Lu en 2022

1. Henry James, The Princess Casamassima
2. Louis Aragon, La Défense de l'infini
3. John Le Carré, Smiley's People
4. Pierre Michon, La Grande Beune
5. Javier Cercas, Les Soldats de Salamine

Non-fiction : Sebastian Haffner, Histoire d'un allemand ; Stig ...

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46 livres

créée il y a presque 3 ans · modifiée il y a presque 2 ans
La Catacombe de Molussie

La Catacombe de Molussie (1938)

Die molussische Katakombe

Sortie : 2021 (France). Roman

livre de Günther Anders

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

Avant de dormir, Olo demanda à Yegussa de lui raconter une histoire. Yegussa ne savait pas par où commencer.
“Les choses qui me sont arrivées étaient toujours mêlées à une infinité d'autres choses. Elles avaient aussi une infinité de causes. Et une infinité de conséquences imprévisibles. C'est pourquoi le moment où j'arrête mes récits est aléatoire. Des histoires achevées comme celles que tu racontes, il n'y en a pas, à part chez les auteurs de comédies.
“Nous avons beaucoup à apprendre d'eux“, déclara Olo.
“Mais le monde est infini.”
Olo l'admit. “Mais si nous insistons sur le fait qu'il est infini, autant nous tourner les pouces. (...) Nous avons beaucoup à apprendre des auteurs de comédie. Ils préparent les événements qu'ils souhaitent voir se dérouler. Ce sont des hommes d'État sans mains. Ils ne capitulent pas devant l'immensité du monde, ils nous en donnent un autre, qui est fini. Ils font des expériences avec le monde et demandent ce qu'il advient de lui et quel monde il devient si nous posons telle ou telle condition — des conditions *finies*. *Le monde n'est infini que pour ceux qui n'agissent pas.* (...)”

Adrienne Mesurat
7.8

Adrienne Mesurat (1927)

Sortie : 1927 (France). Roman

livre de Julien Green

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

Il y a quelque chose de terrible dans ces existences de province où rien ne paraît changer, où tout conserve le même aspect, quelles que soient les profondes modifications de l'âme. Rien ne s'aperçoit au-dehors de l'angoisse, de l'espoir et de l'amour, et le cœur bat mystérieusement jusqu'à la mort sans qu'on ait osé une fois cueillir les géraniums le vendredi au lieu du samedi ou faire le tour de la ville à onze heures du matin plutôt qu'à cinq heures du soir.

La Fin des ambassades

La Fin des ambassades (1953)

Sortie : 1953 (France). Roman

livre de Roger Peyrefitte

Venantius a mis 6/10.

Annotation :

Les métiers les plus étranges prospéraient brusquement, en effet, à l'ombre des occupants, et disparaissaient aussi vite. Le pays semblait s'ingénier à leur faire restituer le plus possible de l'indemnité d'occupation qu'il devait leur verser. Mais la Gestapo savait rattraper d'une main ce qui avait été lâché de l'autre. Russes blancs, Chinois, Italiens de Paris, avaient eu leurs heures de fortune, qui avaient souvent mal fini. Tel d'entre eux, roi éphémère de quelque marché noir, se revoyait peu après, dans ses vêtements élimés, d'avant guerre, une boîte de fer-blanc à la main, faisant la queue à une distribution de soupe. Des collégiens de quinze ans avaient gagné dans des trafics des sommes immenses, tout en faisant leurs études. Jamais il n'y avait eu autant et si peu d'argent et jamais l'argent n'avait eu d'origine plus mystérieuse.

Épilogue
8.5

Épilogue (1940)

Les Thibault, tome 8

Sortie : 1940 (France). Roman

livre de Roger Martin du Gard

Les Thibault I
7.9

Les Thibault I

Le Cahier gris · Le Pénitencier · La Belle saison · La Consultation · La Sorellina

Roman

livre de Roger Martin du Gard

Venantius a mis 7/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Lundi, 18 novembre 1918.

37 ans, 4 mois, 9 jours.
Plus simple qu'on ne croit.

