Lectures (2016)
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2014 : http://www.senscritique.com/liste/Journal_de_lecture_2014/365478
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2018 ...
118 livres
créée il y a presque 9 ans · modifiée il y a 12 moisLe Monde terrible
Poésie
livre de Alexandre Blok
Clément Nosferalis a mis 10/10.
Annotation :
Alexandre Blok est mon poète russe préféré. Il est vraiment l'incarnation du mot "postromantisme", et je le mets aux côtés de Baudelaire pour l'esprit. Il a su rendre l'ombre, la lumière, la ville et les arbres, tout en peignant un cheminement intérieur fait de fragments, de visions et de regrets allant vers l'avant. Il est la source de toute cette grande poésie russe du XXème (Tsvetaeva, Maïakovski, Akhmatova, Pasternak, Mandelstam, et bien d'autres). Je me suis dit aussi, en le lisant, que c'était bien cela qu'il y a quelques semaines je reprochais à Jaccottet : son postromantisme est loin d'être aussi puissant, aussi haut, à la fois aussi près des objets que de l'âme.
Oeuvres complètes
Sortie : 23 juin 2011 (France). Roman
livre de Jean Paulhan
Clément Nosferalis a mis 10/10.
Annotation :
Après avoir travaillé sur "Clef de la poésie" pour la fac, je me plonge plus avant dans les écrits critiques de Jean Paulhan. Il est sans doute le grand passeur entre Paul Valéry et Roland Barthes, celui qui a mis en place les bases intellectuelles de la "nouvelle critique", dont on peut refaire l'itinéraire dans chacun de ses ouvrages ; il en avait d'ailleurs déjà saisi les limites (le problème du "mystère" poétique, la pragmatique, l'arbitraire des règles, les limites de la linguistique, la difficulté de différence langage ordinaire et langage poétique). Ce qui me plaît par ailleurs dans Paulhan, et qui me le fait préférer à Roland Barthes (mais cette préférence est toute personnelle ; Barthes est sans doute un meilleur auteur), c'est que Paulhan place la poésie au centre de sa réflexion, alors que Barthes réfléchit essentiellement sur la prose. Paulhan est un auteur complexe, peut-être plus complexe que Barthes (et bien plus que Genette, qui n'est qu'un inventeur de concepts), mais sa méditation ne peut apporter que richesse.
Point du jour (1934)
Sortie : 22 avril 1992 (France). Essai
livre de André Breton
Clément Nosferalis a mis 8/10.
Annotation :
Lire André Breton est toujours un plaisir. J'ai pris celui-ci par hasard à la bibliothèque d'Ulm; je ne savais même pas que Breton avait publié un livre avec ce titre. Celui-ci prend la suite du recueil de textes "Les Pas perdus", qui montrait la formation de dada puis son dépassement et l'avènement du surréalisme ; "Point du jour", c'est le surréalisme qui fourbit ses armes, dans la poétique, la polémique et la politique. Le lire permettra à tous de comprendre que la position politique des surréalistes est loin d'être simple ou simpliste, contrairement à ce que disent leurs détracteurs ; ceux avec qui Breton ferraille le plus, c'est bien le parti communiste et notamment le journal "L'Humanité", qu'il trouve débile, infantilisant et sans la moindre profondeur, et conspuant l'incolore Henri Barbusse qui en était le directeur littéraire. André Breton est un intellectuel conséquent, qui crée véritablement de la pensée, mais tout en gardant sa fraîcheur littéraire et sa réflexion centrée premièrement sur la poésie. Cela en fait un esprit que j'aime considérer comme un ami.
