Petite collection de documentaires cuvée 2024
Par ordre chronologique de sortie en salles en France.
16 films
créée il y a 12 jours · modifiée il y a 12 joursThey Shot the Piano Player (2023)
1 h 40 min. Sortie : 31 janvier 2024 (France). Animation, Drame, Historique
Long-métrage d'animation de Fernando Trueba et Javier Mariscal
cinelolo a mis 7/10.
Annotation :
Il s'agit d'un documentaire animé, hybridation de genre dont "Valse avec Bachir" (Ari Folman) a été un précurseur. Il fait revivre les années 1960, lorsque la bossa nova naissante faisait la noce avec le jazz. C'est aussi une enquête contemporaine du journaliste américain Jeff Harris autour de la disparition de Tenorio Junior, un pianiste brésilien, instrumentiste et compositeur surdoué, à Buenos Aires en 1976. Il rencontre du beau monde (Gilberto Gil, Caetano Veloso et autres orfèvres), ainsi que des proches ou des membres de la famille du disparu. La petite histoire, qui rejoint la grande (celle, tragique, de l'Amérique latine), émeut, bien servie il est vrai par le style très roman graphique des dessins, particulièrement bien adapté, tandis que les sessions musicales, un régal pour les oreilles, enthousiasment.
La Ferme des Bertrand (2023)
1 h 22 min. Sortie : 31 janvier 2024. Société
Documentaire de Gilles Perret
cinelolo a mis 7/10.
Annotation :
Récemment, les documentaires sur l'agriculture ont essayé de donner une vue d'ensemble d'exploitations de diverses tailles ("Il a plu sur le grand paysage" de Jean-Jacques Andrien) ou de proposer une lecture très analytique voire systémique ("Le Temps des grâces" de Dominique Marchais). Le film de Gilles Perret a pour particularité de s'intéresser à une seule ferme et d'inclure en son sein d'autres images qu'il avait tournées 25 ans plus tôt au même endroit [bizarrement la texture des images est restée la même], et quelques fragments d'un documentaire tourné en 1971 par Marcel Trillat. Ce regard sur le temps long (et sur la transmission, les conditions de travail etc) n'est pas pour rien dans l'émotion suscitée. Et, en filigrane, on voit que ces producteurs laitiers ont résisté à la course à l'agrandissement, grâce à un prix plus avantageux lié au label AOP du reblochon. Comme quoi les normes de qualité ne sont pas forcément les ennemies des agriculteurs.
Bye Bye Tibériade (2023)
1 h 22 min. Sortie : 21 février 2024. Portrait, Société
Documentaire de Lina Soualem
cinelolo a mis 7/10.
Annotation :
Décidément, les documentaires familiaux sont peut-être les moins nombrilistes qui soient. Comme Mariana Otero ("Histoire d'un secret") ou Eric Caravaca ("Carré 35"), Lina Soualem, qui est la première femme de sa famille à être née hors de Palestine, cherche auprès des générations précédentes, et en particulier de sa mère l'actrice Hiam Abbass, à interroger la transmission comme les histoires plus ou moins tues. Un moyen aussi d'évoquer pudiquement, avec des moyens très simples, la grande Histoire (et, involontairement, ses tragiques prolongements au présent).
La Mère de tous les mensonges (2023)
Kadib Abyad
1 h 36 min. Sortie : 28 février 2024 (France). Société
Documentaire de Asmae El Moudir
cinelolo a mis 7/10.
Annotation :
La jeune réalisatrice Asmae El Moudir, constatant l'absence de photos de famille, et se cognant au mutisme de sa grand-mère, imagine un dispositif pour délier les langues : réaliser, avec la complicité de son père, des maquettes de son ancien quartier, et de l'immeuble dans lequel elle a grandi. La démarche semble s'inscrire dans le sillage de "L'Image manquante", le bien nommé documentaire de Rithy Panh (sur une toute autre tragédie). Ici, les tabous plus ou moins levés de la mémoire familiale permettent de jeter une lumière sur un épisode oublié de l'histoire du pays, la dure répression des "émeutes du pain", en 1981, par les autorités de l'époque.
Une famille (2024)
1 h 22 min. Sortie : 20 mars 2024. Société, Littérature
Documentaire de Christine Angot
cinelolo a mis 7/10.
