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Y a-t-il seulement un sens à noter la poésie ? Bien sûr que non. Mais puisqu'il faut jouer le jeu (auquel les jurys de concours s'adonnent avec parfois une convenance perfide), jouons plaisamment et de façon honnête.
43 livres
créée il y a presque 2 ans · modifiée il y a 2 moisLe Condamné à mort (1942)
et autres poèmes, suivi de Le Funambule
Sortie : septembre 1942. Poésie
livre de Jean Genet
Nielad Divinorum a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
[L'effet mise au ban de la société.]
Une poésie à l'image de son créateur : unique. crue et capable de la plus grande pureté.
Enfant d’honneur si beau couronné de lilas !
Penche-toi sur mon lit, laisse ma queue qui monte
Frapper ta joue dorée. Écoute, il te raconte
Ton amant l’assassin, sa geste en mille éclats
Il chante qu’il avait ton corps et ton visage
Ton cœur que n’ouvriront jamais les éperons
D’un cavalier massif. Avoir tes genoux ronds !
Ton cou frais, ta main douce, ô môme avoir ton âge !
Voler, voler ton ciel éclaboussé de sang
Et faire un seul chef d’œuvre avec les morts cueillis
Ça et là dans les prés, les haies, morts éblouies
De préparer sa mort, son ciel adolescent...
Poésies et autres textes (2005)
Sortie : 16 mars 2005. Poésie
livre de Stéphane Mallarmé
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[L'effet quête d'absolu dans le suprême jeu syntaxique]
(Tous les poèmes de la "maturité" de Mallarmé pourraient figurer ici.)
Sonnet en X
Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx,
L'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,
Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix
Que ne recueille pas de cinéraire amphore
Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx
Aboli bibelot d'inanité sonore,
(Car le Maître est allé puiser ses pleurs au Styx
Avec ce seul objet dont le Néant s'honore.)
Mais proche la croisée au nord vacante, un or
Agonise selon peut-être le décor
Des licornes ruant du feu contre une nixe,
Elle, défunte nue en le miroir, encor
Que, dans l'oubli formé par le cadre, se fixe
De scintillations sitôt le septuor.
Ou encore (Mallarmé, un symboliste ? Oui mais un grand romantique):
Placet futile
Princesse ! à jalouser le destin d'une Hébé
Qui poind sur cette tasse au baiser de vos lèvres,
J'use mes feux mais n'ai rang discret que d'abbé
Et ne figurerai même nu sur le Sèvres.
Comme je ne suis pas ton bichon embarbé,
Ni la pastille ni du rouge, ni Jeux mièvres
Et que sur moi je sais ton regard clos tombé,
Blonde dont les coiffeurs divins sont des orfèvres !
Nommez-nous... toi de qui tant de ris framboisés
Se joignent en troupeau d'agneaux apprivoisés
Chez tous broutant les voeux et bêlant aux délires,
Nommez-nous... pour qu'Amour ailé d'un éventail
M'y peigne flûte aux doigts endormant ce bercail,
Princesse, nommez-nous berger de vos sourires.
Les Fleurs du mal (1857)
Sortie : 25 juin 1857. Poésie
livre de Charles Baudelaire
Nielad Divinorum a mis 10/10.
Annotation :
[L'effet spleen, ou les fesses pleines, allez savoir]
Les sept vieillards
A Victor Hugo
Fourmillante cité, cité pleine de rêves,
Où le spectre en plein jour raccroche le passant !
Les mystères partout coulent comme des sèves
Dans les canaux étroits du colosse puissant.
Un matin, cependant que dans la triste rue
Les maisons, dont la brume allongeait la hauteur,
Simulaient les deux quais d'une rivière accrue,
Et que, décor semblable à l'âme de l'acteur,
Un brouillard sale et jaune inondait tout l'espace,
Je suivais, roidissant mes nerfs comme un héros
Et discutant avec mon âme déjà lasse,
Le faubourg secoué par les lourds tombereaux.
Tout à coup, un vieillard dont les guenilles jaunes,
Imitaient la couleur de ce ciel pluvieux,
Et dont l'aspect aurait fait pleuvoir les aumônes,
Sans la méchanceté qui luisait dans ses yeux,
M'apparut. On eût dit sa prunelle trempée
Dans le fiel ; son regard aiguisait les frimas,
Et sa barbe à longs poils, roide comme une épée,
Se projetait, pareille à celle de Judas.
Il n'était pas voûté, mais cassé, son échine
Faisant avec sa jambe un parfait angle droit,
Si bien que son bâton, parachevant sa mine,
Lui donnait la tournure et le pas maladroit
D'un quadrupède infirme ou d'un juif à trois pattes.
Dans la neige et la boue il allait s'empêtrant,
Comme s'il écrasait des morts sous ses savates,
Hostile à l'univers plutôt qu'indifférent.
Son pareil le suivait : barbe, oeil, dos, bâton, loques,
Nul trait ne distinguait, du même enfer venu,
Ce jumeau centenaire, et ces spectres baroques
Marchaient du même pas vers un but inconnu.
A quel complot infâme étais-je donc en butte,
Ou quel méchant hasard ainsi m'humiliait ?
