Le goût du jeu
De quoi ça parle ? L'intrigue de La Lenteur se déroule en France ; l'action a pour cadre un château-relais où le narrateur et sa femme, Véra, décident de passer une nuit. Rapidement, les thèmes...
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le 3 févr. 2018
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De quoi ça parle ?
L'intrigue de La Lenteur se déroule en France ; l'action a pour cadre un château-relais où le narrateur et sa femme, Véra, décident de passer une nuit. Rapidement, les thèmes méditatifs qui occuperont le narrateur sur l'ensemble de l'œuvre prennent place : la lenteur, le spectacle, le temps, le changement, la mémoire, l'oubli, sont tour à tour évoqués. Une grande part de ces méditations s'appuient sur Point de lendemain de Vivant Denon qui sert de contrepoint au narrateur dans la majorité de ses réflexions. C'est dans ce même château-relais que se déroule un congrès d'entomologistes où divers personnages vont se rencontrer, se fuir, se maudire, s'aimer. Aux voix du narrateur et de sa femme, des deux personnages de Point de lendemain - madame de T. et le chevalier -, s'ajoutent différentes voix narratives : celles de Berck, un intellectuel médiatique venu au congrès pour s'exposer devant les caméras, d'Immaculata venue filmer Berck pour le conquérir (bien qu'elle soit accompagnée de son nouvel amant), de Vincent, ami du narrateur, venu au congrès pour représenter ses amis du Café gascon qui souhaitaient perturber le bon déroulement du congrès mais qui n'ont pas pu se déplacer, de Julie, une jeune fille avec qui Vincent passera la nuit, et de Cechoripsky, un savant tchèque, ayant dû fuir sa Prague natale et revenant pour la première fois dans le milieu auquel il appartient : le cercle des entomologistes. Le roman met en scène la débâcle progressive des personnages, tous confrontés à la fausseté du sérieux dont ils voulaient se parer. Le tout s'accomplit sur une ironie latente introduite par les réflexions omniprésentes du narrateur.
Et pourquoi lire ça ?
La Lenteur est un des meilleurs exemples de la "littérature ludique" des XXème et XXIème siècle. Ici, les règles du récit sont utilisées comme celles d'un jeu dans lequel la liberté de l'auteur prend forme. Un narrateur sarcastique, une linéarité bouleversée viendront mettre à mal un lecteur à la recherche de classicisme. Adorateurs des grandes fresques classiques, partisans de la cohérence ou de la causalité, passez votre chemin ! De la même façon, le lecteur ne pourra pas trouver plus d'appui auprès des personnages qui sont tantôt l'objet de moqueries, tantôt l'objet d'une affection narquoise. Le grotesque qu'ils illustrent malgré eux en fait des personnages pathético-comiques, reflétant souvent ce que l'humain a de plus risible. Devenant des comédiens plus que des personnages, ils se perdent dans un monde hasardeux où le sens de leurs actes et de leurs mots s'est perdu. C'est sur ces fondements que le lecteur devient lui aussi objet et acteur du jeu : voyant son horizon d'attente perturbé par une complicité avec le narrateur qui lui en dit tantôt trop tantôt trop peu, le lecteur s'égare lui aussi sur les sentiers du jeu. Dans un combat littéraire où l'onirisme a vaincu au fil des pages le réalisme, le rêve devient le seul référent pour un lecteur qui n'a d'autre choix que d'accepter de jouer à la partie que Kundera lui a proposé.
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le 3 févr. 2018
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