Mes Lectures 2021
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Mes Lectures 2018 ...
24 livres
créée il y a presque 4 ans · modifiée il y a presque 3 ansLe Carnet d'or (1962)
The Golden Notebook
Sortie : 1976 (France). Roman
livre de Doris Lessing
-Alive- a mis 9/10.
Annotation :
Grand livre. Je serais incapable d’en parler correctement. Ya des livres qu’on ne peut pas résumer fidèlement, qui sont trop intelligents et qui brassent trop de choses pour qu’on puisse les réduire à un bon mot. Ce sont souvent des bouquins qui ne versent dans aucune idéologie, qui ne cherchent aucun remède.
C’est marrant car en sillonant les critiques, je vois que les gens parlent de “questionnements” d’une femme dans les années 50, ou bien de la “vie” de cette femme. Mais en fait, c’est bien plus que cela.
Il y a d’abord une structure étonnante. L’héroine, Anna Wulf, morcèle sa vie en différents carnets qui nous imposent des allers-retours entre le passé, le présent, le réel, la fiction, les pensées, le vécu, et diverses thématiques : les hommes, le sexe, le communisme, l’écriture, la société anglaise, etc.
Si on prend l’écriture par exemple, on peut évoquer les mises en abîme opérées par le roman, avec des embryons de roman dans le roman, qui ont bien évidemment un rapport étroit avec la vie d’Anna. Si on prend le communisme, on peut dérouler plusieurs choses autour du sujet : le roman nous parle de la chute des illusions communistes chez les intellectuels anglais, mais aussi du regard d’Anna sur sa position communiste, sur ses amitiés communistes, sur son rapport avec le parti, et sur le rapport entre le langage communiste et l’écriture.
Enfin, bref, vous l’aurez compris, Le Carnet d’Or, c’est beaucoup de choses, impossibles à réduire. Et donc, j’en parle forcément très mal. Je ne lui rends pas honneur.
Finalement c’est un roman qui m’a donné la sensation d’en traverser plusieurs, avec des “temps” très distincts, mais pas sporadiques non plus. Là encore, j’ai du mal à décrire la chose, donc je vais m’arrêter là. Bel échec que ce commentaire.
PS : La dernière partie, avec l’apparition du personnage de Saul, m’a autant tenu en haleine qu’elle m’a épuisé. Une sorte de marathon cérébral, mais passionnant.
950 pages
Le Jour où Monsieur Prescott est mort (1977)
Sortie : novembre 1995 (France). Recueil de nouvelles
livre de Sylvia Plath
-Alive- a mis 7/10.
Annotation :
Les écrivains malheureux sont-ils les plus drôles ? Je pose la question, car avec ces nouvelles, Sylvia Plath rejoint le cercle de Brautigan et DF Wallace. Trois écrivains dépressifs qui ont fini par se tuer, mais qui avaient un humour bien à eux. Et forcément, quand on sait ça, difficile de lire leur texte sans y poser un regard scrutateur. On y cherche des pointes de tristesse, une mélancolie souterraine, des signes annonciateurs.
Bon, chez Plath, ces signes sont évidents. Dans les dernières nouvelles, ils prennent même beaucoup de place. En fait le recueil s’ouvre avec un humour désenchanté, mais un humour quand même. Et puis les trois ou quatre derniers textes opèrent un changement brutal. Ils baignent dans le spleen, ne parviennent plus à contenir les élans nostalgiques et névrosés.
En même temps, la vie de Plath elle-même a été un récit douloureux :
http://womanns-world.com/sylvia-plath-portrait/
325 pages
Le contrat (2007)
Sortie : novembre 2007. Roman
livre de Vladimir Volkoff
-Alive- a mis 8/10.
Annotation :
Un 8/10 généreux pour un livre qui l’est tout autant. C’est un Volkoff amusé que je retrouve ici. Un divertissement littéraire écrit pour le plaisir d’être dupé, pour être emporté par l’art de la bonne intrigue, autant que dans un Agatha Christie. C’était déjà le cas dans ses autres livres. Le Montage, chef d’oeuvre absolu d’intelligence, était déjà un livre très prenant, un bon roman d’espionnage, mais qui en plus se doublait d’un discours politique inédit et rarement entendu. D’où sa place dans mon top 10. Ici, il manque juste cette intelligence là, on ne va pas aussi loin, car ce n’est pas ce que veut Volkoff. Il avait simplement cette bonne histoire à nous proposer, et il l’a rédigé brillamment. Donc merci mon gars, c’était chouette.
