La poésie de Chedid est une poésie en apparence légère, qui par son rythme et ses vers fluides n'est pas sans rappeler les vols d'oiseaux que leur auteur ne cesse de convoquer. Pareils aux oiseaux, ses poèmes, eux aussi, s'élèvent au-dessus des créatures que nous sommes, refusant le sol et sa tyrannie, pour tenter de percevoir le sens et le mystère de la vie.
Du haut de ce recul tout aérien (rappelant Jaccottet qui use des mêmes procédés pour penser le lien entre l'être et les mots), Chedid s'interroge sans cesse sur les modalités du langage pour dire la vie, dire le mystère et dire l'énigme : que peut le langage face au mystère de l'existence ? Que peuvent les mots face à ce-je-ne-sais-quoi qu'on nomme vie ? Alors, c'est à la source des mots qu'elle va faut puiser la vie et qu'elle découvre une bride de son mystère : la vie serait mouvement perpétuel, mouvement flottant, voyage, remous.
Dans la poésie de Chedid, la vie remue, la vie voyage, la vie va, vient, et cela suffit. De ce mouvement perpétuel de la vie émerge une conception particulière de l'existence : si la vie est mouvement, nous, pauvres mortels, sommes multiples : "Je suis multiple / Je ne suis personne / Je suis d'ailleurs / Je suis d'ici". C'est parce que tout se meut sans cesse que nous sommes pluriels, multiplicité, altérité : "Mon semblable / Mon autre / Là où tu es / Je suis".
Dans cette vie-mouvement et cette vie-mystère, un sens persiste au cœur du tumulte des choses : l'espérance. C'est elle qui donne sa consistance à la fuite des choses et des mots, elle qui donne raison d'écrire, de chercher, de vivre. "Toute vie / Amorça / Le mystère / Tout mystère / Se voila / De ténèbres / Toute ténèbre / Se chargea / D'espérance / Toute espérance / Fut soumise / À la vie". La vie est célébrée car toujours au cœur de la nuit sombre elle sait nous révéler une lueur, un éclat, une raison d'avancer.
Malgré tout, ça reste peut-être un peu trop léger pour moi, trop gentil, trop douillet...