Vos gueules, les gueux (2022)

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Il est bien agréable, ce recueil. Pas au sens premier du terme, bien entendu : certaines nouvelles sont effrayantes, comme on pourrait s’y attendre de la part de King. D’autres, les plus réalistes, sont tragiques. Mais elles se lisent bien et, même si certaines sont moins bien construites, plus légères et superficielles, le livre possède son lot d’histoires marquantes. Et bien noires. Une fois de plus, on peut apprécier l’habileté du grand Stephen lorsqu’il s’agit de décrire certains sentiments imperceptibles de l’âme humaine, et certains traumatismes (car King est un auteur du traumatisme, en particulier enfantin ; rares sont ses personnages qui n’ont pas été écorchés vifs dans leur prime jeunesse) sur lesquels on ne parvient pas forcément à mettre le doigt en temps normal. Ces petites descriptions, d’une grande justesse, reviennent à intervalles réguliers et sont la principale source de notre peur. Car après tout, puisque les sensations qu’on nous donne à lire sont si réalistes, pourquoi les monstres ne seraient pas aussi ?

Mes préférées : Celui qui garde le ver, La presseuse, Le croquemitaine, Matière grise, Cours, Jimmy, cours, La corniche, Les enfants du maïs, Le dernier barreau de l’échelle

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Peu de choses à dire en ce moment, et peu de temps pour les écrire. Notons tout de même que ma traduction assez plate (celle de Victor Liona) ne m'a pas empêchée de goûter ce roman qui, comme bon nombre d'ouvrages américains du XXe siècle, est consacré à la démolition de l'American Dream et de ses illusions dévastatrices. Le tout, sur un sérieux fond de lutte des classes avec, comme le disait Victor Hugo "d'un côté l'envie, de l'autre le dédain", et où les pauvres aspirant au faste et à la grandeur se font toujours broyer par une classe dominante qui n'a aucune envie de leur donner un ticket d'entrée. Aller aux fêtes des parvenus et profiter de leur champagne, oui. Coucher avec eux, à la rigueur. Mais les considérer comme des égaux, surtout pas ! Et c'est ainsi qu'après avoir fait entrevoir à quelques défavorisés la lumière de la réussite, et après qu'ils se soient bien aveuglés avec cette dernière, on les rejette plus bas que terre. On les tue, même. Un darwinisme social commencé avec l'arrivée des premiers pionniers d'Amérique et qui, même une fois le pays parvenu à la civilisation, ne cesse de se perpétuer. Ajoutons à cela l'aspect historique noirâtre, l'ombre d'une guerre encore proche et que l'on s'efforce d'oublier dans le luxe et les fêtes, et le compte est bon : "Gatsby" est sombre, pessimiste, et ne se fait guère d'illusions. Les instants de bonheur décrits y sont éphémères, et ses personnages disparaissent les uns après les autres (ils meurent, ou bien ils fuient), donnant aux dernières pages une allure de manoir hanté par les victimes de l'une Amérique post-Grande Guerre prétendument triomphante. Un bon prélude à la Grande Dépression.