194 pages
Au pays des choses dernières (1987)
(Le Voyage d'Anna Blume)
In the Country of Last Things
Sortie : 1989 (France). Roman
livre de Paul Auster
-Alive- a mis 8/10.
Annotation :
Alors moi, m’voyez, Paul Auster, j’aime bien, et pourtant tout ce que j’ai lu de lui m’a laissé le sentiment d’une écriture froide. La posture d’un mec très sérieux qui ressort de sa besace ses thématiques habituelles, bien identifiables, pour que les critiques et universitaires puissent l’étudier facilement et faire des liens entre chaque bouquin (les profs adorent ça les lectures comparatives). J’avais aussi ressenti ça avec Ballard. L’impression que les mecs partent de motifs figés qu’ils décident ensuite de transformer en roman. Ils ne partent pas du réel pour en tirer des conclusions. Ils partent de conclusions pour y plier le réel. Et je pourrais m’arrêter là, et décréter que les post-modernistes ne sont pas faits pour moi.
Sauf que voilà, chez Baillard ça me fait chier, mais chez Auster non. Chez Auster ya un truc qui se passe. Pourtant avec ce livre, on est pile dedans : Auster imagine un pays impossible. Un pays de la disette, de la misère, et de l'infamie. Une dystopie où toutes les horreurs humaines se côtoient. C’est un monde symbolique, car il n’est pas tenable. Un tel endroit est un non-sens à lui seul. Et malgré l’aspect conte philosophique qui semble nous éloigner du réel, on vit ce voyage en se disant “même si ce pays n’existe pas, tout ce qui y est décrit existe.”
Du coup tout cela a beau tenir sur du symbole, et l’écriture d’Auster a beau être fantomatique, on lit le truc avec une fascination morbide. Le récit nous emporte vers toujours plus d’horreur, comme pour nous montrer jusqu’où on peut aller dans la laideur du monde.
173 pages
Cinquante façons de manger son amant (2015)
Gutshot
Sortie : 22 octobre 2020 (France). Recueil de nouvelles
livre de Amelia Gray
-Alive- a mis 8/10.
Annotation :
Tu sens qu’elle en a des idées tordues la Amelia, et peu importe d’ailleurs si ça ne va nulle part. Beaucoup de nouvelles tiennent plus du coup de fouet que du récit construit. D’ailleurs c’est pas tant la tournure des histoires qui compte que la surprise créée par ces aboutements d’idées. Amelia Gray balance des phrases que tu relis deux fois pour vérifier si c’est pas elle qui a merdé. Et non, c’est bien ce qu’elle voulait dire. Tarée la meuf ! J’adore. Voilà donc 38 textes plus chelous les uns que les autres
J’en évoque quelques uns pour le plaisir : l’histoire d’un type qui s’est ouvert les tripes et que personne ne veut soigner. La nouvelle du serpent géant qui scinde une ville en deux. Ou encore le mec qui tête sa mère jusqu’à 50 balais.
Et là encore j’évoque ce qui est facile à raconter en deux-trois mots, mais bien des textes sont tellement farfelus, tellement une question de souffle et de spirales, que c’est impossible de les résumer, alors même qu’ils tiennent en deux pages.
209 pages
L'Autre comme moi (2002)
O Homen duplicado
Sortie : octobre 2006 (France). Roman
livre de José Saramago
-Alive- a mis 7/10.
Annotation :
À mon grand étonnement, le style de Saramago se fait plus vif ici. Si bien qu’il prend toute la place, et en laisse peu à l’intrigue. C’est peu de le dire. En fait, pour aimer le livre, il ne faut pas chercher une satisfaction immédiate dans l’histoire, mais au contraire aimer se vautrer dans les commentaires digressifs de Saramago. Il s’oublie tout le temps, prend un malin plaisir à lancer des hypothèses sur son propre récit, à faire du sur-place alors que son histoire ne demande qu’à avancer. Ce qui en fait un roman un peu longuet, dommage. Il faut aussi adhérer à la musique de Saramago, tout en dissonance. De longues phrases soutenues qu’on croirait tirées d’une encyclopédie (genre vieil érudit) pour décrire des actions anodines, mais toujours au service de l’humour. Saramago devait être un drôle de type.
Sinon, comme dans l’Aveuglement, on sent chez Saramago, une foule de rouages intellectuels, comme des collisions entre le réel le plus trivial et la parabole céleste. Une mythologie du monde moderne.
