Lectures - 2020

Annotation :

Offert pour noël par une amie. De très beaux articles de Vernant dont "Un, deux, trois Eros" constitue le point d'orgue.

Annotation :

Première rencontre, fascinée, avec le langage et le monde deleuziens. J’y apprends que nous sommes faits de lignes et que, bien souvent, nous nous trompons de plans. J’y retrouve la plus belle des idées – l’héccéité – et mon éthique préférée : la sobriété.

« Dans le devenir, il n’y a pas de passé, ni d’avenir, ni même de présent, il n’y a pas d’histoire. Dans le devenir, il s’agit plutôt d’involuer : ce n’est ni régresser, ni progresser. Devenir, c’est devenir de plus en plus sobre, de plus en plus simple, devenir de plus en plus désert, et par là même peuplé. C’est cela qui est difficile à expliquer : à quel point involer, c’est évidemment le contraire d’évoluer, mais c’est aussi le contraire de régresser, revenir à une enfance, ou à un monde primitif. Involuer, c’est avoir une marche de plus en plus simple, économe, sobre »

Annotation :

C’était l’époque où j’avais des envies de CAPES de philo. Je ne me rappelle plus de grand chose, si ce n’est qu’on y parlait de Cézanne et de corporéité – et je me disais, à ce propos, qu’il avait tout volé à Artaud.

Annotation :

Ça par contre, ça c'est fort. Je l'ai mâché et remarché. C'est bien moins simple que le plus récent, La Pensée du roman. Il faut dire qu'il y a plus de Kripke... Ça n'aide pas à rendre les choses plus simples. On y découvre le roman comme ontologie des êtres invisibles, êtres qui s'animent sur un paysage, lui-même s'animant à partir d'un univers référentiel singulier. Kripke, vous dis-je.

Annotation :

En matière de théorie du roman, je suis kundérienne. Ça veut dire que je crois, avec Kundera, que le roman est le lieu de l’exploration de l’âme humaine quand elle s’agite dans le monde ; que le roman s’attache à comprendre, non la réalité (laquelle?) mais l’existence – l’existence comme un ensemble de possibles contrariés. Et, je crois, comme lui, que pour ça, le roman se doit d’assumer l’héritage de ses parents – mère-Relativité et père-Non-sérieux.

Vous comprenez maintenant, pourquoi l’engagement en matière littéraire, ça me laisse un peu de marbre…

Annotation :

« Entre la plus lointaine étoile et nous / la distance, inimaginable, reste encore comme une ligne, un lien, / comme un chemin »

Conjurer la mort par le mot, la peur par l’image ; suivre l’appel religieux d’une lumière hivernale jusqu’à qu’advienne la terrible question : comment la dire cette lumière, cette image, et cette mort qui arrive ?

Annotation :

Je tourne toujours autour du pot avec Dosto puisque je ne l’aborde que de loin – moi qui n’ai toujours pas lu Crimes et châtiments ou Les Frères Karamazov. Pourtant, je peux dire, sans me tromper, qu’avec L’Idiot j’ai touché à quelque chose de son génie, de sa folie : cette obsession du déclin et du vice, les deux frères nihilistes. J’en ai écrit quelques lignes.

Annotation :

Il traînait sur mes étagères depuis longtemps et j’avais envie d’affiner mon approche du rire en vue d’écrire ma critique de L’Idiot. J’ai été globalement déçue (si ce n’est par les quelques pages sur l’opposition entre l’art et la science, qui préfigure largement la critique heideggerienne de la pro-vocation de la technique). J’ai trouvé l’approche du rire beaucoup trop univoque – le rire comme conscience de la mécanisation du vivant – par rapport aux prétentions totalisantes de l’oeuvre.

Annotation :

Kerouac amoureux. Magnifique.

Annotation :

Corneille, Racine, Rousseau, Stendhal, voir, être vu, se montrer.
Et l'introduction en guise de manifeste de "la critique de la relation" portée par l'École de Genève.

Annotation :

C’est l’histoire d’Alexandre Portnoy qui raconte à son psychanalyste new-yorkais (nous), son enfance de fils d’immigrés juifs, son adolescence de jeune débridé, et ses déboires amoureux d’adulte désabusé. C’était drôle parfois. Touchant aussi.

