en maître de l'abyme, tressant une histoire toute simple autour d'un écrivain lui ressemblant beaucoup, qui traine dans les quartiers à l'Est de la Sumida pour croquer in vivo les scènes de son prochain roman. Réalité et imagination s’interpénètrent avec beaucoup d'élégance et de modestie : pas d'effet de manches, pas de grands discours, juste une jolie mélodie légère comme de la fumée de cigarette. On dirait qu'il fabrique son récit comme un fusuma, ces cloisons de papier japonaises : des ombres, des murmures passent, évoquent, disparaissent. Une émotion fragile naît, qui mourrait si on voulait la regarder en face, la saisir pour de vrai.