Lectures et commentaires (2022)
Illustration : Paysage de Dürer.
95 livres
créée il y a presque 3 ans · modifiée il y a 8 moisLes Affinités électives (1809)
Die Wahlverwandschaften
Sortie : 1809 (Allemagne). Roman
livre de Johann Wolfgang von Goethe
Elouan a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
voir ma critique
Don Alvaro ou la force du destin (1835)
Edition bilingue français-espagnol
Don Álvaro o la Fuerza del sino
Sortie : 3 avril 2002 (France). Théâtre
livre de Ángel de Saavedra
Elouan a mis 6/10.
Annotation :
15 décembre
20 décembre
(traduit de l'espagnol par Georges Zaragoza)
On peut changer d’identité pour tromper, abuser les naïfs (comme Vautrin, ou Protos…) ou fuir face au danger, ou, afin de se racheter faire peau neuve ou se déguiser… C’est une malencontreuse nécessité qui guide le personnage de La Force du Destin. Héros malgré lui, redoutable au combat, amant malheureux ne tenant plus qu’à son honneur, ou pauvre assassin victime de la chance, victime de ce destin qui frappe de façon si improbable, si peu crédible. Ángel de Saavedra aime le hasard et lui fait adopter un parti pris. Hasard, coïncidence… gratuité plutôt qu’invraisemblance : on aurait appris en cours de route que Don Alvaro possédait un troisième bras, si cela avait eu un sens pour la suite. Dans son déroulement rythmé, effréné, l’intrigue semble se chercher une excuse pour arriver plus vite à un topos romantique, et c’est là que le Duc, d’une façon assez originale, mêle le lyrisme à la farce, le burlesque à l’épanchement des sanglots au clair de lune. Le contraste est donné à mesure que la pièce devient de plus en plus sombre, des témoins de l’histoire, attablés à une auberge ou dans le secret d’un cloître, ridiculisent indirectement le pathos éprouvé par les personnages. L’ironie est que souvent les ennemis ne savent rien les uns des autres, ni du pourquoi ni du comment. Par simplisme les uns échouent là où Don Alvaro fascine par le nombre de ses masques, par sa faculté à renaître en dépit du sort.
282 pages - GF Flammarion
Don Carlos (1787)
Sortie : 29 janvier 2004 (France). Théâtre
livre de Friedrich von Schiller
Elouan a mis 9/10.
Annotation :
5 décembre
13 décembre
(traduit de l'allemand par Sylvain Fort)
Pour ce qui est de l’usage du vers Shakespearien dans le théâtre allemand, Lessing a devancé Schiller (de peu, de quelques années). Mais que ce soit Les Brigands ou Don Carlos, les pièces de Friedrich sont plus sombres, plus terribles. Schiller semble même plus digne du dramaturge anglais dans le sens où les sentiments des personnages ressortent avec une vivacité beaucoup plus forte, à grand renfort d’images dépeignant aussi bien la jalousie que la détermination des personnages. Le contexte de Don Carlos appelle cette dernière : les provinces des Pays-Bas sont alors sous le joug espagnol et de son roi Philippe II, dont l’autorité est compromise du fait d’une révolte… Don Carlos est le fils de Philippe II et Schiller a créé le Marquis de Posa. Un héros étonnant à l’aune de l’antagonisme philosophique qu’il relève face au monde sanguinaire et tyrannique du roi espagnol. Dans ce monde, dans ce palais royal et au sein même d’un cadre relativement intime, le double jeu est de mise. La parole est contrainte, le mouvement aussi ― au point qu’une absence de dix minutes vaut un exil de dix ans (ce n’est qu’un détail de la pièce) ; l’amour de Don Carlos est aux prises avec ces contraintes.
Forte de ces nombreuses scènes et d’une trame complexe, on a l’impression d’avancer dans le noir avec les personnages de Don Carlos. Jusqu’à la scène finale, nul n’est omniscient, on se trompe et l’on se retrouve parfois dans des situations qui tiennent du quiproquo comique, mais qui aggravent les choses encore plus ! C’est dire si cette pièce est vivante, haletante, stupéfiante ― dans ce mouvement soutenu d’entrevues et de fourberies, l’on a besoin parfois de revenir en arrière pour comprendre ce qui s’est passé, et l’on a peur de la suite. L’atmosphère des pièces de Schiller a beau être terrifiante, ce qui marque encore plus est cette révolte qui sourd à chaque tirade, et même dans le désespoir du monarque. Le Marquis scrute l’homme et ses chaînes avec intelligence, une pénétration bluffante ― c’est par les idées de ce personnage que cette révolte prend de l’ampleur, et par tous les sentiments qui y sont attachés… ils vibrent à l’unisson.
256 pages - L'Arche
Toto perpendiculaire au monde (2022)
Sortie : 3 mars 2022. Roman
livre de Antoine Mouton
Elouan a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
1er décembre
13 décembre
On peut ne pas penser ce qu’on dit, on peut ne pas être entendu, on peut ne pas dire ce qu’on pense ― d’un livre à l’autre, Antoine Mouton revient sur ce que les mots cachent, le discours, l’histoire. C’est du moins de ce poème, Dire/entendre/penser (Chômage monstre) dont je me suis souvenu tandis que je lisais Toto perpendiculaire au monde. Le roman se passe dans un couloir qui semble être la limite du monde existant. Mais quelle vie dans ce couloir : quelquefois je trouve que l’on abuse un peu de ce terme « onirique » pour caractériser une fiction : c’est peut-être à mon tour d’abuser, puisque dans ce couloir tout ce qu’il se passe, tout ce qu’on voit semblerait incongru si on ne pouvait l’interpréter, puisque tout ce que les personnages imaginent par crainte ou par colère, s’avère réel. Rien n’est plus important que la vie à deux, rien n’est plus important que langage abstrait derrière lequel on se réfugie. Il y eut le temps de l’amitié, les relations se sont estompées, précisément à cause de ce qui ne se dit pas ou se dit sans être entendu ― il s’agit d’inventer sa vie, de créer pour s’enfermer. Dans ce monde confiné, l’ailleurs est une fiction que l’on se raconte, à moins que ce soit l’inverse…
Lire les histoires dans l’histoire est ici une occasion de sa balader dans le Paris post-bataclan, pour n’évoquer que l’un des nombreux sujets d’actualité qui jalonnent cette frontière entre le réel et l’imaginaire. Mais cette frontière est surtout un parallélisme entre deux personnages émouvants : Otto et Toto. Deux personnages que personne n’écoute et qui écoutant les autres cherchent à comprendre plutôt qu’à inventer. De quoi est-ce qu’on s’évade lorsqu’on cherche à oublier le monde pour se réfugier dans un autre ? Le roman d’Antoine Mouton est saturé d’échos, d’histoires drôles ou attachantes ou d’une routine de jeux et de problèmes répétés ; routine d’une vie confinée qui tend inévitablement à être une caricature un peu exsangue ou fourre-tout sous les assaut et les éclats ritualisés des ballons gonflables. Mais dans ce monde trop chargé, fantaisiste, bigarré, théâtral, c’est l’écriture (ou la pensée de Toto) qui se cherche un chemin vers l’extérieur, c’est peut-être de la pure affabulation qu’elle cherche à « s’évader » en décryptant les rapports humains, pointant dans de phrases courtes et métaphores très parlantes les faux-fuyants et les postures. Dire, entendre, penser…
267 pages - Christian Bourgois
Les Caves du Vatican (1914)
Sortie : 11 août 2014 (France). Roman
livre de André Gide
Elouan a mis 7/10.