Car je comptai sept fois, de minute en minute,
Ce sinistre vieillard qui se multipliait !
Que celui-là qui rit de mon inquiétude,
Et qui n'est pas saisi d'un frisson fraternel,
Songe bien que malgré tant de décrépitude
Ces sept monstres hideux avaient l'air éternel !
Aurais-je, sans mourir, contemplé le huitième.
Sosie inexorable, ironique et fatal,
Dégoûtant Phénix, fils et père de lui-même ?
- Mais je tournai le dos au cortège infernal.
Exaspéré comme un ivrogne qui voit double,
Je rentrai, je fermai ma porte, épouvanté,
Malade et morfondu, l'esprit fiévreux et trouble,
Blessé par le mystère et par l'absurdité !
Vainement ma raison voulait prendre la barre ;
La tempête en jouant déroutait ses efforts,
Et mon âme dansait, dansait, vieille gabarre
Sans mâts, sur une mer monstrueuse et sans bords !
Poésies complètes (1895)
Sortie : 1895 (France). Poésie
livre de Arthur Rimbaud
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[L'effet du lent dérèglement des sens]
Oraison du soir
Je vis assis, tel qu'un ange aux mains d'un barbier,
Empoignant une chope à fortes cannelures,
L'hypogastre et le col cambrés, une Gambier
Aux dents, sous l'air gonflé d'impalpables voilures.
Tels que les excréments chauds d'un vieux colombier,
Mille Rêves en moi font de douces brûlures :
Puis par instants mon coeur triste est comme un aubier
Qu'ensanglante l'or jeune et sombre des coulures.
Puis, quand j'ai ravalé mes rêves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et me recueille, pour lâcher l'âcre besoin :
Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes,
Je pisse vers les cieux bruns, très haut et très loin,
Avec l'assentiment des grands héliotropes.
Pour un tombeau d'Anatole (2006)
Sortie : octobre 2006. Poésie
livre de Stéphane Mallarmé
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
Neuf car inachevé.
[L'effet de l'étiolement dû à la perte d'un être cher]
(L’étiolement est la réaction d’une plante à un éclairage insuffisant: les tiges s’allongent et s’affaiblissent, se penchant vers la source de lumière.)
Extrait choisi
de son esprit qui a
l’éternité – peut
attendre
soit mais éternité
à travers ma vie
transfusion __
changement de mode
d'être, voilà tout
Quoi! la mort
énorme -- la
terrible mort
frapper un si
petit être
___
je dis à la mort lâche
hélas! elle est en nous
non dehors
il a creusé notre
tombe
en mourant
concession
le père seul
la mère seule
__
se cachant l'un
de l'autre
et cela se retrouve
_______
ensemble
Le Roman inachevé (1956)
Sortie : 1956 (France). Poésie
livre de Louis Aragon
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[L'effet de l'amour au milieu des erreurs]
(Forcément, le poème que tout le monde connait, du moins sa mise en chanson)
Bierstube Magie allemande
Et douces comme un lait d'amandes
Mina Linda lèvres gourmandes
Qui tant souhaitent d'être crues
A fredonner tout bas s'obstinent
L'air Ach du lieber Augustin
Qu'un passant siffle dans la rue
Sofienstrasse Ma mémoire
Retrouve la chambre et l'armoire
L'eau qui chante dans la bouilloire
Les phrases des coussins brodés
L'abat-jour de fausse opaline
Le Toteninsel de Boecklin
Et le peignoir de mousseline
Qui s'ouvre en donnant des idées
Au plaisir prise et toujours prête
Ô Gaense-Liesel des défaites
Tout à coup tu tournais la tête
Et tu m'offrais comme cela
La tentation de ta nuque
Demoiselle de Sarrebrück
Qui descendais faire le truc
Pour un morceau de chocolat
Et moi pour la juger que suis-je
Pauvres bonheurs pauvres vertiges
Il s'est tant perdu de prodiges
Que je ne m'y reconnais plus
Rencontres Partances hâtives
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Comme des soleils révolus
Tout est affaire de décors
Changer de lit changer de corps
À quoi bon puisque c'est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles
Où j'ai cru trouver un pays
Etc
Capitale de la douleur (1926)
suivi de L'Amour la poésie
Sortie : 1926 (France). Poésie
livre de Paul Éluard
Nielad Divinorum a mis 10/10.
Annotation :
[L'effet œil de lynx]
Égalité des sexes
Tes yeux sont revenus d’un pays arbitraire
Où nul n’a jamais su ce que c’est qu’un regard
Ni connu la beauté des yeux, beauté des pierres,
Celle des gouttes d’eau, des perles en placards,
Des pierres nues et sans squelette, ô ma statue.
Le soleil aveuglant te tient lieu de miroir
Et s’il semble obéir aux puissance du soir
C’est que ma tête est close, ô statue abattue
Par mon amour et par mes ruses de sauvage.
Mon désir immobile est ton dernier soutien
Et je t’emporte sans bataille, ô mon image,
Rompue à ma faiblesse et prise dans mes liens.
