Livres lus en 2022

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L’introduction et la conclusion de ce livre sont tout à fait convaincantes : les hommes représentent 96,3% de la population carcérale et Lucile Peytavin estime le coût de ces « comportements virils » à 95,2 milliards d’euros par an pour l’économie française. Les hommes sont dangereux et ça coûte les yeux de la tête. Sans doute qu’un article expliquant ce constat désolant et les solutions possibles aurait suffi à la majorité d’entre nous. La première partie est un résumé très généraliste des inégalités de sexe que toutes les féministes connaissent et qui sont de mieux en mieux connues du grand public (culture plutôt que nature, traitement différencié des enfants selon leur sexe etc). Et la deuxième est un exposé des calculs faits pour estimer le coût de la virilité. En bonne ancienne Bac L, ça m’est complètement passé au-dessus. Espérons que l’objectif de Peytavin, inciter au lancement d’études scientifiques et universitaires pour enclencher des politiques publiques plus féministes, atteindra les sphères concernées.

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Joli roman japonais sur l’amour de la cuisine. J’ai été agréablement surprise parce que je craignais une histoire d’amour au-dessus des fourneaux, ce qui aurait pu être très niais. Mais c’est bien de l’amour de cette jeune chef pour la cuisine, les beaux et bons produits choisis pour émouvoir spécifiquement chacun de ses clients dont il est question. En soi, le livre est presque féministe sans chercher à l’être : même si le livre s’ouvre sur la rupture de la jeune cheffe, c’est elle-même, son amour pour la cuisine, et la relation un peu compliquée avec sa mère qui sont au centre du roman, et pas du tout sa relation amoureuse avec un homme. En revanche, c’est pas du tout vegan et j’ai eu l’estomac retourné à lire une scène de boucherie. A part ça, léger et original.

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Critique (très) complète à retrouver sur la page du livre.

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Tellement d’extraits de ce livre étaient sortis dans la presse que j’avais un peu peur de ne pas y trouver autre chose en lisant Le Consentement. Mais c’est dans sa forme entière que ce témoignage est le plus saisissant : il permet de réellement entendre la voix de Vanessa Springora qui défie « la prison de mots » dans laquelle son bourreau l’avait enfermée. Elle a une écriture très fine, qui sait dire ce qui compte, ce qui l’a blessé, elle décortique mais de manière synthétique. On ressent la solitude dans laquelle il l’a retranché et la peur qui reste vivace des décennies plus tard, la violence que G. a installé dans sa vie. La lire c’est un peu participer à cette revanche que Vanessa Springora prend sur lui.

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Notre Sang est l’un des livres puissants d’Andrea Dworkin que j’ai lu jusqu’ici. Tous les textes ne se valent pas, et certains s’appuient sur des chiffres démentis depuis (il n’y a pas eu 9 millions de femmes tuées durant la chasse aux sorcières, les estimations actuelles sont entre 60 000 et 200 000 au plus). Mais comme c’est avant tout un recueil de conférences qu’elle a donné, elle utilise des mots pour transmettre et frapper les esprits de ses auditrices le plus fortement possible. Ce ton, cette puissance se ressentent derrière chaque mot, et on entend presque sa voix à l’oreille. A lire pour reprendre ses forces et fortifier son courage.

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J’ai rarement lu un livre aussi original que No one is talking about this. Patricia Lockwood raconte ce que ça fait d’avoir une partie de sa vie en ligne, sans la condamnation hypocrite qui accompagne généralement ce genre d’écrits. Elle souligne la bizarrerie de cette vie qu’on vit sur deux plans et comment parfois un gouffre s’ouvre entre. Patricia Lockwood navigue de l’un à l’autre, la légèreté et la gravité traversent ces plans, et elle retranscrit ainsi le déboussolement qu’y en résulte.
Gros coup de ❤️

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Alors oui, l’idée du portrait qui vieillit et s’enlaidit à la place d’un jeune homme est géniale, sans conteste. Mais le reste ne m’a pas beaucoup plu. Misogynie et antisémitisme, des longueurs qui boursoufflent le roman. Apparemment Oscar Wilde voulait faire une version courte que ses éditeurs lui ont sommé de rallonger pour le vendre au format roman. Mais aussi, j’ai réalisé que certaines des citations les plus célèbres extraites de ce livre sont en fait mise dans la bouche de Lord Henry, l’influenceur décadent qui perverti Dorian, donc pas vraiment un homme à suivre. Comme récit philosophique, c’est intéressant, mais au niveau littéraire j’ai trouvé ça assez convenu et parfois vraiment ennuyeux.