Annotation :
3 décembre
8 décembre
Un roman bien ficelé a-t-on envie de dire d'abord. Si toute sa narration tourne autour d'un tortueux traquenard, le déroulement de cette sotie suit la succession de personnages mesquinement orgueilleux. Personnages que Gide dépeint aussi comme porteurs d'idées ou de marottes. Celles-ci ouvrent une voie royale vers le Vatican où les personnages s'égarent ; prévenu et même guidé par l'auteur, le lecteur n'a plus qu'à se divertir de ces Julius de Baraglioul et Amédée Fleurissoire (notez la sonorité rococo de ces noms…). Les Caves du Vatican est d'une fabrication plutôt classique, aussi sa grande maîtrise par aussi fin connaisseur de la littérature qu'était André Gide, semble presque naturelle. "Je n'ai cherché de rien prouver, mais de bien peindre et d'éclairer bien ma peinture." On a loué la subtilité psychologique ― et à juste titre ― chez l'auteur de L'Immoraliste, mais si les personnages des Caves du Vatican sont bien peints, ils sont toutefois (sauf un) assez insignifiants : prévisibles ― balourds ― rigolos ― grossiers. Décidément je me sers encore de Nietzsche : "Un âne fit son apparition, beau et bien costaud" citant en latin* un couplet de la Fête des Fous (ou Fête de l'âne). C'est encore le cas de le dire pour cette pseudo conviction (revoilà notre marotte), ce "mâle courage" qui prétend déjouer le complot ourdi dans Les Caves du Vatican. Cette "tragédie" sans larme ni peine fait sourire (ou rire aux éclats à un moment de moustiques, je l'avoue) et bien sûr qu'il faut l'accepter comme telle (comme une satyre) : le simple contre le subtil : "un homme qui [...] ne présentait pas à tous et en tous lieux le même visage". Un Vautrin, quoi. C'est drôle, mais je me prends à penser à une subtilité d'une autre sorte ― disons psychologique ― dont Dostoïevski ou Doderer sont prodigues en diable, et Gide peut-être pas assez ici. La comparaison n'est peut-être pas si incongrue que cela (au moins avec l'écrivain russe) quand on pense à l'acte qui fascine et interroge, commis par le personnage exceptionnel des Caves du Vatican. Jeune, séduisant, contradictoire, énigmatique mais qu'on ne peut juger : rien qu'une image mythologique posée sur cette farce corsée ― comme un cheveu dans la soupe.
*: "adventavit asinus pulcher et fortissimus" cité par Nietzsche dans le §8 de Par-delà le bien et le mal.
250 pages - Folio (Gallimard)
La Philosophie dans le boudoir (1795)
Sortie : 1795 (France). Roman, Philosophie
livre de Marquis de Sade
Elouan a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
22 novembre
2 décembre
Sade a préféré inviter la philosophie dans son « boudoir » que dans sa prison. Pendant la courte période où il fut libre, le « Marquis » publia un roman sous forme dialoguée. Sept dialogues et un fort long discours lu par l’un des personnages : Français, faites encore un effort si vous voulez être républicain. Plus de deux siècles n’y font rien, La Philosophie dans le boudoir continue d’être sidérant. Non pas forcément du fait de l’obscénité parfois sordide dont Sade fait étalage, mais bien parce qu’il tient le plaisir sexuel comme valeur suprême, et pour ainsi dire pour seule valeur. Est-il positivement sérieux ― ou alors feint-il avec génie ― lorsqu’il repousse toutes les limites, jusqu’à finalement ne plus pouvoir être pris au sérieux…? Mais alors vraiment, après tous ces dialogues, toutes ces complexes acrobaties de corps nus ― est-ce qu’un metteur-en-scène a déjà osé les représenter ?* ― la plaisanterie finit par être un peu éculée.
L’outrance fait rire puis fatigue. Sauf pour approuver cet infatigable professeur, il ne s’agit pas tellement de discuter : celui-ci distille les éléments de la future leçon (Français, faites encore un effort…) en résonnance direct avec les événements de la révolution française. À la religion, premier bataillon de l’ancien régime, Sade oppose un culte alternatif ― le cul ― à la tyrannie classique et pyramidale (celle du roi et de ses sujets) il oppose une tyrannie qui s’exerce dans tous les sens. Plus personne n’est propriétaire de son corps, plus personne n’est même propriétaire de sa vie (puisque Sade revendique une prostitution institutionnalisée, justifie le viol et le meurtre) la destruction étant un phénomène de la Nature, elle n’est pas une mauvaise chose. On a envie de glisser doucement à Sade que remplacer une tyrannie par une autre ne sert strictement à rien, à moins que ce culte alternatif soit surtout un coup de poing porté au vieux monde, que cette « utopie » soit un châtiment, allant jusqu’à l’anéantissement de l’humanité dans une ultime jouissance… Il n’y a qu’à demander à Madame de Mistival…
*: Je suis peut-être extrêmement naïf, n’ayant jamais regardé le Salò de Pasolini par exemple…
287 pages - Folio (Gallimard)
Crime passionnel (1930)
The Vehement Flame : The Story of Stephen Escott
Sortie : 1930 (Royaume-Uni). Roman
livre de Ludwig Lewisohn
Elouan a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
19 novembre
30 novembre
(traduit de l'anglais par Antonin Artaud et Bernard Steele)
Lire ma critique
363 pages - Phébus (Libretto)
Par-delà le bien et le mal (1886)
(traduction Henri Albert)
Jenseits von Gut und Böse : Vorspiel einer Philosophie der Zukunft
Sortie : 1898 (France). Essai, Philosophie
livre de Friedrich Nietzsche
Elouan a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
8 novembre
27 novembre
(traduit de l'allemand par Patrick Wotling)
S’il y avait dans ma lecture précédente (dans Nathan le sage juste en-dessous ↓), quelque chose comme une inspiration, au sens d’un idéal de société à atteindre, que dire de celle de Nietzsche ?...
Voir ma critique
285 pages - G.F. Flammarion
Nathan le Sage (1779)
Nathan der Weise
Sortie : 14 avril 1793 (France). Théâtre
livre de Gotthold Ephraim Lessing
Elouan a mis 7/10.