348 pages
Questions de sociologie (1980)
Sortie : 1980 (France). Essai, Culture & société
livre de Pierre Bourdieu
-Alive- a mis 6/10.
Annotation :
J’avoue j’avais un peu peur de Bourdieu. J’en avais déjà lu à la sortie du lycée, à une époque où j’étais trop teubé pour comprendre. Aujourd’hui, il y a encore quelques passages que j’ai trouvés retors. Quand il se met à jongler sadiquement avec ses formules idiomatiques, moi je perds pied. Mais dans l’ensemble, ça c’est bien passé, même si à vrai dire, il m’a fallu lire ça à petite dose. C’est si froid, si “scientifique”, chaque idée est avancée avec tant de prudence, que la lecture en pâtit forcément.
On navigue entre différents textes, tous issus de prises de parole publiques, qu’on peut accueillir comme des introductions à divers sujets. On n’a peut-être pas l’opportunité de creuser chacun d’eux, mais on a au moins le plaisir de l’échantillon.
Et je dois dire que ces textes m’ont laissé un peu sur ma faim. Mais, ce qui est fort, c’est qu’on comprend que c’est chose normale. D’ailleurs les premiers textes qui portent sur la sociologie servent à cela, à nous prévenir du dépit qui va suivre. Les réponses de la sociologie sont souvent des déceptions pour celui cherche des biais de confirmation, ou bien (pire encore) pour celui qui s'attend à des idées neuves. C’est assez bizarre, on a l’impression de lire des truismes, et en même temps d’avoir des éclaircissements sur le monde.
Après, faut avouer que je reste dubitatif sur la définition d’une sociologie comme science neutre. Une science qui chercherait à expliquer les rapports de force et les déterminismes sociaux, tout en refusant d’être une pensée politique. J’ai du mal à y croire, même si Bourdieu déploie toute son énergie à nous montrer que c’est possible. Il laisse entendre que ses analyses sont défaites de politique, pourtant on patauge dans un terreau marxiste (ouais je sais, j’ai l’air de découvrir l’eau chaude). Ce qui fait que j’en sors intéressé, sûrement éclairé, mais pas totalement convaincu. Ce sera à moi de poursuivre ce genre de lecture, loin de mes habitudes.
268 pages
Carnets de New York
New York è una finestra senza tende Tutte le mie preghiere guardano verso ovest
Sortie : 30 septembre 2020 (France). Récit
livre de Paolo Cognetti
-Alive- a mis 8/10.
Annotation :
Une lecture vraiment agréable, si bien que j’ai refusé de la mener ailleurs qu’au soleil. C’est ce genre de livre chaleureux, qu’on ne peut lire qu’à beau temps - de préférence sur mon transat, avec ma fille non loin pour m’interrompre toutes les 10 secondes. En quelques 200 pages trop courtes, je me suis vraiment promené dans New York, avec un type qui me parlait de littérature comme j’aimerais qu’on m’en parle tout le temps. Une balade couchée sur le papier qui vaut tous les guides touristiques, car elle sait raconter la ville sans trop en dévoiler non plus. Nul exhaustivité ici. Aucun besoin de trop en dire. Juste le strict nécessaire, et avec suffisamment de poésie et de passion sincère pour faire naître un petit pincement au cœur, celui de se savoir toujours confiné ici alors qu’on aimerait être à NY avec Cognetti.
204 pages
L'Anomalie (2020)
Sortie : 20 août 2020 (France). Roman, Science-fiction
livre de Hervé Le Tellier
-Alive- a mis 7/10.
Annotation :
Un début excellent, durant lequel on fait connaissance avec les personnages, et au terme duquel on commence à comprendre où nous mène le livre. Le Tellier maîtrise son récit. Tout est construit brillamment pour nous accrocher. Puis il s’autorise des touches d’humour, sait dresser des portraits intéressants, sait trouver un style à la fois léger et efficace. Bref, ya vraiment une sauce qui monte pendant 200 pages.
Mais ensuite ça retombe. Un ventre mou. Peut être que j’ai trop de lectures dickiennes en tête, et qu’avec ce genre de pitch fantastico-SF, j’attends qu’on me mène loin dans les considérations métaphysiques. Faut s’en prendre à K.Dick, c’est de sa faute. C’est que Le Tellier fait le choix de ne pas pousser trop loin les possibilités de son récit, de ne pas dérouler sa pelote. Une fois la bombe lâchée, il fonce vers la conclusion sans nous en donner plus. Sûrement par respect pour le pouvoir du fantastique, et l’idée qu’un bon mystère doit rester mystérieux. Sauf qu’en l’état, j’ai surtout eu l’impression qu’il n’avait plus rien à raconter.
