Résumons-nous : Yasujiro Ozu
Bon, mon Top 25 Réalisateur aurait fait une liste trop longue (car pour entrer dans ce panthéon-là, tous les films comptent !) Le voilà d'est en ouest, en 26 morceaux - de choix !
Kurosawa : http://bit.ly/f2iXp0
Ozu
Imamura : http://bit.ly/eZEFsn
26 films
créée il y a presque 14 ans · modifiée il y a environ 6 ansDernier caprice (1961)
Kohayagawa-ke no aki
1 h 43 min. Sortie : 27 janvier 1982 (France). Comédie dramatique
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 10/10.
Bonjour (1959)
Ohayô
1 h 30 min. Sortie : 12 mai 1959 (Japon). Comédie
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 9/10.
Fleurs d'équinoxe (1958)
Higanbana
1 h 58 min. Sortie : 7 février 1958 (Japon). Comédie dramatique
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
CRITIQUE INSIDE ↓
Le Goût du saké (1962)
Sanma no aji
1 h 53 min. Sortie : 6 décembre 1978 (France). Drame
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 9/10.
Fin d'automne (1960)
Akibiyori
2 h 08 min. Sortie : 13 novembre 1960 (Japon). Comédie, Drame
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
CRITIQUE INSIDE ↓
Printemps tardif (1949)
Banshun
1 h 48 min. Sortie : 19 janvier 1994 (France). Drame
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
CRITIQUE INSIDE ↓
Récit d'un propriétaire (1947)
Nagaya shinshiroku
1 h 12 min. Sortie : 8 juillet 1992 (France). Comédie dramatique
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 9/10.
Annotation :
Ozu, après cinq ans sans tourner, continue en revenant de la guerre ses variations autour de la vie quotidienne d’un quartier, et des rapports jeunes enfants/adultes, mais même dans la continuité il parvient à se renouveler avec une maestria qui confine au génie. Alors que le film est plié en 71 minutes, il est d’une richesse et d’une variété d’émotions proprement hallucinante. Chaque séquence est une petite merveille en elle-même, et l’ensemble forme une marqueterie dont la splendeur n’égale que la modestie. On dirait qu’Ozu s’amuse à prendre l’histoire la plus simple et la plus rabattue qui soit- un enfant abandonné et une vieille acariâtre qui vont s’apprivoiser - pour se challenger lui-même, se forcer à trouver les gestes, les non-dits, les détours qui vont alpaguer le spectateur et le rendre co-constructeur de ce petit miracle fragile comme une flamme de bougie. Le plus fou, c’est peut-être à quel point cette maîtrise se conjugue à un lâcher prise total : le réalisateur n’est qu’un médium, qu’un filtre, comme si son devoir était d’effacer toute démarche trop volontariste pour que puisse naître sous nos yeux des personnages de chair et de sang.
[ un grand big up, tout de même à Donald Richie à qui on doit le titre anglais que tout le reste du monde a suivi sans se demander pourquoi appeler Récit d’un Propriétaire un film où il n’est absolument jamais question d’un quelconque propriétaire. Il a fini par avouer qu’à l’époque il ne maitrisait pas bien les kanjis et qu’il avait cru bon de décomposer 長屋紳士録 en 長屋 / 紳士/ 録. Effectivement 紳士 signifie propriétaire et par suite 長屋 紳士 devient "propriétaire d’une maison longue" (長屋 étant ces grandes maisons typiquement japonaises, basses et alignées face à face en un vis à vis assez direct). Reste 録 qui peut se comprendre comme récit, même si en réalité il n'existe pas en kanji isolé. Oui mais mon petit Donald, en fait quand on ne sait pas mieux vaut demander ! On t'aurait dit que la vrai lecture était 長屋 / 紳士録 et là ça change tout, puisque le deuxième mot - shinshiroku - n’est rien d’autre qu’un annuaire, un who’s who, et qu’ainsi le titre devient Annuaire des maisons longues, façon poétique de souligner l’aspect choral et social d’une histoire pourtant très centrée sur l’anecdote centrale]
Été précoce (1951)
Bakushu
2 h 04 min. Sortie : 9 février 1994 (France). Drame
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 9/10.
