Le dangereux appel de la Littérature
Le XIXème siècle a inventé le concept de roman fleuve. Ici je pense que l’on peut carrément parler de roman torrent. Ou alors de plusieurs fleuves qui se rejoindraient au détour de je ne sais quelle embouchure pour former le plus grand des fleuves, l’Amazone par exemple, parce que c’est à peu de choses près de cette façon que l’intrigue est construite : les différentes parties du roman s’entrecroisent et se superposent mais plutôt que de s’imbriquer, elles s’égarent dans un flou anecdotique sans équivalent dans l’Histoire de la littérature.
Dans ce flou, dégager le fil conducteur qui relie les 5 parties entre elles relève parfois du défi tant les fausses pistes et autres informations parasites gangrènent l’œuvre jusque dans ses tréfonds les plus obscurs…
Mes propos peuvent paraître critique, mais en réalité ils sont très élogieux : jamais encore je n’avais lu un livre m’ayant tenu en haleine durant près de 1500 pages, sans avoir la moindre idée de l’endroit où celui-ci m’emmenait. Quel autre écrivain serait capable de décrire pendant plusieurs centaines de pages, des scènes de crimes toutes plus écœurantes les unes que les autres, sans que l’envie de fermer son livre d’un coup sec ne saisisse le lecteur ?
2666 intrigue : « Le style était curieux, l’écriture était claire et parfois même transparente, mais la manière dont les épisodes se suivaient ne menait nulle part. »
Aucune réponse, aucune certitude… Serait-ce parce que Roberto Bolano avait décidé que son œuvre serait à l’image de la réalité : dépourvue d’un sens global prédéfini et définitif ? Comment savoir…