Annotation :

Le plus beau moment de l’année 2020. À n’en pas douter. Je l’ai lu d’abord dans la traduction de Maurice de Gandillac, puis dans celle d’Henri Albert. Je ne parle pas allemand, donc j’ignore si l’une des deux est plus fidèle que l’autre. Mais celle de Gandillac… Quelle beauté. Ça m’a presque arraché quelques larmes. https://www.senscritique.com/livre/Ainsi_parlait_Zarathoustra/critique/208527488

Annotation :

Reprise de Char lu bien avant d'être en capacité d'y comprendre quoi que ce soit. Poésie et engagement, tous deux à leur paroxysme. Une critique bientôt.

Annotation :

La danse des savants et des enfants réconciliés, avec une bonne dose de la verve dont seul Nietzsche a le secret.

« J’habite ma propre demeure,
Jamais je n’ai imité personne
Et je me ris de tous les maîtres
Qui ne se moquent pas d’eux-mêmes. »

Annotation :

Ouvrage sur l'oeuvre de Kundera par l'un de ses plus grands spécialistes. Facile d'accès.

Annotation :

Je sais pas pourquoi, mais entre Blanchot et moi, ça prend jamais… Trop hégélien ? Trop de dialectique, de négation, d’être-vers-la-mort qui se transcende dans le travail littéraire, de manque, d’incomplétude, d’absolu à accomplir…?

Annotation :

Celui-ci, il m’a fait mal comme Les Souterrains de Kerouac ; comme un trop plein de vérité, qu’on vous jette tout d’un coup, sans que vous n’ayez rien demandé.

C’est l’amour dans ses facettes, les plus viles et grotesques, lyriques et passionnées…. De la jalousie à l’attente anxieuse de l’autre qui n’arrive pas (l’autre n’arrive jamais quand on l’attend), tout y est passé au crible – le tout à partir de réflexions basées sur Les Souffrances du jeune Werther.

Annotation :

Recueil et poète qui ne me quittera plus depuis.
Je pense qu’il est, bêtement, mon poète préféré – bêtement pour l’expression, non pour le choix. Il est celui qui me parle, me recueille et m’explique que derrière les quelques kilos d’importance dont on s’habille trop souvent, il souffle un vent – un vent fort et froid à en faire sauter les cotes – qu’on appelle le rêve ou le silence, selon les régions, qui embrasse la totalité de notre être.
https://www.senscritique.com/livre/Plume/critique/212781946

Annotation :

Il ne manquait plus que la terre pour parachever mon tour d’horizon des éléments bachelardiens. La terre est ici celle du repos, du refuge ; elle est la recherche d’une intimité qui cesserait, enfin, d’être querelle. Elle est maison (il y théorise pour la première fois la maison onirique qu’il reprendra plus longuement dans La Poétique de l’espace), grotte, racine mais aussi labyrinthe. Le complexe qu’il en tire est celui de Jonas, celui qui rêve d’un abri – le ventre d’une baleine ou de sa mère.

Annotation :

Présentée comme une « suite d’aphorismes mise en rapport avec la vie au jour le jour », l’oeuvre cherche à saisir l’essence de l’extase et du ravissement en se posant contre les mystiques traditionnelles ;

« Qu’une partie de vie exsangue, non riante, renâclant devant des excès de joie, manquant de liberté, atteigne – ou prétende avoir atteint – l’extrême, c’est un leurre. On atteint l’extrême dans la plénitude des moyens : il y faut des êtres comblés, n’ignorant aucune audace. Mon principe contre l’ascèse est que l’extrême set accessible pas excès, non par défaut. »

contre l’idée de projet et de progrès ;