The Last Gift

The Last Gift (2011)

Sortie : 3 mai 2011 (Royaume-Uni). Roman, Version originale

livre de Abdulrazak Gurnah

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

When I left I did not know how much I was leaving behind. Whenever I wandered or came to live after that nothing was expected of me. I was a man without responsibility, without a purpose. Nothing was required of me, I would have wanted to explain that to you, how I had lost that place, and that the same time lost my place in the world. That's what it means, this wandering. That's what it means to be a stranger in another's people land.

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier
8.1

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (1952)

Vårt behov av tröst är omättligt

Sortie : 1981 (France). Essai

livre de Stig Dagerman

Venantius a mis 8/10.

Annotation :

Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux, car un homme qui risque de craindre que sa vie soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut être heureux. Je n’ai reçu en héritage ni dieu, ni point fixe sur la terre d’où je puisse attirer l’attention d’un dieu : on ne m’a pas non plus légué la fureur bien déguisée du sceptique, les ruses de Sioux du rationaliste ou la candeur ardente de l’athée. Je n'ose jeter la pierre ni à celle qui croit en des choses qui ne m'inspirent que le doute, ni à celui qui cultive son doute comme si celui-ci n'était pas, lui aussi, entouré de ténèbres. Cette pierre m'atteindrait moi-même car je suis bien certain d'une chose : le besoin de consolation que connaît l'être humain est impossible à rassasier.

L'Art français de la guerre
6.7

L'Art français de la guerre (2011)

Sortie : 18 août 2011 (France). Roman

livre de Alexis Jenni

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

Teitgen ne tremblait pas, ni de peur, ni de dégoût, il ne se décourageait jamais. Derrière ses grosses lunettes il regardait tout en face, le colonel devant lui, la nécropole d'encre disposée le long des murs, les comptes qui étaient la trace des morts. Il finit par démissionner, il s'en expliqua publiquement. On pouvait le trouver ridicule avec son allure et ses papiers à remplir. Il ressemblait à une grenouille qui demande des comptes à une assemblée de loups, mais une grenouille animée d'une énergie surnaturelle, dont les paroles ne sont pas les siennes mais l'expression de ce qui doit être. Pendant toute la bataille d'Alger il occupa la place d'un dieu-grenouille placé à l'entrée des Enfers : il pesait les âmes, et notait tout sur le Livre des Morts. On peut s'en moquer, de ce petit homme qui souffrait de la chaleur, qui regardait à travers de grosses lunettes, qui s'occupait des papiers à remplir alors que d'autres avaient du sang jusqu'aux coudes, mais on peut l'admirer comme on admire les dieux zoomorphes d'Égypte, et lui rendre un culte discret.

Lewis et Irène
7.9

Lewis et Irène (1924)

Sortie : 1924 (France). Roman

livre de Paul Morand

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

— Tout m'est tourment. Je ne suis pas comme vous, sceptique, j'ai un sens effroyable des responsabilités.
— Moi, — répondit Lewis, — je suis “à responsabilité limitée”, et même je n'en accepte aucune, par pessimisme.
— C'est très pratique. Vous êtes pessimiste, Lewis, sans avoir réfléchi, parce que c'est plus commode. On n'a pas d'ennuis si l'on se dit que cet univers n'a aucun sens. (...) Plus je réfléchis, plus je crois que le monde est un tout harmonieux, fini. Le désordre où nous le voyons est passager et il est mal d'y ajouter.
— Vous êtes une optimiste triste et moi un pessimiste gai — répondit Lewis ; — depuis longtemps, j'ai décidé de m'en tirer comme je pourrai, avec mon plaisir ; j'entends vivre et mourir en sa compagnie, sans me soucier des autres.
— Non, Lewis, il ne s'agit pas d'être habile. Il faut laisser cela aux boutiquiers.

La Princesse Casamassima
6.9

La Princesse Casamassima (1886)

The Princess Casamassima

Sortie : 1886. Roman

livre de Henry James

Venantius a mis 8/10.

Annotation :

”But in reality he is the last one you need trouble about; he doesn't count.
— Why doesn't he count?
— I can't even tell you - except that some people don't, you know. He doesn't even think he does.
— Why not, when she receives him always - lets him go wherever she goes?
— Perhaps that is just the reason. When people give her a chance to get tired of them she takes it rather easily. At any rate, you needn't be any more jealous of him than you are of me. He's a convenience, a factotum, but he works without wages.
— Isn't he, then, in love with her?
— Naturally. He has, however, no hope.
— Ah, poor gentleman!” said the Prince, lugubriously.
”He accepts the situation better than you. He occupies himself - as she has strongly recommended him, in my hearing, to do - with other women.
— Oh, the brute!” the Prince exclaimed. “At all events, he sees her.
— Yes, but she doesn't see him” laughed Madame Grandoni, as she turned away.

