Michael Powell (& Emeric Pressburger) - Commentaires
Une œuvre d’une très grande richesse formelle et picturale, d’une fécondité romanesque admirable, qui a sans doute influencé nombre de cinéastes – Scorsese lui-même s’en réclame. J’aime beaucoup.
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1. Le voyeur (1960)
2. Colonel Blimp (1943)
3. Les ...
9 films
créée il y a plus de 12 ans · modifiée il y a environ 2 ansLe Voleur de Bagdad (1940)
The Thief of Bagdad
1 h 46 min. Sortie : 11 avril 1946 (France). Aventure, Fantastique
Film de Ludwig Berger, Michael Powell et Tim Whelan
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Pas moins de six cinéastes ont travaillé sur cette féérie arabisante dont les délires graphiques et les fantaisies colorées incitent aujourd’hui à la bienveillance attendrie. Powell a dirigé l’arrivée de Jaffar, la tempête, Sabu transformé en chien et jeté à la mer, le raid des soldats dans le marché et le cortège de la princesse. Des palais de marbre rose bonbon aux incrustations bricolées, des élans de romantisme aux guirlandes d’aventures invraisemblables, empilées avec un mépris royal de la rigueur dramatique, tout respire l’artifice kitsch et le plaisir candide du merveilleux. Bien que désuètes (c’est un euphémisme), la richesse esthétique et la fraîche naïveté de l’aventure confèrent à l’ensemble un certain charme, celui-là même qui préside à la remémoration souriante des contes de notre enfance.
Colonel Blimp (1943)
The Life and Death of Colonel Blimp
2 h 43 min. Sortie : 15 août 1952 (France). Drame, Guerre, Romance
Film de Michael Powell et Emeric Pressburger
Thaddeus a mis 9/10.
Annotation :
Trois guerres et trois femmes : un seul code moral, une seule amitié et un seul visage (celui de Deborah Kerr) jouant trois fois les amours perdues de Clive Blimp. À force d’avoir les bons réflexes de culture et de courtoisie, celui-ci en oublie de vivre pour son propre compte. Il rate le présent et ne peut que regretter le passé perdu ou rêver d’un avenir hypothétique. En deux heures et demie de plénitude romanesque et de raffinement esthétique éclatent tout le sens du spectacle, tout le vibrant humanisme des auteurs, qui exaltent la fraternité anglo-germanique en suivant le fleuve d’une existence entière. Songe aux couleurs délicates sur le temps et le vieillissement, l’éphémère et l’éternel, l’œuvre est un superbe divertissement, plein d’humour, de chaleur, d’émotion, gorgé de fulgurances formelles et d’intuitions narratives.
Top 10 Année 1943 : https://urlz.fr/kefR
A Canterbury Tale (1944)
2 h 04 min. Sortie : 11 mai 1944 (Royaume-Uni). Comédie dramatique
Film de Michael Powell et Emeric Pressburger
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Dans les prairies verdoyantes du Kent, sur la route ancestrale de Canterbury qu’empruntaient jadis les pèlerins en quête de grâces, deux soldats et une jeune veuve décident de résoudre ce qu’on pourrait appeler le mystère du colleur. De leur propre dire, les réalisateurs cherchent à expliquer aux Américains et à leurs compatriotes les valeurs spirituelles et les traditions pour lesquelles l’Angleterre combattait alors. Ils visent la magie quotidienne nichée dans les vallons du paysage, les discussions chaleureuses des habitants du cru, les jeux d’enfants qui miment la guerre. Le film est une curieuse proposition de conte moderne, qui distille un charme intermittent et ne parvient pas vraiment à trouver la dynamique heureuse, l’état de plénitude que son récit relâché, presque buissonnier, voudrait dompter.
Je sais où je vais (1945)
I Know Where I'm Going!
1 h 31 min. Sortie : 27 février 1952 (France). Comédie, Drame, Romance
Film de Michael Powell et Emeric Pressburger
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Powell et Pressburger poursuivent leur exaltation sereine des trésors de la province (us et coutumes, traditions, dialectes et accents locaux) avec cette romantique comédie de mœurs battue par les vents de la lande écossaise, sur laquelle rôdent des légendes millénaires et veillent de pittoresques et sympathiques figures. Une fois de plus, leur art mêle évidence et raffinement et consiste à faire évoluer les certitudes d’un personnage en le confrontant à une réalité ignorée – ce secret résidant autant dans son cœur que dans les manifestations envoûtantes des merveilles du monde. C’est tout le périple intérieur effectué par l’impétueuse héroïne, qui pensait que la clé du bonheur se trouvait dans un bon mariage et qui la découvre finalement dans l’altruisme généreux et le bonheur simple des petites choses.