Le Fou d'Elsa (1963)
Sortie : 1963 (France). Poésie
livre de Louis Aragon
Annotation :
[L'effet de l'amour fou]
Que ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin minuit midi
Dans l'enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C'était hier que je t'ai dit
Nous dormirons ensemble
C'était hier et c'est demain
Je n'ai plus que toi de chemin
J'ai mis mon cœur entre tes mains
Avec le tien comme il va l'amble
Tout ce qu'il a de temps humain
Nous dormirons ensemble
Mon amour ce qui fut sera
Le ciel est sur nous comme un drap
J'ai refermé sur toi mes bras
Et tant je t'aime que j'en tremble
Aussi longtemps que tu voudras
Nous dormirons ensemble.
Amers (1957)
Sortie : 1957 (France). Poésie
livre de Saint-John Perse
Nielad Divinorum a mis 10/10.
Annotation :
[L'effet savant et ample]
Extrait choisi
Midi, ses fauves, ses famines, et l'An de mer à son plus haut sur la table des Eaux...
- Quelles filles noires et sanglantes vont sur les sables violents longeant l'effacement des choses ?
Midi, son peuple, ses lois fortes... L'oiseau plus vaste sur son erre voit l'homme libre de son ombre, à la limite de son bien.
Mais notre front n'est point sans or. Et victorieuses encore de la nuit sont nos montures écarlates.
Ainsi les Cavaliers en armes, à bout de Continents, font au bord des falaises le tour des péninsules.
- Midi, ses forges, son grand ordre... Les promontoires ailés s'ouvrent au loin leur voie d'écume bleuissante.
Les temples brillent de tout leur sel. Les dieux s'éveillent dans le quartz.
Et l'homme de vigie, là-haut, parmi ses ocres, ses craies fauves, sonne midi le rouge dans sa corne de fer.
Midi, sa foudre, ses présages ; Midi, ses fauves au forum, et son cri de pygargue sur les rades désertes !...
- Nous qui mourrons peut-être un jour disons l'homme immortel au foyer de l'instant.
L'Usurpateur se lève sur sa chaise d'ivoire. L'amant se lave de ses nuits.
Et l'homme au masque d'or se dévêt de son or en l'honneur de la Mer.
Fureur et Mystère (1948)
Sortie : 1948 (France). Poésie
livre de René Char
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[L'effet d'habiter la foudre]
ÉVADNÉ
L'été et notre vie étions d'un seul tenant
La campagne mangeait la couleur de ta jupe odorante
Avidité et contrainte s'étaient réconciliées
Le château de Maubec s'enfonçait dans l'argile
Bientôt s'effondrerait le roulis de sa lyre
La violence des plantes nous faisait vaciller
Un corbeau rameur sombre déviant de l'escadre
Sur le muet silex de midi écartelé
Accompagnait notre entente aux mouvements tendres
La faucille partout devait se reposer
Notre rareté commençait un règne
(Le vent insomnieux qui nous ride la paupière
En tournant chaque nuit la page consentie
Veut que chaque part de toi que je retienne
Soit étendue à un pays d'âge affamé et de larmier géant)
C'était au début d'adorables années
La terre nous aimait un peu je me souviens.
Les Châtiments (1853)
Sortie : 1853 (France). Poésie
livre de Victor Hugo
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[L'effet de la lutte haut portée, ou de l'ire sur la lyre]
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front.
Ceux qui d'un haut destin gravissent l'âpre cime.
Ceux qui marchent pensifs, épris d'un but sublime.
Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.
C'est le prophète saint prosterné devant l'arche,
C'est le travailleur, pâtre, ouvrier, patriarche.
Ceux dont le cœur est bon, ceux dont les jours sont pleins.
Ceux-là vivent, Seigneur ! les autres, je les plains.
Car de son vague ennui le néant les enivre,
Car le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre.
Inutiles, épars, ils traînent ici-bas
Le sombre accablement d'être en ne pensant pas.
Ils s'appellent vulgus, plebs, la tourbe, la foule.
Ils sont ce qui murmure, applaudit, siffle, coule,
Bat des mains, foule aux pieds, bâille, dit oui, dit non,
N'a jamais de figure et n'a jamais de nom ;
Troupeau qui va, revient, juge, absout, délibère,
Détruit, prêt à Marat comme prêt à Tibère,
Foule triste, joyeuse, habits dorés, bras nus,
Pêle-mêle, et poussée aux gouffres inconnus.
Ils sont les passants froids sans but, sans nœud, sans âge ;
Le bas du genre humain qui s'écroule en nuage ;
Ceux qu'on ne connaît pas, ceux qu'on ne compte pas,
Ceux qui perdent les mots, les volontés, les pas.
L'ombre obscure autour d'eux se prolonge et recule ;
Ils n'ont du plein midi qu'un lointain crépuscule,
Car, jetant au hasard les cris, les voix, le bruit,
Ils errent près du bord sinistre de la nuit.
Quoi ! ne point aimer ! suivre une morne carrière
Sans un songe en avant, sans un deuil en arrière,
Quoi ! marcher devant soi sans savoir où l'on va,
Rire de Jupiter sans croire à Jéhova,
Regarder sans respect l'astre, la fleur, la femme,
Toujours vouloir le corps, ne jamais chercher l'âme,
Pour de vains résultats faire de vains efforts,
N'attendre rien d'en haut ! ciel ! oublier les morts !