Donc c’est bizarre, car le livre m’a plu. Son idée est géniale, la manière dont il l’amène promet de belles choses. Mais en le terminant, je me suis senti lésé, et j’ai tourné mon regard vers mes K.Dick. Je préfère ses histoires à lui, même si elles sont bordéliques, au moins leur pitch central nous conduit toujours vers des voies inattendues.
327 pages
Histoires de la nuit (2020)
Sortie : 3 septembre 2020. Roman
livre de Laurent Mauvignier
-Alive- a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Ok, c’était vraiment bien.
L’histoire d’une petite famille et leur voisine vivant dans un hameau au milieu de la campagne profonde, et qui se trouvent soudainement à la merci d’intrus. Je n’en dirai pas plus que la 4ème de couv.
C’est un roman sous-tension, un vrai “page turner”, à ranger dans le rayon thriller. Mais c’est aussi un livre étonnant qui expérimente des choses. Mauvigner choisit un récit de l’instant, un récit d’action, pour s’amuser avec la temporalité. Il étire chaque seconde, dilate le temps à volonté, va à rebours de ce qu’un bon thriller devrait faire. Et il pousse le vice jusqu’à retarder l’action que le lecteur exige, à la retenir quand celle-ci ne demande qu’à venir (bordel, on dirait que je parle d’orgasme)
Ceux qui ont détesté le livre ont dû détester ça précisément. Ce côté Nouveau Roman. Mais là où je trouve Mauvigner malin, c’est qu’il déploie toute une technique pour ouvrir des brèches dans le texte qui lui permettent d’emmener le récit ailleurs, là où il le souhaite. Vers quelque chose de plus humain et de plus universel qu’un simple thriller. Je n’en dirai pas plus.
634 pages
La Traversée amoureuse (1961)
No signposts in the Sea
Sortie : 4 février 2015 (France). Roman
livre de Vita Sackville-West
-Alive- a mis 4/10.
Annotation :
Mais….mais...mais c’était chiant…
J’ai quand même lu ça jusqu’au bout, car le livre est court, mais non sans difficulté je dois l’avouer. Le truc me tombait des mains. Désolé d’être méchant hein, mais Vita Sackville-West écrit comme une mémère. C’est plein de tournures poétiques ridicules qui tombent à l’eau, de considérations petits bourgeois qui m’ont fait hausser les sourcils. Puis j’ai cru à rien, ni au personnage principal, ni à ses sentiments amoureux, ni à son sarcasme doux. C’est un roman élégant et étriqué. Rien qui ne soit pour moi donc.
177 pages
Les Trois Sœurs (1901)
(traduction André Markowicz et Françoise Morvan)
Tri sestry
Sortie : 2002 (France). Théâtre
livre de Anton Tchékhov
-Alive- a mis 9/10.
Annotation :
Toujours ces instants parenthèses, ces temps de flottement dans lesquels les personnages attendent quelque chose, rêvent de leur passé, songent à leur avenir, voudraient accomplir des choses dans le présent, mais ne le font pas. Toujours autant de mouvement, de passages de personnages qui s’expriment en même temps, qu’on met un certain temps à mémoriser, et dont les éclats semblent ne rien dire. Ce sont des récits qui font du sur-place, qui sont figés comme une photographie à un instant dont on peut se demander “pourquoi lui ?”.
Pourquoi cette histoire de trois sœurs au passé envolé, à l’avenir cafardeux, qu’on observe là, maintenant, le temps de quelques soirées aux côtés de brigadiers en réserve dans la ville ?
Eh bien parce que c’est justement cet instant qui est le plus intéressant. Il offre un cadre parfait pour capter tout ce qu’il y a à capter. Les rêves envolés, les mariages inféconds, les idylles non consommées, les élans passionnés. On y entend aussi bien les discours progressistes que les discours nihilistes. Tchekhov ne fait pas dans l’idéologie. Ce qui l’intéresse, c’est de saisir une atmosphère, celle d’une aristocratie mourante. Et de nous faire aimer ses personnages, comme on se surprendrait à aimer des inconnus sur une vieille photographie, en essayant d’imaginer ce qu’a pu être leur vie. Pas si différente de la nôtre.