Annotation :
Plans longs, immobiles, répétitions, lenteur… oh, ne vous y fiez pas, derrière cet aspect toujours lisse et anodin, les films d’Ozu peuvent se révéler de terribles pièges. Et tous les chasseurs vous le diront : c’est l’animal qui se croit en sécurité que l’on attrape le plus facilement ! Ainsi de cet étonnant Eté précoce, qui s’attache au quotidien de la - nombreuse - famille Mamiya alors qu’à vrai dire rien ne s’y passe de très extraordinaire. Autour du très sérieux Koichi, médecin à l’hopital, cohabitent dans la bonne humeur ses deux parents, sa soeur Noriko, sa femme, et ses deux bambins boudeurs et capricieux. Cercle familial qui s’étend de temps en temps jusqu’aux voisins (un fils veuf, sa mère et sa petite fille), à la meilleure amie de Noriko, à la mère de cette meilleure amie, au patron rigolard qui semble en pincer pour la meilleure amie… Une histoire ? très vaguement, et puis toujours la même : tout le monde s’étonne de ce que Noriko ne soit pas mariée, sauf elle, qui n’en a cure. On finirait presque par l’oublier, tout au plaisir de voir les personnages interagir et se houspiller, rire ensemble et manger, entrer dans des pièces et en sortir… Jusqu’à ce qu’au détour d’une phrase, au bout d’1H30 alors que le film pouvait aussi bien s’arrêter, tout soudain bascule. Sans meurtre, sans drame, sans accident. Non non, Ozu n’a même pas besoin de ce genre d’expédient. Une question, une réponse, et toute la tapisserie va aller s’effilochant, très doucement. Un simple mot, et les cartes seront rebattues, à jamais. Un virage à 180° qu’on n’avait non seulement pas vu venir, mais qui soudain donne à toutes ces journées qui viennent de s’écouler sous nos yeux comme un goût d’éternité.
[quant au titre 麦秋, la version française est un peu une facilité, mais avouons qu’il n’était pas facile à traduire. En effet 麦 c’est l’orge, ou le blé, ou la céréale et 秋 c’est l’automne. Mis ensemble les deux kanjis signifient le moment de la récolte, mais comme l’orge se récolte plutôt en été, on a ainsi (l’automne de l’orge) un jeu sur les faux semblants doublé d’une évocation du moment particulier où les champs verts soudain deviennent vides et désolés.]
Herbes flottantes (1959)
Ukikusa
1 h 59 min. Sortie : 17 novembre 1959 (Japon). Drame
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 8/10.
Choeur de Tokyo (1931)
Tôkyô no kôrasu
1 h 30 min. Sortie : 15 août 1931 (Japon). Drame, Muet
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Sur une intrigue minimale - un jeune employé père de famille (l’extraordinaire Tokihiko Okawa, mort trois ans plus tard à 30 ans) perd son travail pour avoir pris la défense d’un de ses collègues - Ozu parvient à tricoter un film d’une grâce absolue où chaque détail, chaque geste, chaque regard est soudain d’une intensité et d’une vérité incroyable. Nul besoin de rebondissements tragiques ou d’événements incroyables (puisque même quand un ours s’échappe d’une ménagerie la seule conclusion du héros est « cette affaire ne nous regarde absolument pas »), tout réside ici dans les rapports humains les plus ténus, filmés avec attention et bienveillance, à la distance parfaite. Seul hic : il n’y a pas Chishu Ryu ! Mais par contre c’est l’occasion de voir une Hideko Takamine méconnaissable… et pour cause : elle a à peine 7 ans !