Annotation :
12 novembre
18 novembre
(traduit de l'allemand par Dominique Lurcel)
1187, Jérusalem : Francs et Ayyoubides se regardent en chiens de faïence. Saladin vient de gagner une bataille, s’ensuit une trêve. Voilà pour le contexte historique. Pour le reste, Lessing joue avec la chronologie et faisant jouer Saladin dans sa pièce, l’on doute beaucoup que le personnage soit similaire au modèle. D’ailleurs, tous (ou presque) les personnages sont étonnants, vivants et subtils ― plus subtils que des caricatures (un marchand juif, un templier, le sultan…) cela s’entend. On joue sur le décalage, on pointe le préjugé, mais ces personnages sont curieux pour l’image qu’ils renvoient : une image lumineuse ; un espoir qui paraît insensé pour l’époque des croisades ― Aufklarüng ! Lessing s’est nourri de Shakespeare mais aussi de Diderot (qu’il a traduit en allemand). Ses personnages discutent, se renvoient gaiement la balle sur des thèmes abstraits : peuple, vérité, dogmatisme, sentiment. Dire cependant que Lessing fait semblant d’ignorer la violence d’un temps serait aller trop vite en besogne, ce sont aussi des enjeux de morts et de guerre qui sont présents dans Nathan le sage, même s’ils paraissent s’écarter le temps d’une rencontre, d’un débat. Et ceux-ci ne sont pas si abstraits qu’ils sont déconnectés de la réalité : ce que vivent les personnages soit dans ce contexte historique, soit dans un contexte plus intime, qui prend le dessus. Il n’est pas rare qu’une remarque traverse les temps par sa pertinence, son universalité. Mais Lessing fait progresser le débat jusqu’à un certain point, jusqu’à ce qu’une intrigue sentimentale doit se dénouer, jusqu’à ce qu’un amour débordant doit donner cette couleur particulière à la pièce ― un rêve, tant pis s’il est naïf (et une certaine tournure pourrait presque le faire juger ainsi), une inspiration : cessons la lutte armée et commençons celle des arguments ! ou plus Lessingien encore : la tolérance religieuse, la fraternité.
178 pages – Folio Théâtre (Gallimard)
La Place (1984)
Sortie : 1984 (France). Roman
livre de Annie Ernaux
Elouan a mis 5/10.
Annotation :
13 novembre
16 novembre
Intéressant en principe, mais peu efficace ; c'est ce que j'avais retenu du style d'Annie Ernaux et de son roman Les Années. L'impression de survol même en ayant une lecture attentive a été analogue dans La Place. Il "s'agit" ici de son père ― et mes guillemets tiennent compte de ce que le roman ne fait exister qui que ce soit. C'est le langage, tiré du lieu commun ― d'une "place" ― qui caractérise ce père et intéresse la romancière. Quand on lit Annie Ernaux, on se dit qu'une partie de ses phrases ne sont pas d'elle, qu'elles sont sans signature puisqu'elles sont prononcées par tout le monde. Annie Ernaux se justifie, parle d'un "style plat" comme d'une nécessité personnelle, et pourtant... Dans cet égrenage des faits, on sent parfois l'oralité d'une conteuse, quelque chose de plus original dans le ton, qui intrigue, mais qu'un assaut de phrases creuses vient subitement interrompre, comme par pudeur. Annie Ernaux se retient, revient au procédé littéraire qu'elle revendique mais dont je ne comprends toujours pas au fond ce qu'il veut dire sinon la neutralisation de tout effet ― et pour quel résultat ? Je me sens floué, je lis cinq pages de plus avec effort, je souffle d'exaspération : Mais je m'en fiche de tout ça ! Est-ce que cette instabilité formelle a un rôle ? créé quoi que ce soit ? Je repensais à Édouard Levé, dont je ne suis pas fanatique. Lui n'avait pas besoin de se justifier, mais à côté, sa "signature" sinon ses intentions était clair comme de l'eau de roche.
{voir ma citation dans les commentaires de la liste, je n'ai pas pu tout insérer ici}
114 pages – Folio (Gallimard)
Jardin, cendre
Basta, Pepeo
Sortie : 1971 (France). Récit
livre de Danilo Kis
Elouan a mis 8/10.
Annotation :
3 novembre
13 novembre
(traduit du serbo-croate par Jean Descat)
Avec Le Sablier et Chagrins précoces, ce roman de Danilo Kiš publié en 1965 constitue une trilogie, racontant la vie d'Andréas Sam. Danilo Kiš évoque les couleurs, les objets et les figures familiales de cette enfance assez singulière et en fait plutôt difficile, sans pourtant s'étendre là-dessus, ne nous le faisant comprendre que par quelques allusions extrêmement discrètes : Le froid ― la faim ― les camps ― un incendie. Le roman de Danilo Kiš n'est nullement structuré par des circonstances précises, par des événements ou des dates : Jardin, cendre contient des récits de sensations, de rêves ou de sentiments. Il n'y a pas de progression narrative, mais plutôt un mouvement d'aller-retours sur certains épisodes cruciaux, cruciaux par ce qu'ils représentent dans la pensée de ce narrateur, transformés, agrandies de façon démesurée. L'image, fruit d'un fantasme, de l'angoisse ou de l'imagination, a plus d'importance que l'histoire. Danilo Kiš semble reconstituer une série de vitraux, images figées d'une époque ou d'une autre .
"Les sous-verre sur le mur, l'ange gardien au-dessus de notre lit, la table de nuit, le bâillement des vases vides : tout cela est maintenant un vide énorme et lourd dépourvu de sens et même dépourvu de rêve, car, dans la pénombre, on distingue à peine la place où ils se trouvent et, à vrai dire, je ne fais que les deviner d'après un souvenir qui date d'hier et qui semble bien lointain."
Dans leur immobilité, les images s'accumulent par l'énumération, seule la lumière ― le regard change : bonheurs sensuels, palpables ou âge d'or perdu à jamais. Ce ne sont pas des personnages mais bien des figures esquissées ou dessinées qui illustrent le roman. Le père, notamment : figure messianique, paranoïaque, extrêmement bizarre ― le père toujours présent y compris lorsque le narrateur évoque sa disparition. Ce dernier même s'efface complètement pour lui ; eu égard à toutes les folies, les frasques répétées du père qui font du récit une ritournelle un peu monotone, lancinante sans qu'elle ait pour autant plus de profondeur. Jardin, cendre est un roman hanté par ses figure, une drôle de façon de tourner autour de soi ; mais j'ai aimé suivre cet Andréas à vélo et dans cette lumière changeante, enivrante.
214 pages - L'Imaginaire (Gallimard)
Othello (1604)
(traduction Yves Bonnefoy)
Othello, the Moor of Venice
Sortie : 1604 (France). Théâtre
livre de William Shakespeare
Elouan a mis 9/10.