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Nouvelle sur la présence et l’influence d’un couvent de la Madeleine, également appelé « blanchisserie Madeleine » (institution catholique destinée en principe à la rééducation de « femmes perdues » mais où elles en réalité réduite en esclavage) dans un village irlandais dans les années 1980. Alors que tous les villageois savent ou devinent ce qui se passe dans ces couvents, personne n’agis. Il y a la peur de l’Eglise dont tous dépendent, y compris économiquement. Cette peur nourrit une lâcheté et une indifférence généralisée envers le sort de ces femmes injustement rejetées. Invite à la réflexion sur la notion de responsabilité et de courage dans ce genre de contexte où l’apathie règne.

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Très gros coup de cœur pour ce roman très actuel paru en 1963. Céline, son personnage principal, est une femme jeune, drôle et libre – elle fait ce qu’elle veut quand elle veut. Mais elle tombe amoureuse de Philipe Aignan, devient Madame Aignan et s’ennuie à mourir. Mais nous on ne s’ennuie pas du tout. Le style est tellement vif, les dialogues sont savoureux et mettent en lumière la manière dont Céline tombe dans un piège qui se referme doucement sur elle… mais qui n’arrive pas effacer sa personnalité gaie, originale et foncièrement libre. C’est un livre profondément féministe, joyeux, SCUM, effronté et tout et tout. C’est le contraire du mariage de Céline : c’est vivant ! C’est aussi sans doute la raison pour laquelle Christiane Rochefort, écoféministe MLF, n’a jamais eu le Goncourt et est tombée peu à peu dans l’oubli : Plus que la dénonciation du mariage, c’est un véritable manifeste pour que les femmes se libèrent des hommes, de leurs rêves destructeurs mais aussi du travail et des contraintes qui tuent la joie. Bref, un roman qui fait vibrer.

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J’ai savouré la lecture de ce récit autobiographique : au Kamchatka, une femme rencontre un ours, ils se battent, elle survit. Il a laissé une trace en elle, mais quelle est cette trace ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Comme Nastassja Martin est aussi anthropologue, elle refuse les interprétations symboliques les plus évidentes, occidentales ou orientales. Elle cherche, cherche au fond d’elle-même, au fond du Kamchatka, s’entoure de ses amis et ausculte ses rêves. J’ai adoré la ténacité et la curiosité têtue de cette femme intrépide, déterminée à comprendre et à entendre cette expérience sauvage incroyable et intime.

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Les critiques étaient très bonnes pour ce premier roman, je me suis donc laissée tentée par sa belle couverture. Mais c’est un roman ennuyeux dans un monde imaginaire aux structures administratives et hiérarchiques lourdes. Le personnage principal est banal et même son aventure personnelle laisse indifférente. Le tournant fantastique dans la deuxième moitié est intéressant mais très mal traité et c’est vraiment dommage, parce que tout le potentiel du récit se trouvait là. Ça manque de souffle épique ou de personnages attachants et profonds. Bof.

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Nouvelle tentative pour aborder une approche philosophique différente. J’ai beaucoup aimé la première partie du livre, consacrée au pistage des loups dans les Alpes, et les différentes interprétations que font l’auteur et ses amis sur les différents comportements qu’ils observent chez les loups. Les hypothèses philosophiques que Baptiste Morizot permet d’ouvrir la réflexion au-delà d’une compréhension sur les relations des autres êtres vivants entre eux, bien au-delà des explications scientifiques « humainement » arides. Je comprends pourquoi ce livre a tant été repris et cité dans les revues alternatives et dans la philosophie pour une nouvelle approche du vivant. On a déjà du mal à cerner « l’autre » humain mais notre compréhension des « autres » animaux est stéréotypée, réductrice, bref idiote.
L’approche que propose Baptiste Morizot demande de l’humilité, de l’observation et du bon sens aussi. C’est une démarche qu’il déroule en profondeur dans la deuxième partie où il (et là c’est ardu, il faut relire plusieurs certaines pages) invite à développer une approche sensible et réaliste, tendue vers l’autre (humain ou animal) pour apprendre à réellement cohabiter.