Gosses de Tokyo (1932)
Otona no miru ehon - Umarete wa mita keredo
1 h 31 min. Sortie : 3 juin 1932 (Japon). Comédie dramatique, Muet
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Le film commence comme une chronique guillerette racontant le quotidien de deux jeunes frères d’une dizaine d’années qui viennent de déménager dans un nouveau quartier avec leurs parents, et puis par un twist scénaristique (via la projection d’un film - tiens tiens - où les enfants voient leur père sous un jour incongru) tous les fils jusque là noyés dans la narration se resserre pour déboucher sur une leçon de vie aussi forte qu’inattendue. Ozu manie comme personne le charme - au sens courant comme au sens fort : c’est un magicien, qui envoute son spectateur et l’emmène très loin, l’air de rien. Il a ce génie de savoir mêler comme personne le formalisme le plus rigoureux et l’observation quasi documentaire, atteignant à la vérité grâce au carcan du style.
[à noter que dès le titre original l’humour pince sans rire est au rendez-vous : « Un livre d’image pour adulte - Nous sommes nés, mais… » qui fait référence à deux de ses précédents films : « j’ai été diplômé, mais… » et « j’ai été recalé, mais… »]
Une auberge à Tokyo (1935)
Tôkyô no yado
1 h 20 min. Sortie : 21 novembre 1935 (France). Drame, Muet
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Ozu aime mettre de la facétie à l’intérieur de ses films, mais il s’amuse tout autant à jouer avec ses films eux-même, façon trois petits chats, chapeau de paille. Ainsi le héros d’Auberge à Tokyo est ouvrier comme celui de Coeurs capricieux, mais cette fois chômeur comme celui de Choeur de Tokyo. D’ailleurs il s’appelle Kihachi, comme les héros d’Histoires d’herbes flottantes et de Coeur capricieux (c’est évidemment le même acteur qui joue les trois rôles, et pourtant il est à chaque fois méconnaissable). Il a deux enfants comme le héros de Choeur de Tokyo, mais pas une fille et un fils, deux fils - dont l’un est joué par celui qui jouait son fils dans Coeur capricieux. Deux frères donc : comme dans Gosses de Tokyo. Ici aussi une petite fille tombe malade, comme dans Choeur de Tokyo, et comme le fils de Coeur Capricieux, entrainant une nouvelle fois l’obligation de trouver de l’argent. Mais pas en l’empruntant comme dans Coeur capricieux, ni en vendant tous ses vêtements comme dans Choeur de Tokyo, mais en commettant un vol comme dans L’épouse de la Nuit. Bref, Ozu orchestre un beau bordel, où tout ce qui est pareil est différent, et tout ce qui est différent est finalement pareil. C’est ce même principe de la variation que l’on retrouve d’ailleurs à l’oeuvre dans la première partie du film, longue errance du père avec ses deux fils en quête d’un boulot, dans une ville qui ne ressemble plus à rien, mais où tout se ressemble. Les terrains vagues succèdent aux terrain vagues, les usines aux usines, les journées aux journées, et chaque nuit se passe dans l’auberge du titre… retour du même sans que l’ennui ou la routine ne s’installe, sur le thème : « que faire quand il n’y a rien à faire ? » . Il en ressort un poème visuel poignant, dernier hommage au cinéma muet, comme si Ozu savait qu’à partir de là, ses films aller devoir apprendre à parler.
Voyage à Tokyo (1953)
Tokyo Monogatari
2 h 16 min. Sortie : 8 février 1978 (France). Drame
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 8/10.