Annotation :
Je n'ai jamais été un grand admirateur du personnage public, mais en revanche l'histoire personnelle de Christine Angot m'a toujours touchée, particulièrement depuis "Un amour impossible", l'adaptation du roman éponyme d'Angot par Catherine Corsini. Désormais, l'écrivaine a décidé que les mots écrits ne suffisaient plus. Avec la complicité de la chef opératrice Caroline Champetier, elle a décidé de se confronter à divers membres de sa famille, afin de faire voler les non-dits. Elle commence par imposer à la veuve de son père incestueux (qui n'est pas sa mère biologique) une discussion à bâtons rompus. Si l'expression orale constitue une thérapie pour Christine Angot, sa démarche cinématographique se veut utile pour elle-même mais aussi pour tous et toutes les autres, à l'instar des ondes de choc provoquées par les livres de Camille Kouchner ou Vanessa Springora, et montre également les conséquences des crimes de son père sur les autres membres de la famille.
Averroès & Rosa Parks (2024)
2 h 24 min. Sortie : 20 mars 2024. Société
Documentaire de Nicolas Philibert
cinelolo a mis 8/10.
Annotation :
Avec ce film, Nicolas Philibert prolonge le travail entrepris avec "Sur l'Adamant". Les lieux sont plus austères, mais le documentaire est surtout composé de séances d'entretien entre soigneurs et soignés. Même si la question est un peu abordée lors d'une réunion, le cinéaste ne tranche pas le débat sur l'utilité des institutions psychiatriques et de leurs formes. En revanche, il continue à réintégrer dans une pleine humanité les patients (dont quelques figures déjà croisées sur l'Adamant) qui constituent l'âme du film. Et par suite on peut s'interroger, dans le prolongement des réflexions des militants et militantes intersectionnelles actuelles, sur le caractère "validiste" de nos sociétés contemporaines, en voyant ces êtres si humains mais qui ne pourraient pas satisfaire les exigences capitalistes et s'insérer dans une compétition économique toujours plus rapide et intense (au grand dam des rapports sociaux et des milieux naturels).
Madame Hofmann (2023)
1 h 44 min. Sortie : 10 avril 2024. Portrait, Société
Documentaire de Sébastien Lifshitz
cinelolo a mis 7/10.
Annotation :
Sébastien Lifshitz, documentariste passionnant, dans son étude des questions de genre notamment ("Les Invisibles", sorti en salle et césarisé, ou "Petite fille", diffusé uniquement sur Arte), s'intéresse à un tout autre sujet ici, en réalisant le portrait de Sylvie Hofmann, une infirmière-cadre de l'hôpital Nord de Marseille, au moment où celle-ci s'apprête à partir en retraite, au bout de quarante années d'exercice. Sa forte personnalité ne cannibalise pas pour autant le film, qui à travers ce portrait se laisse traverser par des questionnements intimes (la rapport à la maladie, à la mort), par exemple mais pas uniquement dans les échanges entre Sylvie Hofmann et sa mère, mais aussi collectifs (avec les effets de la paupérisation de l'hôpital public). Sur la forme, la musique, composée avec soin par Grégoire Hetzel, prend une place inhabituelle chez le cinéaste.
La Machine à écrire et autres sources de tracas (2024)
1 h 11 min. Sortie : 17 avril 2024. Société
Documentaire de Nicolas Philibert
cinelolo a mis 6/10.
Annotation :
Troisième volet du triptyque sur les soins psychiatriques auquel il appartient, le documentaire se déploie autour de quatre séquences montrant des patients à domicile aux prises avec des soucis techniques de la vie quotidienne. Loin du milieu fermé que constituait l'hôpital psychiatrique montré dans "Averroès et Rosa Parks", on renoue avec des personnages que l'on avait déjà croisés dans "Sur l'Adamant". On peut donc appréhender "La Machine à écrire" comme un précieux complément en guise d'épilogue au premier volet, comme l'était "Deux ans après" par rapport à "Les Glaneurs et la glaneuse" chez Agnès Varda.
Tehachapi (2023)
1 h 32 min. Sortie : 12 juin 2024. Société, Art
Documentaire de JR
cinelolo a mis 6/10.