Oh non, je ne suis point de ceux-là ! grands, prospères,
Fiers, puissants, ou cachés dans d'immondes repaires,
Je les fuis, et je crains leurs sentiers détestés ;
Et j'aimerais mieux être, ô fourmis des cités,
Tourbe, foule, hommes faux, cœurs morts, races déchues,
Un arbre dans les bois qu'une âme en vos cohues !
Poésies
Sortie : 1970 (France). Poésie
livre de Claude Roy
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[L'effet réussi d'enchevêtrer la poésie pure à la poésie engagée]
Jamais jamais je ne pourrai dormir tranquille aussi longtemps
que d’autres n’auront pas le sommeil et l’abri
ni jamais vivre de bon cœur tant qu’il faudra que d’autres
meurent qui ne savent pas pourquoi
J’ai mal au cœur mal à la terre mal au présent
Le poète n’est pas celui qui dit Je n’y suis pour personne
Le poète dit J’y suis pour tout le monde
Ne frappez pas avant d’entrer
Vous êtes déjà là
Qui vous frappe me frappe
J’en vois de toutes les couleurs
J’y suis pour tout le monde
Pour ceux qui meurent parce que les juifs il faut les tuer
pour ceux qui meurent parce que les jaunes cette race-là c’est fait pour
être exterminé
pour ceux qui saignent parce que ces gens-là ça ne comprend que la trique
pour ceux qui triment parce que les pauvres c’est fait pour travailler
pour ceux qui pleurent parce que s’ils ont des yeux eh bien c’est pour pleurer
pour ceux qui meurent parce que les rouges ne sont pas de bons Français
pour ceux qui paient les pots cassés du Profit et du mépris des hommes
Dépêche AFP de Saïgon De notre correspondant particulier sur le Front de Corée l’Agence Reuter mande de Malaisie Le Quartier Général des Forces Armées communique Le Tribunal Militaire siégeant à huis clos De notre envoyé spécial à Athènes Les milieux bien informés de Madrid
Mon amour ma clarté ma mouette mon long cours
depuis dix ans je t’aime et par toi recommence
me change et me défais m’accrois et me libère
mon amour mon pensif et mon rieur ombrage
en t’aimant j’ouvre grand les portes de la vie
et parce que je t’aime je dis
Il ne s’agit plus de comprendre le monde
il faut le transformer
Je te tiens par la main
la main de tous les hommes
Si dorment dans le vert des prairies de septembre
plus confondus tous deux que le nuage au jour
les amants leur sommeil en mélangeant leurs
membres
fait sourdre dans leur sang du sol un long bruit sourd
Hommes d'après nous deux vivants d'après nos morts
vous piétinez au fond du silence et du noir
J'entends venir à moi du très loin de l'aurore
un monde où la bonté rit dans tous les miroirs
un monde qui fera les quatre volonté de l'homme
Et si vous demandiez tout bas n'osant encore y croire
qui sont ces étrangers ils ignorent la haine
et pour qui cette fête chaque jour recommencée
pour qui cette clarté des lampes et qui donc a
donné aux jours cette simplicité de jour tout frais levé
et pourquoi ces rires cette musique cette gaîté du vent
enfin enfin semblable à cett
Air de la solitude (1945)
et autres écrits
Sortie : 1945 (France). Poésie
livre de Gustave Roud
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[L'effet du sacré dans une touffe d'herbes]
Extrait choisi
Une odeur maintenant roule vers moi sa vague de miel étrange et m’englue. C’est le Temps qui me dépêche cette messagère sournoise de sa présence. Qu’il a bien su choisir ! Arôme où la sève humaine et celle des plantes mystérieusement se marient, qui pourrait mieux renchaîner l’absent coupable aux plantes, aux hommes, au point de la saison, de l’heure même ? Nul besoin de tourner mes regards vers les prés : je sens soudain le soleil de septembre sur la matinée déjà flétrie ; je vois, les yeux clos, un cheval là-bas redresser brusquement la tête, arrachant à l’andain des touffes de tiges tendres, les garçons piquer de la fourche sombre le trèfle tranché. Je sais qu’ils rient, comme tu riais jadis, une fleur d’été refleurie au sang des lèvres, la même fleur… Mais non, je n’irai pas les joindre : il sera toujours temps. Ô qu’un peu de repos encore me soit donné sur ce mince banc de bois rêche, ce pont nul entre deux mondes, ce rivage battu tour à tour du temps et de l’éternité ! Que je demeure immobile encore, l’oreille ouverte au double abîme, une main tendue à ceux qui savent et qu’un seul battement de nos cœurs arrache à l’éternel, de l’autre cherchant en vain sous la houle temporelle, comme un plongeur aveugle, à saisir ceux qui s’appellent eux-mêmes les vivants. Qu’ils rient, ces vivants, de ma main tendue aux morts, de toutes les présences que j’accueille ici jusqu’à l’heure où leur pas trop sûr les effarouche ! Un jour peut-être, hanté lui aussi par l’anxieux appel des voix sans lèvres, l’un d’eux viendra s’asseoir à mon côté. Je lui dirai ce que je sais, avec les plus simples paroles. Nous attendrons, comme j’attends chaque jour, le dos meurtri par la muraille, les pieds dans la poussière pleine de paille et de pas d’oiseaux. Et tous deux nous verrons enfin ce que j’ai vu : l’instant d’extase indicible où le temps s’arrête, où le chemin, les arbres, la rivière, tout est saisi par l’éternité. Suspens ineffable !… Les morts autour de nous, le soleil immobile comme pour toujours à la pointe d’un chêne, une feuille nue sous nos yeux qui éclate de lumière, éternelle, les voix dans un silence plus peuplé que notre cœur, une grondante musique solennelle aux veines du monde comme un sang. Non point la paix : un frémissement foncier, des moelles aux mains saisies, et l’étouffante, la vertigineuse montée des larmes…
Ces larmes, notre réponse enfin à celles des milliers d’Anges obstinés qui nous appe
Recherche de la base et du sommet (1971)
Sortie : 1971 (France).