Où sont les rêves de jeunesse ? (1932)
Seishun no yume ima izuko
1 h 32 min. Sortie : 13 octobre 1932 (Japon). Comédie dramatique, Muet
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Le titre est nettement plus grandiloquent que le contenu, heureusement ! Ozu qui a à peine 29 ans au moment du tournage se penche sur un groupe de jeunes gens en pleine transition, entre les derniers mois de leur scolarité et les premiers de la vie active. On suit surtout la trajectoire de Tetsuo, fils d’un riche industriel, traversant la vie avec insouciance et bonne humeur. Mais la palette du maître est déjà étonnante de nuance, et au fil des scènes toujours très quotidiennes se dessinent peu à peu comme des ombres plus marqués accompagnant, sotte voce, la fin de l’enfance et l’entrée dans l’âge adulte
Les Sœurs Munakata (1950)
Munekata kyôdai
1 h 52 min. Sortie : 25 octobre 2023 (France). Drame
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Passant par une gamme étonnement étendue de sentiments, de l’humeur la plus noire à la fantaisie la plus débridée, ce film souvent un peu délaissé est pourtant loin d’être mineur. Le scénario, faussement simple comme d’habitude, s’amuse à mettre le spectateur dans un état d’incertitude permanente, notamment grâce à l’extraordinaire Hideki Takamine, jeune fille aussi moderne et folâtre que sa soeur aînée est sage et traditionnelle. Mais la dissonance de cette paire-là n’est qu’apparente, et va servir de base à Ozu pour toute une série d’accord - de tierce, de quarte, de quinte, qui se conclue au bout de plusieurs revirements subtils en un final d’une très douce cruauté, ou d'une très cruelle douceur.
[ et donc là, les traducteurs se sont dit : ok, la famille s'appelle Munekata, mais nous on n'aime pas, on va plutôt mettre Munakata, trois "a" ça sonne mieux ?]
Printemps précoce (1956)
Sôshun
2 h 24 min. Sortie : 29 janvier 1956 (Japon). Drame
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Finalement, Ozu aurait peut-être aimé vivre à notre époque. Oh je veux dire audiovisuellement parlant, non parce que pour le reste faudrait être maso. Disons qu’il aurait pris un pied fou à faire une série, une saga familiale interminable et ramifiée à plaisir. Si son oeuvre complet fonctionne sur le système de variations autour de thèmes facilement repérables, qu’on peut relier les unes aux autres par des détails communs en une longue chaine homogène (façon shiritori, ce jeu japonais ou chacun doit dire un mot commençant par la syllabe du mot enoncé par le joueur précédent), Printemps tardif, lui, prend plutôt comme principe un certain rhyzomage interne, si on peut oser l’expression. La densité d’un feuilleton mais ramassée en un seul épisode, où l’on suit en parallèle le couple principal (en crise, évidement, mais larvée) et tous ceux qui gravitent autour, en cercles concentriques allant croissant : la mère, la voisine, les amis, les collègues. La majorité des fils reliant tous ces personnages - on dirait un mobile qui tourne au vent - ont pour point commun la vie amoureuse (plutôt que les soucis familiaux, pour une fois), et Ozu en pointilliste achevé parvient avec art consommé de la fugue à ne pas perdre le spectateur dans ce puzzle narratif, où chaque pièce a l’élégance d’être là pour sa beauté plutôt que pour son utilité.
Crépuscule à Tokyo (1957)
Tôkyô boshoku
2 h 20 min. Sortie : juillet 1994 (France). Drame
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
et crépuscule sur le dispositif Ozu/Noda par la même occasion, puisque le duo s’essaye cette fois à pousser les manettes à fond côté mélo. On a tellement l’habitude des mini-drames qu’ils aiment à scruter de tous les cotés, qu’on est un peu bousculé par la radicalité des événements qui secouent le film : mère qui abandonne ses enfants, grossesse non désirée, désespoir conjugal, suicide, c’est bien la première fois que le réalisateur nous amène dans un commissariat ou une clinique d’avortement. Et pourtant, le fascinant dans l’affaire, c’est que pour affronter ces tempêtes émotionnelles, Ozu ne change en rien son sacro-saint dispositif de mise en scène : musiques guillerettes dans les bars, plus tristes dans les appartements, plans d’installation sur des enseignes ou des trains, des façades ou des rues, champs contre champs obstinés pour les dialogues : le moule est le même, comme pour délivrer un réconfort formel au monde en ébullition qui risque à chaque instant de déborder.