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La couverture de ce livre a éveillé ma curiosité, le roman ne m’a pas déçu. On suit le parcours d’une jeune femme ballotée entre un narcissisme aigu, une solitude et une détresse profonde, une intelligence cynique et désabusée qui provoque des pépites d’humour noir. Elle aurait pu être tout à fait antipathique, mais je me prends de sympathie pour elle et même d’admiration pour sa détermination à aller jusqu’au bout de son idée de « repos ». Elle m’a aussi fait réfléchir au traitement du trauma, comment le corps et l’esprit savent parfois exactement ce dont ils ont besoin pour en guérir, aussi bizarre qu’en soit la manifestation. Mais la société ne permet pas à la plupart d’entre nous de prendre le luxe de s’en extraire et de suivre cet instinct de survie. Ce roman semblait répondre par la fiction à l’essai que je lisais en même temps :

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J’ai partagé beaucoup d’extrait traduit de ce livre sur Instagram, et vous pouvez toujours les retrouver dans la story à la une. C’est une thèse révolutionnaire mais simple que propose et défend la Dr Jess Taylor : les femmes diagnostiquées d’une maladies mentales sont en réalité des femmes traumatisées. Elles ne sont pas malades, elles sont pathologisées. Cette pathologisation empêche d’adresser véritablement le trauma et entrave la guérison. Et au niveau social et politique, cela permet de désamorcer la colère et la puissance d’agir des femmes. Empêchées de reconnaître que leur trauma est la conséquence de la violence et de la domination masculine, elles sont isolées et désignées comme folles. Ce livre est un pavé dans la mare patriarcale, et le travail du Dr Jess Taylor n’en finit pas de débusquer les mythes pseudo-scientifiques. Cette semaine, une nouvelle étude a ainsi démontré que le « déséquilibre hormonal du cerveau » symptôme de la dépression, et raison donnée par les médecins pour prescrire des antidépresseurs, n’existe pas.

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Dans la continuité des livres précédent, j’ai enfin lu ce livre que je feuilletais par morceau depuis des années. C’est une véritable bible, au style limpide et efficace, qui permet une compréhension des psychotraumas, de la mémoire traumatique et des phénomènes d’emprise. Je conseille cette lecture à absolument toutes les femmes, même celles qui n’ont pas subi de violences sexuelles, parce que les phénomènes associés de violences psychologiques, la stratégie de l’agresseur, les mécanismes de la domination masculine sont présents dans la majorité des relations hétérosexuelles. Ce livre permet de les identifier, de les comprendre et d’agir pour les éviter ou les empêcher.

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J’aime et admire profondément l’écriture de Sheila Heti (story à la une sur son autre livre, Motherhood), qui ose expérimenter en dévoilant les parties les plus insaisissables de sa vie, pour justement tenter de les comprendre, d’en faire sens d’une manière ou d’une autre. C’est osé, c’est brillant, c’est poétique, d’une beauté toute personnelle et particulière.

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Récit autobiographique de Sue Hubbell ancienne bibliothécaire, reconvertie en apicultrice dans les monts Ozark dans les années 1980s. Seule après une vingtaine d’années de mariage, elle raconte son plaisir à vivre et travailler seule. J’ai beaucoup aimé les observations du vivant qu’elle partage, empreintes de curiosité et de profond respect. Elle aborde le monde, le travail manuel en mêlant pragmatisme rural, philosophie et une certaine perspicacité teintée d’humour. Une vraie inspiratrice.

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Outline, contour en français. Contour, parce qu’on rencontre uniquement le personnage principal à travers les interactions qu’elle a avec d’autres personnes, au cours d’une semaine d’été en Grèce. Rachel Cusk s’inscrit dans un certain courant littéraire dans lequel on trouve aussi Sheila Heti et Sally Rooney, c’est-à-dire que pour elles, l’être et la vie jaillissent à travers nos relations avec les autres et le sens qu’on en fait. Rachel Cusk explore cette idée ici à travers les dialogues, souvent quasi monologues, que les autres imposent à son personnage. C’est très bien écrit et il m’a beaucoup marquée.