J'ai découvert dans ce roman un pan de l'Histoire de la deuxième guerre dont même mes cours sur le sujet ne m'auront instruite. Un sujet si tabou que même le nom ne se retrouve pas dans le livre. On vous parlera d''eux", cette "engeance" encore plus mal vue encore que les juifs, ces "invertis" qui sont la honte suprême allemande. On vous parlera de ses hommes, dont la seule faute est d'avoir aimé d'autres hommes. Et de la manière qu'on les a humiliés, répudiés, puis assassinés. Ils portaient le triangle rose, le "pire de tous les triangles" que portaient les prisonniers des camps de travail.


Résumé maison: Ce roman relate l'histoire de Michael, canadien habitant la Nouvelle-Écosse, qui fut obligé de renouer avec ses racines allemandes lorsque sa famille l'expédie à Berlin pour prendre soin de sa grand-mère, en 1932. Il fait alors une incursion dans une Allemagne défaite, grande perdante de la guerre 14-18. Mais c'est sans compter l'arrivé au pouvoir d'un dictateur charismatique qui promet de redonner la gloire à la patrie. Entre-temps, le jeune Michael est un peu au-dessous de tout ça, occupé surtout à se chercher. Il fraye avec des gens originaux, certains même marginaux, constate que le pays de radicalise et que de nouvelles règles et dogmes viennent gérer une population au cœur gangréné par la peur et les préjugés. Il se marie, tente de trouver sa place, mais Michael est continuellement celui qui se fait mener par les autres. Il tombe sous le charme de Jan, jeune et beau prostitué dont le charme n'a d'égal que sa cruauté. Quand les tentions sociales s'accentue et que la guerre est imminente, l'ostracisation des minorité ( Juifs, communauté gay, étrangers, handicapés) se fait encore plus sentir, Michael pourrait bien tout perdre pour assurer la sécurité de Jan, même si ce dernier démontre clairement qu'il n'est pas intéressé.


J'ai eu un peu de mal au début à m'insérer dans l'histoire, car la manière de l'auteur de jouer avec les dialogues m,a un peu confondue. Par contre, une fois passé le cap de la vie tranquille pour entrer dans le vif de la guerre, on se s’ennuie pas et l'horreur s'accumule alors lourdement. Plusieurs vérités choquantes et coup de massue attendent au final au détour d’une phrase, l'auteur sait bien amener ses "punchs". J'ai aimé être en sol allemand, car si j'ai bien lu plusieurs romans sur la deuxième grande guerre, on est rarement de côté des allemands. Là, en pleins Berlin, on suit le peuple, qui connait une montée progressive de patriotisme et de fierté, doublé d'une colère et d'un désir de changement, qui ultimement seront le terreau fertile de l'antisémistisme et de toute leur mépris de la différence qu'on leur connait. Bien sur, relativisons, cela ne concerne pas tous les allemands. Mais dans la famille mondaine et "allemande de souche" et le milieu social de Michael, la radicalisions est spectaculaire. En parallèle, dans le "Berlin sous-terrain", les laissés pour contre et les différents luttent pour leur survie. C'est un monde bipolaire qui devient rapidement terrifiant et où la déshumanisation prend alors plusieurs formes.


Michael est un jeune homme "mou", qui derrière des airs souvent abattus, cache une quête existentielle permanente ou du moins, son identité sexuelle réprimée donne cette impression. Au contraire, Jan est extravertis, se cache derrière une armure contre toute intrusion sentimentale et vend son corps sans honte. Il ne cache pas ses "tendances". On a donc deux personnages importants aux antipodes l'un de l'autre. Les mots "amour" et "homosexuel" n'apparaissent pas du tout dans le livre et cela traduit tout le malêtre derrière la condition gay de cette époque, à mon sens. C'est terriblement triste. Ni Michael ni Jan ne parviennent d'ailleurs à y mettre des mots. Mais à défaut de mots, Michael se montre persévèrent, patient, décidément trop concilient et se soumet volontiers aux quatre volontés de son exigeant ami. Parce que c'est évident que Jan a le dessus. Pourtant, tranquillement et au gré de leurs mésaventures s'opèrent des changements, souvent plus dans l'ordre de l'action que du dialogue, entre les deux hommes. Et au gré du récit, ils croisent la route d'autres infortunés, certains aussi gay, mais d'autres conditions aussi comme la déficience intellectuelle, la transsexualité et bien sur, les gens de confession juive ou sectaire.


J'aimerais bien dire qu'une certaine beauté résulte de tout ça, mais à mon sens, c'est surtout horrible. ce ne sont pas seulement les actions posées qui sont terribles, car elles ne sont au fond que la continuité des pensées, des mentalités et des préjugés alors entretenues à l'époque. Il faut comprendre que l'Allemagne, alors grande perdante d'une guerre déclenchée par l'Autriche ( la première guerre mondiale) a ensuite été économiquement très ébranlée et même lestée de certains territoires. Le moral ambiant alors très bas, tout ce qui pouvait le remonter semblait le bienvenue, surtout en appuyant sur la fierté raciale. Et c'était si facile alors de mettre tous les maux du pays sur les "indésirables", les riches juifs, les gay dépravés qui ne participaient pas à la procréation, aux "dégénérés" qui devenaient des charges, etc. On voit tout cela dans le roman.


Ce serait plus bref de dire que ce roman instruit et fait mal, comme la plupart des œuvres sur la guerre. Il y a de nombreux passages marquants qui se traduise avec une certaine poésie. Le genre de roman qu'on en peut pas oublier, assurément. Et j’ajouterais, un roman dont le sujet ne devrait jamais quitter la mémoire collective, au risque de voir pareille mentalité et comportement se traduire à nouveau. Bien que ce soit sans doute le cas dans certains endroits du monde.


"Aimer" ne devrait pas être un sentiment condamnable.

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le 2 juil. 2020

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Shaynning

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