livre de René Char
Nielad Divinorum a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
[L'effet méticuleux]
DOMINIQUE CORTI
Ceux qu pensent que l'exagération et l'outrance sont toujours de rigueur dans les comptes rendus de la vie politique des peuples ont, durant onze années, haussé les épaules quand on leur affirmait que dans le plus grand quartier de l'Europe (l'Allemagne) on s'occupait à dresser, on installait dans sa fonction un formidable abattoir humain tel que l'imagination biblique se serait montrée incapable de le concevoir pour y loger ses impérissables démons et leurs lamentables victimes. La réalité est la moins saisissable des vérités. Une sorte de vertu originelle pèse à ce point sur nous que nous accordons à l'instinct que le délire a consacré sous le nom de cruauté le bénéfice de la faute et, partant, du remords. Le bourreau ne sera qu'un passant d'exception. Rares seront ceux qui l'apercevront. À la main du diable préventivement, nous opposerons les deux doigts de Dieu...
Mais LÀ-BAS ?
Là-bas triomphe une horreur qui atteint d'emblée son âge d'or par la chute calculée en poussières vivantes du corps de l'homme vivant et de sa conscience vivante. L'infaillible nouvelle nature d'une race de monstres a pris sa place parmi les mortels. Plus contagieuse que l'inondation, la chose court le monde, reconnaissant et annexant les siens. Cependant au cœur de notre brouillard, aussi peu discernable que les feux follets de la mousse, une poignée de jeunes êtres part à l'assaut de l'impossible.
Dominique Corti est né à Paris, le 13 janvier 1925. Discrètement ce jeune homme, cet enfant, va atteindre l'âge d'homme avec déjà autour de lui cette fugue de lumière propre à ceux dont la mission - qui prête à sourire - est d'"indiquer le chemin". Il ose ce qu'il veut, il sent ce qu'il doit faire.
À dix-neufs ans, il agit. Il habite Paris, où le risque est le même au soleil que dans l'ombre. Dominique Corti, qui a traduit Le Château d'Otrante de Walpole, qui a écrit, en anglais, un texte étonnant : La Littérature terrifiante en Angleterre, de Horace Walpole à Ann Radcliffe, se détourne de la réussite littéraire et fixe les yeux de l'occupant auquel il va porter ses coups. Il adhère au réseau "Marco-Polo" et dès lors son destin est tracé. Son intelligence, son audace, son intuition militaire le font distinguer. Le 2 mai 1944, il est arrêté. Son père José Corti, et son admirable mère ne pourront désormais que tendre leurs mains vers la nuit où leur fils est enfermé. Fresnes, du 2 mai au 15 août 1944. Puis Buchenwald, Ellrich... le dernier train
Les Chants de Maldoror (1869)
Sortie : 1869 (France). Poésie
livre de Comte de Lautréamont (Isidore Ducasse)
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[L'effet d'un combat d'anges]
Extrait choisi
Mais, je ne me plaindrai pas. J'ai reçu la vie comme une blessure, et j'ai défendu au suicide de guérir la cicatrice. Je veux que le Créateur en contemple, à chaque heure de son éternité, la crevasse béante. C'est le châtiment que je lui inflige.
Feuilles d'herbe (1891)
(traduction Jacques Darras)
Leaves of Grass
Sortie : 2002 (France). Poésie
livre de Walt Whitman
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[L'effet des feuilles d'herbe sur la vie]
O moi ! O la vie ! Les questions sur ces sujets qui me hantent,
Les cortèges sans fin d'incroyants, les villes peuplées de sots,
Moi-même qui constamment me fais des reproches, (car qui est plus sot que moi et qui plus incroyant ?)
Les yeux qui vainement réclament la lumière, les buts méprisables, la lutte sans cesse recommencée,
Les pitoyables résultats de tout cela, les foules harassées et sordides que je vois autour de moi,
Les années vides et inutiles de la vie des autres, des autres à qui je suis indissolublement lié,
La question, O moi ! si triste et qui me hante - qu'y a-t-il de bon dans tout cela, O moi, O la vie ?