Annotation :
2 novembre
11 novembre
(traduit de l'anglais par Yves Bonnefoy)
Othello déclare « False as water » parce qu’il est trompé. Le maure ne sait rien, le maure ne voit rien, aveuglé d’une haine éclatante. On voudrait suspendre l’action, autant essayer de stopper l’eau avec les doigts. Le mensonge coule mais nous savons la vérité, nous connaissons d’avance le complot ourdie dans cette pièce, qui en sera la trame. Pour ainsi dire, il n’y a pas de suspense dans Othello. En revanche, il y a dans le caractère inéluctable de son déroulement, quelque chose de fort, qui provoque l’avidité du lecteur pour ne pas dire une fièvre. Le génie de Shakespeare ? Voilà qui est facilement expédié, et qui n’explique rien du tout. La beauté de la langue passe sans doute difficilement à la traduction, même si Yves Bonnefoy en restitue les contrastes, la dualité. Si le mensonge sous-tend toute la pièce, il y a des personnages qui ne mentent pas, comme Othello. Othello évoque une pureté diaphane, en ceci qu’il s’ouvre trop vite, trop sincèrement et impulsivement, débordant de sentiments en mots et en projets ; une pureté teintée de l’animosité la plus féroce, dès lors que la passion anéantit la réputation de sang-froid qu’on lui attribuait. Les personnages se découvrent par la parole, soit au grand jour, soit dans le noir par des propos violents, orduriers. Et Shakespeare de jouer de la lumière et de l’obscurité avec humour, aussi : « ― Ferais-tu une telle chose, serait-ce pour tout l’or du monde ? ― Et vous, vous ne le feriez pas ? ― Non, par la lumière céleste ! ― Moi non plus je ne le ferais pas dans la lumière céleste. Je préférerais le faire dans le noir. » sans compter les jeux de mots. Le chrysolite « d’un autre monde » rencontre « un ciel noir » tandis que « la terre devrait se démanteler. » Il n’y a « pas de suspense » peut-être parce que la pièce recèle plus qu’une simple duplicité, mais bien une volonté de destruction.
483 pages - Folio Théâtre (Gallimard)
Joseph Andrews (1742)
Sortie : 1742 (Royaume-Uni). Roman
livre de Henry Fielding
Elouan a mis 6/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
28 octobre
8 novembre
(traduit de l'anglais par l'abbé Desfontaines)
Fielding fait partie de ces romanciers pour qui le voyage a beaucoup plus d’importance que l’arrivée ― laquelle n’en a en fait aucune ― et à ce compte, détours, digressions, controverses, rebondissements, farces sans conséquences ou gags à répétitions lui semblent bons parce qu’ils diffèrent la conclusion de l’aventure. Fielding suit en cela la trace d’un illustre prédécesseur, Paul Scarron. Mais à force de farces et de gaudrioles, celui-ci m’ennuie et j’avoue n’être jamais arrivé à bout du premier tiers de son Roman Comique. Fielding ne craint ni d’imiter ni de piller confrères ou modèles, soit pour s’en moquer soit pour s’en démarquer, et c’est vrai qu’il a quelque chose de plus pour lui : un rien de réalisme dans tous les travers moraux et psychologiques qu’il dépeint le long de sa route en chrétienté… Fielding fait profession d’attirer l’attention du lecteur sur le ridicule : le décalage entre prétentions et attitudes, entre la parole et l’action. Il y a Lady Booby, caractère tourmenté, indécis, brûlant… sans doute le personnage le plus intriguant de Fielding, n’était Adams avec lequel les principes (sinon les préjugés) qui fondent la morale chrétienne sont constamment mis à l’épreuve des difficultés et contretemps qui forment la trame du roman. On y parle de l’École publique, de charité, de justice ou de propriété : autant de sujets à l’aune desquels on peut comparer cette époque à la nôtre. Quid de Joseph Andrews ? Si son nom est mentionné à toutes les pages, ce n’est la plupart du temps que pour dire qu’il est là et qu’il aime Fanny. Comme sa sœur Pamela, héroïne d’un roman de Samuel Richardson ; un personnage dont Joseph est en quelques sortes l’envers ridicule, son existence consiste à être aimé malgré soi. Telle est son histoire ― sinon une histoire avec lui ― ce fameux faux héros écrasé dans la mélasse de rires gras, dans cette prose qui délaisse parfois ses subtilités au profit de la parodie un peu grossière, sinon du lieu commun.
396 pages - GF Flammarion
Une journée d'Ivan Denissovitch (1962)
(traduction Jean et Lucie Cathala)
Odin den' Ivana Denisovicha
Sortie : 1973 (France). Roman
livre de Alexandre Soljenitsyne
Elouan a mis 7/10.
Annotation :
29 octobre
3 novembre
(traduit du russe par Lucien et Jean Cathala)
Je voulais Une journée d'Ivan Denissovitch depuis longtemps, j'attendais sans doute un prétexte : celui-ci n'a guère été réfléchi, et a suivi ma lecture d'un livre de Thomas Bernhard (Le Froid). L'idée de l'enfermement. Chez Soljenitsyne, ce qui m'a troublé au premier abord, c'était juste sa manière de raconter. Soyons un peu naïf, cela n'a rien à voir avec cette crise provenant du fond de l'être chez Bernhard. Au bagne des zeks, il n'y a guère de révolte : c'est une journée froide mais plutôt ensoleillée, une journée de murmures et de "cracs" dans la neige, une journée atroce mais une "bonne" journée. Celle-ci est marquée par une routine répétitive et brutale, rythmée par le labeur, les courses pour obtenir un peu de pain ou de tabac (ou le conserver) les appels et les contre-appels. Soljenitsyne décrit les gestes, les moments d'agitations ou de prostration ; les séquences sont courtes, ou alors, elles donnent l'impression qu'il ne se passe rien ― rien qui n'ait de sens, rien d'humain. Les zeks turbinent tels les matelots du Vaisseau des morts, où le corps est traité en machine, embarqué dans le wagon "des morts" comme le dit l'un des zeks. Des bruits, des voix passent tout le long de cette journée fatidique. Leur amertume est mêlé d'un fatalisme presque gouailleur, se moquant du soleil qui se lève par décret "il s'était ramené à l'heure, le matin" mais ces paroles sont comme des petites touches timides, espacées. Hors un moment où les zeks se posent et racontent leur histoires, ces voix se perçoivent de façon éclatée et c'est la monotonie qui gagne. Toute empathie est quasi-constamment empêchée, c'est la dureté des conditions qui ressort, nonobstant les lueurs d'humanité que le récit distille.
"Maintenant, Choukhov va souper. D'abord, il boit et reboit le liquide. C'est chaud. Ça s'épand par tout le corps (ce que votre dedans palpitait d'attente !) Et c'est d'un bon ! Ça dure le temps d'un clin d'œil, mais c'est pour ce clin d'œil que vit un zek."
189 pages - 10/18
Les Tristes · Les Pontiques
(traduction Danièle Robert)
Sortie : 2020 (France). Poésie
livre de Ovide
Elouan a mis 9/10.