Aquis Submersus

Aquis Submersus (1876)

Sortie : 1876 (Allemagne). Roman

livre de Theodor Storm

Venantius a mis 7/10.

La Défense de l'infini
8.9

La Défense de l'infini (1997)

Sortie : 11 avril 1997. Recueil de nouvelles

livre de Louis Aragon

Venantius a mis 8/10.

Annotation :

Sur sa vingt-sixième année Michel voit s'appesantir un ciel de septembre. Un ciel où le regret se marie au soleil. Une splendeur qui se défait. Une saison découvre au-delà de ses collines un pays de tourbillons noirs. L'homme ne comprend plus ce qui mettait des flammes sur sa route. Ses paroles soudain se figent dans ses dents. Et toute la jeunesse accroupie en lui se révolte. Elle se demande ce qu'il fait. Elle le tire pas les cheveux. Marche. Il reprend ce voyage. Encore des villes, des fleuves, des campagnes. Il s'arrête à des tables, à des rades. Il entre dans des maisons fraiches. Il s'accoude au balcon des théâtres, sous les lustres croulants de lumière, auprès des diamants comme auprès des grands yeux. Son ombre se dessine une nuit dans le bleu d'une fenêtre sur l'Océan. Puis ce sont d'autres cités bâties de chiffres et de fer, dans un grand froissement de faillites. Une guerre de somnambules. L'histoire d'un météore et d'un petit chien. Un jardin public dans une vieille province. Un phonographie près d'une chemise rose. Un verre de malaga dans un autre monde. La grande promenade d'un homme en mâchefer le long d'un fleuve débordé, sur une digue. Un incendie par un hiver rigoureux. Des filles qui chantaient et qu'on ne pouvait atteindre. Le couvent des Repenties qu'on m'a montré un jour. Des lieux publics avec des danseurs infatigables. Des cafés, des cafés. Des chambres d'hôtel. Des escaliers surtout pour en sortir. Cela commençait par un verre de vin rouge et cela finissait par une tempête. Les persiennes se fermaient sur les éclairs. Images, images. Je ne puis fermer mes yeux trop pleins d'images. Des cafés, des chambres d'hôtel, des montagnes, des faillites, le désespoir, des miarages, des escaliers, des villes grises, des balcons, des fleurs, des miroirs, l'amour, le sommeil, les femmes au sein rouge, les plaines, les soupirs, un verre de malaga. L'histoire d'un météore. Drôle de figures célestes. Grands mythes reprenez dans mon cœur vos attitudes compassées. Je ne sais plus rien de moi-même.
Une pierre qui tombe et se souvient.

La Crypte des capucins
7.9

La Crypte des capucins (1938)

Die Kapuzinergruft

Sortie : 1940 (France). Roman

livre de Joseph Roth

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

Nous avions tous perdu notre position, notre rang, notre maison, notre argent, notre valeur, notre passé, notre maison, notre avenir. Chaque matin en nous levant, chaque nuit en nous couchant, nous maudissions la mort qui nous avait invités en vain à son énorme fête. Et chacun de nous enviait ceux qui étaient tombés au champ d'honneur. Ils reposaient sous la terre. Au printemps prochain, leurs dépouilles donneraient naissance aux violettes. Mais nous, c'est à jamais inféconds que nous étions revenus de la guerre, les reins paralysés, race vouée à la mort, que la mort avait dédaignée. La décision irrévocable de son conseil de révision macabre se formulait ainsi : impropre à la mort.

Le Neveu de Wittgenstein
7.8

Le Neveu de Wittgenstein (1982)

Wittgensteins Neffe

Sortie : 1985 (France). Roman

livre de Thomas Bernhard

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

Je ne connais absolument pas la nature, et je la déteste, parce qu'elle me tue. Je ne vis dans la nature que parce que les médecins m'ont dit que si je voulais survivre, il fallait que je vive en seule nature, c'est la seule raison. En réalité, j'aime tout, sauf la nature, car la nature me met mal à l'aise, et j'ai appris à connaître dans ma chair ce qu'elle a de mauvais et d'implacable, elle me fait peur et je l'évite tant que je peux. Je suis un citadin, et je ne fais que m'accommoder de la nature, voilà la vérité.