Mais Tchekhov ce n’est pas pour tout le monde. Il faut aimer cette musique. Elle est particulière. La première fois que j’en ai lu, je n’ai pas compris. Aujourd’hui j’y repense beaucoup. Le Cerisaie, Platonov, Oncle Vania. J’y repense énormément. Les Trois Soeurs ce sera pareil. Ça ne va pas me quitter.
129 pages
La Littérature sans estomac
Sortie : 28 janvier 2002 (France). Essai
livre de Pierre Jourde
-Alive- a mis 7/10.
Annotation :
Oui c’est sûr, il y a une certaine jubilation à voir Angot, Beigbeder, Laurens ou Darrieussecq être démontés de la sorte. Une certaine fraîcheur dans le fait de lire une critique VRAIMENT littéraire, qui s’attarde sur le texte et rien d’autre. Et puis, cette ironie en cascade, ces tacles douloureux, faut avouer que c’est drôle.
En plus, il se trouve que je tombe d’accord avec Jourde sur quasiment tout. Il reconnaît une honnêteté à Catherine Millet malgré son style plat (moi aussi). Il trouve Darrieussecq boursouflée (moi aussi), il a un bon mot pour Echenoz (et moi donc), il reconnaît le caractère ambigu, et donc littéraire, de Houellebecq (vous connaissez mon amour pour Michou). Bref, je rejoins Jourde sur tout. J’avais peur du discours réac que je déteste tant. Le “c’était mieux avant”. Un truc à la Zemmour, c’est à dire loin de la littérature actuelle, glorifiant les classiques, détestant l’époque contemporaine, et ne jugeant que sur une base nostalgique. Mais ce n’est pas le cas heureusement. Jourde connaît son sujet, et il a des auteurs à défendre : Chevillard, Guégan, Novarina, Jean-Pierre Richard.
Après voilà, aujourd’hui on pourrait taper sur d’autres. Ça fait toujours du bien c’est sûr. Mais est-ce bien nécessaire ? Ce que je veux dire, c’est qu’au-delà du plaisir immédiat que procure ce pamphlet, il ne m’apporte pas grand chose personnellement. J’y vois un livre pour conforter sa pensée, pour se vautrer dedans et se dire “ah oui, Angot c’est nul on est d’accord !”.
Ok très bien, merci. Mais je ne trouve pas qu’enfoncer des portes ouvertes soit une démarche enrichissante. Je ne ressors pas de ce livre plus riche qu’avant, plus cultivé, plus renseigné sur le sujet.
406 pages
Illusions perdues (1839)
Sortie : 1839 (France). Roman
livre de Honoré de Balzac
-Alive- a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Passé le style un peu désuet et fleuri, auquel je ne suis pas trop habitué, j’ai pu entrer plein pied dans un roman qui m’a pris de court. Illusions perdues devient vite haletant, presque sans respiration. La première partie qui fait office d’introduction nous baigne dans la province d’Angoulême, prend le temps qu’il faut pour nous exposer son cadre et ses personnages, après quoi le roman nous lâche sans trop de ménagement en pleine capitale. Et là c’est parti ! Sans déconner, on se croirait dans du Scorcese. Ce serait un peu les Affranchis dans le journalisme du début 19ème. Avec les mêmes scènes pleines de mouvement, toujours dans l'effervescence du dialogue, dans une découverte constante. Comme Lucien, le lecteur doit emmagasiner des tas d’informations, saisir dans le vif des nouvelles mœurs, plonger dans un monde à part, celui des magouilles, des succès montés, des coups bas, des sous-entendus. C’est tout un langage à comprendre. J’ai d’ailleurs rarement lu livre aussi précis et aussi renseigné sur le monde judiciaire, notarial, mais aussi commercial. C’est un roman sur l’argent, sur les mille et unes stratégies possibles pour entretenir la misère des uns, créer la richesse des autres. Balzac fait vraiment du documentaire méticuleux, ultra pointu, et je crois que cette dimension-là du roman m’a mise sur le cul.
Bien sûr, il faut aussi accepter des personnages un peu archétypaux, ou disons plutôt allégoriques. Pour moi, chacun a sa place, car chacun incarne une vertu ou un vice évident : Lucien le jeune naïf plein d’espoirs. David Séchard, fidèle, honnête et travailleur. Daniel d’Arthez, intelligent et artiste. Et Eve la soeur douce et aimante, mais qui porte tous les malheurs sur ses épaules (quel personnage féminin d’ailleurs ! Balzac nous parle charge mentale alors qu’on est en 1839 ho !)
Bref ! C’est un roman d’apprentissage oui. Mais quand on a dit ça, on n’a rien dit. C’est surtout un roman sans répit, quasi documentaire, flamboyant, et qu’on lâche difficilement.
