Pierre Carles réalise peut-être son film le plus ample (que j'ai vu lors d'une avant-première au Festival La Rochelle cinéma). S'il remonte aux origines du conflit, à l'aide d'archives qui courent sur des décennies, mais aussi d'extraits de fiction de l'ex-compagnon de la mère de Carles, Dunav Kuzmanich, réalisateur chilien exilé en Colombie après la prise de pouvoir de Pinochet, le documentaire bénéficie surtout d'un tournage effectué sur près de dix ans, des prémisses du processus de paix à ses premiers bilans. Le temps long, luxe accordé par la productrice Annie Gonzalez, permet ainsi de mesurer l'évolution dans le temps des analyses des protagonistes.
Le film est assez long (2h20). Alors certes il n'épuise pas pour autant les angles possibles, mais donne un éclairage essentiel qui comble les lacunes et les partis pris des médias occidentaux dominants. Pierre Carles, par ailleurs travaillé de longue date par la question médiatique, abordée de "Pas vu, pas pris" à "Fin de concession", livre un matériau qui s'inscrit dans une sorte d'alternative à ces traitements.
Le résultat ne donne pas l'illusion d'une fausse neutralité, mais, contrairement à un Michael Moore, qui use parfois dans ses démonstrations des mêmes procédés de recherche émotionnelle à tout prix que les médias dominants, Pierre Carles assume une démarche située, mais sans asséner aux spectateurs et spectatrices une doxa clé en mains, et en incluant des questionnements réflexifs sur le film en train de se fabriquer (comme c'était déjà le cas lors de précédents documentaires, et ce depuis longtemps, qu'on se souvienne par exemple de la séquence avec le psy Jean-Paul Abribat dans "Enfin pris ?").