Soumission (2015)
Sortie : 7 janvier 2015. Roman
livre de Michel Houellebecq
Clément Nosferalis a mis 5/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Michel Houellebecq fait partie des auteurs que j'aime une fois sur deux. Non pas "un livre sur deux", non pas comme avec Nietzsche "j'aime quand je lis et je déteste quand je repense à ce que j'ai lu", mais bien une fois sur deux le même livre. C'est que c'est un auteur irritant, qui joue sans cesse avec les nerfs du lecteur, et parfois on aime bien, parfois on l'envoie chier avec raison. Ce roman-ci, j'y ai repensé toute l'année (je l'avais lu le jour de sa sortie), j'en ai parlé autour de moi, discuté avec des personnes qui l'avaient lu ; il était comme un abîme où se penchait ma pensée. Pour m'encourager à le relire attentivement, j'en ai fait un mini-mémoire pour la fac. Et, il faut bien le constater, la critique que j'en avais fait il y a un an est complètement périmée. Il y a toujours des passages que je trouve ennuyeux voire ratés, et le ton d'ensemble n'est pas pour me plaire, mais Houellebecq a une véritable force de narration, qu'on ne saisit pas bien quand on ne lit que lui ou que les grands auteurs, mais qu'on admire quand on sort d'un autre roman contemporain. Il sait me faire rire avec ses laconismes et ses associations de phrases absurdes, il sait aller dans tous les sujets qui touchent ceux qui veulent être véritablement contemporains de leur époque, il sait créer partout la polémique avec des caricatures, mais caricatures toujours soumises à l'ironie, donc plus profondes qu'au premier abord. Houellebecq nous empêche le premier degré mais ne nous dit pas ce que nous devons comprendre au second degré : c'est dans un abîme qu'il nous jette. Du coup je pense lire ceux que je n'ai pas lus.
Effi Briest (1896)
Sortie : 1957 (France).
livre de Theodor Fontane
Clément Nosferalis a mis 8/10.
Annotation :
"Effir Briest" est un grand roman, classique de la littérature allemande et de son "réalisme poétique". De nombreuses comparaisons peuvent être faites avec "Madame Bovary" (l'ennui, la solitude, l'adultère), bien que le milieu social ne soit pas le même, le narrateur beaucoup moins ironique et l'essentiel étant centré sur les dialogues plus que sur la description. Il y a chez Fontane une sorte de calme, une tranquillité qui fondent une lecture agréable, presque reposante, sans être, du coup, transcendante ; simplement agréable.
Candide ou l'Optimisme (1759)
Sortie : janvier 1759 (France). Conte, Roman, Philosophie
livre de Voltaire
Clément Nosferalis a mis 8/10.
Annotation :
Oui, j'arrive à 21 ans et en prétendant être "littéraire", et je n'avais toujours pas lu Candide ; il étai temps. C'est qu'en Première j'avais travaillé "L'Ingénu" (qui par ailleurs est plus complexe, se transformant en un roman bigarré au beau milieu du conte), et ensuite j'avais essayé plusieurs fois de le lire, sans pouvoir dépasser le deuxième chapitre (je connais le premier presque par cœur désormais). Le premier chapitre est très drôle, et puis ensuite on rit jaune tout le long, on est souvent désespéré. Je ne sais pas si j'aime ce conte ; ce qui est sûr, c'est qu'il est bien écrit.
Commune présence (2000)
Sortie : 1 mars 2000. Poésie
livre de René Char
Clément Nosferalis a mis 10/10.
Annotation :
On pourrait passer des heures ne serait-ce qu'à méditer (ergoter, diront les ironiques) sur le titre : "commune", au sens de partagée, le poète se faisant voix des autres et de ce qui n'a pas voix ; "commune", au sens d'habituelle, car la poésie de René Char est bien un détournement des objets et des sentiments habituels, menant peut-être à une reconstruction fragmentée. Cela fait signe vers un rapport au réel qu'on oublie trop souvent chez Char, qu'on taxe trop facilement d'abstraction. La "présence", c'est peut-être la présence de l'autre ; ou alors sa propre présence au monde, ou alors la présence au sens fantomatique de "quelque chose qui est là" mais qu'on ne saurait conceptualiser. La poésie de René Char explore toutes ces possibilités : l'ouverture du réel par son détournement (héritage surréaliste), la découverte d'une beauté et, peut-être, d'une vérité nouvelles ; la reconstruction d'un monde fragmenté, "en archipel", plus vaste et plus intense.