Une question de vie ou de mort (1946)
A Matter of Life and Death
1 h 44 min. Sortie : 10 septembre 1947 (France). Drame, Fantastique, Romance
Film de Michael Powell et Emeric Pressburger
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Un gigantesque escalier en spirale s’élevant jusqu’au paradis, un tribunal céleste à l’onirisme flamboyant, un argenté scintillant dont la monochromie s’oppose aux couleurs éclatantes du monde d’ici-bas… Multipliant plus que jamais les inventions techniques et formelles, tout le génie visuel de Powell et Pressburger s’exprime à travers cette féérie poétique, véritable hymne à l’amour fou dans la tradition romantico-surréaliste, que traversent les échos du mythe d’Orphée et d’Eurydice. Les cinéastes confrontent le réel à l’imaginaire, cultivent un idéalisme universel et humaniste autour de l’espoir et de la fraternité : la trajectoire de son mort en sursis découvrant la valeur de son existence se pare ainsi d’une dimension métaphysico-cosmique, mise en relief par les possibilités enchanteresses du divertissement.
Le Narcisse noir (1947)
Black Narcissus
1 h 41 min. Sortie : 20 juillet 1949 (France). Drame
Film de Michael Powell et Emeric Pressburger
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Le duo crée en studio un couvent perdu dans les hauteurs himalayennes à travers une symphonie fascinante de toiles peintes et de "glass shots", un vénéneux théâtre de passions qui ne recule devant aucune tentation gothique, dont l’exotisme renvoie aux dérèglements des nonnes cloîtrées, et dont le défaut de réalité devient vecteur de stimulation artistique. Sommet de raffinement pictural et d’envoûtement plastique, le film culmine dans une dernière demi-heure particulièrement mémorable qui ajoute aux merveilles de mille et une nuits le versant fantastique venant donner aux visages et aux décors leur dimension inquiétante : la traversée nocturne du palais, la fureur de Kathleen Byron en possédée à front suant, son apparition spectrale dans l’encablure de la porte constituent autant d’images fulgurantes.
Top 10 Année 1947 : https://urlz.fr/kegb
Les Chaussons rouges (1948)
The Red Shoes
2 h 15 min. Sortie : 10 juin 1949 (France). Drame, Musique, Romance
Film de Michael Powell et Emeric Pressburger
Thaddeus a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Éblouissante variation sur la soif de perfection et la dévotion absolue à l’art, celle qui conduit au sacrifice de la vie affective. Powell et Pressburger inventent un pas de deux chatoyant entre le réalisme magique du monde du spectacle et sa déclination imaginaire, magnifiée dans une séquence de danse onirique absolument ensorcelante. Un travail de construction très élaboré dicte l’organisation du film, à preuve la structure arborescente de la séquence d’ouverture qui relie les trois protagonistes dans une rigoureuse symétrie. Lié de très près au conte original d’Andersen qui fournit le sujet du ballet final, déployant une esthétique fastueuse entièrement vouée au dilemme terrible entre création et passion, c’est une tragédie tout à la fois éclatante et désespérée, incrustée de multiples notations poétiques.
Top 10 Année 1948 : https://urlz.fr/kege
Les Contes d'Hoffmann (1951)
The Tales of Hoffmann
2 h 13 min. Sortie : 22 juin 1951 (France). Fantastique, Musique, Romance
Film de Michael Powell et Emeric Pressburger
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
Avec cette adaptation d’Offenbach, les auteurs accouchent d’une œuvre-opéra qui suit, dans un style iconographique différent pour chacun des contes, l’évolution d’un amour déçu, et compose un même portrait de l’idéal féminin, forcément chimérique et inaccessible. Délire esthétique dont les folies expressionnistes, la surcharge décorative, la féérie kitsch, les couleurs bariolées, la fantaisie presque psychédélique défient l’imagination, le film flatte la rétine aussi bien qu’il indiffère sur le plan dramatique. Autrement dit, et surtout si l’on est peu porté sur les entrechats et les vocalises, le spectacle est somptueux mais curieusement soporifique – hormis une poignée de séquences merveilleuses, surtout situées dans le segment vénitien (d’autant que Ludmilla Tcherina est une sacrée beauté).
Le Voyeur (1960)
Peeping Tom
1 h 41 min. Sortie : 21 septembre 1960 (France). Drame, Thriller
Film de Michael Powell
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
L’un des films les plus audacieux de son époque. Ce stupéfiant suspense psychotique, quelque part entre Buñuel et Hitchcock, tire son extraordinaire puissance de déstabilisation de la situation de perception complexe dans laquelle il intègre le spectateur. Il constitue une mise en abyme perverse et extrêmement troublante du processus d’enregistrement du cinéma et de ses déviances, doublée d’une analyse fulgurante du voyeurisme névrotique, des réalités filmiques et psychologiques à la base de toute cinéphilie. La trangression opérée par son personnage de jeune déséquilibré, conçue comme une variante de cette dernière, nous contraint à nous identifier à l’image et à ce qu’elle projette. Une œuvre unique, sans concession ni rémission, incontestablement la plus radicale et la plus démente de son auteur.
Top 10 Année 1960 : http://lc.cx/BMf