Apprenons à écrire un best-seller avec Murakami !

Apprenons à écrire un best-seller avec Murakami !

Pour décrire physiquement un personnage, énumérez les marques de ses vêtements et accessoires.
Pour paraître profond, glissez des aphorismes piochés au hasard sur des blogs d'adolescents ou sur les réseaux sociaux. Par exemple : *pour aimer les autres, il faut d'abord s'aimer soi-même*, ou encore :  *"La ligne qui sépare la réalité de l’hypothèse n’est généralement pas visible pour les yeux ; on ne la voit qu’avec le cœur"*. N'ayez jamais peur de faire de la philosophie de comptoir (réflexions débiles sur les gènes), quitte à utiliser l'argument d'autorité pour vous rendre plus crédible ("là où il y a de la lumière, il y a nécessairement de l'ombre, là où il y a de l'ombre, il y a nécessairement de la lumière, Carl G. Jung a expliqué ces choses-là dans un de ses livres").
Pour donner l'impression d'avoir travaillé la psychologie des personnages, astreignez les à des mécanismes para-psychanalytiques grossiers. Il faut que même votre lecteur le moins futé soit capable de les identifier : gardez toujours à l'esprit que vous devez toucher un public le plus large possible. 
Distillez les informations au compte goutte et, si vous avez plusieurs héros, changez de point de vue le plus souvent possible (narration alternée) pour bourrer votre livre de cliffhangers. Cela fera de votre livre un puissant page-turner, et le lecteur dévorera votre livre, ce qui lui donnera l'impression de l'apprécier.
Pour que les critiques qualifient votre livre de sulfureux, il suffit d'écrire quelques scènes de sexe qui paraîtront transgressives même si à notre époque elles ne transgressent strictement rien, ainsi vous créerez l'illusion d'être insolent en combattant des interdits imaginaires. 
Décrivez des univers qui font fantasmer les gens et collez parfaitement à tous leurs préjugés pour les infantiliser et les caresser dans le sens du poil (d'après Komatsu, le monde de la critique et des maisons d'éditions est peuplé de vieux hypocrites mesquins et étroits d'esprit, etc.). Faites le, même si vous ne connaissez rien à l'univers en question, et, dans ce cas, n'ayez pas peur d'écrire quelques aberrations ("en maths, ce qui n'est pas démontré n'a pas de sens",  le prof de maths de prépa qui ne semble pas comprendre que séries et intégrales sont essentiellement un même concept), de toute façon vos lecteurs ne remarqueront rien puisqu'ils n'y connaissent rien non plus.
Etalez votre culture (littéraire, musicale, historique ...), même si ça n'a aucun rapport avec votre histoire ; vos lecteurs auront ainsi l'impression de devenir eux aussi cultivés, et pourront briller en société.
Ecrivez un livre long d'environ  1500 pages même si vous n'avez rien à raconter ; vous pourrez ainsi diviser votre roman en plusieurs tomes afin de gagner plus d'argent, et l'on dira de votre œuvre qu'elle est une impressionnante « fresque ». N'oubliez jamais, cependant, que votre roman sera lu en diagonal, vous devez donc répéter les informations importantes une quinzaine de fois, les informations plus anecdotiques deux ou trois fois, et rester le plus explicite possible. Il ne s'agit pas d'exploiter le pouvoir de la suggestion, personne ne fera l'effort de lire entre les lignes.
Et, surtout, parlez le plus souvent possible des testicules de votre héros ou des seins de votre héroïne.