Le monde sans vous
Sortie : 6 avril 2011 (France).
livre de Sylvie Germain
Clément Nosferalis a mis 7/10.
Annotation :
Sylvie Germain propose une nouvelle fois un livre pour littéraires, d'une excellente facture, avec de nombreuses références à la poésie russe et à des poètes que j'adore (Mandelstam, Akhmattov, Tarkovski père ...). Ce livre fait partie de la "mode" qui sévit depuis quelques années des œuvres en hommage aux parents de l'auteur, avec leur histoire généralement peu signifiante ; Sylvie Germain a le bon goût de ne donner que des bribes, et de laisser à la force des images la première place. C'est un tombeau en Sibérie, mais en prose ; ni un roman, ni de la poésie, peut-être juste une agréable méditation et des divagations plaisantes. C'est donc un bon livre, qui n'aura sans doute aucune postérité, mais un bon livre.
Êtes-vous fous ? (1929)
Sortie : 1929 (France). Roman
livre de René Crevel
Clément Nosferalis a mis 8/10.
Annotation :
René Crevel fait acte de participation à la destruction de mur du signifiant (selon l'expression de Deleuze à propos d'Artaud) opérée par le surréalisme, et nous donne, comme parfois chez Artaud ou dans le "Traité du style" d'Aragon, une oeuvre hybride, partant dans tous les sens, d'une fantaisie indomptable. Cela en fait un livre presque illisible, fouilli, divers et brisé, plein de brisures, de coq-à-l'âne et de transitions improbables. Crevel va au centre de la matrice surréaliste et laisse la profusion de la pensée émerger dans son texte ; son entreprise est louable et nécessaire ; s'il ne produit pas un chef-d’œuvre (ce n'est pas le but), il pose un jalon pour lequel nous devons le remercier. Mais, surtout, c'est à mourir de rire : le Sacré-Coeur et le Panthéon ("Pan-téton") comme les deux seins de Paris, la fille qui croit que "prépuce" est un synonyme d'épicier, il y a une blague comme ça par page, on s'amuse et on rit.
Comédie classique (1987)
Sortie : 14 février 2013 (France). Roman
livre de Marie Ndiaye
Clément Nosferalis a mis 5/10.
Annotation :
Il m'est trop tombé des mains pour pouvoir le finir. Les livres sans enjeu m'exaspèrent. Et la forme (une phrase sans point) ne sert ici à rien ; on aurait pu s'abstenir. J'en essaierai un autre pour avoir le coeur net sur Marie N'Diaye (j'avais bien aimé "Trois Femmes puissantes").
Entre les deux il n'y a rien
Sortie : 20 août 2015 (France). Récit
livre de Mathieu Riboulet
Clément Nosferalis a mis 5/10.
Annotation :
La déception est immense, car les sujets sont grands : l'arrivée à la conscience politique, la découverte de la sexualité, les luttes des années 70. Le livre se présente comme une rhapsodie jouant avec la chronologie : les éléments reviennent comme des leitmotivs, les époques et les pensées s'imbriquent, comme pour retrouver le flux de la mémoire immédiate. La tentative est grande, le résultat est pauvre : le livre tiendrait en vingt pages, les phrases ne gagnent pas à être répétées six ou sept fois, jusqu'à l'étouffement. On regrette sans cesse le besoin de se faire mal et de faire mal, qui obstruent complètement l'art de l'auteur ; et pourtant, on se doute que cet auteur pourrait écrire des livres superbes ; d'ailleurs je compte en lire d'autres de Riboulet (c'est mon premier), car le talent pourrait se faire éclatant, n'étaient ces répétitions lancinantes et, pour tout dire, chiantes. Le second problèmes est d'ordre politique : le but de Riboulet n'est pas de faire une "analyse politique" (il n'y a aucun véritable élément de pensée dans ce texte), mais pas non plus de montrer une expérience ; il n'y a rien. Je ne supporte pas ce besoin, chez les gens qui sont du même bord que moi (la "gauche radicale"), de faire renaître une violence soi-disant désirable, "du temps des luttes". La gauche meurt quand elle devient réactionnaire, se disant "c'était mieux avant" (quand il y avait des services publics, des syndicats forts, des morts dans les manifs ...) ; la gauche vit quand elle crée. Riboulet ne crée rien : ni une pensée ni un requiem, dans ce livre il n'y a rien.
