Ceci n'est pas une critique, mais plutôt un commentaire à chaud.
Je suis en train de rattraper les premiers films de Guédiguian, ceux réalisés dans les années 1980, que je n'avais jamais vus. "Dernier été", co-réalisé avec Frank Le Wita, filmé au présent, était déjà pas mal, d'intensité variable, mais avait le mérite de donner vie à des personnages qui avaient peu accès aux premiers rôles dans le cinéma français dominant de l'époque.
Toujours est-il que j'ai été surpris par la très bonne tenue de ce deuxième film, que Robert Guédiguian réalise seul (comme tous les autres qui suivront). Il surprend par son ambition : une grande fresque racontant les affres de plusieurs générations d'ouvriers et d'immigrés italiens, courant sur plusieurs générations, des années 1930 aux années 1970.
Malgré (ou grâce à ?) des moyens modestes (visuellement on ne voit pas trop les personnages vieillir), on est embarqué dans cette histoire là, vue de cette position là. Il faut dire que Robert Guédiguian sait regarder ses personnages, et que la composition des plans est déjà admirable.
Du coup, ça interroge sur la réception critique, celle-ci commencera à vraiment s'intéresser au cinéaste et à le soutenir au milieu des années 1990, avec "A la vie, à la mort", et surtout "Marius et Jeannette", qui sera en outre plébiscité par le public.
Pourquoi "Rouge midi" a t-il si peu défrayé la chronique ? Par sa diffusion probablement réduite (en dehors de Paris et Marseille) ? Par son point de vue engagé, même si on ne voit aucun drapeau rouge dans le film (par exemple, à cette époque, Sautet et Téchiné, dont j'aime aussi les films, représentent plutôt des personnages qui ont tendance à penser appartenir à une "classe moyenne" que la société de consommation aurait créée) ? Si Robert Guédiguian avait représenté un autre milieu, avec de plus gros moyens ou des interprètes plus connus pour l'époque, sa mise en scène, classique mais nullement académique, aurait-t-elle été davantage remarquée ? Après tout, on peut penser que le film dialogue avec le "Toni" de Jean Renoir...
En tout cas j'ai été agréablement surpris par la forme, je croyais que Guédiguian avait dû tourner plusieurs films pour s'exercer et progresser en tant que cinéaste. Ce n'est peut-être pas complètement faux, mais il y a déjà du talent ici.
Mais il faut être honnête : découvrir ses films aujourd'hui, en connaissant une bonne partie de son oeuvre future, n'est évidemment pas le même exercice que les découvrir à l'époque. Il faut reconnaître que l'émotion que l'on ressent à visionner "Rouge midi" aujourd'hui est enrichie de ce que l'on sait déjà de l'univers de Guédiguian (on sent même poindre une part autobiographique dans le trajet effectué par le scénario), et bien sûr du plaisir des retrouvailles avec sa troupe (Ariane Ascaride et Gérard Meylan, présents dès "Dernier été", mais aussi, dans des petits rôles, Pierre Banderet, Frédérique Bonnal ou Jacques Boudet).
A suivre...