Annotation :
14 octobre
1er novembre
(traduit du latin par Danièle Robert)
Exilé à Tomes pour le restant de ses jours, Ovide ne cesse d’écrire, dix années durant, à ses amis (ou à ceux qui ne le sont plus) à son épouse, à quelques appuis politiques. C’est ainsi qu’il compose Les Tristes, puis Les Pontiques. Ces chants ne s’adressent pas toujours à une personne identifiable, et à une ou deux occasions, non pas à une personne mais à son propre livre. « C’est sans moi, petit livre (et je ne t’en veux pas), que tu iras à Rome […] Si les dieux pouvaient faire que mon livre soit moi ! » écrit-il, et s’il ne peut dire « moi » Ovide dit « mien » : Ces chants possèdent son style, sa « signature ». Mais brisé par la solitude ― il vit au milieu de gens qui ne parlent pas sa langue, et lui-même mettra un certain temps avant de maîtriser la leur ― brisé par le froid, Ovide avoue ne plus trouver son mètre ; il brise la régularité de ses vers. Dans ces diatribes ou ces hommages, parmi moult exemples littéraires auxquels Ovide fait appel, dans ces flots d’amertume ou d’écume réel (le récit de son voyage en bateau est magnifique) l’on y saisit fréquemment l’image du poète ; ses espoirs, sa santé défaillants. Tel est le jeu de ces chants pour celui qui voudrait que tout lui soit divulgué : cet exil, sur les rives de Pont-Euxin (l’actuelle Mer Noire), comment était-ce ? Ovide évoque les plaines, le gel, les Gètes hirsutes, les flèches empoisonnées ; mais de toute façon ce lieu est davantage ressenti que décrit. Le poète parle plus d’écriture. Or l’exil d’Ovide est un lieu où les mots se perdent. Les mots et les vers vivent d’échanges : dans cet état de déréliction par rapport à sa propre langue, le poète nous assure que son vers s’émousse. Mais ses images me frappent par leur beauté et par cette sensation de saisir, de voir ce qu’il a vécu. Dans cette fréquentation quotidienne du poète, il n’y a, me semblait-il, pas de barrière (n’était-ce celle de la traduction). Fait intéressant : j’avais par moments du mal à « entrer » dans mes autres lectures, je lisais alors un chant d’Ovide, celui-ci agissait comme un remède.
256 pages - Actes Sud (Babel)
Le Froid (1981)
Die Kälte
Sortie : janvier 2001 (France). Autobiographie & mémoires
livre de Thomas Bernhard
Elouan a mis 9/10.
Annotation :
24 octobre
29 octobre
(traduit de l'allemand par Albert Kohn)
Cette pentalogie sans titre ― pas un pour l'ensemble, mais cinq ― n'est-elle pas une forme moderne de bildungsroman ? Plus j'avance à l'intérieur, plus je m'aperçois que le personnage-narrateur de Thomas Bernhard chemine, en dépit de toutes les vicissitudes, toutes les claustrations qu'il subit. Ce qui m'ennuyait un peu avec cette œuvre était peut-être une erreur de perspective : je voyais ces cinq volets comme tournant de façon par trop obsessionnelle autour de son personnage (l'auteur ; toujours ce côté "autobiographique" que je préfère tenir à distance) ; et je ne tenais pas suffisamment compte de la progression. Une progression se manifestant dans le style ― de concert avec les répétitions et non pas malgré elles ― un mouvement saccadé, hésitant, nerveux : un style vivant. Il ne s'agit nullement de faire disparaître les murs entre lesquels son personnage est confiné. Bien au contraire, il y a toujours cette unité de lieu dont l'emprise est reflétée de façon obsédante (que ce soit dans L'Origine, La Cave, Le Souffle) ET cette lutte que le personnage mène de front contre elle. Visez un peu le sous-titre : Une mise en quarantaine. Avec Le Froid, on assiste à un esprit en train de se débattre, ballotté entre le désir de mort et le désir de vivre. Bernhard va même plus loin que cela, rend cette lutte d'autant plus retorse lorsqu'il compare la vie ― son monde, avec les spectres du national-socialisme et du catholicisme autrichien ― à un établissement pénitentiaire ; et ce même établissement à une société essentiellement gouvernée par l'incompétence, l'incurie ou le mépris de caste. C'est dur, c'est âpre, ce monde tout en noir et blanc crachats, est une foule qui piétine l'individu. Mais celui-ci se libère par la musique : il voulait être chanteur.
"Ainsi, ces dimanches, debout à côté de l'harmonium sur lequel jouait mon ami chef d'orchestre, je chantais une messe de Schubert. Les dimanches, à six heures du matin, une dizaine ou une douzaine de malades se rassemblaient ici pour chanter dans leurs robes de chambre, leur pull-overs râpés de laine bon marché et chantaient avec la ferveur de l'amateur la messe de Schubert à la gloire et en l'honneur du Dieu éternel. Trois ou quatre sœurs de la Sainte Croix stimulaient ces pauvres voix sortant de gorges amaigries et tremblantes, les poussaient dans le Kyrie et continuaient ainsi, inflexiblement et inexorablement, tout le long de la Messe jusqu'à l'Ag
Mon individualisme (1914)
Watakushi no kojin shugi
Sortie : 2003 (France). Essai
livre de Natsume Sōseki
Elouan a mis 7/10.
Annotation :
22 octobre
25 octobre
(traduit du japonais par Ryôji Nakamura et René de Ceccatty)
Dès son commencement, cette conférence que Sôseki a été invité à donner, prend une tournure un peu personnelle. L’écrivain évoque sa maladie, son manque d’enthousiasme à l’idée de se présenter devant les élèves de l’École des Pairs, lui qui n’a, dit-il, pas de légitimité, pas de « statut » justifiant sa présence ici. Ce discours, Sôseki le prononce à la fin de sa carrière (pour ne pas dire à la fin de sa vie : Sôseki meurt en 1916, deux ans après la conférence), c’est un écrivain reconnu évoquant ses tâtonnements, le manque de maturité qui était le sien avant de trouver « sa voie » ou disons plutôt son indépendance… On l’imagine très bien, hésitant sur l’estrade, avec sa moustache et son air de gentleman, comme l’un de ses personnages ayant une position d’aîné ou de professeur, mais ne ressentant aucun confort dans cette position. Au cours de cette conférence, on sent que Sôseki décide d’être sincère et de se remettre dans la peau du jeune homme, jeune étudiant ou professeur d’anglais plein de doute qu’il était. Le sujet de cette conférence, on le comprend dans une lettre qui suit ce discours, a été choisi au dernier moment. Mais plus on le lit, plus on prend conscience que sujet lui tenait à cœur, que cet « individualisme » fait sens dans sa démarche et écho aux hésitations de ses nombreux personnages. Individualisme par rapport à ceux qui veulent nous guider ou notre trop forte inclination à suivre les autres ; individualisme par rapport à l’autorité, par rapport à l’État ou par rapport à l’étranger (l’Occident, et en particulier l’Angleterre) ; pour la poursuite du bonheur et l’affirmation de ses goûts. Avec les histoires, les anecdotes que Sôseki mêle à son discours avec beaucoup d’à-propos, ses convictions se clarifient et se font de plus en plus aigus, se chargeant de transmettre ce « grain » de confiance et d’indépendance nécessaire à la jeunesse.
128 pages - Rivages
Cahiers de Bernfried Järvi (2019)
Cadernos de Bernfried Järvi
Sortie : septembre 2021 (France). Roman
livre de Rui Manuel Amaral
Elouan a mis 8/10.
Annotation :
18 octobre
24 octobre
(traduit du portugais par Hélène Melo)
Dans ces Cahiers, il y a le vague projet d'un roman que Bernfried Järvi n'arrive pas à écrire. Le personnage de Rui Manuel Amaral (est-ce un hétéronyme ?) préfère s'asseoir à la table d'un café "le moyen de transport le plus ingénieux de notre siècle". Il voyage en pensée ― il observe, et tout ce qu'il observe de sa place se transforme. Ces comparaisons, ces métaphores, par le mouvement et la respiration qu'elles impliquent, créent une réalité mouvante, douce et étrange, palpitante. Il y a aussi un côté brouillon ou collage dans Les Cahiers de Bernfried Järvi : articles (sur la pluie, sur la bière ou le crépuscule) recopiés de quelques encyclopédies, notations journalières, phrases sans verbe, citations d'amis (mais sont-ce des personnages d'Amaral ou des créations de Järvi ?). Au milieu de tout cela, Bernfried soupire, ne parle que d'incapacité à vivre et à écrire, ne tient pas compte du souffle poétique qui se développe dans ces pages en même temps que le concret le plus terne voire le plus sale.