Un amour impossible (2015)
Sortie : 19 août 2015. Roman
livre de Christine Angot
Clément Nosferalis a mis 1/10.
Annotation :
Difficile d'exprimer mon incompréhension. La lecture de ce livre fut un exercice : comprendre comment des gens pouvaient l'apprécier. Car ce livre-ci est bien en-dessous de Marc Lévy ou de Guillaume Musso ; on atteint les limbes de la littérature. Ai-je loupé quelque chose ? Ce livre-ci est-il un mauvais Angot et y en a-t-il d'autres que je devrais lire ? Pourquoi a t-il reçu un prix littéraire ? Qu'il se vende, d'accord : c'est simple, une histoire familiale sans grand intérêt mais avec un petit côté sordide qui fait bien, pas besoin de penser ; ça se lit bien sur la plage ou dans le métro. Que des journalistes y consacrent des articles est déjà étrange : l'insignifiance est à son comble, les descriptions vides, l'analyse psychologique inexistante ; c'est écrit comme une fan-fiction publiée sur un blog, on dirait une gamine de seize ans qui essaierait d'écrire son premier roman en changeant un peu l'histoire de sa vie.
La présence pure (2008)
Sortie : janvier 2008. Poésie
livre de Christian Bobin
Clément Nosferalis a mis 8/10.
Annotation :
Ce recueil donne du baume au cœur. "L'Autre visage" est un chef-d’œuvre ; son côté nietzschéen m'égaie. Après, on peut trouver que Bobin se répète ou verse dans la niaiserie, mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas être profond et de n'avoir pas le sens des mots. Belle lecture.
D'après une histoire vraie (2015)
Sortie : 26 août 2015. Roman
livre de Delphine de Vigan
Clément Nosferalis a mis 5/10.
Annotation :
Contrairement au livre de Christine Angot, je comprends bien le succès de celui-ci. Delphine de Vigan a un certain talent pour faire que le lecteur se sente proche d'elle, elle nous mène pas à pas avec elle dans sa pensée, nous montre ses faiblesses pour qu'on ressente de l'empathie ; contrairement au Angot, rien d'irritant n'est mis en place, aucune mise à distance, si bien que le lecteur se sent confortable.
Certains ont admiré l'ambiance thriller ; je l'ai de mon côté trouvé très lourde, notamment dans les clausules de chapitre "C'était avant de rencontrer L.", "Si seulement j'avais su ce qui allait arriver", qui font très "Plus belle la vie" ou "Dallas". Stephen King est cité à plusieurs reprises sous forme de citations avant les trois parties du livre ; la comparaison avec cet auteur nous fait clairement sentir que Delphine de Vigan ne fait pas le poids au niveau de l'ambiance thriller.
Quelques éléments de réflexion sur l'autofiction se mette en place, si bien qu'à la fin on perd ses repères, on se demande si toute l'histoire n'est pas un mensonge, ce qui est plutôt excitant.
Dommage que ce livre soit trop long, empli de répétitions et de réflexions de plusieurs pages qui pourraient tenir en quelques phrases, si Vigan avait un meilleur art de la concision. Ce livre se souciait trop de l'action, sans arriver à la rendre haletante, tout en oubliant le style.
L'islam
Que sais-je N°355
Sortie : mars 2002 (France). Essai, Culture & société
livre de Dominique Sourdel
Clément Nosferalis a mis 8/10.