Les Plaisirs et les Jours
7.3

Les Plaisirs et les Jours (1896)

suivi de : l'Indifférent

Sortie : 1896 (France). Recueil de nouvelles, Poésie

livre de Marcel Proust

Venantius a mis 8/10.

Annotation :

« Quand même tu ne voudrais pas, lui dit-il, il y a entre ton cou et ma bouche, entre tes oreilles et mes moustaches, entre tes mains et mes mains des petites amitiés particulières. Je suis sûr qu’elles ne finiraient pas si nous ne nous aimions plus, pas plus que, depuis que je suis brouillé avec ma cousine Paule, je ne peux empêcher mon valet de pied d’aller tous les soirs causer avec sa femme de chambre. C’est d’elle-même et sans mon assentiment que ma bouche va vers ton cou. » Ils étaient maintenant à un pas l’un de l’autre. Tout à coup leurs regards s’aperçurent et chacun essaya de fixer dans les yeux de l’autre la pensée qu’ils s’aimaient ; elle resta une seconde ainsi, debout, puis tomba sur une chaise en étouffant, comme si elle avait couru.
Et ils se dirent presque en même temps avec une exaltation sérieuse, en prononçant fortement avec les lèvres, comme pour embrasser :
« Mon amour ! » Elle répéta d’un ton maussade et triste, en secouant la tête :
« Oui, mon amour. » Elle savait qu’il ne pouvait pas résister à ce petit mouvement de tête, il se jeta sur elle en l’embrassant et lui dit lentement : « Méchante ! » et si tendrement, que ses yeux à elle se mouillèrent.
Sept heures et demie sonnèrent. Il partit.
En rentrant chez lui, Honoré se répétait à lui-même :
« Ma mère, mon frère, mon pays, – il s’arrêta, – oui, mon pays !… mon petit coquillage, mon petit arbre », et il ne put s’empêcher de rire en prononçant ces mots qu’ils s’étaient si vite faits à leur usage, ces petits mots qui peuvent sembler vides et qu’ils emplissaient d’un sens infini. Se confiant sans y penser au génie inventif et fécond de leur amour, ils s’étaient vu peu à peu doter par lui d’une langue à eux, comme pour un peuple, d’armes, de jeux et de lois.

Mémoires

Mémoires

Sortie : octobre 2000 (France). Biographie

livre de Georges Eugène Haussmann

Le Livre du rire et de l'oubli
7.4

Le Livre du rire et de l'oubli (1978)

Kniha smíchu a zapomnění

Sortie : 1979 (France). Roman

livre de Milan Kundera

Venantius a mis 6/10.

Annotation :

Les Clevis, je l'ai dit, étaient des esprits avancés et avaient des idées progressistes. Il existe de multiples sortes d'idées progressistes et les Clevis défendaient toujours la meilleure variante possible de ces conceptions. La meilleure variante d'une idée progressiste est celle qui renferme une assez forte dose de provocation pour que son partisan puisse se sentir fier d'être différent, mais qui attire en même temps un si grand nombre d'émules que le risque de n'être qu'une exception solitaire est immédiatement conjuré par les bruyantes approbations de la multitude victorieuse. Par exemple, si les Clevis, au lieu d'être contre le soutien-gorge, avaient été contre le vêtement en général et avaient déclaré que les gens devaient se balader nus dans les rues des villes, sans doute auraient-ils encore défendu une conception progressiste, mais certainement pas la meilleure possible. Cette position serait devenue gênante parc ce qu'elle avait d'outré, il eût fallu pour la défendre une dose d'énergie superflue (alors que la meilleure opinion progressiste possible se défend pour ainsi dire toute seul) et ses partisans n'auraient jamais eu la satisfaction de voir une position résolument non conformiste se révéler soudain la position de tous.