Réponse:
Que tu es ici - que la vie existe et l'identité,
Que le puissant spectacle se poursuit et que tu peux y apporter tes vers.
Fêtes galantes / Romances sans paroles (1863)
précédé de Poèmes saturniens
Sortie : 1863 (France). Poésie
livre de Paul Verlaine
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[L'effet de la fée verte ?]
Colloque sentimental
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l’heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.
— Te souvient-il de notre extase ancienne ?
— Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne ?
— Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ? — Non.
— Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! — C’est possible.
Qu’il était bleu, le ciel, et grand l’espoir !
— L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.
Poèmes saturniens (1866)
Sortie : 1866 (France). Poésie
livre de Paul Verlaine
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[L'effet adamantin]
Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
Vade-mecum
Sortie : 3 septembre 2004 (France). Poésie
livre de Cyprian Norwid
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[Le sage effet du clochard céleste]
LE PÈLERIN
1
Au-dessus du statut est la s t a t u r e - d u - s t a t u t ,
Comme une tour au-dessus des maisons plates
Saillant des nuages...
2
Vous estimez que je ne puis être un seigneur
Parce que ma demeure est mouvante,
Et en cuir de chameau...
3
Moi, cependant je dure au tréfonds du ciel
Lorsqu'il enlève mon âme,
Comme une pyramide !
4
Moi cependant, aussi - j e p o s s è d e a u t a n t d e t e r r e
Qu ' e n r e c o u v r e m o n p i e d ,
P o u r l e t e m p s q u e j e m a r c h e ! ...
LA LARVE
1
Sur le pavé glissant de Londres,
Dans la brume blanche, sous la lune,
Une ombre parmi d'autres t'a croisé
Mais tu t'en souviens, effrayé.
2
Front d'épines ? ou de crasse ?
On ne peut le savoir,
Sur les lèvres un appel
Au miracle céleste ?... ou une bave impie !...
3
Tu crois voir une Bible
Titubant dans la boue,
Vers qui nul ne se penche,
Il n'est plus temps pour la vert !...
4
D é s e s p o i r e t a r g e n t - deux mots -
Brillent dans ses yeux blancs.
D'où vient-elle ?... - elle le tait.
Où va-t-elle... - nul doute, vers le r i e n !
5
Pareille à une telle mégère
L'humanité, qui aujourd'hui pleure et ricane ;
L'Histoire ?... n'entend que le s a n g ! ...
La société ?... - l ' a r g e n t ! ...
Poèmes (1889)
Sortie : 1889 (France). Poésie
livre de Edgar Allan Poe
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[L'effet prémédité]
LE PALAIS HANTÉ
Dans la plus verte de nos vallées par de bons anges occupée, jadis un beau palais majestueux, rayonnant palais ! dressait le front. — Dans les domaines du monarque Pensée — c’était là son site — jamais séraphin ne déploya de plumes sur une construction à moitié aussi belle.
Les bannières, claires, glorieuses, d’or, sur son toit, se versaient et flottaient (ceci — tout ceci — dans un vieux temps d’autrefois) à tout vent aimable qui badinait dans la douce journée le long des remparts empanachés et blanchissants : ailée, une odeur s’en venait.
Les étrangers à cette heureuse vallée, à travers deux fenêtres lumineuses, regardaient des esprits, musicalement se mouvoir, aux lois d’un luth bien accordé, tout autour d’un trône où, siégeant (Porphyrogénète !) dans un apparat à gloire adapté, le maître du royaume se voyait.
Et tout de perles et de rubis éclatante était la porte du beau palais, à travers laquelle venait par flots, par flots, par flots et étincelant toujours, une troupe d’Échos dont le doux devoir n’était que de chanter, avec des voix d’une beauté insurpassable, l’esprit et la sagesse de leur roi.
Mais des êtres de malheur aux robes chagrines assaillirent la haute condition du monarque (ah ! notre deuil : car jamais lendemain ne fera luire d’aube sur ce désolé !) et, tout autour de sa maison, la gloire qui l’empourprait et fleurissait n’est qu’une histoire obscurément rappelée des vieux temps ensevelis.
Et, les voyageurs, maintenant, dans la vallée, voient par les rougeâtres fenêtres de vastes formes qui s’agitent fantastiquement sur une mélodie discordante, tandis qu’à travers la porte, pâle, une hideuse foule se rue à tout jamais, qui rit — mais ne sourit plus.
Poésie ininterrompue (1946)
Sortie : 1946 (France). Poésie
livre de Paul Éluard
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[L'effet de la poésie perpétuelle]
Extrait choisi
Le réel table sur le réel
Et la morale
Sur la morale
Je vis d'un bien nécessaire
Et d'un monde profitable
Je vis d'un élan constant
Arriver est un départ
Vieillir c'est organiser
Sa jeunesse au cours des ans
C'est mûrir mille jeunesses
Par étés et par automnes
Tenir son vol assez haut
Pour que l'aile y ait un but
C'est ruiner l'ombre quotidienne
Sur des sommets perpétuels
C'est faire honneur à l'avenir
La Rose et les épines du chemin
Les reposoirs de la procession I
Poésie
livre de Saint-Pol-Roux
Annotation :
[L'effet des roses sur la prose]
Il faisait vingt ans.