Annotation :
Réfléchir sur l'Islam apparait aujourd'hui une nécessité, devant tous les discours creux à son sujet, peu importe le côté de l'échiquier politique où l'on se trouve. Ce Que-Sais-Je de Dominique Sourdel m'a semblé une bonne introduction, très concise, qui donne une bonne vue d'ensemble. Évidemment, cela ne suffit pas du tout : ce n'est qu'une introduction avant d'entrer plus profondément dans le sujet ; mais une introduction nécessaire pour ceux qui, comme moi, n'y connaissent à vrai dire rien.
Une première remarque, puisque je parlais de discours politiques : rien qu'après la lecture de ce livre, on se rend compte de l'infinie multiplicité des interprétations et des courants religieux, si bien que tout discours sur le Coran ou sur la civilisation islamique tenus par nos politiciens semblent bêtes et à côté de la plaque. Sans doute le phénomène religieux est-il incompréhensible dans des querelles de pouvoir, ou alors la culture ne peut-elle être qu'effleurée dans ces mêmes discours. Pour l'instant, la seule chose que je peux dire à ceux qui parlent de l'Islam ou de religions en général, c'est : je n'en sais pas beaucoup plus que toi, mais je sais que tu fais des approximations grossières et que tu devrais lire plus à ce sujet.
Titus n'aimait pas Bérénice (2015)
Sortie : 20 août 2015.
livre de Nathalie Azoulai
Clément Nosferalis a mis 5/10.
Annotation :
Là aussi, je crois comprendre le succès relatif du livre : une vie de Jean Racine, écrivain classique connu de tous car étudié au lycée, vu dans son versant amoureux, celui que les profs vendent aux élèves pour leur prouver que "Racine vous parle aussi de vous". C'est d'ailleurs un livre parfait pour les lycéens : une histoire d'amour sans profondeur entoure le tout, et la perspective intérieure dans "Jean" ne pousse jamais en avant l'analyse psychologique, ni ne produit une réflexion plus haute qu'une autre (exeunt le jansénisme, le classicisme ...) : Nicolas Boileau ou Jean de La Fontaine ne sont ainsi présentés que comme de bons copains, et l'essentiel montre Racine jeune, Racine faisant l'amour avec ses actrices, etc. Le roman reste à la surface des choses et, à part pour l'éducation à Port-Royal, ne nous fait entrer ni dans le XVIIème siècle ni dans une psychologie qui s'appliquerait à notre époque. On reste sur sa faim.
Ion
Essai, Philosophie
livre de Platon
Clément Nosferalis a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Critiqué.
14 (2012)
Sortie : 4 octobre 2012. Roman
livre de Jean Echenoz
Clément Nosferalis a mis 5/10.
Annotation :
Ayant déclaré un peu partout mon désespoir vis-à-vis des romans contemporains, on m'a conseillé Echenoz ; alors j'ai pris celui-ci, dont j'avais le vague souvenir de l'avoir vu en devanture de librairies. C'est encore une déception, bien qu'il soit "moins pire" que certaines choses que j'ai pu lire ces derniers mois. Le canevas semble une réunion entre les films "Voyage au bout de l'enfer", dont il reprend l'opposition entre la banalité du quotidien et la violence de la guerre, et "Pearl Harbor", dont il reprend la structure des deux frères voulant une même femme, l'un mourant alors qu'il a un enfant avec cette femme, l'autre finissant avec la femme et lui donnant le prénom du frère. Dans l'exploration de la banalité (cela semble être le grand thème des romanciers contemporains, pour ce que j'en ai lu), Echenoz ne fait pas mieux que les autres : explorer la banalité de manière banale reste le mantra insupportable qu'on lit ici. Tout manque d'ampleur, bien qu'on sent qu'Echenoz est loin d'être un mauvais auteur ; il fallait soit raccourcir pour en faire une nouvelle consistance, soit aller plus profondément dans les personnages, les objets et les situations, pour faire un grand roman ; l'entre-deux ne laisse place à rien.