540 pages
Moi les hommes, je les déteste (2020)
Sortie : 19 août 2020. Essai, Culture & société
livre de Pauline Harmange
-Alive- a mis 1/10.
Annotation :
Rarement lu un truc aussi égoïste, aussi loin de la réalité, qui sonne autant comme un caprice de bourgeoise jonglant avec ses formules toutes faites, des concepts qu’elle se garde bien d’interroger d’ailleurs, et qu’on est censé accepter comme des vérités inébranlables. C’est pétri de clichés, englué dans une vision empoisonnée des relations humaines, à force de clamer sa misandrie, ça tombe dans tous les travers sexistes, même vis-à-vis des femmes. Je suis désolé, mais il n’y a pas une once d’intelligence là-dedans, pas la moindre forme de respect ni de pensée. Allez je balance quelques extraits pour le plaisir :
“L’accusation de misandrie est un mécanisme de silenciation : une façon de faire taire la colère, parfois violente mais toujours légitime, des opprimé-es envers leurs oppresseurs.”
Merci Staline !
“Il me semble pourtant que les efforts entrepris par les femmes pour se rendre plus aimables aux yeux de leur conjoint sont rarement réciproques. On va chez le psy, on lit des livres qui nous apprennent comment nous organiser, comment être zen, comment jouir, on partage nos états d’âme, on initie des dialogues, on fait des relookings, de la chirurgie esthétique, on se fait coacher, on change de job, on se plie en quatre. Les femmes sont dans un processus de mise à jour permanent”.
La meuf pense que toutes les femmes mènent la même vie bourgeoise qu’elle. Va donc dire ça à ma belle mère qui travaillait à l’usine avec 5 gamins, va lui dire que sa vie est un “processus de mise à jour permanent” à base de coach et de psy.
Autre extrait qui m’a fait éclater de rire :
“Nos moments “entre filles” sont raillés et méprisés par les hommes, comme s’ils n’étaient que l’expression d’une frivolité féminine par essence - comme si boire du wisky en jouant aux poker était intellectuellement plus impressionnant. Mais ces moments ne sont pas bêtes et sont loin d’être inutiles. Nos clubs de tricot et nos soirées pyjamas sont importantes et géniales.”
J’imagine bien qu’elle joue de ses clichés par provocation, que c’est intentionnel. N’empêche qu’à l’arrivée, ça ne produit rien d’autre que des clichés encore plus prononcés. En fait c’est l’expression d’une colère basée sur une vie fantasmée de clichés où tous les hommes sont des porcs et toutes les femmes des saintes. Rien de réel là-dedans. La meuf vit dans son monde, confortée dans ses songes. J’aimerais tellement que la vie lui mette une douille.
87 pages
Le Démon de la colline aux loups (2021)
Sortie : 7 janvier 2021. Roman
livre de Dimitri Rouchon-Borie
-Alive- a mis 6/10.
Annotation :
Carnets de confessions d’un homme mutilé par la vie, qui nous raconte son enfance ignoble et la vie d’adulte qui a suivi, pourrie par le mal. Le mec finira fatalement par commettre des atrocités, car le mal engendre le mal. Le ton est à la fois scabreux et cocasse, le héros n’ayant pas assez de langage pour exprimer le monde - grosse influence de La vie devant soi de Gary. C’est peu ou prou la même chose.
Voilà, bon….je dois dire que ce genre de texte ne me fait plus grand chose à vrai dire. Plus jeune j’aurais sûrement adoré ce livre, j’y aurais vu une audace littéraire dans le style, et une noirceur qui m’aurait scotché au livre. Aujourd’hui, je suis habitué à ce genre de proposition. C’est pas déplaisant, mais il m’en faut plus. Donc l’avalanche de 9 et de 10...hmmm, faut pas déconner les gens.
237 pages
La Maison hantée (1959)
The Haunting of Hill House
Sortie : 1959. Roman
livre de Shirley Jackson
-Alive- a mis 7/10.
Annotation :
Quel imbroglio de titre ! On a donc ce livre de Shirley Jackson “The haunting of hill house”, traduit ici en France sous le titre: “La Maison hantée”. Puis adapté en film par Wise sous le titre “The haunting” (mais “La maison du diable”, chez nous). Puis remaké en 1999 sous le titre…”Hantise”. Et puis quand une adaptation décide enfin de reprendre le VRAI titre - je parle de la série de Flanagan, assez fade d’ailleurs - eh bien, elle s’éloigne totalement de l’histoire originale.