« Le progrès nie l’extase, le péché, confond la vie et le projet, sanctifie le projet (le travail) : dans le monde du progrès, la vie n’est que l’enfantillage licite, une fois le projet reconnu comme le sérieux de l’existence »

tout en faisant l’éloge du rire

« Le rire pressent la vérité que dénude le déchirement du sommet : que notre volonté de fixer l’être est maudite. Le rire glisse en surface le long de dépressions légères : le déchirement ouvre l’abîme. Abîme et dépressions sont un même vide : l’inanité de l’être que nous sommes. L’être en nous se dérobe, il nous manque, puisque nous l’enfermons dans l’ipse et qu’il est désir – nécessité – d’embrasser tout. Et le fait de saisir clairement la comédie n’y change rien. Les échappatoires (l’humilité, la mort à soi-même, la croyance au pouvoir de la raison) ne sont qu’autant de voies par ou nous nous enlisons davantage. »

et de l’indéfini

« Rien ne se communique d’un terme à l’autre mais de soi-même à une étendue vide, indéfinie, où tout se noie » ;

« Mais où se déversent finalement les flots de tout ce qu’il y a de grand et de sublime dans l’homme ? N’y a-t-il pas pour ces torrents un océan ? Sois cet océan : il y en aura un »

https://www.senscritique.com/livre/L_Experience_interieure/critique/213124758

Annotation :

« Comparer deux objets aussi éloignés que possible l’un de l’autre, ou, par toute autre méthode, les mettre en présence d’une manière brusque et saisissante, demeure la tâche la plus haute à laquelle la poésie puisse prétendre. En cela doit tendre de plus en plus à s’exercer son pouvoir inégalable, unique, qui est de faire apparaître l’unité concrète des deux termes mis en rapport et de communiquer à chacun d’eux, quel qu’il soit, une vigueur qui lui manquait tant qu’il était pris isolément. Ce qu’il s’agit de briser c’est l’opposition formelle de ces deux termes ; ce dont il s’agit d’avoir raison, c’est de leur apparente disproportion qui ne tient qu’à l’idée imparfaite, infantile qu’on se fait de la nature, de l’extériorité du temps et de l’espace »

https://www.senscritique.com/livre/Les_Vases_communicants/critique/213216295

Annotation :

Recueil aphoristique et prescriptif. Qu'il est bon de se faire donner des injonctions par le roi des poètes.

Annotation :

« Aujourd’hui encore je n’attends rien que de ma seule disponibilité, que de cette soif d’errer à la rencontre de tout, dont je m’assure qu’elle me maintient en communication mystérieuse avec les autres êtres disponibles, comme si nous étions appelés à nous réunir soudain. J’aimerais que ma vie ne laissât après elle d’autre murmure que celui d’une chanson de guetteur, d’une chanson pour tromper l’attente. Indépendamment de ce qui arrive, n’arrive pas, c’est l’attente qui est magnifique »

https://www.senscritique.com/livre/L_amour_fou/critique/213453889

Annotation :

Très bel ouvrage sur la métalepse, le procédé de "transgression délibérée du seuil d'enchâssement" - en gros la revendication, au sein de la fiction, de la liberté d'invention du romancier.
Plein d'érudition, les classiques y croisent même la série Dallas...

Annotation :

Tombée dessus par je ne sais plus quel hasard.
Ce n'est plus simplement le banal et le quotidien qui sont l'objet de l'attention du poète. Le processus créateur lui-même devient l'objet de l'entreprise poétique de Ponge. Ou comment dire le mimosa, le pin, la guêpe...

Annotation :

Relu après La Rage de l'expression. Moins charmée que par le précédent.

Annotation :

Quelques lettres-conseils où Rilke livre ses secrets de fabrication et surtout l'injonction à ne jamais perdre de vue : n'écris que si cela t'est aussi nécessaire que rire ou respirer.
Des pages magnifiques sur l'amour, le couple et la femme. Une critique un jour sur ces questions.

Annotation :

J’ai toujours du mal à prendre un plaisir fou à la lecture de Diderot. Pourtant, j’ai beaucoup d’affinité avec les idées qui y sont si finement avancées. Instabilité du jugement et de l’identité, et ne règne plus que la relativité, relativité crapule et vagabonde de celui qui change de masque comme de chemise.

Annotation :

De l'eau mélancolique d'Ophélie jusqu'à l'eau bénie purificatrice, l'eau-langage de Bachelard.
Il y analyse la matérialité de la rêverie : toute rêverie a besoin d'une matière pour l'alimenter et lui donner forme.

Annotation :

Poèmes légers, légers, légers, même un peu trop...