Ce dont le roman de Rui Manuel Amaral parle si bien, c'est justement de cette divergence entre cette réalité ― concrète ― et l'imagination ; entre le voyage immobile et les vrais voyages, les voyages de noces... et c'est sur ces entrefaites que la divergence se change en conflit amoureux, plutôt morose, mais tant pis... Järvi ne sera peut-être pas l'écrivain qu'il eut espéré devenir, mais en tout cas cette énergie continuera de bouillonner à l'intérieur de son crâne, il continuera de s'étonner comme un enfant des manifestations les plus simples de la vie, comme des "mille étoiles de la taille d'une pomme", "des astres lilas ou jaunes de Cassiopée" que ses yeux peuvent embrasser.
167 pages - do
Servitude et grandeur militaires (1835)
Sortie : 1835 (France). Récit
livre de Alfred de Vigny
Elouan a mis 7/10.
Annotation :
15 octobre
21 octobre
De ses dix ans d'armée, Alfred de Vigny a tiré un livre : Servitudes et grandeur militaires. Pour le poète, c'est une période plutôt triste et décevante de sa vie, cependant, loin de lui l'idée d'en révéler le détail. Dans cet ouvrage constitué de deux parties trois récits, Vigny est une oreille, une mémoire : se souvenant avec exactitude ― au mot près, prétend-t-il ― de ce que lui ont raconté cet adjudant, ce commandant, ou encore le Capitaine Renaud. "Un secret instinct de la vérité m'avertissait qu'en toute chose la théorie n'est rien auprès de la pratique, et le grave et silencieux sourire des vieux capitaines me tenait en garde contre toute cette pauvre science qui s'apprend en quelques jours de lecture." Vigny fait la part belle à l'expérience ; on pense à Dostoïevski disant que ses quatre ans de bagne lui avaient fourni la meilleure matière pour la connaissance de l'homme, sauf que leur approche n'est pas du tout la même. Ces portraits réalisés par Vigny avec une touche assez juste d'éclat et de couleurs, servent à illustrer des valeurs tels que l'abnégation, le dévouement ("à un principe plutôt qu'à un homme") ou à critiquer le trop grand amour de la guerre, la soumission à des ordres absurdes ou à un tyran. Dans un style romantique, et surtout très pictural, Vigny apporte la nuance qui fait mieux comprendre une époque, ou une certaine éthique, même si celle-ci n'est pas dénuée de quelques paradoxes, de scories. La Patrie, dit-il, a alors tendance à se désolidariser de son armée, reniée, méprisée. Ah, Alfred, si tu savais que même cent soixante ans après ta mort, l'armée a encore de "beaux" jours devant elle...
238 pages - Livre de poche
Le Serpent (1945)
Ormen
Sortie : 1966 (France). Roman
livre de Stig Dagerman
Elouan a mis 9/10.
Annotation :
9 octobre
17 octobre
(traduit du suédois par Carl Gustaf Bjurström et Hervé Corville)
On peut s'y tromper, mais il s'agit bel et bien d'un roman (non d'un recueil de nouvelles), du premier roman de Stig Dagerman publié en 1945. D'une partie à l'autre des personnages disparaissent, puis on retrouve Sörensen, Gédéon ou Le Rigolo : jeunes gars encasernés, incapables de dormir, se racontant leur histoire avant d'errer en permission, dans les rues, les cafés. D'un récit à l'autre, même le style semble un peu évolué. Mais des motifs se répètent, s'entrecroisent, font écho dans une sorte d'unisson. De bout en bout, Stig Dagerman maîtrise à la perfection ce que tissent ces voix ensemble : une communauté de souvenirs. La surface des choses se couvre d'une couche d'angoisse, d'illusions, de rêves éveillés ; La peur ― fil rouge du roman ― prend à certains moments une forme concrète, animale. Une confusion entre symboles et visions (réelles ou fantasmées) s'instaure, aussi bien qu'entre le vivant ou l'inanimé. Ce flux constant d'images peut déstabiliser au début, mais on en perçoit la cohérence au fil du texte. Des récits plus lucides précisent le point névralgique du roman, son ancrage dans la réalité : les ruines de la guerre civile espagnole (deux ans plus tard, dans Automne allemand, Stig Dagerman évoquait les ruines de Berlin) et d'autre part ce joug militaire, incarnés par des sergents intraitables, ce contrôle ― jusque dans le lit ― de la discipline. On mesure toute cette pression avec l'énergie furieuse de nos jeunes gars pour la battre en brèche. Fêtes, débauches sauvages ou méchantes, toute cette brutalité si soudaine qu'elle en paraît irréelle. Toute cette énergie, le texte la possède.
281 pages - L'Imaginaire (Gallimard)
Les Corbeaux (1902)
Ravnene
Sortie : 1902 (Danemark). Nouvelle
livre de Herman Bang
Elouan a mis 6/10.
Annotation :
13 octobre
15 octobre
(traduit du danois par Ellen Erichsen et Michel Berjon)
C’est une soirée chez la Tante Vik qui est mise en scène dans Les Corbeaux, qui ― appelons-la « prose dialoguée » ― n’est pas une pièce de théâtre. Les paroles fusent, les dialogues se mélangent… Nous sommes un peu dans la situation de quelqu’un qui écouterait à la porte de gens qu’il ne connaît pas (il y a, comme pour une pièce, la liste des personnages au début). Rien n’est expliqué ou contextualisé, mais sans qu’il y ait là de difficulté majeure. Les enjeux de cette discussion sont au commencement aussi simples que triviaux… Herman Bang est de ceux qui transmettent un drame par petits éclats, surnageant dans mille détails de la vie quotidienne. Ce qui fonctionnait bien dans Tine ― dans l’écho des canonnades les personnages n’avaient ni le temps de gloser ou de pleurer ― est plus délicat dans Les Corbeaux où cet « éclat » a bien du mal à paraître bien réel parmi les propos qui l’étouffent ou, pour le coup, le noient tout à fait. On se prend par contre à attacher plus d’importance aux nombreux sujets qui émaillent le texte qui dressent en mosaïque le portrait de la société copenhagoise.
86 pages - L'Élan
Docteur Glas (1905)
Doktor Glas
Sortie : août 2006 (France). Roman
livre de Hjalmar Söderberg
Elouan a mis 9/10.