L'Obélisque noir
7.7

L'Obélisque noir (1956)

Sortie : 1958 (France). Roman

livre de Erich Maria Remarque

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

« Où demeurent les rêves pendant la journée, Rudolf ?
— Peut-être dorment-ils », dis-je avec précaution, car je sais où peuvent nous entraîner de telles questions. — Elle trempe maintenant ses bras dans la fontaine et les laisse au fond un moment. Couverts de petite bulle d'air, sous l'eau, on dirait qu'ils sont en argent.
— Comment les rêves peuvent-ils dormir ? Ils sont pourtant du sommeil vivant. On ne les voit que la nuit. Mais où demeurent-ils le jour ?
— Peut-être se suspendent-ils comme des chauves-souris aux parois des cavernes souterraines, ou comme des hibous, dans les trous des arbres en attendant la nuit.
— Et si la nuit ne venait pas ?
— La nuit vient toujours, Isabelle.
— En es-tu sûr ?
— Tu poses des questions d'enfant.
— Quelles questions posent les enfants ?
— Les mêmes que toi. Et bientôt il arrive un moment où les adultes ne savent plus quoi répondre et se fâchent.
— Pourquoi se fâchent-ils ?
— Parce qu'ils découvrent tout à coup quelque chose de terriblement faux en eux.
— Y a-t-il quelque chose de faux en toi ?
— Presque tout, Isabelle.
— Quoi ?
— Je ne sais pas au juste. Si on le savait, ce ne serait plus tellement faux.

Les Soldats de Salamine
7.7

Les Soldats de Salamine (2001)

Soldados de Salamina

Sortie : février 2004 (France). Roman

livre de Javier Cercas

Venantius a mis 8/10.

Annotation :

Je revis Miralles marchant avec le drapeau de la France libre à travers l'infini ardent de Libye, marchant vers l'oasis de Murzuch, alors qu'au même moment, sur cette place de France et toutes les places d'Europe, les gens vaquaient à leurs occupations sans savoir que leur destin et celui de la civilisation qu'ils avaient reniée dépendaient de ce que Miralles continuât à marcher de l'avant, toujours de l'avant. Je me souvins alors de Sánchez Mazas et de José Antonio et me rendis compte qu'ils n'avaient peut-être pas tort, et qu'au dernier moment c'est toujours un peloton de soldats qui sauve la civilisation. Je me dis : “Ce que ni José Antonio ni Sánchez Mazas ne pouvaient imaginer, c'est que ni eux ni aucun de leurs semblables ne pourraient jamais faire partie de ce peloton de la dernière chance, contrairement aux quatre Maures, au Noir et au tourneur catalan qui lui se trouvait là par hasard ou par mauvaise fortune ; et que ce dernier serait mort de rire si quelqu'un lui avait dit alors qu'il était en train de nous sauver tous en ces temps obscurs, et que précisément pour cette raison, parce qu'il n'imaginait pas que la civilisation dépendait de lui, il allait la sauver, et nous avec (...)”

Adolphe
7.3

Adolphe (1816)

Sortie : 1816 (France). Roman

livre de Benjamin Constant

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

Je ne savais pas alors ce que c’était que la timidité, cette souffrance intérieure qui nous poursuit jusque dans l’âge le plus avancé, qui refoule sur notre cœur les impressions les plus profondes, qui glace nos paroles, qui dénature dans notre bouche tout ce que nous essayons de dire, et ne nous permet de nous exprimer que par des mots vagues ou une ironie plus ou moins amère, comme si nous voulions nous venger sur nos sentiments mêmes de la douleur que nous éprouvons à ne pouvoir les faire connaître. Je ne savais pas que, même avec son fils, mon père était timide, et que souvent, après avoir longtemps attendu de moi quelques témoignages d’affection que sa froideur apparente semblait m’interdire, il me quittait les yeux mouillés de larmes et se plaignait à d’autres de ce que je ne l’aimais pas.
Ma contrainte avec lui eut une grande influence sur mon caractère. Aussi timide que lui, mais plus agité, parce que j’étais plus jeune, je m’accoutumai à renfermer en moi-même tout ce que j’éprouvais, à ne former que des plans solitaires, à ne compter que sur moi pour leur exécution, à considérer les avis, l’intérêt, l’assistance et jusqu’à la seule présence des autres comme une gêne et comme un obstacle. Je contractai l’habitude de ne jamais parler de ce qui m’occupait, de ne me soumettre à la conversation que comme à une nécessité importune et de l’animer alors par une plaisanterie perpétuelle qui me la rendait moins fatigante, et qui m’aidait à cacher mes véritables pensées. De là une certaine absence d’abandon qu’aujourd’hui encore mes amis me reprochent, et une difficulté de causer sérieusement que j’ai toujours peine à surmonter. Il en résulta en même temps un désir ardent d’indépendance, une grande impatience des liens dont j’étais environné, une terreur invincible d’en former de nouveaux. Je ne me trouvais à mon aise que tout seul, et tel est même à présent l’effet de cette disposition d’âme que, dans les circonstances les moins importantes, quand je dois choisir entre deux partis, la figure humaine me trouble, et mon mouvement naturel est de la fuir pour délibérer en paix. Je n’avais point cependant la profondeur d’égoïsme qu’un tel caractère paraît annoncer : tout en ne m’intéressant qu’à moi, je m’intéressais faiblement à moi-même.