Annotation :
L'artiste JR fait le pari d'une installation dans la prison américaine de haute sécurité de Tehachapi, en faisant participer des détenus ultraviolents. Il porte aussi un regard sans concession sur le système américain (20 % des détenus dans le monde, sur moins de 5 % de la population mondiale), sur l'absurdité des très longues peines qui ne rendent pas la société plus sûre pour autant. L'initiative a semble-t-il eu des effets bénéfiques, mais le commentaire pro domo en fait un peu trop dans le solutionnisme. L'enthousiasmant "Visages villages" ne suscitait pas ces réserves, peut-être car la personnalité d'Agnès Varda faisait contrepoids à celle de JR.
Dahomey (2024)
1 h 08 min. Sortie : 11 septembre 2024 (France). Société
Documentaire de Mati Diop
cinelolo a mis 7/10.
Annotation :
Vingt-six œuvres d'art, pillées avec des milliers d'autres en 1892, sont restituées par la France à l'actuel Bénin. Mati Diop ("Atlantique") filme leur trajet, de leur point de vue, visuellement mais aussi par une puissante voix off imaginant leur intériorité. Dans une dernière partie, Mati Diop laisse la parole aux premiers et premières concernées, en organisant un débat public et radiophonique entre étudiants de divers disciplines de l'université d'Abomey Calavi. Un contrepoint idéal aux commentaires paternalistes et eurocentrés des médias occidentaux, encore imprégnés d'idéologie coloniale. Petit film par sa durée (1h08), mais vraie réussite (Ours d'or au festival de Berlin 2024).
Au boulot ! (2024)
1 h 24 min. Sortie : 6 novembre 2024. Politique, Société
Documentaire de Gilles Perret et François Ruffin
cinelolo a mis 5/10.
Annotation :
Trois ans avant ce film, "Debout les femmes !" avait été une franche réussite. Les deux réalisateurs montraient la réalité des travailleuses dans les métiers du lien. Des témoignages en longueur aboutissaient à des revendications reprises par le travail parlementaire de Ruffin, en tandem avec un député macroniste atypique. La séquence finale, symbolique, voyait les femmes rencontrées investir une place de député et entonner dans l'hémicycle L'hymne des femmes. En comparaison, "Au boulot !" est en recul, politiquement et humainement. L'enjeu est seulement de quémander le respect d'une grande bourgeoise, Sarah Saldmann, avocate réactionnaire et chroniqueuse sur une chaîne de désinformation en continu. Ruffin l'invite à partager les conditions de travail des précaires qu'elle dénigre. Dans une sorte de zapping social, le film laisse beaucoup moins de place aux travailleurs et travailleuses pour s'exprimer. Aucune revendication concrète n'est explicitée, la caméra s'attarde sur les gestes et propos (candidement obscènes) de la bourge, et la séquence symbolique finale ne met en scène qu'une célébration de ces courageux-ses ordinaires, et non plus un renversement de l'ordre établi.
Voyage à Gaza (2024)
1 h 07 min. Sortie : 6 novembre 2024. Politique, Société
Documentaire de Piero Usberti
cinelolo a mis 6/10.
Annotation :
Ce documentaire a été tourné en 2018, et son montage achevé en septembre 2023, quelques jours avant l'offensive du Hamas et l'anéantissement actuel par l'armée israélienne, qui pourrait relever du crime de génocide telle que défini par le droit international, ainsi que l'a rapporté la CIJ. Il s'ouvre sur les obsèques de Yasser Mortaja, un jeune photographe tué alors qu'il couvrait les manifestations pacifiques qui avaient lieu chaque semaine pour l'application du droit au retour prévu par l'Onu sept décennies plus tôt, et qui ont été durement réprimées (au bout de 21 mois, plus de 200 morts et 36000 blessés ou mutilés). Le jeune réalisateur, alors âgé de 25 ans, interroge des jeunes gazaouis du même âge, et enregistre leurs témoignages sur le blocus (terrestre, maritime, aérien, surveillance permanente par drones), leurs aspirations... Un film court qui pourra compléter le plus roboratif "Yallah Gaza" de Roland Nurier, sorti l'an dernier, tourné après celui-ci mais avant la phase actuelle du conflit.
No Other Land (2024)
1 h 35 min. Sortie : 13 novembre 2024 (France). Politique, Société
Documentaire de Yuval Abraham, Basel Adra, Hamdan Ballal et Rachel Szor
cinelolo a mis 7/10.