Annotation :
4 octobre
11 octobre
(traduit du suédois par Denise Bernard-Folliot)
Jeune médecin à Stockholm, Glas longe le château qui se reflète et de se déforme dans le Norrström. Les teintes sont grises ou lugubre, la lumière jaunâtre. Glas promène ses pensées, les écrit dans son journal ; ainsi se présente le roman de Hjalmar Söderberg. Glas est seul, et fait d'ailleurs oublier sa jeunesse. Ayant loupé le coche à plusieurs reprises, ses pensées sont celles d'un homme qui n'a plus rien à attendre de la vie. C'est un homme négatif, ou disons qu'il se refuse de caresser l'espoir qu'il a. Cet espoir est lié à d'autres personnages ; une intrigue se forme, Glas doit prendre une décision. Le récit progresse dans tous les stades d'une réflexion morale, nourries d'idées sur l'amour, l'ambition, le bonheur, ou sur le droit à la vie ; enrichie par une palette de couleurs, d'impressions de sentiments. De cet agrégat de beautés et de fausses certitudes, Söderberg révèle un caractère assez singulier (pas si loin de ceux de Strindberg) et en tout cas admirablement décrit : héritier sceptique d'une religiosité toujours influente, recherchant la vérité sans jamais se remettre en doute les présupposés qui l'ont guidé toute sa vie, il feigne l'assurance, alors qu'il vacille sur une pente périlleuse.
"À vrai dire, c'est une fichue langue que la nôtre. Les mots se piétinent les uns les autres, se bousculent dans le ruisseau. Et tout est si plat, si cru. Pas de demi-tons, d'insinuations légères, de doux dégradés. Une langue qu'on dirait créée pour servir l'indécrottable et plébéienne habitude de noircir la vérité en toutes circonstances."
215 pages - Grand caractère
Mort à crédit (1936)
Sortie : 1936 (France). Roman
livre de Louis-Ferdinand Céline
Elouan a mis 8/10.
Annotation :
18 septembre
10 octobre
Quatre ans après Voyage au bout de la nuit, Céline semble plus radical dans son style. Plus d'amertume dans la gueulante, en sus de ses relents acides : l'ironie célinienne brocarde la bêtise, le bas-corporel, la besogne, parfois d'une simple tournure ou d'une réflexion lapidaire. Avec humour. Les petits points s'exclament, se multiplient, chamboulent la syntaxe, celle-ci s'illustrant de mots qu'on n'emploie plus guère de nos jours... c'est ce qui par ailleurs rend cette langue assez fascinante. Seulement, il y a un "hic", Mort à Crédit me laisse partagé, vu la diminution de mon enthousiasme, tandis que je le lisais, surtout par rapport au Voyage. Je me demande si ce style n'est pas davantage rodé ― trop rodé ― que radical. Céline n'épargne ni rien ni personne, tant et si bien que faute d'une cible précise, la raison d'être de cette prose est d'attaquer avec style, mais, en dépit de son rythme impeccable, celui donne l'impression de faire du surplace à force de répétitions. Ces bouts de phrases qui racontent rien du tout, cette complaisance un peu facile dans la variété des expressions possibles ont failli m'endormir, à certains moments. Cela dit si ce deuxième roman souffre pas mal de longueurs, cette "musique" particulière reste à l'esprit non sans le contaminer un petit peu.
623 pages - Folio (Gallimard)
L'Esprit de la science-fiction
suivi de : Les Déboires du vrai policier
El espíritu de la ciencia-ficción · Los sinsabores del verdadero policía
Roman
livre de Roberto Bolaño
Elouan a mis 8/10.
Annotation :
2 octobre
6 octobre
(traduit de l'espagnol par Jean-Marie Saint-Lu)
Dès les années 1980, Roberto Bolaño se met à l'écriture de fictions, sous forme de nouvelle puis de romans. Cependant Bolaño se considérait d'abord comme poète. Il pourrait être l'un de ses nombreux personnages, ceux qui se réunissent tard le soir à Mexico, se lisent et se critiquent les uns les autres. C'est en particulier dans Les Détectives Sauvages qu'il a restitué l'ambiance de ces soirées assis par terre dans la fumée ou marchant longuement dans les rues : errances, enquêtes, complicités intermittentes, fusions amoureuses, parfois adultérines...
Pour tout cela L'Esprit de la science-fiction préfigure le futur roman de Roberto Bolaño. Garcia Madero* n'existe pas encore, ce sont Jan et Remo qui font connaissance avec l'amour et des autres facettes, plus secrètes, plus obscures de la vie littéraire à Mexico. Bolaño laisse entrevoir qu'une réalité plus étrange, plus grande, plus complexe se dissimule derrière la surface des choses, faites de songes ou d'illusions. Cela se traduit d'une par un style imagé et efficace, comme dans la partie intitulée Manifeste mexicain ; d'autre part avec l'intégration de scénario, saynètes, interviews, d'autres histoires qui, du moins en apparence, n'ont aucun lien avec ce que l'on raconte et sont difficiles à relier entre elles. Mais à la manière d'un sous-entendu, elles laissent entrevoir une effervescence rêvée, faite pour déstabiliser la routine ainsi qu'une littérature figée par l'autorité de ses vieux modèles.
193 pages - Points
Le Promontoire (1961)
Sortie : 1961 (France). Roman
livre de Henri Thomas
Elouan a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
2 octobre
4 octobre
Sous l'emprise du vin chaud ou d'une étrange inertie, le personnage d'Henri Thomas écrit, non comme un romancier dit-il, mais parce qu'il se sent acculé à une tâche : relater des faits, qui se sont produits à Lornia (un village de bord de mer en Corse) avant que lui-même y prenne racine. Il commente sa propre écriture ; donnant l'impression que son stylo court sans interruption sur ces feuillets épars qui s'accumulent dans sa chambre ou dans sa poche. Une prise de note désordonnée, mêlant hypothèses, digressions, souvenirs, observations brutes et "... je dois d'ailleurs m'acheter des légumes secs"... Pourtant, le récit est clair, simple mais circonstancié ; les diverses notations sur la mer, le cimetière, les maisons, la neige, le sable, la tempête, font que ce décor s'imprègnent nettement dans l'imagination du lecteur. D'ailleurs ces éléments jouent le un rôle essentiel dans Le Promontoire, l'écrivant (et peut-être aussi l'écrivain ― Henri Thomas) se sent moins réel qu'eux et fait ressentir leur emprise de manière enveloppante ; l'écriture dans cette simplicité apparente, nous entraîne dans cette torpeur tantôt âpre, tantôt douce et amère.
192 pages - Gallimard
Le Pauvre Cœur des hommes (1914)
Kokoro
Sortie : 1939 (France). Roman
livre de Natsume Sōseki
Elouan a mis 8/10.
Annotation :
22 septembre
30 septembre
(traduit du japonais par Horiguchi Daikaku et Georges Bonneau)
Un personnage en rencontre un autre ― qu'il appelle "Maître", parce qu'il est plus âgé ― celui-ci a une femme et avait un ami, "K.". De nom, il n'y en a pas d'autre. Et la manière dont le premier, un jeune homme, rentre dans la vie de l'autre, son "Maître", de manière spontanée et presque par la force, n'est pas la chose la moins surprenante de "Kokoro", Le pauvre cœur des hommes. C'est un des derniers romans de Natsume Sôseki, et s'il n'est pas son "chant du cygne" il sonne bel et bien la fin d'une époque, "Meiji", ses étranges traditions, ses mœurs et sectes plus ou moins radicales et surtout ce curieux lien avec l'empereur, mort en 1912 (le roman de Sôseki n'est publié que deux ans plus tard). Je suis, ma foi, rendu perplexe par ce début et surtout par cette fin. Mais entre, il y a une histoire, puis une autre, deux temps, deux narrations que Sôseki déroule le plus tranquillement du monde. Ou disons qu'il y a chez ce romancier un je-ne-sais-quoi qui pousse à considérer l'existence avec calme, avec recul : il scrute par le détail et en quelques remarques très fines et imagées le cœur et les idées de ces héros passifs et indécis, jusqu'à la résolution qui en deux temps trois mouvements, décide de tout. Mais jusque-là la narration poursuit son chemin, divisée en chapitres extrêmement courts et réguliers comme l'intervalle entre deux traverses sous un rail. On en apprend peu à chaque fois ― sinon sur la psychologie humaine ou celle, plus particulière, du japonais sous Meiji ― et toutes les étapes sont nécessaires, on le sent, toutes acheminent vers cette issue certaine ou soupçonnée.