Sinon le livre est cool. Vraiment. Il m’a donné envie de revoir le film de Wise qui m’avait fichu une sacré pétoche. J’aime bien cette histoire pleine d'ambiguïté. Suivre une héroïne un peu vieille fille, un peu déviante sur les bords, et se demander tout du long ce qui tient d’elle ou de la maison. Reste que le style pince-sans-rire de Jackson, ainsi que la rythmique du livre (plein d’ellipses et de ruptures) rendent le livre plus amusant qu’effrayant, là où le film de Wise mettait les deux pieds dans la noirceur.
269 pages
Arbres d'hiver
précédé de La Traversée
Sortie : 12 octobre 1999 (France). Poésie
livre de Sylvia Plath
-Alive- a mis 8/10.
Annotation :
Vrai coup de cœur pour la poésie de Plath. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre, et j'atterris dans des poèmes plein de reliefs. Des sortes de descriptions hallucinées. Des esquisses aux coups de pinceaux précis qu’on pourrait dire d’inspiration romantique - car nature et sentiments s’y entremêment dans un joyeux bordel. Mais c’est sans compter les discrètes notes d’humour, l’ironie qui renverse constamment le discours, comme si Plath se moquait d’elle, se moquait de son sujet, et jetait des facéties sur chacun de ses vers.
Enfin bref, pas facile de décrire de la poésie, et encore moins celle de Plath.
244 pages
Dark Souls (2015)
Par-delà la mort - Volume 1
Sortie : 11 juin 2015. Essai, Jeu vidéo
livre de Damien Mecheri et Sylvain Romieu
-Alive- a mis 4/10.
Annotation :
Tout ça pour ça ? Tout ce patacaisse autour de Third Editions pour ce...truc. Third Edition, c’est présenté par les joueurs et par Excerv aussi - puisqu’il a écrit pour eux - comme des éditions de prestige. Alors ok, oui, le livre est une somme d’infos précieuses sur les Souls. Rien à redire là-dessus. Tout y est : genèse du projet, explications précises (trop précises) du gameplay, analyse du lore, etc etc. Mais qu’est-ce que c’est mal écrit ! Qu’est-ce que c’est chiant à lire ! Vraiment, on sent que les rédacteurs sont juste là pour compiler des infos, en compartimentant leur sujet comme de bons petits élèves face à une dissert. On croirait lire un compte-rendu de réunion rédigé par Jean-Jacques de la compta. Tu sens que les gars aiment se prêter à l’exercice, puisqu’ils tartinent des pages et des pages, mais que c’est pas pour autant qu’ils le font avec talent. Du coup, je ne comprends pas les bonnes notes. Les gens ont vraiment pris plaisir à lire ça ?
310 interminables pages
L'Heure du dragon - Conan : L'Intégrale, tome 2 (1934)
The Bloody Crown of Conan
Sortie : 9 janvier 2019 (France). Recueil de nouvelles, Fantasy
livre de Robert E. Howard
-Alive- a mis 7/10.
Annotation :
Deux ans après avoir lu le premier recueil, je lis le second. Moins emballé par ces trois histoires. Je préférais le premier tome qui comptait bien plus d’histoires courtes, toutes très “dark fantasy” et très variées. Ici, on a surtout droit à des grands récits de bataille. Certes, il y a bien quelques passages purement fantastiques (Conan contre des sorciers, des goules, ou bien une vampire) mais ce qui prend le plus de place, ce sont les complots, les coups d’état et les campagnes militaire, nous montrant un Conan chef des armées, fin stratèges, affrontant des traites et des commandants. Plus médiéval que fantasy quoi.
Après l’écriture expressive de Howard reste toujours aussi plaisante. Conan c’est un peu mon péché mignon. Je sais bien que ce n’est pas de la grande littérature. C’est très pulp, rien ne se fait sans qu’à un moment du récit il y ait une joute sanglante ou une femme à poil, mais peu importe. C’est davantage le fan de jeu vidéo rpg qui est séduit que le fan de littérature. Lire Conan me donne envie jouer à dark souls par exemple.
584 pages, version poche
Anthologie des apparitions (2004)
Sortie : 20 août 2004. Roman
livre de Simon Liberati
-Alive- a mis 3/10.