L'arbre à poèmes
Sortie : 31 janvier 2016 (France). Poésie
livre de Abdellatif Laâbi
Clément Nosferalis a mis 6/10.
Annotation :
Cette anthologie reprenant vingt ans de poésie est très inégale. Laâbi a trop tendance à mettre côte à côte des expressions prosaïques, voire des poncifs simplement posés sans dépassement, avec des expressions hermétiques un peu faciles. Les premiers poèmes du recueil ("Le Soleil se meurt") sont même assez mauvais. Mais on trouve aussi de belles tentatives, comme lorsqu'il s'adresse à un "Toi" inconnu, ou quand il nous fait venir au plus près de sa pensée. Il explore lui aussi le quotidien et la banalité (comme tout le monde aujourd'hui), mais sans aller vraiment vers le sentiment de l'existence ; comme la plupart des romanciers contemporains, il évoque la banalité de manière banale, et cela ne suffit pas. Son poème "Gens de Madrid, pardon!" sur les attentats de 2004 manque complètement d'ampleur, il est passé bien en-dessous de l'évènement, n'en a rendu qu'une surface faisant penser à des poncifs médiatiques. Plus grave, dans l'ensemble du recueil, son vers libre devient rapidement creux ; souvent utiliser la prose aurait été plus avisé ; certains vers dans lesquels on ne trouve qu'une conjonction "Si", "Donc", n'ont aucune justification, étant donné que la banalité de ces vers n'est pas mise en perspective mais présente sans médiation.
Les Cavaliers noirs et autres poèmes (1895)
The Black Riders and Other Lines
Sortie : 1993 (France). Poésie
livre de Stephen Crane
Clément Nosferalis a mis 9/10.
Annotation :
Alain Bosquet affirmait que Stephen Crane était l'équivalent de Laforgue ou Corbière dans la littérature américaine. Crane arrive bien au rang de poète maudit (mort à 29 ans, vie sulfureuse, poésie "fin-de-siècle"). Sa poésie entre dans le vague poétique, dans l'incertitude mystique et la sensation que tout échappe ; on le voit bien dans les deux derniers poèmes, l'un affirmant la mort de Dieu, l'autre le contredisant mais toujours de manière sibylline, sans certitude. Son vers libre est déconcertant (en traduisant par écrit, la prose s'est imposée à moi), sa poésie touche à la philosophie mais sans jamais donner la moindre explication finale ; son fond philosophique semble deleuzien avec 70 ans d'avance. Un très bon recueil. [Je ne sais pas ce que vaut la traduction chez La Différence, je l'ai lu en anglais.]
Macbett (1972)
Sortie : 27 janvier 1972. Théâtre
livre de Eugène Ionesco
Clément Nosferalis a mis 8/10.
Annotation :
"Macbett" est une bonne pièce. Quelques éléments sont repris à la pièce de Shakespeare, mais l'intrigue et les personnages sont foncièrement différents. Le nœud de la pièce est difficile à cerner : Duncan est d'évidence un mauvais roi, et Macbett est loin d'être le mal incarné, ou même un vilain ambitieux ; l'insistance est mise sur l'absurdité de la guerre, déclinée à plusieurs reprises ; et le motif de la binarité revient sans cesse : Glamiss et Candor tiennent le même discours, sont combattus par Banco et Macbett qui font la paire (Ionesco insiste sur le fait qu'ils sont indiscernables, interchangeables), qui tiendront ensuite le même discours que Glamiss et Candor pour renverser Duncan. C'est une pièce très cruelle, aussi, bien plus proche de Heiner Müller que de Samuel Beckett.
Le Lecteur (1976)
Sortie : 1976 (France). Roman
livre de Pascal Quignard
Clément Nosferalis a mis 6/10.