Annotation :
Basel Adra est un jeune palestinien qui filme depuis des années son village natal, un des hameaux de Masafer Yatta, en Cisjordanie. Yuval Abraham est un journaliste d'investigation israélien du même âge, notamment pour le médiat indépendant +972. Ensemble, et avec deux autres cinéastes, ils ont réalisé ce film, prix du meilleur documentaire à Berlin, tourné entre 2018 et 2023. Il s'apparente au très percutant "Cinq caméras brisées", tourné de façon similaire entre 2006 et 2011 dans d'autres villages de Cisjordanie par une autre génération (Emad Burnat et Guy Davidi). Le constat est malheureusement identique, et la situation s'est encore aggravée. Toutes ces années, les politiques d'occupation et d'apartheid, évidemment illégales au regard du droit international, comme l'a encore rappelée la CIJ en juillet, et obstacles à une paix juste et durable, ont encore empiré. On y voit encore les crimes, destructions, inégalités de droits fondamentaux (droit d'avoir un toit, de se déplacer), perpétrées de concert par l'armée et les colons. Les démolitions ne concernent pas uniquement les habitations mais aussi les infrastructures (une école primaire, un réseau d'accès à l'eau). Un film nécessaire pour dessiller le regard de la hasbara (propagande israélienne) qui fixe les cadrages opérés dans les grands médias occidentaux.
Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres (2024)
Riefenstahl
1 h 56 min. Sortie : 27 novembre 2024 (France). Art, Politique
Documentaire de Andres Veiel
cinelolo a mis 6/10.
Annotation :
Leni Riefenstahl est restée dans l'histoire du cinéma principalement comme réalisatrice de deux films de propagande liés au IIIè Reich ("Le Triomphe de la volonté" et "Les Dieux du stade"). Certains cinéphiles admirent encore l'efficacité du style, en la séparant du fond. Après guerre, Leni Riefenstahl, qui n'a jamais été membre du parti nazi, a longtemps affirmé qu'elle n'a découvert qu'après coup les crimes de masses perpétrés. Avec l'aide d'archives récemment ouvertes, le documentariste, dans un style malheureusement très télévisuel, confronte les traces qu'a voulu laisser la réalisatrice, qui fut également alpiniste de haut niveau et actrice, aux documents historiques montrant sa proximité avec les dignitaires du régime comme son approbation, partielle ou non, de leur idéologie.
Guérilla des Farc - L'avenir a une histoire (2024)
2 h 22 min. Sortie : 11 décembre 2024. Historique, Société
Documentaire de Pierre Carles
cinelolo a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Pierre Carles réalise peut-être son film le plus ample. S'il remonte aux origines du conflit, à l'aide d'archives, mais aussi d'extraits de fiction de l'ex-compagnon de sa mère, Dunav Kuzmanich, réalisateur chilien exilé en Colombie après la prise de pouvoir de Pinochet, le documentaire bénéficie surtout d'un tournage effectué sur près de dix ans, des prémisses du processus de paix à ses premiers bilans. Le temps long, luxe accordé par la productrice Annie Gonzalez, permet aussi de mesurer l'évolution des analyses des protagonistes. Le film est assez long (2h20). Evidemment il n'épuise pas pour autant les angles possibles, mais donne un éclairage essentiel qui comble les lacunes et les partis pris des médias occidentaux dominants (Pierre Carles, par ailleurs travaillé par la question médiatique, de "Pas vu, pas pris" à "Fin de concession", livre un travail qui s'inscrit dans une sorte d'alternative à ces traitements).
Ernest Cole, photographe (2024)
Ernest Cole: Lost and Found
1 h 46 min. Sortie : 25 décembre 2024. Portrait, Photographie
Documentaire de Raoul Peck
cinelolo a mis 7/10.
Annotation :
Raoul Peck alterne fictions documentées et documentaires très narratifs. Ce film-ci, Œil d'or au dernier festival de Cannes, fait partie des seconds. Ernest Cole est le premier photographe sud-africain à avoir montré au monde entier la réalité de l'apartheid. Raoul Peck livre en voix off le point de vue de Cole, en se basant sur son livre "House of Bondage", publié en 1967, et qui lui vaut son exil aux Etats-Unis, mais aussi aux propos rapportés par ses proches. La plupart des images, parfois analysées avec précision, proviennent de dizaines de milliers de négatifs pris par Cole lui-même, et découverts en 2017 dans le coffre d'une banque suédoise. Méditation puissante, et nécessaire par les temps qui courent, sur l'apartheid, le racisme colonial, et l'exil.