Annotation :
J’ai été un peu con pour le coup. J’ai eu envie de lire ce livre alors que je le savais salué par Beigbeder, Enthoven, et Eric Neuhoff. On ne peut pas dire que je n’étais pas prévenu. Donc sans surprise, c’est de la littérature de la déchéance, du sous-Breat Easton Ellis (sachant que je n’aime pas Ellis non plus) avec un style mi cracra mi poétique, un truc de poseur. On y suit un RMIste dont la sœur s’est volatilisée, et qui ressasse des souvenirs de leur jeunesse. Scènes de boîtes, cul, drogue, dialogues creux, ennuie, balade dans le “semi-monde”. Le semi-monde... vla encore un terme pompeux pour parler simplement du monde de la nuit. En fait, le roman s’attache à raconter la vie de losers, michtonneuses et playboys qui servent de faire-valoir aux mondains (jeunes mannequins, jeunes drogués plein d’espoirs, qui finissent dans le lit des stars). Pas étonnant qu’Enthoven et Beigbeder s’y retrouvent, ça doit leur rappeler leurs soirées. Du coup, le livre navigue entre une poésie de la nuit (ridicule à souhait) et des formules trash pleines de gros mots. Ça balance des “arabes” “négresses” “salopes” à tout bout de champs. J’en ressors avec une certitude au moins : je ne lirai jamais d’autres livres de Liberati. C’est vraiment tout ce que je déteste en littérature.
155 pages
Le Consentement (2020)
Sortie : 2 janvier 2020. Récit
livre de Vanessa Springora
-Alive- a mis 5/10 et a écrit une critique.
Vie de Gérard Fulmard (2020)
Sortie : 3 janvier 2020. Roman
livre de Jean Echenoz
-Alive- a mis 7/10.
Annotation :
Echenoz est un écrivain qui ne fait plus la surprise depuis longtemps, à part pour le lecteur qui le découvre. Mais on s’en fout, c’est pas ce qu’on cherche chez lui. Moi, si je peux me lover encore et encore dans son style que je finis par connaître par coeur, ça me va. Ici, on revient un peu aux travaux de ses débuts : un polar qui enfile les codes et clichés pour s’en amuser, mais pas forcément pour les détourner, ou à peine, propulsant dans une histoire de magouilles et politiques, un personnage qui n’a rien à y foutre. Forcément les situations sont cocasses et son style y participe. Toujours aussi amusant de voir comment il tire les ficelles du genre si fort qu’elles pourraient casser. Jamais très loin de la rupture, le narrateur lui-même se mélangeant entre Echenoz et son personnage, qui commente l’histoire et son rythme l’air de s’en moquer allègrement. Comme s’il nous disait : “c’est complètement nawak cette histoire, mais avoue, tu kiffes quand même, allez on continue.”
235 pages
V (1963)
Sortie : 1966 (France). Roman
livre de Thomas Pynchon
-Alive- a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Pynchon, il faut vraiment le lire pour le croire. Dire qu’il y une majorité de gens sur Terre qui vit tranquillement sa vie sans se douter que des mecs comme DF Wallace ou Pynchon puissent exister, sans savoir qu’il y a au monde un livre comme V. Qu’on peut écrire de cette manière, raconter de telles histoires, construire de tels livres. DF Wallace c’était déjà une sacré folie pour moi, mais Pynchon c’est encore plus dingue. V c’est le roman de toutes les connexions, le roman de l’érudition maladive et digressive qui cherche tout le temps à nous perdre, TOUT LE TEMPS ! À LA MOINDRE LIGNE ! C’est le roman des tissus invisibles qui trament les complots, les époques, les ancêtres, les révoltes, les guerres. C’est le roman qui te balance un milliards d’infos, qui ne t’aide pas, qui cherche à te noyer, et d’ailleurs c’est ce qu’on y cherche. Il y a forcément, comme dans chacun de ses livres j’ai l’impression, des passages hermétiques exprès, des moments d’extrême densité au milieu d’éclaircies magnifiques, mais surtout tellement de moments mémorables et littéraires dont on sait qu’on se souviendra toute sa vie, sans même être capables de dire pourquoi ils étaient dingues. C’est que les livres de Pynchon sont un tout impossibles à analyser dans le détail sans détruire l’édifice. Ca ne tient que par audace et impertinence, c’est une folie sans but et sans fin, mais le simple fait que ça existe suffit pour en faire un grand livre.
Je mets 10/10, quelle autre note mettre face à ça ? Mais je sens - je sais - que l’Arc en ciel de la gravité sera encore plus fou. V est déjà un belle montagne, mais Gravity’s Rainbow, c’est l’Everest.
632 pages