308 pages - Gallimard (Connaissance de l'Orient)
Lettres et vies
Sortie : 2 janvier 1997 (France). Correspondance
livre de Pierre Abélard et Héloïse
Elouan a mis 7/10.
Annotation :
25 septembre
28 septembre
(traduction d'Yves Ferroul)
À vingt ans, Pierre Abélard se fait remarquer par ses contemporains pour son intelligence exceptionnelle et ses talents d’orateur, mais la suite de son existence est loin d’être de tout repos. Jalousie, trahison, malveillance, ignorance, corruption : à travers sa lettre à un ami, Abélard dépeint une vie et un siècle tumultueux, mais il le fait d’une façon très circonstanciée et avec un souci de voir les choses en profondeur, causes et idées. En sus des querelles sur les universaux, c’est avec violence que l’on s’affronte sur quelques points du dogme chrétien ou de la tradition*, ou encore sur la continence des uns ou des autres. Ce douzième siècle est loin mais pas au point de nous sembler irréel, tout au contraire. C’est dans ce contexte tendu que s’écrivent Héloïse et Abélard, et on peut voir une divergence de style et de vues entre eux… l’un raisonne en pur logicien selon une doctrine assez Boécienne**, à savoir qu’il ne faut tenir compte que du plan ― juste, parfait ― de Dieu ; l’autre livre ses peines, ses envies, ses « faiblesses » sans le moindre filtre, de façon débridée et plutôt émouvante. J’ai parfois une certaine méfiance ― la peur un peu idiote de m’ennuyer… ― vis-à-vis du moyen-âge occidental, et en ce sens ces "Lettres et vies" m’ont beaucoup surpris.
*: Pierre Abélard est connu pour avoir tenté de réhabiliter Aristote dans le monde chrétien, malheureusement le philosophe grec n’est jamais cité ici.
**: Il cite davantage Saint-Augustin, Saint-Jérôme ou encore Origène, mais ma connaissance est encore assez limitée à leur sujet.
205 pages - G. F. Flammarion
L'Horloge sans aiguilles (1961)
Clock Without Hands
Sortie : février 2002 (France). Roman
livre de Carson McCullers
Elouan a mis 7/10.
Annotation :
14 septembre
22 septembre
(traduit de l'anglais par Colette-Marie Huet)
Brutale, assassine, ou douce comme un dernier printemps ; ignorée faute d'aiguille ou d'aiguillon, la mort n'en attend pas moins son heure à Milan, petite ville "tranquille" de l'état de Géorgie. Évidemment, vu le contexte historique ― la ségrégation raciale est alors sur le point d'être démantelée ― vu les tensions larvées qui en découlent, il faut prendre ce "tranquille" avec des pincettes. C'est une apparence. Tous les personnages de L'Horloge sans aiguilles sont occupés par autre chose. Oui, même le juge Clane (un sudiste nostalgique), même Sherman Pew, lesquels entrelardent leurs visions de l'Histoire de passions égotistes. Ce n'est rien d'autre, dans l'un ou l'autre cas, qu'une affaire personnelle. L'engrenage du destin individuel dicte ses lois ; la mort, la maladie, la solitude accaparent l'esprit, quand ce n'est pas tout simplement des détails matériels. Seul Jester Clane fait plus ou moins exception "dans l'idéalisme de sa jeunesse" dirait son grand-père, le juge. Mais ce qui est manifeste dans L'Horloge sans aiguilles est la façon dont les personnages s'ignorent superbement (même entre proches), non pas par mépris, mais par aveuglement. Cette façon de fixer un point, comme si tout le sens de sa vie en dépendait, et de ne pas voir ce qui se passe dans sa propre maison et à l'extérieur. Tout le long du roman, Carson McCullers évoque cette cécité particulière avec beaucoup de justesse et d'humour, surtout dans le premier tiers du roman. La suite m'a un peu moins convaincu, dans ces quêtes d'identité qui font l'objet de nombreuses pistes, et même d'un certain suspens, pour des motifs assez peu clairs. Peut-être une façon de montrer que les personnages se trouvent les chemins qu'ils peuvent, et que par-delà leurs différences, ils s'y rencontrent.
280 pages - Livre de poche
Du malheur d'avoir de l'esprit
Горе от ума
Sortie : janvier 1822 (France). Théâtre
livre de Alexandre Griboiedov
Elouan a mis 6/10.
Annotation :
15 septembre
20 septembre
(traduit du russe par André Markowicz)
La censure était exercée de manière particulièrement vigilante sous Nicolas 1er, et notamment à l'endroit d'Alexandre Griboïedov, auteur d'une pièce qu'il n'a jamais pu voir jouée sur scène, Du malheur d'avoir de l'esprit. Revenant d'un voyage de trois ans à l'étranger, Tchatski est assez froidement reçu chez Famoussov et sa fille Sofia, la femme qu'il aime. Ceux-ci donnent un bal, quelques échantillons de la société moscovite y viennent. La pièce est faite de ce que ce petit monde dit, ou de la manière dont ils s'expriment ; les personnages s'échangent des vers, de la logorrhée à la quinte de toux, en passant par les interrogations qui de bouches à oreilles se transforment en arrêt définitif. Toutes ces futilités prononcées n'auraient un immense intérêt ― on passe d'un personnage à l'autre, on ne les distingue plus ― sans la verve que leur oppose Tchatski. D'aucuns remarquent son "agressivité" mais les traits d'esprit dont elle est nantie, personne (il serait de même difficile au lecteur francophone de les déceler, sans les notes du traducteur). Les motifs de la censure s'appuient sur un antagonisme récurrent dans la littérature russe : entre la Russie conservatrice ― celle des pères ― et ceux qui veulent la changer sinon la tourner en dérision ― les fils, qui n'existent pas encore dans la pièce de Griboïedov, à moins qu'ils soient représentés par le seul Tchatski. Une pièce de voix, une pièce de vers (Markowicz a su en restituer la rime et l'élégance), mais qui gagne sans le moindre doute à être jouée plutôt qu'à être seulement lue.
157 pages - Actes Sud (Babel)
Histoires de Marchands (1694)
Chônin Mono
Sortie : 1694. Poésie, Recueil de nouvelles
livre de Ihara Saikaku
Elouan a mis 7/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
8 septembre
17 septembre
(traduit du japonais par René Sieffert)
Critique
300 pages - POF