Brisure à senestre
7

Brisure à senestre (1947)

Bend Sinister

Sortie : 1978 (France). Roman

livre de Vladimir Nabokov

Venantius a mis 8/10.

Annotation :

Nature had once produced an Englishman whose domed head had been a hive of words; a man who had only to breathe any particle of his stupendous vocabulary to have that particle live and expand and throw out tremulous tentacles until it became a complex image with a pulsating brain and correlated limbs. Three centuries later, another man, in another country, was trying to render these rhythms and metaphors in a different tongue. This process entailed a prodigious amount of labour, for the necessity of which no real reason could be given. It was as if someone, having seen a certain oak tree (further called Individual T) growing in a certain land and casting its own unique shadow on the green and brown ground, had proceeded to erect in his garden a prodigiously intricate piece of machinery which in itself was as unlike that or any other tree as the translator's inspiration and language were unlike those of the original author, but which, by means of ingenious combination of parts, light effects, breeze-engendering engines, would, when completed, cast a shadow exactly similar to that of Individual T - the same outline, changing in the same manner, with the same double and single spots of sun rippling in the same position, at the same hour of the day. From a practical point of view, such a waste of time and material (those headaches, those midnight triumphs that turn out to be disasters in the sober light of morning!) was almost criminally absurd, since the greatest masterpiece of imitation presupposed a voluntary limitation of thought, in submission to another man's genius.

La Taupe rouge
7.3

La Taupe rouge (1969)

17 instants de printemps

Semnadcatʹ mgnovenij vesny

Sortie : 23 mai 2019 (France). Roman

livre de Julian Semenov

Venantius a mis 6/10.

Annotation :

(lu sous le titre Dix-sept flashs sur le printemps, aux éditions du Progrès de Moscou)

L'homme sentimental
7.5

L'homme sentimental

El hombre sentimental

Sortie : octobre 1988 (France). Roman

livre de Javier Marías

Une question d'éducation

Une question d'éducation

La ronde de la musique du temps, tome 1

A Question Of Upbringing

Sortie : 1951 (France). Roman

livre de Anthony Powell

The French Lieutenant's Woman

The French Lieutenant's Woman (2000)

Sortie : 15 janvier 2000 (Royaume-Uni). Roman, Version originale

livre de John Fowles

Venantius a mis 6/10.

Histoire d'un Allemand
8.2

Histoire d'un Allemand (2000)

Souvenirs (1914–1933)

Geschichte eines Deutschen: Die Erinnerungen 1914–1933

Sortie : 2003 (France). Culture & société

livre de Sebastian Haffner

Venantius a mis 8/10.

Une connaissance inutile
9

Une connaissance inutile (1970)

Auschwitz et après, tome 2

Sortie : 1970 (France). Récit

livre de Charlotte Delbo

Les lunettes d'or

Les lunettes d'or (1958)

et autres histoires de Ferrare

Sortie : 13 avril 1962 (France).

livre de Giorgio Bassani

Venantius a mis 7/10.