La Dame, qu'a-t-elle oublié ? (1937)
Shukujo wa nani o wasureta ka
1 h 12 min. Sortie : 3 mars 1937 (Japon). Comédie
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Pour son deuxième film parlant, Ozu change de registre et s’aventure dans la comédie de moeurs avec cette charmante pochade autour d’un couple qui reçoit pour quelques jours une nièce délurée d’Osaka. L’occasion de croquer quelques portraits bien sentis - la femme tyrannique, le mari un peu lâche, les copines pestes, l’étudiant timide - dans un Tokyo en pleine mutation sociale. C’est enlevé et amusant, et bien sûr à la fin personne ne saura qui a oublié quoi où.
Cœur capricieux (1933)
Dekigokoro
1 h 40 min. Sortie : 7 septembre 1933 (Japon). Comédie dramatique, Muet
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Première incursion d’Ozu dans le monde des ouvriers et des très pauvres, après une longue série de films plus centrés sur les gangsters, les étudiants, ou les employés de bureau. Le film s’attache au quotidien de Kihachi, père célibataire qui préfère boire et draguer plutôt que d’élever son fils ou aller à l’usine, un éternel farceur fuyant les responsabilités, un loser apparement sans grande envergure. Mais échappant au moralisme, au misérabilisme et aux stéréotypes, Ozu filme ses personnages de plain pied, sans arrière pensée. Il les regarde vivre, se tromper, hésiter, oublier, se griffer, se sourire, et le miracle opère : de personnage insupportable, Kihachi devient attachant et émouvant. Un homme, tout simplement.
Une femme dans le vent (1948)
Kaze no naka no mendori
1 h 24 min. Sortie : 25 octobre 2023 (France). Drame
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
ça pourrait frôler parfois le mélo ou le pensum moralisateur, mais Ozu évite l’écueil en restant au plus près des personnages, interprétés avec beaucoup de justesse et de finesse par ses comédiens. Il ne vise pas la généralité d’un propos (pourtant présent, et concernant la difficulté pour son pays de surpasser la défaite), mais les individus qui doivent composer avec. Et tout cela ne tient en dernier ressort que grâce à la réalisation impressionnante, via des cadrages et un découpage d’une intelligence époustouflante. Et puis les fameux plans vides qui seront si important pour le rythme des derniers films prennent déjà ici un essort extraordinaire. Plans vides d’humains, certes, mais remplis de sens, de temps, d’impalpable présence, ils offrent un contrepoint essentiel à l’équilibre si délicat de l’ensemble.
[à noter que le titre français, même s'il est fidèle à la lettre, peut porter à confusion : il s'agit bel et bien bien d'une gallinacée dans la bourrasque au sens propre, et pas d'une jeune délurée à la mode !]
Les Frères et Sœurs Toda (1941)
Todake no kyodai
1 h 45 min. Sortie : 1941 (France).
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Ozu rentre dans les années 40 avec une nouvelle thématique, qu’il va peut à peut développer pratiquement exclusivement : les histoires de grandes familles. Le père, la mère (ou plus souvent un seul des deux comme ici), et trois ou quatre enfants avec chacun leurs histoires de couples et d’enfants. Pour cette première incursion, pas encore d’histoire de mariage (si ce n’est dans les dernières minutes, vites et curieusement expédiées, comme pour dire : patience, ça viendra) mais comme dans le futur Voyage à Tokyo, la radiographie d’un échec ou comment les aînés s’avèrent incapable de recueillir chez eux leur mère veuve et la plus jeune de leur sœur. Une belle occasion d’entrer chez une famille à pas de loup, et à l’observer vivre et se déchirer silencieusement avec une discrétion et une politesse extrême.