Enjolivé de mon amante, j’arrivai parmi des hommes qui tout de suite la convoitèrent.
Ève et moi, d’abord nous nous crûmes chaussés d’une chaloupe à la merci du noroît tant nous prenaient de formidables nausées, – la hideur de ces hommes tenant lieu d’épouvante.
L’un, bossu ; l’autre, pied-bot ; celui-ci, des yeux pourris ; celui-là, un chancre aux lèvres ; tel autre aux allures de bouc, et tel autre de squelette.
En cercle vif autour d’Ève, on eût dit l’assaut d’une fleur par une escouade de crapauds.
Or, ces hommes faiseurs de poèmes splendides parce que sans maîtresse (nulle femme n’osant associer sa rose à leurs pustules), ces hommes, en le rayonnement de mon amante, ciselèrent des strophes si parfaites que mon enthousiasme éclata comme la joie d’un cirque entier.
Un soir, escomptant une manifestation plus grandiose encore, j’insinuai :
– « Belle, fais-leur l’aumône de ton corps ! »
Et d’aussitôt me déguiser d’absence.
Le festin consommé, les hommes, d’ailleurs après m’avoir raillé comme si j’ignorais, ces hommes, dis-je, glorifièrent la Beauté en des vers pitoyables.
Leur désir tué, ce n’était plus que des âmes quelconques, et la Beauté resta souillée.
Un des plus gros chagrins de ma vie !
Vents (1946)
Sortie : 1946 (France). Poésie
livre de Saint-John Perse
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[L'effet des éléments]
C'étaient de très grands vents, sur toutes faces de ce monde,
De très grands vents en liesse par le monde, qui n'avaient d'aire ni de gîte,
Qui n'avaient garde ni mesure, et nous laissaient, hommes de paille,
En l'an de paille sur leur erre... Ah ! oui, de très grands vents sur toutes faces de vivants !
Destinée arbitraire (1975)
Sortie : 1975 (France). Poésie
livre de Robert Desnos
Nielad Divinorum a mis 8/10.
Annotation :
[L'effet soif de liberté]
« Demain »
Âgé de cent mille ans, j’aurais encor la force
De t’attendre, ô demain pressenti par l’espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses,
Peut gémir : Le matin est neuf, neuf est le soir.
Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille,
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu,
Nous parlons à voix basse et nous tendons l’oreille
À maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.
Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c’est pour guetter l’aurore
Qui prouvera qu’enfin nous vivons au présent.
Les Mégères de la mer (1967)
suivi de Poèmes de Samuel Wood
Sortie : 1967 (France). Poésie
livre de Louis-René des Forêts
Nielad Divinorum a mis 9/10.
Annotation :
[L'effet du rythme sur l'écriture ; si bien disloqué le grand niais d'alexandrin]
Si je reprends haleine, c’est pour escalader les pentes
Où perché sur l’encolure d’un éperon rocheux
A l’auvent de ma paume que les fétides effluves orientent
Je vois que six arbres à la sève tarie
Nos gorgones chenues inscrire sur un brouillard de feu
Leurs profils géminés mordant au tronc des tubercules
Momies des cavernes qui ne semblent vêtues que de leur ombre
Dans la brume argentine où leurs mains gesticulent
Quelle hargne sombre vous endiable, méduses baveuses,
A lancer au rebours du vent vos gerbes de déraison !
Et moi qui gardait si pur le grand rire de l’enfance,
Moi qui fus naguère ce fier garçon si dur à fléchir,
Elles m’ont tiré de mes franchises pour m’attirer en leur gîte
Et fermerais-je les yeux, c’est encore leur voix que j’entends
Rongeuses, âpres à nuire dans la séduction de leur invite !
Comprends-moi dont la svelte gloire est aujourd’hui éteinte,
Cette citadelle agreste fut le théâtre de ma passion
Et dans ma mémoire souffrante qui est mon seul avoir
Je cherche où l’enfant que je fus a laissé ses empreintes.
L'Ombilic des limbes (1925)
suivi de Le Pèse-nerfs et autres textes
Sortie : 23 juillet 1925. Poésie
livre de Antonin Artaud
Nielad Divinorum a mis 8/10.
Annotation :
[L'effet mise en abyme]
Poète noir
Poète noir, un sein de pucelle te hante, poète aigri, la vie bout et la ville brûle, et le ciel se résorbe en pluie, ta plume gratte au coeur de la vie.
Forêt, forêt, des yeux fourmillent sur les pignons multipliés ;
cheveux d’orage, les poètes enfourchent des chevaux, des chiens.
Les yeux ragent, les langues tournent le ciel afflue dans les narines comme un lait nourricier et bleu ;
je suis suspendu à vos bouches femmes, coeurs de vinaigre durs.
Les Contemplations (1856)
Sortie : 1856 (France). Poésie
livre de Victor Hugo
Nielad Divinorum a mis 8/10.