Annotation :
"Le Lecteur" fait partie de ces livres qui flottent dans l'éther, dont on ne sait trop où ils vont ni d'où ils viennent, qui ne se dirigent jamais vers le sol et s'enfuient comme des nuages. Si, comme cela est écrit en couverture, il s'agit d'un "récit", c'est bien le plus abscons qu'il m'ait été donné de lire ; s'il s'agit d'un poème, il ne m'a pas semblé spécialement beau, et son hermétisme n'a pas l'intérêt de celui de Scève (sur lequel Quignard a écrit par ailleurs) ou de Bonnefoy (auquel le style de cet opus fait penser) ; il s'agit sans doute seulement d'une rêverie, de laquelle on ne retirera rien, mais qui ne nous aura pas déplu.
La Chute des temps (1993)
Sortie : octobre 1993. Poésie
livre de Bernard Noël
Clément Nosferalis a mis 6/10.
Annotation :
Dans le genre "livre qui flotte dans l'éther, etc." voici venir un second opus, cette fois en vers. Mon avis par rapport à ce recueil est alors un peu semblable à celui sur le Quignard ci-dessus : aimable rêverie. Bernard Noël ajoute néanmoins une musicalité, ce que j'ai compris en lisant ses poèmes à haute voix : ses vers libres possèdent un rythme créé par les sonorités, qui font qu'ils se prêtent à la psalmodie et à la récitation théâtrale, voire au chant.
Les Mouches (1943)
Sortie : 3 juin 1943. Théâtre
livre de Jean-Paul Sartre
Clément Nosferalis a mis 9/10.
Annotation :
"Les Mouches" est une pièce qui m'a fait une impression similaire que "Caligula" de Camus ou "Electre" de Giraudoux : ce sont des pièces où la prose est d'une consistance exceptionnelle, et où l'arrière-fond philosophique ne crée en rien l'atmosphère d'une "pièce à thèse" ou d'une "pièce à message" ; cela donne simplement lieu à des longues tirades, méditations sur la condition humaine, à la Shakespeare ou à la Ibsen, ce qui fait mon plaisir ; tout cela en gardant la violence de la tragédie grecque ou shakespearienne, qui fait qu'un frisson d'effroi traverse le lecteur ou le spectateur, ce qui me manque dans le théâtre classique française, qui ne me plaît pas tant que ça (bien qu'il ait mon respect, évidemment).
L'Imposteur (2014)
El impostor
Sortie : août 2015 (France). Roman
livre de Javier Cercas
Clément Nosferalis a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
"L'Imposteur" est un livre parfait pour se réconcilier avec la littérature contemporaine. Dès les premières pages, j'ai compris ce qu'il y avait dans ce livre, et qui avait manqué dans l'Angot, le Riboulet et le Vigan lus en ce début d'année :
1) La concision dans l'écriture, qui fait que, bien que ce soit un long roman, tout y semble nécessaire (alors que trop souvent les trois cités ci-dessus cèdent à la répétition et la banalité inutile).
2) La réflexion sur l'écriture est vraiment poussée, dans de nombreux chapitres, des digressions qui font mon bonheur.
3) Le souffle historique : soixante ans d'histoire de l'Espagne défilent et sont brillamment montrées.
4) La structure narrative : l'alternance de l'histoire telle qu'inventée par l'imposteur Enric Marco, l'histoire véritable reconstituée par l'auteur, et les réflexions de l'auteur sur cette imposture et sur sa propre écriture.
Essais de réponse
Altre prove di risposta
Sortie : 3 mars 2005 (France). Essai
livre de Erri de Luca
Clément Nosferalis a mis 8/10.
Annotation :
"Essais de réponse" est un livre intriguant : c'était un livre d'entretiens dont l'auteur a enlevé les questions, avant de tout recomposer. A chaque fois, un passage d'un de ses anciens livres est cité, puis il répond à ce passage par une description de sa propre vie. Tous les livres d'Erri de Luca (tous ceux qu'il avait écrit jusque-là en tout cas) étant à la première personne, bien que ce ne soit souvent pas lui le narrateur, cela fait qu'on semble percer à jour les métaphores et les atmosphères de chacun de ses livres par l'explicitation biographique qu'il en donne ; mais à chaque fois la description est différente, et ce ne sont que des atmosphères qu'on retrouve. De Luca crée donc une autobiographie fragmentée en atmosphères, ne donnant pas de sens à sa vie mais des bouts de sensations et de pensées. En passant, Erri de Luca prouve à chaque page qu'il est l'une des plus grandes plumes contemporaines.