Histoire d'herbes flottantes (1934)
Ukikusa Monogatari
1 h 26 min. Sortie : 23 novembre 1934 (Japon). Drame
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Quelques jours dans la vie d’une troupe théâtrale ambulante, de retour après cinq ans dans une bourgade où ils ont l’habitude d’aller depuis des décennies. Et pour cause, le patron a sur place une vieille maitresse et un fils illégitime de 18 ans qui le prend pour un simple ami de la famille.
Il est finalement assez peu sujet de théâtre dans ce film très tchekhovien : le temps y passe lentement, la faillite menace, la troupe se délite, et ce qui semble plutôt intéresser Ozu c’est le destin d’êtres déracinés qui n’ont plus de repères, vivant dans une bulle aux marges de la réalité. Si l’ensemble pour une fois pèche un peu par manque de caractérisation comme si c’était l’intention générale qui prenait le pas, reste que chaque détail, comme toujours, recèle des trésors de sensibilité. Film mélancolique sur la mélancolie : Ozu joue le jeu, un peu risqué mais assumé, de se laisser gagner par la nonchalance et l’apathie de cette troupe au bout du rouleau.
L'Épouse de la nuit (1930)
Sono yo no tsuma
1 h 05 min. Sortie : 6 juillet 1930 (Japon). Drame, Muet
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 6/10.
Annotation :
Très intriguant de voir Ozu signer un vrai polar à l’américaine. Tous les codes y sont : hold up, poursuites nocturnes dans des rues désertes, borsalinos, cigarettes qu’on allume dans la pénombre d’un taxi, et même des travelling latéraux allers-retours ! Du coup l’épouse en kimono fait un drôle d’effet (surtout que l’appartement du couple est rempli d’affiches de films occidentaux en cours de fabrication)… Habillage exotique donc, mais pour une histoire somme toute très japonaise - ah ça, les larmes coulent - et non exempte d’ironie. Même si une heure parait peut-être un peu trop long (ou trop court, mais bon Ozu a réalisé sept films cette année là, il fallait pas trainer), le résultat est plutôt chouette, grâce au sens aigu du détail qu’a en toute circonstance Ozu sama.
Le Goût du riz au thé vert (1952)
Ochazuke no aji
1 h 55 min. Sortie : 19 janvier 1994 (France). Comédie dramatique
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 6/10.
Annotation :
Le plus grand mérite d’ « Ochazuke no aji » est peut-être de faire comprendre, par ses défauts, à quel point sont extraordinaires les films d’Ozu quand ils en sont dénués. Car si cette comédie de remariage d’inspiration somme toute assez hollywoodienne n’a rien d’horrible, on est tout de même très loin de tout ce qui fait le génie du réalisateur. Comme si la morale de l’histoire (très directement assénée, dans le style : « méfions-nous des apparences, le bonheur parfois est à la portée de la main, et on s’en détourne bêtement ») prenait le pas sur l’atmosphère, sur les personnages, sur tout l’ impalpable qui normalement flotte dans l’air ozulien, la machine parait se gripper, tourner à vide. On a du mal à s’intéresser à l’épouse antipathique - elle ne l’est que pour pouvoir ne plus l’être - à ses amies, à ses tourments de bourgeoise gâtée, et lorsqu’intervient le coup de théâtre, il est trop tard, rien ne peut gommer son artificialité. On a l’impression d’un sirop trop sucré, comparé à un thé à l’infusion lente et délicate. L’art d’Ozu est celui des frontières floues, des incertitudes, des silences et des ambiguïtés. Sûrement pas de la démonstration et de l’efficacité.
Le Fils unique (1936)
Hitori musuko
1 h 27 min. Sortie : 15 septembre 1936 (Japon). Comédie dramatique
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 5/10.
Il était un père (1942)
Chichi ariki
1 h 26 min. Sortie : 29 juin 2005 (France). Drame
Film de Yasujirō Ozu
Chaiev a mis 3/10.