Annotation :
[L'effet de l'amour sur le deuil]
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Quelque chose noir (1986)
Sortie : 1986 (France). Poésie
livre de Jacques Roubaud
Nielad Divinorum a mis 8/10.
Annotation :
[L'effet de l'intelligence contre la perte de l'être aimé]
Méditation de l'indistinction, de l'hérésie
à Jean Claude Milner
Il y a trois suppositions, la première, ce n'est pas trop d'y mettre un ordre, c'est qu'il n'y a plus. je ne la nommerai pas.
Une deuxième supposition, c'est que rien ne saurait se dire.
Une autre supposition enfin, c'est que rien désormais ne lui est semblable. cette supposition destitue tout ce qui fait lien.
De certaines de ces suppositions se déduisent, sans pertinence, des propositions comme chaîne.
De ce que rien désormais ne lui est semblable on conclura qu'il n'y a que du dissemblable et de là, qu'il n'y a aucun rapport, qu'aucun rapport n'est définissable.
On conclura à l'impropriété.
Tout se suspend au point où surgit un dissemblable. et de là quelque chose, mais quelque chose noir.
Par la simple réitération, il n'y a plus, les touts se défont en leur tissu abominable : la réalité.
Quelque chose noir qui se referme. et se boucle. une déposition pure, inaccomplie.
Alcools (1913)
Sortie : 1913 (France). Poésie
livre de Guillaume Apollinaire
Nielad Divinorum a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
[L'effet de l'alcool sur le choix des mots]
L'Ermite
Un ermite déchaux près d’un crâne blanchi
Cria Je vous maudis martyres et détresses
Trop de tentations malgré moi me caressent
Tentations de lune et de logomachies
Trop d’étoiles s’enfuient quand je dis mes prières
Ô chef de morte Ô vieil ivoire Orbites Trous
Des narines rongées J’ai faim Mes cris s’enrouent
Voici donc pour mon jeûne un morceau de gruyère
Ô Seigneur flagellez les nuées du coucher
Qui vous tendent au ciel de si jolis culs roses
Et c’est le soir les fleurs de jour déjà se closent
Et les souris dans l’ombre incantent le plancher
Les humains savent tant de jeux l’amour la mourre
L’amour jeu des nombrils ou jeu de la grande oie
La mourre jeu du nombre illusoire des doigts
Seigneur faites Seigneur qu’un jour je m’enamoure
J’attends celle qui me tendra ses doigts menus
Combien de signes blancs aux ongles les paresses
Les mensonges pourtant j’attends qu’elle les dresse
Ses mains enamourées devant moi l’Inconnue
Seigneur que t’ai-je fait Vois Je suis unicorne
Pourtant malgré son bel effroi concupiscent
Comme un poupon chéri mon sexe est innocent
D’être anxieux seul et debout comme une borne
Seigneur le Christ est nu jetez jetez sur lui
La robe sans couture éteignez les ardeurs
Au puits vont se noyer tant de tintements d’heures
Quand isochrones choient des gouttes d’eau de pluie
J’ai veillé trente nuits sous les lauriers-roses
As-tu sué du sang Christ dans Gethsémani
Crucifié réponds Dis non Moi je le nie
Car j’ai trop espéré en vain l’hématidrose
J’écoutais à genoux toquer les battements
Du cœur le sang roulait toujours en ses artères
Qui sont de vieux coraux ou qui sont des clavaires
Et mon aorte était avare éperdument
Une goutte tomba Sueur Et sa couleur
Lueur Le sang si rouge et j’ai ri des damnés
Puis enfin j’ai compris que je saignais du nez
À cause des parfums violents de mes fleurs
Et j’ai ri du vieil ange qui n’est point venu
De vol très indolent me tendre un beau calice
J’ai ri de l’aile grise et j’ôte mon cilice
Tissé de crins soyeux par de cruels canuts
Vertuchou Riotant des vulves des papesses
De saintes sans tetons j’irai vers les cités
Et peut-être y mourir pour ma virginité
Parmi les mains les peaux les mots et les promesses
Malgré les autans bleus je me dresse divin
Comme un rayon de lune adoré par la mer
En vain j’ai supplié tous les saints aémères
Aucun n’a consacré mes doux pains sans levain
Et je marche Je fuis ô nuit Lilith ulule
Et clame vainement et je vois
Tristia
Et autres poèmes
Tristia et autres poèmes
Sortie : mars 1994 (France). Poésie
livre de Ossip Mandelstam
Nielad Divinorum a mis 8/10.
Annotation :
[L'effet du tourment famélique]
Que m'est odieuse la lumière
Des monotones étoiles !
Salut, mon ancien délire,
Du clocher l'essor ogival !
Ô change-toi, pierre, en dentelle,
Et deviens toile d'araignée !
Que le torse vide du ciel
S'ouvre à ton aiguille aiguisée !
Mon tour aussi viendra de m'élancer.
Je sens déjà l'essor d'une aile.
Mais vers quel but, de la vive pensée,
La flèche s'envolera-t-elle ?
Ou bien je serai de retour,
Ayant mon temps et ma route épuisé.
Ici je redoute l'amour,
Là-bas je n'ai pas pu aimer...