Le Tunnel (1948)
El túnel
Sortie : 1995 (France). Roman
livre de Ernesto Sábato
Clément Nosferalis a mis 9/10.
Annotation :
"Le Tunnel" est un livre sur la solitude. Sa gageure, c'est qu'il nous met dans la peau d'un meurtrier, mais qu'à chaque page, quand il fait son analyse psychologique et intellectuelle, ce sont des remarques que nous nous sommes formulées sur nous-mêmes qui reviennent. Il y aussi une vivacité, un côté fou mais jamais écrit follement, qui transporte de phrase en phrase et de pensée en pensée à un rythme ininterrompu, celui des grands romanciers.
De l'écriture
Sortie : 15 janvier 1999 (France). Essai
livre de F. Scott Fitzgerald
Clément Nosferalis a mis 7/10.
Annotation :
Ce recueil de textes permet à la fois une bonne entrée dans le travail du poète, et un panorama de la littérature américaine des années 20-30. Nous entrons ici dans l'intimité de Fitzgerald, dans son quotidien, ses réflexions les plus personnelles, tout cela dans des fragments qui laissent à rêver le reste de sa vie et de son oeuvre.
Chronique de la dérive douce (1994)
Sortie : 2012 (France). Roman
livre de Dany Laferrière
Clément Nosferalis a mis 8/10.
Annotation :
Quelque chose est marquant dans ce roman en vers : la simplicité est rendue avec brio. Là où certains détails banals seraient insupportables chez d'autres (suivez mon regard plus haut dans cette liste), chez Lafferrière, ça marche. Parce que le ton est toujours le même, qu'il n'y a pas tout d'un coup des métaphores outrées et faussement profondes et parce qu'on est au plus près de la pensée du je lyrique.
Autre chose à noter : c'est un roman en vers libre, avec un usage étrange de ce vers libre, et pourtant on ne pourrait pas du tout mettre en prose, chaque rythme semble indispensable, bien qu'on n'en trouve pas toujours la justification.
Bien que ce soit la description d'un milieu à la Bukowski, on ne trouve pas le côté un peu putassier de Bukowski, du genre "Regardez comme je suis trash" (encore pire chez Limonov, qui est carrément un mauvais écrivain), mais simplement une grande douceur (d'où le titre, loin des "Contes de la folie ordinaires"). Le ton égal fait mon bonheur ; c'est simple, c'est beau.
L'Archangélique et autres poèmes (1944)
Sortie : 1944 (France). Poésie
livre de Georges Bataille
Clément Nosferalis a mis 7/10.
Annotation :
Ces poèmes de Bataille correspondent pour moi à un autre état de mon existence : l'état adolescent et "dépressif" (ou pseudo-dépressif), avant des lectures qui m'ont libéré de l'angoisse de la mort (Épicure) et de l'angoisse de la vie (Nietzsche), et la découverte du véritable amour. Cette méditation sur l'impuissance, la mort et la solitude m'aurait semblé géniale quelques années plus tôt ; elle m'a simplement laissé froid ; car il n'y a là aucune virtuosité ni grande découverte, et Bataille tient sa renommée de la direction de ses recherches et non de la manière dont il les a menées. Après avoir été déçu par "La Littérature et le mal" ainsi que par "L’Érotisme", celui-ci ne me laisse même pas un goût amer (contrairement aux deux premiers), il ne me laisse simplement pas de goût, bien que j'ai retenu trois bons poèmes que j'ai classé parmi mes poèmes préférés. Ainsi donc, j'en suis toujours à me demander si le mythe qui entoure Bataille n'est pas usurpé.