Les Sept Fous
7.8

Les Sept Fous (1929)

Los siete locos

Sortie : 1981 (France). Roman

livre de Roberto Arlt

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

Cette atmosphère de rêve et d'inquiétude qui le faisait circuler au milieu des jours comme un somnambule, Erdosain l'appelait “la zone de l'angoisse”.
Erdosain s'imaginait que ladite zone existait au-dessus des villes, à deux mètres de hauteur, et se la représentait graphiquement sous la forme de ces régions de salines et de déserts qui, sur les cartes, sont indiquées par des points ovales aussi gros que des œufs de hareng.
Cette zone d'angoisse provenait de la souffrance des hommes. Et, comme un nuage empoisonné, elle se déplaçait pesamment d'un point à un autre, traversant les murailles et pénétrant les édifices sans perdre sa forme plane et horizontale ; angoisse à deux dimensions qui, guillotinant les gorges, y laissait un arrière-goût de sanglot.
Telle était l'explication que se donnait Erdosain quand il sentait les premières nausées du chagrin.
“Qu'est-ce que je fais faire de ma vie ?” se disait-il alors, voulant peut-être expliquer par cette question les origines de l'anxiété qui lui faisait désirer une existence dans laquelle le lendemain ne serait plus la continuation de l'aujourd'hui avec sa mesure ordinaire du temps, mais quelque chose de différent et de toujours inattendu, comme dans ces dénouements de films nord-américains où le mendiant devient le chef d'une société secrète et où la dactylo aventurière se transforme incognito en milliardaire.
Ce besoin de merveilles, impossible à satisfaire — car il n'était qu'un inventeur raté et un délinquant passible de prison —, le plongeait dans des ratiocinations qui provoquaient en lui une rageuse acidité et rendaient ses dents aussi sensibles que lorsqu'on a mâché du citron.
Dans de telles circonstances, il échafaudait des rêves insensés. Il allait jusqu'à imaginer que les riches, las d'écouter les plaintes des pauvres, construisaient de terribles cages tirées par des chevaux. Des bourreaux choisis pour leur force chassaient les gens tristes avec des collets à chiens, et une certaine scène se dessinait dans son esprit : une mère, une grande femme échevelée, courait après une cage derrière les barreaux de laquelle l'appelait son fils borgne, jusqu'à ce qu'un “employé de la fourrière”, fatigué de l'entendre crier, se mît à la frapper sur la tête avec le manche de son collet et la laissât inanimée.

La Grande Beune
7.3

La Grande Beune (1996)

Sortie : janvier 1996. Roman

livre de Pierre Michon

Venantius a mis 8/10.

Annotation :

Ce qui dormait dans la poussière dans un meuble à vitrine, contre le mur du fond, venait de beaucoup plus loin. Cela venait du siècle dernier, de l'époque barbichue, de la République des Jules, de ces temps où des curés périgourdins athlétiques rampaient dans les grottes vers les os d'Adam, et où des instituteurs, périgourdins aussi, de même rampaient et se crottaient avec quelques mouflets prouvant que l'homme n'est pas né d'Adam ; ça venait de là, comme l'attestaient les étiquettes collées sur chaque objet où des noms savants avaient été calligraphiés de la belle main qui caractérise ces temps, la belle écriture vaine, ronde, encombrée, fervente, qu'ils partageaient alors, les naïfs, les modestes des deux bords, ceux qui croyaient aux écritures et ceux qui croyaient au lendemain de l'homme ; mais ça venait aussi, quoique plus parcimonieusement, de notre siècle, de 1920 et alors que la calligraphie avait déjà laissé de belles plumes à Verdun, de 1950 et la calligraphie s'était à jamais brûlé les ailes et était retombé en cendres, en pattes de mouches, dans les enfers de la Pologne et de la Slovaquie, les camps célèbres pas loin du camp d'Attila mais en regard de quoi le camp d'Attila était une école de philosophie, les plaines à betteraves et les miradors où Dieu ni l'homme une fois pour toutes n'eurent plus cours ; et en dépit de Verdun et des brouillards slovaques, les instituteurs sans calligraphie de notre siècle avaient continué tout de même, héroïquement dans un sens, à mettre des grands noms sur des petites pierres, avec la foi qui leur restait, celle de l'habitude, qui est mieux que rien ; et par-delà les instituteurs de tout poil, cela venait d'autres hommes, qui avaient fait l'objet et non pas l'étiquette, des hommes dont on ne sait pas s'ils croyaient à quelque chose en les faisant ou s'ils ne croyaient à rien et les faisaient par habitude, mais dont on pense avec raison que jamais ils ne déchurent jusqu'aux Cercles slovaques.

Venantius

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